Courrier des lecteurs, à propos de « Libéralisme et globalisation »

Dossier : ExpressionsMagazine N°626 Juin/Juillet 2007Par : Jean ROULET (38)

On savait depuis déjà de nom­breuses années, que la concur­rence entre les gros pro­duc­teurs agri­coles et la petite pay­san­ne­rie des pays pauvres abou­tis­sait iné­luc­ta­ble­ment à la ruine de ces der­niers – et à la famine de leurs popu­la­tions – à tra­vers la des­truc­tion de leur agri­cul­ture. Cette spé­cia­li­sa­tion, à la Ricar­do, a pour­sui­vi ses effets dans nos pays, avec la qua­si-dis­pa­ri­tion de nos pay­sans, un aban­don de terres agri­coles et une émi­gra­tion vers les cités et les acti­vi­tés secondaires.

On peut dis­cer­ner, à tra­vers les licen­cie­ments col­lec­tifs et les délo­ca­li­sa­tions, le début du même phé­no­mène de des­truc­tion des acti­vi­tés secon­daires dans nombre de pays dont le nôtre. Il n’est pas exclu, à voir la vitesse où les acti­vi­tés d’in­for­ma­ti­sa­tion sont maî­tri­sées par les cer­veaux de pays à bas niveau de vie, que le sec­teur ter­tiaire soit lui aus­si menacé.

On y ver­ra ain­si confir­mée la théo­rie de Ricar­do. Mais à quel prix ?

Trois observations : 

1° La glo­ba­li­sa­tion (dite aus­si mon­dia­li­sa­tion) n’est stable qu’en l’ab­sence de ten­sions (et de guerres de toutes natures) entre des peuples qui dif­fèrent par leur culture ou leur ambi­tion. En cas de conflit, com­ment pour­ront être assu­rés les besoins élé­men­taires dans des pays spé­cia­li­sés ? Où la France trou­ve­ra-t-elle la satis­fac­tion de ses besoins ali­men­taires ? Comme l’é­crit Jean-Marie Far­deau, il faut mettre en place une déro­ga­tion à la règle géné­rale pour pro­té­ger les plus pauvres (ne devrait-on pas dire « les moins riches » ?).
 2° L’a­van­tage majeur de la glo­ba­li­sa­tion est évi­dem­ment la capa­ci­té de réduire les coûts de pro­duc­tion par des moyens indus­tria­li­sés et de finan­cer des recherches de pro­duits de sub­sti­tu­tion ou de besoins nou­veaux. On com­mence à s’a­per­ce­voir que cette glo­ba­li­sa­tion passe par une concen­tra­tion dont l’ob­jec­tif éco­no­mique est une domi­na­tion mono­po­lis­tique dans chaque sec­teur d’ac­ti­vi­té. La réduc­tion des prix de la phase concur­ren­tielle fait place à une rente de situa­tion qui asser­vit les consom­ma­teurs. Peut-on à la fois prô­ner la mon­dia­li­sa­tion et l’ins­tau­ra­tion d’une vraie concurrence ?
 3° Le pro­grès tech­no­lo­gique modi­fie en pro­fon­deur le sta­tut de l’homme et de la socié­té. Il faut moins de cher­cheurs qui conçoivent de nou­velles méthodes de pro­duc­tion auto­ma­ti­sées que le nombre d’ou­vriers (et cadres ou action­naires) que leur inven­tion chasse du tra­vail. Là se trouve peut-être l’ex­pli­ca­tion du phé­no­mène qui fait résul­ter un plus grand écart des niveaux de vie de la crois­sance éco­no­mique. Mais com­ment pour­rait-on ordon­ner une socié­té où un petit nombre d’ac­tifs s’op­po­se­rait au grand nombre de chô­meurs ? Com­ment évi­ter que l’oi­si­ve­té dénu­cléa­rise la digni­té humaine ?

On peut légi­ti­me­ment pen­ser qu’une glo­ba­li­sa­tion éco­no­mique ne peut être stable sans une gou­ver­nance mon­diale, c’est-à-dire un sys­tème de règles qui limitent ou com­pensent les abus de la mon­dia­li­sa­tion. Mais à voir les mou­ve­ments nais­sants de révolte, on peut se poser la ques­tion sui­vante : « La mon­dia­li­sa­tion serait-elle un abou­tis­se­ment iné­luc­table (comme on le croit) ou ne serait-elle pas plu­tôt la période d’un cycle éco­no­mique, comme la démo­cra­tie en est une sur le plan poli­tique, dans l’en­chaî­ne­ment tyran­nie-révo­lu­tion-démo­cra­tie-déma­go­gie-anar­chie-dic­ta­tu­re/­ty­ran­nie… ? »

Par Jean ROULET (38)

Poster un commentaire