Coteaux d’Aix : l’élite de la Provence

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°578 Octobre 2002Rédacteur : Laurens DELPECH

A force de com­mu­ni­quer sur le rosé et l’art de vivre (soleil, cigale, oli­viers…) la Pro­vence n’a pas encore l’image d’une région pro­duc­trice de grands vins. Cer­taines appel­la­tions, comme les coteaux d’Aix-en-Provence, sont pour­tant le creu­set d’excellents crus dont la race n’a plus rien à envier aux bou­teilles les plus pres­ti­gieuses, en rosé – bien sûr -, mais aus­si en rouge et en blanc.

Entre Aix, l’étang de Berre et les Alpilles, le vignoble des coteaux d’Aix s’étend sur 3 500 hec­tares. L’appellation com­prend une par­tie nord, zone de coteaux proche de la Durance, où on fait des vins assez fermes, mar­qués par une cer­taine aci­di­té et une par­tie sud, sur le pour­tour de l’étang de Berre qui pro­duit des vins souples, expri­mant très vite leur poten­tiel aromatique.

En son temps (dans les années soixante), Georges Bru­net qui avait ven­du le cru clas­sé du Médoc Châ­teau La Lagune pour ache­ter le Châ­teau Vigne­laure dans les coteaux d’Aix avait déjà mon­tré que des vins de grande qua­li­té peuvent être pro­duits dans cette appellation.

Depuis, un nombre crois­sant de domaines se sont enga­gés dans une démarche qua­li­ta­tive. Ils pro­duisent des rouges solides et char­pen­tés, des rosés vifs et frin­gants et des blancs qui, grâce aux nou­velles tech­niques de vini­fi­ca­tion, ont désor­mais la fraî­cheur et la viva­ci­té qui pou­vaient leur faire défaut autrefois.

Ancienne pro­prié­té de l’ordre de Malte s’étendant sur 1 000 hec­tares (90 hec­tares de vignes) proche de l’étang de Berre, le Châ­teau Calis­sane est un sym­bole du renou­veau qua­li­ta­tif des coteaux d’Aix-en-Provence. La Cuvée du Châ­teau est d’un remar­quable rap­port qua­li­té­prix, mais le Clos Vic­toire repré­sente la meilleure sélec­tion, en rouge comme en blanc ou en rosé. Assem­blage de syrah et de caber­net sau­vi­gnon éle­vé en fûts neufs, le Clos Vic­toire rouge est un vin concen­tré et rond, avec un goût déli­cieux de mûre et de cas­sis. Un vin plai­sir mais avec une dimen­sion de com­plexi­té aro­ma­tique et une lon­gueur en bouche qui laissent pré­voir une belle évo­lu­tion après quelques années de cave. En rosé, il est élé­gant et frui­té, avec beau­coup de gras. Le blanc est déli­cieux, à la fois suave et puissant.

On trouve le Clos Vic­toire dans les plus grands res­tau­rants de la Pro­vence et de la Côte‑d’Azur, comme l’Ous­tau de Bau­ma­nière aux Baux-de-Pro­vence ou le Louis XV (Ducasse) à Monte- Car­lo, mais aus­si à Paris chez Guy Savoy ou au Bis­trot du Som­me­lier. Le domaine pro­duit éga­le­ment de déli­cieuses huiles d’olive, concen­trées et proches du fruit. C’est une bonne adresse pour les ama­teurs de tou­risme viti­cole, car la pro­prié­té accueille des visi­teurs tous les jours, même le dimanche.

Le Châ­teau Reve­lette appar­tient à un Alle­mand (Peter Fischer) des­cen­dant des fon­da­teurs de la colle Uhu. Peter Fischer a été for­mé en Cali­for­nie où il a sui­vi les cours d’œnologie de l’université de Davis, ce qui ne l’empêche pas de maî­tri­ser toutes les sub­ti­li­tés du ter­roir pro­ven­çal. Ses cuvées “ Grand Blanc ” et “ Grand Rouge ” comptent par­mi les meilleures de l’appellation. Com­po­sé à 100% de char­don­nay, le “Grand Blanc” est par­ti­cu­liè­re­ment ori­gi­nal, bien qu’il soit ven­du sous l’appellation vin de pays, car le char­don­nay ne fait pas par­tie des cépages auto­ri­sés par l’INAO pour les coteaux d’Aix…

Ados­sé aux col­lines de la Tré­va­resse, le Domaine Les Bas­tides a été créé de toutes pièces en 1976 par Jean Salen, qui le dirige avec sa fille Carole. Les vins sont d’une puis­sance et d’un équi­libre remar­quables. Les rouges (sur­tout la cuvée Valé­ria) ont un beau poten­tiel de vieillis­se­ment et les prix res­tent modestes. Ce domaine a été le pre­mier à reprendre la tra­di­tion du fameux “ vin cuit ” que l’on boit en Pro­vence au moment de Noël. C’est un vin doux, très ori­gi­nal, au goût de melon et de fruits confits.

Avec ses 150 hec­tares de vignes, la Com­man­de­rie de la Bar­ge­mone est le plus grand domaine de l’appellation. On y trouve des vins sans pré­ten­tion, bien faits (notam­ment la Cuvée Tour­ne­bride) et pas chers.

Situé à Eyga­lières, le Domaine d’Éole est exploi­té en culture bio­lo­gique. La Cuvée Léa, com­po­sée de syrah et de gre­nache, est un des grands vins des coteaux d’Aix. Le domaine fait aus­si un excellent rosé, frais et fruité.

On ne sau­rait enfin conclure ce tour d’horizon de l’appellation sans reve­nir là où tout a com­men­cé, au Châ­teau de Vigne­laure, qui appar­tient main­te­nant à une famille irlan­daise, les O’Brien, des spé­cia­listes de l’élevage et de l’entraînement de che­vaux de course (plu­sieurs de leurs cham­pions ont rem­por­té le prix de l’Arc de Triomphe) qui se sont diver­si­fiés dans le vin. Les pre­miers résul­tats sont pro­met­teurs, en rouge comme en rosé.

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