Dominique MOYEN en grand uniforme de la promotion 1957 de l'École polytechnique

Dominique MOYEN (57), l’homme qui plantait des arbres

Dossier : TrajectoiresMagazine N°733 Mars 2018Par : Thierry GAUDIN (59)

Pour que le carac­tère d’un être humain dévoile des qua­li­tés vrai­ment excep­tion­nelles, il faut avoir la bonne for­tune de pou­voir obser­ver son action pen­dant de longues années. Si cette action est dépouillée de tout égoïsme, si l’idée qui la dirige est d’une géné­ro­si­té sans exemple, s’il est abso­lu­ment cer­tain qu’elle n’a cher­ché de récom­pense nulle part et qu’au sur­plus elle ait lais­sé sur le monde des marques visibles, on est alors, sans risque d’erreurs, devant un carac­tère inoubliable. » 

C’est ain­si que Jean Gio­no com­mence son célèbre récit L’homme qui plan­tait des arbres. J’ai connu pour ma part deux cama­rades qui, en plus d’une rare intel­li­gence, attei­gnaient ce niveau de dévoue­ment. Ce sont Domi­nique Moyen, qui vient de nous quit­ter, et Yves Mar­tin, dis­pa­ru il y a quelques années, que je me per­mets d’associer à son nom. 

En effet, ils ont ensemble défi­ni et mis en œuvre une poli­tique de l’eau, celle des agences de bas­sin qui, de fran­çaise, est en train de deve­nir un modèle mondial. 

LA LOI SUR L’EAU

À par­tir de 1966, pen­dant une dizaine d’années, Domi­nique Moyen a pilo­té au niveau natio­nal la mise en place de la loi sur l’eau, pen­dant qu’Yves Mar­tin créait la pre­mière agence de bas­sin, l’agence « Artois Picardie ». 

Mal­gré les réti­cences des indus­triels devant cette nou­velle forme de para­fis­ca­li­té, ils ont tenu bon et nous pou­vons consta­ter, un demi-siècle plus tard, que cette nou­velle forme de gou­ver­nance, est très exac­te­ment ajus­tée au pro­blème à résoudre, à savoir la bonne ges­tion des cours d’eau, une ques­tion qui concerne tous les continents. 

On sait main­te­nant que la construc­tion d’agences trans­na­tio­nales est une néces­si­té, mais que la négo­cia­tion de leur construc­tion prend du temps. Domi­nique Moyen l’avait pré­vu. « L’homme qui plan­tait des arbres » tra­vaille pour l’avenir, conscient qu’il ne sera plus là lorsque les germes qu’il a plan­tés don­ne­ront tous leurs fruits. 

FORUM SOCIAL

Depuis la création de cette rubrique dans La Jaune et la Rouge en 2001, Dominique en a été un des plus constants soutiens, par ses articles, ses propositions et sa participation au groupe qui pilote la rubrique.

VINGT ANS À LA TÊTE DE L’INRS

En 1976, les six agences de bas­sin fran­çaises étant deve­nues opé­ra­tion­nelles, Domi­nique Moyen prit la direc­tion de l’Institut natio­nal de recherche et de sécu­ri­té (INRS) char­gé de la pré­ven­tion des acci­dents du tra­vail et des mala­dies pro­fes­sion­nelles, une fonc­tion qu’il a exer­cée pen­dant près de vingt ans. 

Pas­sion­né par les ques­tions d’enseignement, il a été paral­lè­le­ment pré­sident du conseil d’administration de l’École des mines de Saint-Étienne de 1991 à 1998. 

AU SECOURS DES SDF

Bien qu’il évi­tât d’importuner ses amis avec des démons­tra­tions de foi, il était pro­fon­dé­ment chré­tien. Por­ter secours à ceux que la vie a bles­sés était pour lui une voca­tion, ce qui l’a ame­né à deve­nir, de 1987 à 1995, pré­sident de l’Union cen­trale de com­mu­nau­tés Emmaüs. 

Je me sou­viens d’un soir où il a évo­qué entre amis une ques­tion dif­fi­cile : « Il y a des SDF qui meurent dans la rue, com­ment leur don­ner une sépul­ture ? » Il posait là une vraie ques­tion. Il s’agissait pour lui, non seule­ment de trou­ver une réponse, mais aus­si de pas­ser à l’action. L’absence de sépul­ture était into­lé­rable. Il a fait en sorte que les SDF en aient une… 

Homme d’une grande culture, ama­teur de poé­sie, phi­lo­sophe, Domi­nique Moyen parais­sait venir d’un autre monde, dans une socié­té mue par les ambi­tions personnelles. 

Sou­vent, à dîner, il se levait de table et allait, dans la pièce à côté, un bureau trans­for­mé en biblio­thèque avec des livres jusqu’au pla­fond, pour cher­cher la cita­tion illus­trant le mieux sa pen­sée du moment. 

C’est le der­nier sou­ve­nir que je gar­de­rai de « l’homme qui plan­tait des arbres ». Il a main­te­nant quit­té notre monde, mais il res­te­ra tou­jours pré­sent dans nos mémoires.

Commentaire

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Fran­cis Sou­lié de Morantrépondre
12 mars 2018 à 6 h 05 min

Condo­léances
Dom Moyen était mon cro­tale en pre­mière année d’X, je garde de lui le sou­ve­nir d’un homme affable et atten­tion­né, capable d’une énorme somme de travail.
Je tiens à trans­mettre à tous ses proches les sen­ti­ments de com­pas­sion de ma part ain­si que de la part des autres membres du casert.
Les années passent …
Fran­cis Sou­lié de Morant (57)

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