Zones humides

Des écosystèmes dynamiques et changeants : les zones humides

Dossier : Les milieux naturels continentauxMagazine N°566 Juin/Juillet 2001Par : Geneviève BARNAUD, Laboratoire d'évolution des systèmes naturels et modifiés, Muséum d'histoire naturelle

À l’échelle nationale, dans le cadre de la loi sur l’eau du 3 jan­vi­er 1992 arti­cle 2, on dis­pose d’une déf­i­ni­tion en ces ter­mes (Jour­nal offi­ciel, 4.1.92) :

À l’échelle nationale, dans le cadre de la loi sur l’eau du 3 jan­vi­er 1992 arti­cle 2, on dis­pose d’une déf­i­ni­tion en ces ter­mes (Jour­nal offi­ciel, 4.1.92) :
” … On entend par zone humide les ter­rains, exploités ou non, habituelle­ment inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon per­ma­nente ou tem­po­raire ; la végé­ta­tion, quand elle existe, y est dom­inée par des plantes hygrophiles pen­dant au moins une par­tie de l’an­née.

La présence plus ou moins con­tin­ue d’eau, de sols hydro­mor­phes et d’e­spèces végé­tales par­ti­c­ulières adap­tées aux vari­a­tions des con­di­tions d’hu­mid­ité car­ac­térise les ” zones humides “, terme util­isé vers la fin des années 1960 par les pro­tecteurs de la nature alar­més par les dégra­da­tions et men­aces subies par ces milieux1.

L’eau inter­vient en effet de manière déter­mi­nante sur la struc­ture et le devenir des écosys­tèmes humides, par ses fluc­tu­a­tions de niveaux et sa com­po­si­tion. La prépondérance du fac­teur hydrique, haute­ment vari­able dans le temps et l’e­space, est à l’o­rig­ine d’une forte hétérogénéité des paramètres physiques et chim­iques, prop­ice à une pro­duc­tiv­ité biologique très élevée et au développe­ment d’une flo­re et d’une faune par­ti­c­ulière­ment rich­es. Il suf­fit d’ob­serv­er au micro­scope une goutte d’eau prélevée dans une zone humide pour con­stater le grouille­ment de minus­cules organismes !

Des milieux identifiés au plan juridique

À l’échelle inter­na­tionale, dans le cadre de la Con­ven­tion de Ram­sar rel­a­tive aux zones humides d’im­por­tance inter­na­tionale en tant qu’habi­tats des oiseaux d’eau, con­ven­tion rat­i­fiée par la France en 1986, on trou­ve la déf­i­ni­tion suivante :

Les zones humides sont des éten­dues de marais, de fagnes, de tour­bières ou d’eaux naturelles ou arti­fi­cielles, per­ma­nentes ou tem­po­raires, où l’eau est stag­nante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y com­pris des éten­dues d’eau marine dont la pro­fondeur à marée basse n’ex­cède pas six mètres.

Le texte pré­cise en out­re que les zones humides ” pour­ront inclure des zones de rives ou de côtes adja­centes à la zone humide et des îles ou éten­dues d’eau marine d’une pro­fondeur supérieure à six mètres à marée basse, entourées par la zone humide “.

Zone d’interface entre la terre et l’eau

Aucune déf­i­ni­tion sci­en­tifique des zones humides n’est uni­verselle­ment admise, même si elles ont de longue date con­sti­tué des objets priv­ilégiés d’é­tude du fonc­tion­nement des écosys­tèmes en rai­son de leur diversité.


Les zones humides sont habituelle­ment local­isées entre les écosys­tèmes ter­restres et les écosys­tèmes aqua­tiques permanents
(d’après Mitsch et Gos­selink, 1986).

Cette lacune s’ex­plique sans doute par leur com­plex­ité. En effet, ce sont des milieux sou­vent sans fron­tières nettes, en posi­tion inter­mé­di­aire dans un con­tin­u­um allant de sit­u­a­tions pure­ment ter­restres à des con­di­tions totale­ment aqua­tiques, cer­tains pou­vant être con­sid­érés comme des éco­tones sous l’in­flu­ence des sys­tèmes écologiques adja­cents. Cette posi­tion de lisière dans l’e­space et dans le temps leur con­fère des pro­priétés et un fonc­tion­nement bien par­ti­c­uliers mis en évi­dence notam­ment par leur rôle dans les cycles biogéochim­iques et par leur forte pro­duc­tiv­ité (Mitsch & Gos­selink, 1986).

Les prin­ci­pales car­ac­téris­tiques écologiques des zones humides se résu­ment à la présence d’eau, de sols par­ti­c­uliers, dif­férents de ceux des zones adja­centes (hydro­mor­phes), et d’une végé­ta­tion adap­tée à l’i­non­da­tion ou aux con­di­tions de forte humid­ité (hydrophytes, hygro­phytes, hélo­phytes, halo­phytes). Ces trois paramètres peu­vent être pris en compte simul­tané­ment ou séparé­ment selon la péri­ode d’ob­ser­va­tion con­sid­érée, cette par­tic­u­lar­ité explique les dif­fi­cultés ren­con­trées lors de la rédac­tion des manuels d’i­den­ti­fi­ca­tion et de délim­i­ta­tion des zones humides (NRC, 1995). De plus, ces écosys­tèmes sont générale­ment très fer­tiles et intrin­sèque­ment dynamiques. Ils évolu­ent au cours du temps, que ce soit sous la pres­sion de fac­teurs naturels ou anthropiques à l’o­rig­ine des successions.

Le sché­ma habituel est le suiv­ant : dans l’eau ou sur le sol nu s’in­stal­lent les espèces adap­tées du stade pio­nnier, puis par le jeu des rela­tions inter­spé­ci­fiques et des mod­i­fi­ca­tions des con­di­tions physiques engen­drées par ces organ­ismes (atter­risse­ment) se dévelop­pent des com­mu­nautés plus com­plex­es et matures. L’évo­lu­tion des tour­bières ou prairies humides vers la lande puis le boise­ment illus­tre ce phénomène. Cepen­dant, un retour plus ou moins réguli­er à un stade antérieur provo­qué par des forces naturelles ou arti­fi­cielles (inon­da­tion, fauche, pâturage) est ren­du pos­si­ble dans le cas des zones humides.

Des milieux fortement menacés par les activités humaines

En France, 2,5 mil­lions d’hectares de marais auraient dis­paru selon l’es­ti­ma­tion la plus couram­ment énon­cée, soit 64 % de la super­fi­cie des zones humides préex­is­tantes. Un bilan de l’é­tat de san­té de 87 zones humides d’im­por­tance majeure, mené en 1994, a mon­tré que 84 d’en­tre elles se sont dégradées au cours des trente dernières années (Bernard, 1994). Par­mi les fac­teurs prin­ci­paux de destruc­tion, la ges­tion hydraulique (agri­cul­ture, nav­i­ga­tion, bar­rage, endigue­ment) et le comble­ment (urban­isme, équipement routi­er ou fer­rovi­aire) vien­nent large­ment en tête. Leurs effets, sou­vent cumu­lat­ifs et cat­a­strophiques, sont à l’o­rig­ine de la prise de con­science du rôle et de la valeur des zones humides. À titre indi­catif, en France, 50 % de l’av­i­faune et 20 % de la flo­re sont inféodées aux zones humides, 30 % de ces plantes étant jugées men­acées. À l’éch­e­lon mon­di­al, 35 % des espèces rares et en dan­ger sont local­isées dans les zones humides ou dépen­dent étroite­ment de ces écosys­tèmes qui ne représen­tent que 5 % env­i­ron de la super­fi­cie des continents.

Dans ce con­texte, les ges­tion­naires de la ressource en eau et plus récem­ment les respon­s­ables de l’amé­nage­ment de l’e­space se préoc­cu­pent main­tenant du main­tien, voire de la restau­ra­tion de ces milieux autre­fois voués aux gémonies.

L’o­rig­i­nal­ité de l’ap­proche française repose sur une volon­té délibérée de con­sid­ér­er les zones humides comme des ” infra­struc­tures naturelles ” devant être inté­grées aux poli­tiques d’amé­nage­ment du ter­ri­toire, de mod­erni­sa­tion agri­cole, de tourisme et de ges­tion de l’eau.

En 1995, un Plan d’ac­tion visant à mieux con­naître, éval­uer et con­serv­er les zones humides a été adop­té en Con­seil des min­istres. Il se décline en qua­tre grands domaines d’in­ter­ven­tion complémentaires :

  • inven­to­ri­er les zones humides et ren­forcer les out­ils de suivi et d’évaluation,
  • assur­er la cohérence des poli­tiques publiques,
  • engager la recon­quête des zones humides,
  • lancer un pro­gramme d’in­for­ma­tion et de sensibilisation.

Comprendre leur fonctionnement et suivre les grandes tendances d’évolution pour cibler les interventions

Dans le cadre du Plan d’ac­tion, un Pro­gramme nation­al de recherche sur les zones humides a vu le jour en 1997. Issu d’un parte­nar­i­at entre les Agences de l’eau et les min­istères con­cernés (Envi­ron­nement, Agri­cul­ture, Équipement), il a pour ambi­tion de faire pro­gress­er de manière sig­ni­fica­tive les con­nais­sances sur le fonc­tion­nement des zones humides (mod­èles, principes, théories), de pro­pos­er des méth­odes de diag­nos­tic d’é­tat, d’aide à la déci­sion, à la con­cep­tion de plans de ges­tion et de restau­ra­tion. Les 20 pro­jets de recherche retenus s’at­tachent égale­ment à déter­min­er et pré­cis­er le rôle joué par ces milieux en ter­mes de fonc­tions écologiques et valeurs d’usage.

Pour estimer les évo­lu­tions pos­i­tives ou néga­tives de ces milieux, un Obser­va­toire nation­al des zones humides a été créé à l’In­sti­tut français de l’En­vi­ron­nement. La struc­tura­tion et la mise en cohérence des infor­ma­tions écologiques et socioé­conomiques disponibles aux niveaux nation­al, région­al et à celui des bassins ver­sants por­tent sur un échan­til­lon com­posé des 87 zones humides d’im­por­tance majeure, découpées en 149 sous-ensem­bles représen­tat­ifs de la var­iété des sit­u­a­tions ren­con­trées sur le ter­ri­toire nation­al. Ces zones appar­ti­en­nent à cinq grandes caté­gories : lit­toral atlan­tique, lit­toral méditer­ranéen, val­lées, plaines intérieures (régions d’é­tangs) et tour­bières. Des études méthodologiques ont été menées sur la mise au point d’indi­ca­teurs par caté­gories d’ac­tiv­ités ou par thé­ma­tiques en rela­tion avec des poli­tiques sec­to­rielles, jugées pri­or­i­taires2.

Un atlas pro­vi­soire, com­prenant une carte et un tableau de bord par zone humide, a été pub­lié en 1998 pour val­i­da­tion auprès du réseau de cor­re­spon­dants mis en place. Une banque de don­nées a été con­sti­tuée cou­vrant les thèmes suiv­ants : milieu physique et hydrolo­gie ; qual­ité de l’eau ; occu­pa­tion du sol et activ­ités humaines ; faune, flo­re, habi­tats ; mesures de pro­tec­tion, de ges­tion, de sur­veil­lance (Ximenès, 2001). Chaque sujet traité donne lieu à des tableaux de don­nées, un texte de com­men­taire et une carte. Véri­ta­ble réseau d’alerte, l’Ob­ser­va­toire, conçu comme un out­il d’aide à la déci­sion, a pour but d’ac­croître la capac­ité d’ex­per­tise des dif­férents parte­naires con­cernés par la ges­tion et le devenir des zones humides.

Mettre en synergie les actions de conservation, de restauration et de gestion

Cer­tains milieux humides méri­tent un label spé­ci­fique et pres­tigieux, celui de site Ram­sar au titre de la ” Con­ven­tion rel­a­tive aux zones humides d’im­por­tance inter­na­tionale, par­ti­c­ulière­ment comme habi­tats des oiseaux d’eau “. Actuelle­ment 18 sites français répon­dant aux critères de désig­na­tion font par­tie de cette ” élite “3.

Marais de la Sensée, village d’Écourt-Saint-Quentin. (Pas-de-Calais).
Marais de la Sen­sée, vil­lage d’Écourt-Saint-Quentin, peu­pleraies et camp­ing au bord de l’eau. (Pas-de-Calais). © CEMAGREF – S. LE FLOCH

Bien que les zones humides français­es, comme leurs homo­logues des pays dévelop­pés, résul­tent pour la majorité d’en­tre elles d’amé­nage­ments et de pra­tiques humaines remon­tant par­fois au Moyen Âge, elles peu­vent béné­fici­er des mesures de pro­tec­tion habituelle­ment appliquées aux espaces ” naturels ” (réserve, parc région­al, pro­priétés des con­ser­va­toires du pat­ri­moine nature ou con­ser­va­toire du lit­toral, etc.). L’oc­troi de ces dis­po­si­tions sous-entend la con­ser­va­tion des car­ac­téris­tiques physiques et biologiques à l’o­rig­ine de leur sélec­tion comme ter­ri­toire de grand intérêt écologique.

Dans ce con­texte, leur nature changeante et leur sen­si­bil­ité vis-à-vis de mod­i­fi­ca­tions min­imes de leur envi­ron­nement oblig­ent à pré­cis­er et for­muler claire­ment l’ob­jec­tif visé. S’il s’ag­it de main­tenir un niveau don­né de struc­ture (diver­sité spé­ci­fique) et de fonc­tion­nement (pro­duc­tiv­ité pri­maire) jugé d’in­térêt nation­al, des inter­ven­tions sont à envis­ager pour con­tre­car­rer les évo­lu­tions en cours. Très sou­vent, il faut alors faire renaître dif­férents modes d’ex­ploita­tion antérieurs ou leur trou­ver des sub­sti­tuts. La con­cep­tion des plans de ges­tion et des pro­to­coles de restau­ra­tion, s’in­spi­rant de principes de l’ingénierie écologique, répond à cette exi­gence de pro­tec­tion d’habi­tats et d’e­spèces rares ou protégés.

Quand on se préoc­cupe du devenir des zones humides, deux autres instru­ments com­plé­men­taires sont à con­sid­ér­er. Le pre­mier, util­isé à l’échelle européenne, con­siste à con­stru­ire le réseau Natu­ra 2000 à par­tir de la désig­na­tion de Zones de pro­tec­tion spé­ciale au titre de la Direc­tive ” Oiseaux ” (1979) et de Zones spé­ciales de con­ser­va­tion au titre de la Direc­tive ” Habi­tats-Faune-Flo­re ” (1992). De nom­breuses zones humides sont con­cernées par ces règle­ments qui impliquent une ges­tion per­me­t­tant de con­serv­er leurs car­ac­téris­tiques écologiques sachant que des moyens financiers par­ti­c­uliers peu­vent être attribués pour attein­dre cet objectif.

La sec­onde dis­po­si­tion, applic­a­ble à l’éch­e­lon nation­al, découle de la loi sur l’eau qui prévoit la mise en place de Sché­mas directeurs d’amé­nage­ment et de ges­tion des eaux (SDAGE) par grand bassin. À ce titre, 257 zones humides remar­quables ont été inven­toriées en 1995 par les Agences de l’Eau et les diren de bassin qui doivent faire l’ob­jet d’un Sché­ma d’amé­nage­ment et de ges­tion des eaux (sage). Elles ont été classées en treize types reflé­tant une com­bi­nai­son de leurs car­ac­téris­tiques écologiques et socioé­conomiques afin d’établir des poli­tiques de main­tien et de réha­bil­i­ta­tion des milieux selon un diag­nos­tic de leur état inté­grant leur histoire.

La com­bi­nai­son de ces dif­férentes approches ouvre de nou­velles per­spec­tives. L’in­térêt des zones humides ne réside plus seule­ment dans cer­taines car­ac­téris­tiques spec­tac­u­laires d’un point de vue nat­u­ral­iste (forte pro­duc­tiv­ité, rassem­ble­ment impres­sion­nant d’oiseaux d’eau, colonies d’oiseaux pis­ci­vores, plantes car­ni­vores, orchidées rares…) mais égale­ment dans leur rôle vis-à-vis de la ressource en eau compte tenu de leurs ” fonctionnalités “.

Une reconnaissance collective liée à leur utilité sociale

Para­doxale­ment, la destruc­tion des zones humides a sou­vent servi de révéla­teur vis-à-vis de leurs rôles envi­ron­nemen­taux. Les con­séquences de la dis­pari­tion ou du dys­fonc­tion­nement de ces milieux peu­vent être var­iées, qu’il s’agisse de l’ag­gra­va­tion des inon­da­tions ou des effets des sécher­ess­es, de l’éro­sion des berges et des côtes, de la dégra­da­tion de la qual­ité de l’eau, de la diminu­tion des pêch­es ou de l’ex­tinc­tion d’espèces.

Les zones humides rem­plis­sent donc ce qu’on appelle des ” fonc­tions ” (hydrologiques, biogéochim­iques, biologiques), déduites directe­ment de leurs car­ac­téris­tiques et de leur fonc­tion­nement écologiques, qui peu­vent être traduites en ser­vices ren­dus ou en ” valeurs “, cor­re­spon­dant aux avan­tages économiques et cul­turels qu’en retirent les pop­u­la­tions locales et plus large­ment la société.

L’é­tape ultime du raison­nement con­siste à effectuer une éval­u­a­tion moné­taire de ces ser­vices ren­dus qui per­met alors de faire référence à des béné­fices socioé­conomiques. Ain­si, en Camar­gue, des fonc­tions biologiques (pro­duc­tions pri­maire et sec­ondaire) peu­vent s’ex­primer en ter­mes de vente des roseaux vers des pays nordiques rap­por­tant env­i­ron 2 000 F par hectare, et de droit de chas­se aux oiseaux d’eau qui, appliqué aux 5 000 chas­seurs, apporte à l’é­conomie locale près de 35 mil­lions de francs et per­met de financer 74 emplois permanents.

Vis-à-vis de la ges­tion de la ressource en eau, plusieurs fonc­tions et valeurs socioé­conomiques des zones humides, dont l’in­ten­sité varie selon le type de milieu con­sid­éré, méri­tent d’être mentionnées :

  • le stock­age de l’eau de sur­face à court ou long terme, à l’o­rig­ine d’une réduc­tion de l’in­ten­sité des inon­da­tions par le retarde­ment de la prop­a­ga­tion des pics de crue ain­si que du main­tien d’habi­tats pour les pois­sons en péri­ode sèche ;
  • le main­tien d’un niveau élevé des nappes phréa­tiques super­fi­cielles, béné­fique au sou­tien des débits d’é­ti­age et au développe­ment des com­mu­nautés d’hy­drophytes, et donc à la biodiversité ;
  • la trans­for­ma­tion et le recy­clage des élé­ments, à l’o­rig­ine d’un main­tien du stock en nutri­ments prop­ice à la pro­duc­tion sylvicole ;
  • la réten­tion et l’élim­i­na­tion de sub­stances dis­soutes, ain­si que le piégeage des matières en sus­pen­sion (organique, inor­ganique), proces­sus favor­able à l’ob­ten­tion d’une eau de qualité.


Si de nom­breux points relat­ifs à la quan­tifi­ca­tion de l’in­flu­ence réelle des milieux humides restent encore sans réponse, il est désor­mais admis que ces effets sont glob­ale­ment posi­tifs (Fustec & Lefeu­vre, 2000).

Le Marais poitevin dans les environs de Coulon (Deux-Sèvres).
Le Marais poitevin dans les envi­rons de Coulon (Deux-Sèvres). © CEMAGREF – J.-M. LE BARS

De ce fait, il est ten­tant de com­par­er les zones humides à des ” infra­struc­tures naturelles ” dans la mesure où elles ren­dent les mêmes ser­vices que des équipements de génie civ­il : bar­rage-écrê­teur ou réser­voir, endigue­ment, enroche­ment, con­struc­tion d’épis, bassin de décan­ta­tion, sta­tion d’épu­ra­tion ; ou des opéra­tions de génie écologique : alev­inage, lâch­er d’e­spèces gibier, pro­grammes de repro­duc­tion et réin­tro­duc­tion d’e­spèces pro­tégées men­acées, de restau­ra­tion d’é­cosys­tèmes (Mer­met, 1995). D’ailleurs, leur prise en compte dans les SDAGE reflète large­ment cette préoccupation.

Cepen­dant, la recon­nais­sance de cer­taines de ces fonc­tions et leur rentabil­i­sa­tion comme ser­vice vont même par­fois au-delà des poten­tial­ités réelles de ces milieux. Ain­si, les capac­ités des zones humides, tous types con­fon­dus, pour le traite­ment des efflu­ents ont des lim­ites. Des phénomènes de sat­u­ra­tion entraî­nant des dys­fonc­tion­nements écologiques peu­vent appa­raître et remet­tre en cause l’ex­is­tence de milieux jugés de grande valeur à d’autres titres. Par con­tre, la con­struc­tion de zones humides arti­fi­cielles, conçues spé­ciale­ment pour résoudre ces prob­lèmes de pol­lu­tion, est un des meilleurs moyens de démon­tr­er la néces­sité de sauve­g­arder ces marais.

En réal­ité, l’es­ti­ma­tion de l’in­térêt économique glob­al d’une zone humide se révèle déli­cate à objec­tiv­er, par­fois dan­gereuse par son côté util­i­tariste (Bar­naud, 2000). En plus des retombées et exter­nal­ités économiques provenant en effet de son util­i­sa­tion directe, il est néces­saire d’in­té­gr­er les gains indi­rects, qui doivent être éval­ués à long terme ou dans une vision pat­ri­mo­ni­ale col­lec­tive. Par exem­ple, le pro­prié­taire de prairies hygrophiles rivu­laires peut choisir de les drain­er et de les cul­tiv­er pour en extraire un revenu immé­di­at. Par con­tre, en accep­tant de les gér­er en leur con­ser­vant leur car­ac­tère inond­able, il con­tribue, sans en retir­er aucune retombée directe microé­conomique, à une poli­tique de préven­tion des risques d’i­non­da­tion pour des habi­ta­tions situées en aval, et per­met le main­tien d’e­spèces men­acées et de paysages appré­ciés par les touristes.

Employ­er la notion d’in­fra­struc­ture naturelle comme argu­ment pour défendre les zones humides dans le cadre de la plan­i­fi­ca­tion du ter­ri­toire implique de raison­ner à l’échelle du bassin ver­sant, en con­stru­isant les out­ils inci­tat­ifs néces­saires au développe­ment des sol­i­dar­ités amont-aval.

Les enjeux stratégiques actuels

Le Plan d’ac­tion s’ori­ente main­tenant vers la créa­tion de struc­tures thé­ma­tiques et fédéra­tives per­me­t­tant de dif­fuser au plan local les acquis des divers­es ini­tia­tives menées jusqu’à présent et de faire émerg­er de nou­velles prob­lé­ma­tiques. Six pôles relais ont ain­si été iden­ti­fiés, cha­cun étant dédié à une grande caté­gorie de zones humides :

1) lit­torales atlantiques,
2) lit­torales méditerranéennes,
3) des val­lées alluviales,
4) intérieures,
5) tourbières,
6) mares et mouillères.

Leur prin­ci­pale mis­sion con­siste à struc­tur­er et ani­mer le réseau des parte­naires con­cernés par la ges­tion de ces milieux, en facil­i­tant les échanges d’expériences.

Dans ce con­texte, la prise en compte de la dimen­sion soci­ologique, dont l’im­por­tance a été con­fir­mée par les travaux de recherche, con­di­tionne large­ment la réus­site des actions en cours. Sans une adhé­sion franche des acteurs aux objec­tifs, aucune poli­tique de con­ser­va­tion d’en­ver­gure ne peut se con­cré­tis­er. Or, les zones humides, plus que d’autres milieux, sem­blent perçues comme des lieux aux voca­tions extrêmes, d’un côté, elles représen­teraient des arché­types du sanc­tu­aire de nature vierge, de l’autre des ter­ri­toires à con­quérir et maîtris­er, les posi­tions des uns et des autres pou­vant évoluer au cours du temps.

Pour con­cevoir des straté­gies effi­caces, les respon­s­ables du devenir de ces milieux ont donc à imag­in­er la manière d’in­té­gr­er les dynamiques écologiques et sociales pro­pres à ces milieux d’in­ter­face entre le ter­restre et l’aqua­tique. Ils doivent égale­ment se sou­venir que la var­iété et la vari­abil­ité des zones humides, car­ac­téris­tiques attrayantes pour les éco­logues, ren­dent dif­fi­ciles leur manip­u­la­tion et leur remplacement.

Bib­li­ogra­phie

► BARNAUD G., 1997. Rôle et fonc­tion des zones humides. Actes des 24e Journées de l’Hy­draulique de la Société hydrotech­nique de France ” L’Eau, l’homme et la nature ” (18–20 sep­tem­bre 1996, Paris), La Houille Blanche 1/2 : 90–91.
► BARNAUD G., 2000. Du sauve­tage d’e­spèces et de milieux pres­tigieux à la restau­ra­tion de fonc­tions et de valeurs. Pages 329–349 in Fonc­tions et valeurs des zones humides, Fustec E. & Lefeu­vre J.-C. (éd.), Dun­od, Paris.
► BERNARD P., 1994. Les zones humides. Rap­port d’é­val­u­a­tion. Comité inter­min­istériel de l’é­val­u­a­tion des poli­tiques publiques. Pre­mier min­istre — Com­mis­sari­at au Plan. Rap­port d’é­val­u­a­tion. La Doc­u­men­ta­tion Française, 391 p.
► FUSTEC E. & LEFEUVRE J.-C. (éd.) 2000. Fonc­tions et valeurs des zones humides. Dun­od, Paris, 426 p.
► MERMET L., 1995. Les infra­struc­tures naturelles : statut, principe, con­cept, ou slo­gan ? ZH Infos, 7 : 7–9.
► MITSCH W. J. & GOSSELINK J. G., 1986. Wet­lands. 1st ed., Van Nos­trand Rein­hold Com­pa­ny, New York, 537 p.
► NRC, 1995. Wet­lands : Char­ac­ter­is­tics and bound­aries. Com­mit­tee on char­ac­ter­i­za­tion of wet­lands, Nation­al Research Coun­cil, Com­mis­sion on Geo­sciences, Envi­ron­ment and Resources. Pre­pub­li­ca­tion draft, Wash­ing­ton DC, 268 p.
► XIMENÈS M. C. 2001. L’Ob­ser­va­toire nation­al des zones humides : où en est-on ? Zones humides Infos, 31 : 4–5.


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1. Il s’ag­it des marais, marécages, tour­bières, prairies humides, marais agri­coles, lan­des et bois marécageux, forêts allu­viales, rip­i­sylves, prés salés, marais sal­i­coles, san­souires, man­groves, etc. Ces milieux sont local­isés en bor­dure des sources, ruis­seaux, fleuves, lacs, lagunes, étangs, baies et estu­aires, dans les deltas, les dépres­sions de val­lée ou les zones de suin­te­ment à flanc de colline et se dis­tinguent des milieux aqua­tiques ou marins à pro­pre­ment par­ler par cer­taines pro­priétés, fonc­tions et valeurs originales.
2. Les doc­u­ments sont télécharge­ables sur le site por­tail des zones humides :
http://www.ifen.fr/zoneshumides
3. Camar­gue, étang de Biguglia, rives du lac Léman, étang de la Petite Woëvre, étangs de la Cham­pagne humide, marais du Cotentin et du Bessin, baie des Veys, golfe du Mor­bi­han, La Brenne, Le Grand Cul-de-Sac Marin, Basse-Mana, marais de Kaw, baie du Mont-Saint-Michel, Grande-Brière, marais du bassin du Briv­et, lac de Grand-Lieu, Bass­es val­lées angevines, marais de Basse Maine et de Saint-Aubin, marais salants de Guérande et du Mès, Petite Camar­gue, baie de Somme.

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