Des référentiels pour la mise en œuvre du DD

Dossier : Développement durableMagazine N°742 Février 2019
Par Marie-Louise CASADEMONT (X74)
Le développement durable étant un sujet planétaire, il a bien fallu cristalliser ce que la notion recouvrait pour assurer la cohésion internationale autour d’elle. Cela a été réalisé selon trois formes de référentiels, dont un échantillon est présenté ici.

La pre­mière forme de réfé­ren­tiel est la défi­ni­tion de prin­cipes, en géné­ral non contrai­gnants. La seconde forme est l’élaboration d’un consen­sus pro­gres­sif sur les don­nées à col­lec­ter et les méthodes à mettre en œuvre. Ce qui a favo­ri­sé l’émergence d’une troi­sième forme : la mise en œuvre d’instances de concer­ta­tion et d’échange.


REPÈRES

Les réfé­ren­tiels qui ont été éla­bo­rés au sein de grandes ins­tances inter­na­tio­nales per­mettent en par­ti­cu­lier les échanges et les coopé­ra­tions Nord-Sud et Sud-Sud. Et aujourd’hui, les ins­tances qui les ont pro­po­sés ont qua­si­ment toutes éva­lué leur posi­tion­ne­ment par rap­port au réfé­ren­tiel appor­té en 2015 par l’adoption inter­na­tio­nale des ODD, et pro­duit des outils et guides per­met­tant de mettre en rela­tion leur réfé­ren­tiel avec celui des ODD 2015.


Trois formes de principes

Des prin­cipes ont été énon­cés par le Glo­bal Com­pact pour les entre­prises (2000). En paral­lèle, dix prin­cipes PIR (Prin­cipes pour un inves­tis­se­ment res­pon­sable) ont été énon­cés par un réseau inter­na­tio­nal d’investisseurs (2006), et des prin­cipes direc­teurs pour les mul­ti­na­tio­nales ont été éta­blis par l’OCDE dès 1976, et actua­li­sés en 2011.

En matière de don­nées et méthodes, des ini­tia­tives sont appa­rues vite indis­pen­sables pour mettre en place des métriques robustes et har­mo­ni­sées. C’est le cas de GRI (Glo­bal Repor­ting Ini­tia­tive) qui pro­pose, depuis 2001, un réfé­ren­tiel d’indicateurs per­met­tant de mesu­rer le niveau d’avancement des pro­grammes des entre­prises en matière de déve­lop­pe­ment durable.

En ce qui concerne les ins­tances de concer­ta­tion et d’échange d’expériences, on peut citer le WBCSD (World Busi­ness Coun­cil for Sus­tai­na­bi­li­ty and Deve­lop­ment). Pour cer­tains sec­teurs, des pla­te­formes mul­ti­par­ties pre­nantes existent éga­le­ment, comme dans le domaine de la consom­ma­tion et de la pro­duc­tion durable (ODD 12), avec le 10 YFP des Nations unies.

Global Compact : dix principes pour les entreprises

Lan­cé en 2000, le pacte mon­dial de l’ONU (ou Glo­bal Com­pact ci-après) est le pre­mier par­te­na­riat public-pri­vé de l’histoire de la gou­ver­nance inter­na­tio­nale du DD. Défi­ni avec des entre­prises, des agences de l’ONU et des ONG, il appelle les entre­prises à ali­gner leurs stra­té­gies et acti­vi­tés sur dix prin­cipes uni­ver­sels concer­nant les droits de l’homme et du tra­vail, le res­pect de l’environnement et la lutte contre la corruption.

Ce pacte consti­tue aujourd’hui la plus impor­tante ini­tia­tive inter­na­tio­nale d’engagement volon­taire en matière de DD et regroupe plus de 13 000 par­ti­ci­pants dans 170 pays.

En sa qua­li­té de soft law, il laisse aux entre­prises la pos­si­bi­li­té de for­ma­li­ser leur poli­tique RSE en adhé­rant à ses prin­cipes ou non et, lorsqu’elles adhèrent, de res­pec­ter leurs enga­ge­ments ou non du fait de son carac­tère volon­taire. Les signa­taires s’engagent à inté­grer dura­ble­ment les 10 prin­cipes du Glo­bal Com­pact des Nations unies au sein de leurs stra­té­gies et opé­ra­tions ; à publier régu­liè­re­ment sur les pro­grès réa­li­sés (rap­ports COP) ; régler une coti­sa­tion annuelle au Glo­bal Com­pact ; à impli­quer le plus haut niveau de leur orga­ni­sa­tion dans cette démarche ; à pro­mou­voir les dix prin­cipes dans leur sphère d’influence ; et, depuis 2016, à agir pour sou­te­nir les objec­tifs de déve­lop­pe­ment durable (ODD). Les rap­ports COP (Confe­rence of par­ties) per­mettent aux entre­prises de défi­nir leur niveau. Trois niveaux de mise en œuvre pro­gres­sive des dix prin­cipes sont dis­tin­gués : GC lear­ner, GC active et GC advan­ced.

En ce sens, le Glo­bal Com­pact ne se limite pas à un repor­ting. Il per­met aus­si aux entre­prises d’évaluer le niveau de matu­ri­té de leur démarche RSE, d’ancrer leurs stra­té­gies de DD dans une démarche d’amélioration conti­nue et de se sai­sir des thé­ma­tiques émergentes.


La France en tête

8 % des entre­prises dans le monde qua­li­fient leurs rap­ports COP au niveau GC advan­ced, dont 89 entre­prises fran­çaises en juillet 2018, ce qui en fait le pre­mier pays dans le monde en la matière.


Global Reporting Initiative : la communication sur le développement durable

Le GRI (Glo­bal Repor­ting Ini­tia­tive) est une orga­ni­sa­tion inter­na­tio­nale indé­pen­dante qui aide les entre­prises et les gou­ver­ne­ments du monde entier à com­prendre et à com­mu­ni­quer leur impact sur des pro­blèmes cri­tiques de déve­lop­pe­ment durable, tels que le chan­ge­ment cli­ma­tique, les droits de l’homme, la gou­ver­nance et le bien-être social. Il a éta­bli les pre­mières normes de repor­ting de déve­lop­pe­ment durable. Ces stan­dards GRI sont adop­tés par 93 % des 250 plus grandes entre­prises mondiales.

Après l’adoption inter­na­tio­nale des ODD, il a éta­bli une feuille de route GRI’s contri­bu­tion to sus­tai­nable deve­lop­ment 2016–2020, avec quatre objec­tifs clés : le ren­for­ce­ment du repor­ting sur la dura­bi­li­té, l’amélioration du repor­ting dans les pays en déve­lop­pe­ment, le déve­lop­pe­ment des for­ma­tions et des par­te­na­riats, l’innovation pour les pays émer­gents. Paral­lè­le­ment et en liai­son avec le Glo­bal Com­pact, il a publié, en juillet 2018, un guide pour prendre en compte les ODD dans le repor­ting des entre­prises. Ensemble, ils ont lan­cé en 2018 une plate-forme qui ambi­tionne la cocon­cep­tion d’outils de com­mu­ni­ca­tion sur la réa­li­sa­tion des ODD.

“Les « standards GRI »
sont adoptés par 93 % des 250 plus grandes
entreprises mondiales”

Principles for Responsible Investment : six principes pour les investisseurs

Les prin­cipes pour l’investissement res­pon­sable (PRI) ont été lan­cés en 2006 avec le sou­tien de deux enti­tés onu­siennes : le pacte mon­dial (ou Glo­bal Com­pact) et Uni­ted Nations Envi­ron­ment Pro­gram – Finance Ini­tia­tive (UNEP-FI). La mis­sion des PRI est de déve­lop­per l’investissement res­pon­sable et la prise en compte des enjeux envi­ron­ne­men­taux sociaux et de bonne gou­ver­nance (ESG) par les investisseurs.

Les signa­taires s’engagent à mettre en œuvre pro­gres­si­ve­ment six prin­cipes : inté­grer les enjeux ESG aux pro­ces­sus déci­sion­nels et d’analyse des inves­tis­se­ments ; se com­por­ter en action­naires actifs et inclure les enjeux ESG dans les poli­tiques et pro­cé­dures en matière d’actionnariat ; deman­der, autant que faire se peut, aux enti­tés dans les­quelles l’argent est inves­ti de faire preuve de trans­pa­rence concer­nant les ques­tions ESG ; encou­ra­ger l’adoption et la mise en œuvre des prin­cipes dans le sec­teur des inves­tis­se­ments ; coopé­rer pour amé­lio­rer l’efficacité de notre mise en œuvre des prin­cipes ; et rendre compte des actions et des pro­grès accom­plis concer­nant la mise en œuvre des principes.

Ce der­nier prin­cipe est clé dans la démarche car il entraîne une amé­lio­ra­tion pro­gres­sive des pra­tiques énon­cées dans les prin­cipes précédents.

À l’image de la finance res­pon­sable en pleine crois­sance, les acti­vi­tés des PRI sont aujourd’hui très variées : plai­doyer, recherche, pla­te­forme de dia­logue action­na­rial, orga­ni­sa­tion de confé­rences… Après San Fran­cis­co en 2018, leur grand évé­ne­ment annuel, PRI in Per­son, se tien­dra en sep­tembre 2019 au palais des Congrès à Paris.

Planet Earth sunrise panorama. Stars my own photo. Elements of this image furnished by NASA 3d rendering

Les principes directeurs de l’OCDE pour les multinationales

L’OCDE a éta­bli à l’intention des entre­prises mul­ti­na­tio­nales des recom­man­da­tions conte­nant des prin­cipes et des normes qui visent à assu­rer de leur part un com­por­te­ment res­pon­sable des affaires, dans ou à par­tir des pays membres. Au-delà de prin­cipes géné­raux, les sujets sont les sui­vants : publi­ca­tion d’informations, droits de l’homme, emploi et rela­tions pro­fes­sion­nelles, envi­ron­ne­ment, lutte contre la cor­rup­tion, inté­rêts des consom­ma­teurs, science et tech­no­lo­gie, concur­rence, fiscalité.

Ces prin­cipes direc­teurs, mis à jour en 2011, sont juri­di­que­ment non contrai­gnants, mais l’OCDE encou­rage leur mise en œuvre. Leur déploie­ment dans cha­cun des pays adhé­rant aux prin­cipes est struc­tu­ré par un point de contact natio­nal (PCN) char­gé de les pro­mou­voir, de les dif­fu­ser et de répondre à des sai­sines pour non-res­pect de ces prin­cipes, dans chaque pays membre. Le point de contact natio­nal fran­çais est une struc­ture tri­par­tite ras­sem­blant les syn­di­cats, les entre­prises et l’administration. Son acti­vi­té est coor­don­née par la direc­tion géné­rale du Trésor.

Le rap­port sur les acti­vi­tés de l’OCDE en 2017 sou­ligne l’intensification de la conduite res­pon­sable des entre­prises (CRE) mul­ti­na­tio­nales sou­te­nue par l’intensification des poli­tiques publiques.


De très nombreux signataires

Les signa­taires des PRI sont de trois natures : inves­tis­seurs ins­ti­tu­tion­nels, ges­tion­naires d’actifs et socié­tés de conseils, ser­vices, etc. À leur lan­ce­ment, les PRI comp­taient 68 signa­taires dont quelques Fran­çais : BNP Pari­bas AM, la Caisse des dépôts, le Cré­dit Agri­cole AM (désor­mais Amun­di), L’ERAFP, Le Fonds de réserve pour les retraites, Grou­pa­ma AM, Macif Ges­tion (désor­mais OFI AM) et Vigeo (désor­mais Vigeo Eiris). Fin 2018, les PRI comptent près de 2 200 signa­taires cou­vrant des dizaines de mil­liers de mil­liards de dol­lars sous gestion.


Dix principes YFP : consommation et production durables

Les Nations unies ont pro­duit un « Cadre décen­nal de pro­grammes pour une consom­ma­tion et une pro­duc­tion durables » ou « 10 YFP », qui consti­tue une avan­cée concrète, adop­tée par les chefs d’État et de gou­ver­ne­ment à la Confé­rence RIO + 20 de 2012. Sa mise en œuvre fait l’objet de la pre­mière cible de l’ODD 12. Il ne consti­tue pas un réfé­ren­tiel en tant que tel, mais vise à pro­mou­voir des modes de consom­ma­tion et de pro­duc­tion plus durables à tra­vers des réseaux d’acteurs inter­na­tio­naux, des actions et un finan­ce­ment de pro­jets à des­ti­na­tion des pays en déve­lop­pe­ment. Pour faci­li­ter les échanges d’informations et de bonnes pra­tiques entre tous les acteurs, une pla­te­forme col­la­bo­ra­tive a été créée sous la forme d’un por­tail inter­net mon­dial : http://www.oneplanetnetwork.org. Six pro­grammes thé­ma­tiques sont iden­ti­fiés : tou­risme durable, infor­ma­tion du consom­ma­teur, bâti­ment durable, édu­ca­tion et styles de vie, sys­tèmes ali­men­taires durables, achats publics durables. La France est enga­gée dans ce pro­gramme depuis son ori­gine, par­ti­cu­liè­re­ment sur le volet tou­risme durable. En 2018, une stra­té­gie One Plan for One Pla­net – 2018–2022 vise le ren­for­ce­ment des actions de la plateforme.

“Une plateforme collaborative
a été créée sous la forme d’un portail internet mondial”

La norme ISO 26000 au service des organisations

En 2010 est parue la norme ISO 26000. Des­ti­née à toutes les orga­ni­sa­tions sans dis­tinc­tion de tailles, de sec­teurs d’activité et bien enten­du de pays, cette norme défi­nit des lignes direc­trices rela­tives à la res­pon­sa­bi­li­té socié­tale selon sept ques­tions cen­trales et sept prin­cipes d’action qui doivent ins­pi­rer les stra­té­gies des organisations.

Gou­ver­nance, droits de l’homme, loyau­té des pra­tiques, rela­tions et condi­tions de tra­vail, envi­ron­ne­ment, ques­tions rela­tives aux consom­ma­teurs, com­mu­nau­tés et déve­lop­pe­ment local : ces thèmes sont détaillés en domaines d’action et per­mettent d’identifier les points forts et les axes d’amélioration de l’organisation, afin de défi­nir un plan d’action répon­dant éga­le­ment à des attentes de par­ties prenantes.

Pour la pre­mière fois dans les tra­vaux de l’ISO, on éta­blis­sait une norme sans visée de cer­ti­fi­ca­tion. Cepen­dant, il existe des modèles d’évaluation per­met­tant d’illustrer la per­for­mance des orga­ni­sa­tions selon
l’ISO 26000.

Cette éva­lua­tion est en pra­tique réa­li­sée par des consul­tants sur la base d’une revue docu­men­taire, d’interviews et de cota­tions de la per­for­mance des orga­ni­sa­tions, pour cha­cune des sept ques­tions cen­trales. Cette cota­tion est étayée éga­le­ment par des enquêtes par ques­tion­naires auprès des par­ties pre­nantes, afin de croi­ser les points de vue.


WBCSD : Une initiative des entreprises

Le Conseil mon­dial des entre­prises pour le déve­lop­pe­ment durable (WBCSD) est une asso­cia­tion de chefs d’entreprise moti­vés pour le déve­lop­pe­ment durable. Elle compte actuel­le­ment 200 entre­prises de 35 pays et de 22 sec­teurs, repré­sen­tant envi­ron 19 mil­lions d’employés et un chiffre d’affaires annuel de 9 000 mil­liards de dollars.

Le WBCSD a pour ambi­tion d’être le prin­ci­pal porte-parole des entre­prises, de mettre en œuvre de véri­tables solu­tions d’affaires en déve­lop­pe­ment durable, et de recon­naître les entre­prises plus durables. Il est struc­tu­ré en six groupes (impact social, modes de vie durables, éner­gie-cli­mat, eau, éco­sys­tèmes et pay­sages, maté­riaux durables et sûrs), pour les­quels sont menés neuf pro­jets sec­to­riels de tra­vaux sur la chaîne de valeur, et trois pro­jets trans­ver­saux sur les com­mu­ni­ca­tions, les poli­tiques et le réseau mondial.

Le WBCSD a publié son rap­port Vision 2050 en 2010, qui défi­nit une feuille de route pour qu’une popu­la­tion mon­diale de neuf mil­liards de per­sonnes vive bien en 2050 dans les limites
de la planète.

Le réseau mon­dial du WBCSD per­met d’échanger des ini­tia­tives locales et des outils, direc­tives et recom­man­da­tions qui peuvent être essaimés.


avec le concours de Julia Sonier, Ethi­Fi­nance, Gré­goire Cous­té, délé­gué géné­ral du Forum ISR en France, Anne-Claire Asse­lin (84), Saya­ri consul­tants, Jur­gis Sapi­jans­kas (2004) et Muriel BUIATTI (86), CommenTerre

Commentaire

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Mchel Dume­nilrépondre
22 février 2019 à 15 h 32 min

Je recherche quelques expli­ca­tion pour éclai­rer ce qu’on entend prin­ci­pa­le­ment par DD. Une sorte de défi­ni­tion détaillée. Je ne l’ai pas encore trou­vée. Dumé­nil X55

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