Dirigeants : trois mois pour transformer l’essai !

Dossier : Entreprise et managementMagazine N°608 Octobre 2005
Par Daniel COHEN

Il est éton­nant, n’est-ce pas, de con­stater que, dans toute la panoplie des actions habituelle­ment con­sacrées à la for­ma­tion et au développe­ment des dirigeants (MBA, pro­grammes de développe­ment du lead­er­ship, sémi­naires de man­age­ment, busi­ness con­ven­tions, uni­ver­sités d’en­tre­prise, coach­ing stratégique…), rares ou tar­dives sont les actions d’ac­com­pa­g­ne­ment in situ d’une nou­velle prise de poste ! Que ce soit en interne (pro­grammes de men­tor­ing ou dis­posi­tifs de guid­ance des­tinés à faire pren­dre du recul et à trans­met­tre le max­i­mum d’in­for­ma­tions per­ti­nentes et de cul­ture poli­tique et organ­i­sa­tion­nelle) ou en externe (coach­ing de la prise de fonction).

Des pré­sup­posés et des croy­ances peu­vent expli­quer ce phénomène, même s’ils ne peu­vent raisonnable­ment le jus­ti­fi­er. Ain­si, prenant le con­tre-pied de la plus évi­dente ” sagesse man­agéri­ale “, les entre­pris­es esti­ment générale­ment que, si elles ont investi autant d’ar­gent sur tel ou tel dirigeant, c’est que ce dernier doit néces­saire­ment être capa­ble de réus­sir le défi qu’on lui pro­pose ; ou bien que, s’il a réus­si for­mi­da­ble­ment ailleurs dans le même type de fonc­tion, alors il doit être en mesure de réus­sir dans sa nou­velle mis­sion ; ou bien encore, qu’un dirigeant doit plonger et faire ses preuves. S’il ne réus­sit pas, c’est qu’il n’est pas ” bon ” : autant donc s’en apercevoir rapi­de­ment plutôt que de ” cacher la mis­ère “… Son développe­ment ne sera envis­agé ” qu’après la bataille “, dans une sec­onde étape.

C’est aus­si sou­vent le dirigeant lui-même qui n’ose pas deman­der d’aide à l’or­gan­i­sa­tion, à son patron ou à ses pairs (crainte de ” per­dre la face ”), ou qui craint qu’une action d’ac­com­pa­g­ne­ment per­son­nal­isée ne nuise à sa crédi­bil­ité. En réal­ité, sa crédi­bil­ité se joue grosso modo au cours des trois pre­miers mois. Et il ne l’ac­quiert que s’il réus­sit. Et rapi­de­ment, avec ou sans aide !

En effet, plus sa péri­ode de tran­si­tion est courte, plus vite elle pro­duit les résul­tats escomp­tés, et moins les résis­tances internes sont fortes à la prise d’au­torité. L’ex­péri­ence mon­tre que les dif­férents acteurs s’in­vestis­sent alors plus pour l’aider à attein­dre ses objec­tifs. Au con­traire, plus les résul­tats tar­dent à venir, plus il lui est dif­fi­cile d’asseoir forte­ment sa crédibilité.
Dans le cadre d’une ” gou­ver­nance d’en­tre­prise ” bien com­prise, il nous appa­raît donc que cette préoc­cu­pa­tion devrait con­stituer l’une des pri­or­ités d’un con­seil de sur­veil­lance ou d’un con­seil d’ad­min­is­tra­tion. Out­re la préser­va­tion des intérêts à long terme de l’en­tre­prise, leur rôle ne con­siste-t-il pas aus­si à s’as­sur­er du rapi­de retour sur investisse­ment des nou­veaux dirigeants en place ? Si leurs attentes en la matière sont générale­ment fortes, il importe égale­ment de ne pas oubli­er que, pour d’autres raisons, les attentes de l’ensem­ble du corps social sont aus­si fortes durant cette péri­ode déli­cate de tran­si­tion. Ils veu­lent savoir où l’on va, où l’on veut aller, pourquoi et com­ment. Ils atten­dent de leur dirigeant (homme ou femme) qu’il soit clair­voy­ant, qu’il par­le clair et agisse juste : est-il capa­ble de pren­dre les déci­sions qui s’im­posent ? S’emploie-t-il à fédér­er les équipes et l’en­tre­prise sur la base de valeurs qu’il respecte lui-même ? Fait-il ce qu’il dit et dit-il ce qu’il fait ou veut faire ?

La ques­tion clé, donc, est : Com­ment aider le nou­veau dirigeant à rapi­de­ment asseoir son autorité et sa crédi­bil­ité, et à créer, le plus vite pos­si­ble, une forte valeur ajoutée ?

Notre expéri­ence nous mon­tre que les erreurs habituelle­ment com­mis­es relèvent tout d’abord, le plus souvent :

  • soit d’un manque réel d’é­coute à l’arrivée,
  • soit d’une écoute peu dis­tan­ciée, non cri­tique et non validée,
  • soit d’un excès d’é­coute et de valse-hésitation.


Dans le pre­mier cas, le dirigeant tient, en général, tout de suite à mon­tr­er qu’il sait, lui, ce qui doit être fait, et, plutôt que de s’en­quérir des attentes et des sug­ges­tions de ses équipes, il expose ” sa ” solu­tion, ” sa ” stratégie. Ce faisant, il implique indi­recte­ment que le reste de l’en­tre­prise ne sait pas. En out­re, il prive les dif­férents acteurs de l’or­gan­i­sa­tion de leur désir d’être recon­nus comme de réels con­tribu­teurs à la bonne marche ou au redresse­ment de l’en­tre­prise. Pire, en exerçant son droit de mod­i­fi­ca­tion sur les déci­sions qu’ils ont déjà pris­es, il tend à réduire leur légitim­ité et donc leur pou­voir effectif.

Dans le sec­ond cas, le dirigeant court le risque de se laiss­er influ­encer par tel ou tel baron, tel ou tel oppor­tuniste ou intri­g­ant, ou tel groupe d’in­flu­ence, sans pren­dre le temps de se con­stru­ire une véri­ta­ble conviction.

Il peut aus­si tout sim­ple­ment ne pas ques­tion­ner ni véri­fi­er sa pro­pre com­préhen­sion de ce qui lui est dit et n’en­ten­dre que ce qui l’arrange ou qui cor­re­spond à son expéri­ence passée.

Dans l’un et l’autre cas, il peut com­met­tre de grossières erreurs et pren­dre des déci­sions hâtives et regrettables.

Dans le troisième cas, il cherche telle­ment à écouter avant de se faire une idée de la sit­u­a­tion, qu’il passe son temps à deman­der aux uns et autres ce qu’ils pensent de ce que les autres dis­ent. Il accroît alors, ou crée la con­fu­sion, en con­séquence. Ce type de com­porte­ment finit rapi­de­ment par don­ner du dirigeant en ques­tion une image de non-décideur, inca­pable de se faire sa pro­pre opin­ion et de pren­dre le moin­dre risque.

Cela a ten­dance à le priv­er de l’au­torité (au sens de s’au­toris­er) qui lui est indis­pens­able pour affirmer son lead­er­ship.

Les erreurs provi­en­nent égale­ment sou­vent d’une com­préhen­sion erronée ou insuff­isante des jeux de pou­voir internes et de la cul­ture organ­i­sa­tion­nelle, avec le décalage com­porte­men­tal qui peut en découler de la part du dirigeant.

Or ce sont là des con­nais­sances qui peu­vent être organ­isées et trans­mis­es par l’en­tre­prise même, ou tout au moins par le biais d’un coach externe qui chal­lenge le dirigeant sur la justesse de ses per­cep­tions et sur ses croy­ances ” lim­i­tantes ” et qui facilite le dia­logue entre le nou­veau dirigeant et son organisation.

Il est à not­er que ces erreurs ne sont pas seule­ment pro­pres aux dirigeants en tran­si­tion recrutés à l’ex­térieur ; ces erreurs sont aus­si com­mis­es par des dirigeants issus de l’in­térieur de l’en­tre­prise, comme cet ex-directeur d’un groupe multi­na­tion­al, en charge du mar­ket­ing et du com­mer­cial groupe, et pro­mu directeur général France qui pen­sait pou­voir ” court-cir­cuiter ” (“ by-pass­er ”) les mem­bres de son équipe de direc­tion en s’ap­puyant essen­tielle­ment sur les équipes com­mer­ciales qu’il con­nais­sait bien…

En l’e­space de deux mois, ce directeur général avait per­du la con­fi­ance de son équipe de direc­tion, avec le risque de per­dre rapi­de­ment toute pos­si­bil­ité de faire adhér­er son équipe de direc­tion à ses ori­en­ta­tions. Au point qu’il pen­sait qu’il ne lui restait que deux voies : faire par­tir les mem­bres de l’équipe (ce qu’il avait com­mencé à pré­par­er) ou se soumettre…

Heureuse­ment, les pos­si­bil­ités d’ac­tion d’un nou­veau dirigeant sont beau­coup plus larges qu’on ne le pense ; à con­di­tion qu’il fasse preuve d’une cer­taine humil­ité et ait le courage de se remet­tre en ques­tion, tout en ouvrant l’e­space du dia­logue pour expliciter et faire partager ses con­vic­tions et inté­gr­er d’autres points de vue qui font sens.

Ain­si le coach­ing qu’il a entre­pris sur le con­seil de son directeur des ressources humaines lui a per­mis d’éviter de s’user à con­tr­er les actes de résis­tance active ou pas­sive. Il a su renouer la con­fi­ance, partager les nou­velles ori­en­ta­tions du groupe et enclencher les actions de redresse­ment qui s’imposaient.

La ques­tion donc, pour tout dirigeant en tran­si­tion, est : ” Par quoi je com­mence ? Quelle atti­tude adopter ? Atten­dre ou fon­cer ? S’im­pos­er d’emblée ou jouer la con­fi­ance, quand je n’ai moi-même pas encore con­fi­ance ? Couper tout de suite les mau­vais­es herbes ou atten­dre d’asseoir mon autorité d’abord ? ”

Il nous est apparu, à l’év­i­dence, qu’il man­quait à ces dirigeants un cadre de référence qui leur per­me­tte de struc­tur­er leur réflex­ion et leur action.

Aus­si, à par­tir de notre expéri­ence et de celle de nos asso­ciés du réseau inter­na­tion­al de coach­es de dirigeants ” The Glob­al Coach­ing Part­ner­ship ” : TGCP, avons-nous cher­ché à iden­ti­fi­er un mod­èle per­me­t­tant à des dirigeants en tran­si­tion d’op­ti­miser la réus­site de leur prise de fonction.

(N. B. : dans le cadre de cet arti­cle, nous ne pou­vons ici don­ner qu’une descrip­tion som­maire des grands axes du mod­èle, et traiter seule­ment quelques-unes des ques­tions évo­quées plus haut et ci-après.)

En effet, sans un mod­èle per­me­t­tant de recadr­er la réflex­ion et l’ac­tion lors d’une prise de fonc­tion, le risque de con­fu­sion peut être d’au­tant plus fort que fierté et désir de réus­sir se mêlent sou­vent à la crainte de l’échec, voire même par­fois à une cer­taine angoisse, dans des sit­u­a­tions très déli­cates. Et cela, nous l’avons tous vécu, peut par­fois génér­er des com­porte­ments d’ar­ro­gance, de manque de respect, voire même de bru­tal­ité, tout autant que des com­porte­ments de fuite, de faib­lesse ou d’at­ten­tisme extrême, ou pou­vant être perçus comme tels.

En pre­mier lieu, nous en sommes aujour­d’hui con­va­in­cus, le nou­veau dirigeant doit impéra­tive­ment se don­ner la pos­si­bil­ité d’ac­croître sa con­science et son intel­li­gence de la situation.

En effet, son suc­cès ou son échec repose pour une bonne part sur sa capac­ité à diag­nos­ti­quer la sit­u­a­tion, ses enjeux et ses exi­gences pro­pres, à iden­ti­fi­er les défis et les oppor­tu­nités spé­ci­fiques et à bâtir des plans d’ac­tion per­ti­nents en y asso­ciant le max­i­mum de personnes.

Mais cela ne suf­fit pas ! Il importe égale­ment que le dirigeant com­prenne ses forces et faib­less­es au regard de la nou­velle sit­u­a­tion pour décel­er ses points de vul­néra­bil­ité et ses angles morts de vision, afin de définir des actions préventives.

Puis, compte tenu de ce diag­nos­tic, il doit se pos­er quelques ques­tions essen­tielles, avant de met­tre en place un plan d’ac­tion pour le moyen terme, mais aus­si pour les trois pre­miers mois, par­mi lesquelles :

  • doit-il redéfinir la stratégie, procéder à une recon­fig­u­ra­tion de l’or­gan­i­sa­tion et la réalign­er au regard des enjeux ou bien tout sim­ple­ment pour­suiv­re et ren­forcer les choix d’ori­en­ta­tion et les actions clés engagées avant son arrivée ?
    (Pré­cisons ici que, dans l’un et l’autre cas, éviter de juger le dirigeant précé­dent et les équipes en place est tou­jours respec­té ; louer leur sagesse et leur clair­voy­ance lorsque cela est jus­ti­fié accroît l’au­torité per­son­nelle du dirigeant.)
  • doit-il d’abord s’ef­forcer de recon­stituer une équipe de direc­tion plus à même de relever les défis de l’or­gan­i­sa­tion ou bien s’employer en pre­mier lieu à con­stru­ire la con­fi­ance et remo­tiv­er les équipes exis­tantes, en com­mençant par la sienne ?
  • lui faut-il d’abord man­ag­er des acteurs externes clés ou s’employer à pro­mou­voir son image en interne ?
  • doit-il veiller en pre­mier à accélér­er son pro­pre appren­tis­sage, s’ef­forcer d’obtenir rapi­de­ment quelques vic­toires sym­bol­iques ou créer avant tout des alliances… ?


À cette fin, nous l’aidons à déter­min­er dans quelle phase est son organ­i­sa­tion, et com­ment on en est arrivé là (par exem­ple, ce qui a per­mis à l’or­gan­i­sa­tion de réus­sir dans le passé et pourquoi elle est aujour­d’hui en dif­fi­culté), puis à bien inté­gr­er les fon­da­men­taux liés à la sit­u­a­tion et les actions clés à con­duire, en ten­ant compte du paramètre temps qui varie en fonc­tion des situations.

On peut, à ce pro­pos, dis­tinguer, sché­ma­tique­ment, qua­tre sit­u­a­tions types aux­quelles le dirigeant peut être confronté.

Situation de lancement

Il peut s’a­gir ici, à titre d’exemples :

  • de lancer et de struc­tur­er une nou­velle activ­ité ou de lancer un nou­veau produit,
  • de met­tre en place des struc­tures et des sys­tèmes indis­pens­ables à la réus­site du lance­ment d’un nou­veau business,
  • de bâtir une équipe per­for­mante ou de met­tre en place des groupes de pro­jets trans­vers­es pour organ­is­er et con­duire l’ac­tiv­ité en question,
  • de fonc­tion­ner avec des ressources rares.


Dans ce type de sit­u­a­tions, la réus­site dépend de la capac­ité du dirigeant à pren­dre très rapi­de­ment les déci­sions qui s’im­posent, aus­si dif­fi­ciles soient-elles.

Si les déci­sions ne sont pas pris­es rapi­de­ment, le risque est grand que le dirigeant soit con­traint de faire avec l’équipe telle qu’elle est et telle qu’elle fonc­tionne. Cela peut par­ti­c­ulière­ment entraver la mise en œuvre effi­cace de change­ments néces­saires ou toute pos­si­bil­ité ultérieure d’évolution.

La plus grande lucid­ité sur les exi­gences de la sit­u­a­tion, sur les capac­ités des per­son­nes et sur les leviers clés des change­ments néces­saires est ici fon­da­men­tale. Or, il est clair qu’un dirigeant ne peut avoir toutes les compétences.

Dans de pareils cas de fig­ure, en sit­u­a­tion de coach­ing ou si l’or­gan­i­sa­tion a mis en place un dis­posi­tif d’ac­com­pa­g­ne­ment du dirigeant, la plus grande vig­i­lance est néces­saire lorsque le dirigeant con­cerné n’aime pas les con­flits, ni tranch­er dans le vif…

Situation de redressement

C’est le cas, par exem­ple, de sit­u­a­tions qui exigent :

  • une remise sur pied ou en état de marche d’une activ­ité décli­nante, défici­taire ou en perte de vitesse, en réduisant rad­i­cale­ment les coûts, en accrois­sant forte­ment la pro­duc­tiv­ité et en repo­si­tion­nant l’ac­tiv­ité ou la mar­que pour retrou­ver de la profitabilité ;
  • de remet­tre l’en­tre­prise en posi­tion de crois­sance, par des actions énergiques de recen­trage des activ­ités et de recon­quête de marchés ou de clients, ain­si que par des actions de remo­bil­i­sa­tion des équipes.


Le change­ment est, dans cette sit­u­a­tion, générale­ment perçu comme une néces­sité, aus­si, les con­traintes de temps sont fortes. Il peut être ques­tion de réduire la voil­ure ou de recon­stru­ire. Les notions de légitim­ité et de crédi­bil­ité sont ici les clés. L’ob­jec­tif est de rapi­de­ment s’im­pos­er en ter­mes d’au­torité de com­pé­tence et de lead­er­ship, tout en asso­ciant les autres à la recherche créa­tive de solutions.

Une bonne lucid­ité sur les forces et faib­less­es de l’or­gan­i­sa­tion, une juste com­préhen­sion des enjeux de marché et une vision claire et partagée sont ici des atouts indis­pens­ables à la réus­site du dirigeant. Trois qual­ités s’avèrent donc indis­pens­ables pour réus­sir dans ce type d’environnement :

  • une capac­ité de diag­nos­tic rapi­de de la sit­u­a­tion (marchés, pro­duits, straté­gies, tech­nolo­gies…) : le dirigeant doit pou­voir se sat­is­faire d’in­for­ma­tions incomplètes,
  • une capac­ité à dégager les axes d’ac­tion pri­or­i­taires et à les partager ;
  • et une capac­ité à tranch­er dans le vif pour repo­si­tion­ner le busi­ness à sa dimen­sion essen­tielle, si nécessaire.


L’or­gan­i­sa­tion, ici, doit être vig­i­lante à soutenir le tem­po et les déci­sions néces­saires, sans pour autant met­tre une pres­sion infer­nale au départ qui pour­rait démo­tiv­er les équipes. Le coach peut ici aider à fonder les con­vic­tions du dirigeant et à l’aider à faire preuve de plus de créa­tiv­ité, de rigueur et de doigté dans son approche des hommes et des situations.

Situation de rupture

Face à des évo­lu­tions très fortes de marché ou de tech­nolo­gies (nou­v­el entrant, tech­nolo­gie de sub­sti­tu­tion…), le chal­lenge con­siste ici à réin­ven­ter le busi­ness.

Il s’ag­it alors :

  • de chang­er la stratégie de l’or­gan­i­sa­tion, sa struc­ture, ses com­pé­tences, ses normes…
  • de remet­tre à plat les priorités,
  • de réaf­fecter les ressources dif­férem­ment et d’en­cour­ager inno­va­tion et créa­tiv­ité (aban­don de lignes de pro­duits obsolètes et lance­ment de nou­veaux pro­duits, développe­ment de nou­velles technologies…),
  • de con­tracter des parte­nar­i­ats et de dévelop­per de nou­velles synergies.


Le défi, pour le dirigeant, est d’abord :

  • de recon­naître à temps le fait que l’or­gan­i­sa­tion passe d’une phase de crois­sance à une phase de rup­ture, quoi que cer­tains des acteurs internes veuil­lent bien lui dire ;
  • de faire pren­dre con­science aux équipes de la néces­sité du change­ment. Les valeurs et normes cul­turelles exis­tantes peu­vent être dev­enues con­tre-pro­duc­tives, et l’or­gan­i­sa­tion doit être réveil­lée et recen­trée (néces­sité de ” remet­tre les pen­d­ules à l’heure ”).


Tout dirigeant n’est pas naturelle­ment à l’aise dans les sit­u­a­tions de rup­ture. Nous avons accom­pa­g­né des dirigeants qui y excel­laient et étaient comme des pois­sons dans l’eau ; ceux-là même qui l’au­raient cer­taine­ment été beau­coup moins en sit­u­a­tion de croisière. Nous en avons vu d’autres, par con­tre, insuff­isam­ment ” armés ” pour ce type de défis, et s’ob­stin­er à nier la sit­u­a­tion en s’en­fer­mant, eux et leur équipe de direc­tion, dans la croy­ance que la ” crise ” du moment n’est que con­jonc­turelle, que tout peut et doit con­tin­uer comme avant, et qu’il ne faut surtout rien chang­er à la tra­jec­toire poursuivie.

Situation de croisière ou de consolidation de la réussite

Il s’ag­it ici essen­tielle­ment de préserv­er les acquis et la dynamique de suc­cès d’une organ­i­sa­tion et de l’amen­er à une nou­velle étape de sa croissance.

Le chal­lenge con­siste à inven­ter un nou­veau défi et à amen­er l’or­gan­i­sa­tion à se mobilis­er sur ce nou­veau défi.

Ici, le dirigeant doit impéra­tive­ment appren­dre un max­i­mum sur la cul­ture, l’his­toire, les capac­ités dis­tinc­tives et la poli­tique de l’en­tre­prise. Il doit bien com­pren­dre le sys­tème de con­traintes, ce qu’il est pos­si­ble de faire et ce qu’il n’est pas pens­able de faire et créer des alliances fortes avec des acteurs ” qui ont intérêt à ce qu’il réussisse “.

La dif­fi­culté con­siste ici à pren­dre sa place auprès d’équipes générale­ment créées par le leader précé­dent lequel, sou­vent, a forte­ment mar­qué son organ­i­sa­tion, pour de bonnes comme pour de mau­vais­es raisons. Or, dans un pre­mier temps, en sit­u­a­tion de réus­site, seules les qual­ités sont habituelle­ment rap­pelées. La prise d’au­torité n’en est donc que plus difficile.

L’or­gan­i­sa­tion et le coach doivent, ici, aider le dirigeant à iden­ti­fi­er les leviers prin­ci­paux à action­ner pour con­va­in­cre et faire adhér­er, en met­tant en valeur et en s’ap­puyant sur les forces, pour les ren­forcer, tout en engageant les ajuste­ments et opti­mi­sa­tions nécessaires.

Bien sûr, cha­cune des sit­u­a­tions exige du dirigeant un min­i­mum de capac­ités de lead­er­ship, quelle que soit la sit­u­a­tion. Cepen­dant, les capac­ités par­ti­c­ulières atten­dues d’un dirigeant en sit­u­a­tion de lance­ment et en sit­u­a­tion de redresse­ment ne sont pas les mêmes qu’en sit­u­a­tion de rup­ture et en sit­u­a­tion de croisière.

Le risque pour un dirigeant à l’aise dans les sit­u­a­tions de redresse­ment est d’ar­riv­er en sit­u­a­tion de rup­ture avec la bonne réponse : il aurait en effet ten­dance à agir trop vite et à pren­dre beau­coup trop de risques trop vite. Il créerait une résis­tance inutile. Le dirigeant à l’aise dans les sit­u­a­tions de rup­ture agi­rait, lui, trop lente­ment en sit­u­a­tion de redresse­ment et passerait trop de temps à bâtir du consensus.

Dans les sit­u­a­tions de lance­ment et de redresse­ment, en effet, la pri­or­ité est à l’ac­tion plus qu’à l’ap­pren­tis­sage pour éviter les cer­cles vicieux. L’ap­pren­tis­sage ici, s’il est impor­tant, est d’abord de type tech­nique (pro­duits, marchés, tech­nolo­gies, pro­jets et stratégies…).

En réal­ité, bien sûr, un dirigeant est sou­vent con­fron­té à un mix de ces dif­férentes sit­u­a­tions, selon le busi­ness, les pro­duits et les sit­u­a­tions de marché. Il s’ag­it donc pour lui, en tout état de cause, de bien com­pren­dre les enjeux du type de sit­u­a­tion qu’il a à gér­er et d’être, en con­séquence, pleine­ment con­scient de ses atouts comme de ses lim­ites et faib­less­es, pour rapi­de­ment se cen­tr­er sur les oppor­tu­nités et les traduire en petites vic­toires qui seront l’as­sise de sa crédibilité.

Dans tous les cas, il y a une règle poli­tique pra­tique impor­tante qu’un dirigeant ne peut pas se per­me­t­tre d’oc­cul­ter, bien qu’elle soit ” poli­tique­ment incor­recte “, c’est de veiller à traiter les prob­lèmes qui sont impor­tants aux yeux de son patron. Cette règle, qui bien sûr n’ex­clut pas qu’il se con­cen­tre sur ses choix et les pri­or­ités qui en découlent, est sou­vent la clé qui lui per­met d’ac­céder à (ou d’obtenir) des ressources clés.

En con­clu­sion, compte tenu des enjeux sou­vent très forts de la prise de fonc­tion d’un dirigeant, sa réus­site est stratégique et doit être traitée comme telle. Comme pour toute ressource clé, l’en­tre­prise doit s’in­ve­stir et inve­stir pour opti­miser les chances de réus­site. Et si elle s’y décide, alors nous lui con­seil­lons — quand cela est pos­si­ble — d’en­gager l’ac­tion d’ac­com­pa­g­ne­ment avant même la prise de fonc­tion du dirigeant en sit­u­a­tion de tran­si­tion (avec ou sans l’aide d’un coach externe) ; ce coach­ing du dirigeant devant aboutir par antic­i­pa­tion à un plan d’ac­tion clair pour les trois pre­miers mois.

Nous recom­man­dons égale­ment de veiller à ce que cette action d’ac­com­pa­g­ne­ment soit l’oc­ca­sion d’un dia­logue con­stru­it avec l’or­gan­i­sa­tion et, dans toute la mesure du pos­si­ble, qu’elle soit l’oc­ca­sion d’un appren­tis­sage col­lec­tif. L’ex­péri­ence mon­tre que cela engen­dre un esprit d’ou­ver­ture et de coopéra­tion aux dif­férents niveaux de la hiérar­chie et con­tribue à un véri­ta­ble appren­tis­sage organisationnel. 

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