ENGIe : Unité d’injection de biométhane à Mortagne-sur-Sèvre.

Du neuf dans le biogaz, clé de voûte de l’économie circulaire

Dossier : Gaz et transition énergétiqueMagazine N°725 Mai 2017
Par François-Xavier DUGRIPON

La pro­duc­tion indus­trielle du biogaz reste mar­ginale, hormis en Alle­magne et en Chine. Un des obsta­cles reste le coût de pro­duc­tion. L’évo­lu­tion en cours porte soit sur des nich­es, soit sur des solu­tions de petite taille pilotées numérique­ment et qui per­me­t­tent de val­oris­er soi-même ses déchets organiques. 

Jusqu’à présent, la cap­ta­tion du biogaz pro­duit naturelle­ment par la décom­po­si­tion de la matière organique ou sa pro­duc­tion dans des diges­teurs sont restées mar­ginales dans le mix énergétique. 

L’Allemagne et la Chine font excep­tion, avec pour la pre­mière env­i­ron 9 000 méthaniseurs de taille semi-indus­trielle (650 kWe en moyenne) qui pro­duisent env­i­ron 6 % de l’électricité du pays et pour la sec­onde 40 mil­lions de microméthaniseurs dans des fer­mes famil­iales et aus­si près de 30 000 méthaniseurs de taille industrielle. 

REPÈRES

Si nous avons eu tendance depuis deux siècles à favoriser la combustion à la fois pour son efficacité énergétique et du fait de l’abondance des combustibles fossiles, les projections énergétiques que nous imaginons pour le futur sont proches de ce que la nature nous montre : un mix de photovoltaïque, de combustion de biomasse et bien sûr de fermentation de matière organique

UN AVENIR INCERTAIN

Ces excep­tions ont visé la mobil­i­sa­tion du prin­ci­pal gise­ment de biogaz en vol­ume, à savoir les lisiers et les pro­duc­tions agri­coles. Mais elles ont un avenir incer­tain et n’ont pas fait école. 

Elles se heur­tent en effet à trois obsta­cles majeurs : 

“ Le coût de production du biométhane est de 3 à 4 fois le prix du gaz naturel ”
  • le manque d’acceptabilité sociale pour mobilis­er une pro­duc­tion agri­cole à des fins énergétiques ; 
  • la maîtrise tech­nique du méthaniseur dans la durée qui reste per­fectible (1 acci­dent par semaine et seule­ment 6 500 heures de fonc­tion­nement en moyenne en Alle­magne après quinze ans de développement) ; 
  • enfin, une absence de com­péti­tiv­ité de la pro­duc­tion du biogaz pour une util­i­sa­tion énergétique. 

Le coût de pro­duc­tion du bio­méthane (biogaz épuré) varie de 50 à 80 €/MWh selon les con­traintes régle­men­taires et la taille des instal­la­tions en Europe, soit 3 à 4 fois le prix du gaz naturel ; pour la bioélec­tric­ité (cogénérée avec du biogaz), le coût varie de 80 à 150 €/MWhe, ce qui est plus élevé que les coûts aujourd’hui démon­trés par les autres EnR, certes inter­mit­tentes, mais aus­si sans con­trainte finan­cière et logis­tique pour l’approvisionnement et sans incer­ti­tude d’exploitation.

NOUVEAUX MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT

De nou­veaux busi­ness mod­els appa­rais­sent, qui utilisent la tech­nolo­gie biogaz pour une créa­tion de valeur prin­ci­pale dif­férente de la pro­duc­tion d’énergie. Il n’y a pas de cas général, mais des nich­es pour lesquelles ces mod­èles sont viables. 

VALORISER LE CO2

La valorisation du CO2 est un autre exemple d’innovation. Ainsi Engie a développé en coopération avec EBA (European Biogas Association) et deux partenaires non gouvernementaux un outil de calcul qui prépare la voie à une valorisation de la réduction de CO2 permise par un méthaniseur.
Le revenu généré par l’économie de CO2 serait égal au revenu de l’électricité cogénérée avec le biogaz vendue à un prix de 50 €/MWh.

La val­ori­sa­tion du lac­tosérum, com­muné­ment appelé petit-lait, sous-pro­duit de l’industrie fro­magère, est un pre­mier exem­ple. La crois­sance de la pro­duc­tion est con­tin­ue, d’environ 5 % par an selon la FAO. Une fro­magerie de taille moyenne, celle qui pro­duit de l’AOC, ne peut pas rejeter ce sous-pro­duit très chargé en matière organique dans l’environnement.

Seules des instal­la­tions de séchage, de taille indus­trielle, avaient une solu­tion pour récupér­er les pro­téines du lait dont la valeur nutri­tive est très élevée, mais au prix d’une con­som­ma­tion énergé­tique élevée. La méthani­sa­tion cou­plée à des tech­nolo­gies d’ultrafiltration per­met aujourd’hui de sépar­er les pro­téines et d’approvisionner la fro­magerie en énergie verte. 

Le revenu généré par les pro­téines est 5 à 10 fois supérieur à celui généré par la val­ori­sa­tion énergé­tique. Ce type de solu­tion per­met de faire prospér­er des PME dans la fro­magerie à côté d’acteurs de taille industrielle. 

DES MÉTHANISEURS PLUS COMPÉTITIFS

Les inno­va­tions tech­nologiques vont per­me­t­tre d’améliorer la com­péti­tiv­ité des méthaniseurs. Le pre­mier exem­ple est le développe­ment de la métha­na­tion. Il s’agit d’ajouter une étape sup­plé­men­taire à la méthani­sa­tion et de com­bin­er de l’hydrogène avec le CO2 issu du méthaniseur. 

“ Il faut s’attendre à une industrialisation de la production du biogaz dans les prochaines années ”

La méthani­sa­tion clas­sique de la bio­masse pro­duit 50 % de méthane et 45 % de CO2. Dans la méthani­sa­tion opti­misée, on injecte de l’hydrogène obtenu par élec­trol­yse. L’hydrogène se com­bine avec le CO2 et il ne reste que 5 % de ce gaz. 

On peut porter la teneur en CH4 à 90 % et ain­si dou­bler la con­ver­sion car­bone de l’installation. Autre avan­tage : cela per­met de stock­er l’énergie pho­to­voltaïque ou éoli­enne excédentaire. 


Pre­mière unité d’injection de bio­méthane dans l’Ouest à Mortagne-sur-Sèvre. © ENGIE / SIPA PRESS / SALOM-GOMIS SEBASTIEN

CHANGEMENT D’ÉCHELLE

L’innovation tech­nologique entraîne aus­si l’émergence de solu­tions de petite taille, pilotées numérique­ment et con­tainérisées. Plus d’une cen­taine d’acteurs sont aujourd’hui en com­péti­tion sur ce nou­veau type d’offre.

Les marchés visés sont soit les sites ter­ti­aires qui veu­lent val­oris­er les déchets de restau­ra­tion, soit les sites agro-indus­triels qui n’ont pas de matière en con­tinu ou pas la taille per­ti­nente pour une méthani­sa­tion clas­sique, ou encore les agricul­teurs qui préfèrent une solu­tion à la ferme. 

Le pilotage numérique per­met de relever le défi de la com­plex­ité d’exploitation. Ces solu­tions per­me­t­tent de val­oris­er les déchets organiques de façon décen­tral­isée, avec un coût qui se rap­proche de celui des solu­tions his­toriques de traite­ment cen­tral­isé des déchets, en redonnant la valeur con­tenue dans le déchet au pro­duc­teur et, surtout, en sup­p­ri­mant les trans­ports en camion qui sont de plus en plus contestés. 

Men­tion­nons aus­si le développe­ment rapi­de de solu­tions d’épuration du biogaz et de con­di­tion­nement (liquéfaction/compression) du bio­méthane à petite échelle. Cela ouvre la voie à des offres de mobil­ité verte à par­tir des déchets organiques. 

DE NOUVELLES SOURCES DE REVENUS

Pour con­clure, il faut s’attendre à une indus­tri­al­i­sa­tion de la pro­duc­tion du biogaz dans les prochaines années poussée par la recherche d’autonomie des acteurs économiques et l’émergence de solu­tions tech­niques minia­tur­isées et pilotées à dis­tance, en rup­ture avec les sché­mas his­toriques de sub­ven­tion d’un com­plé­ment de revenu énergé­tique pour les agricul­teurs ou de traite­ment cen­tral­isé des déchets.

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