Conseil : low-cost ou value for money ?

Dossier : Entreprise et managementMagazine N°608 Octobre 2005
Par Arnaud SIRAUDIN (87)

Le modèle low-cost

Le modèle low-cost

Quel est le point com­mun entre le logi­ciel de VoIP Skype, les hyper­marchés Lidl, les hôtels For­mule 1 et les avions Easy­Jet ? Tous ces pro­duits sont com­mer­cial­isés par des entre­pris­es qual­i­fiées de ” low-cost “, qui parta­gent deux principes clés dans leur mod­èle : le pre­mier con­siste à min­imiser par tous les moyens sa struc­ture de coûts, le deux­ième con­siste à sim­pli­fi­er au max­i­mum son offre pour cass­er les prix et pren­dre des parts de marché aux acteurs traditionnels.

Une offre à bas coûts prend à con­tre-pied le pos­tu­lat désor­mais obsolète qui dis­ait ” qu’un pro­duit de bonne qual­ité est for­cé­ment cher “. En effet, une entre­prise low-cost com­mer­cialise une offre la plus sim­ple pos­si­ble (à pro­duire et à com­mu­ni­quer) en sup­p­ri­mant toutes les com­posantes des con­cur­rents que le client n’u­tilise pas mais qu’il paye : la mar­que, les options inclus­es d’emblée dans l’of­fre, les cadeaux et primes de fidéli­sa­tion… En effet, pour trou­ver des relais de crois­sance ou des sources de dif­féren­ci­a­tion sur des marchés arrivés à sat­u­ra­tion, les acteurs ” tra­di­tion­nels ” ont pro­gres­sive­ment inté­gré dans leurs offres des fonc­tion­nal­ités sup­plé­men­taires avec deux modal­ités égale­ment risquées : soit ils les pro­posent comme des options au risque de ren­dre leurs offres dif­fi­ciles à com­pren­dre pour le client (et le vendeur…), soit ils les intè­grent dans le pro­duit au risque de génér­er une frus­tra­tion de la part du client qui paye pour quelque chose qu’il n’u­tilise pas. Ain­si, les acteurs low-cost définis­sent leurs offres en se lim­i­tant à ce que le client val­orise le plus, en le ven­dant le moins cher pos­si­ble et en com­mu­ni­quant forte­ment sur la qual­ité iden­tique mal­gré des prix en baisse. Enfin, en com­plé­ment de ce prix facial très attrayant, la plu­part val­orisent forte­ment les options ou les mod­i­fi­ca­tions demandées par le client par rap­port à l’of­fre de base (ex. : prix Easy­jet suiv­ant la durée d’anticipation).

Con­cer­nant l’op­ti­mi­sa­tion de la struc­ture de coûts, tous les postes sont poten­tielle­ment con­cernés, de la R & D (min­i­male) au ser­vice client (automa­tisé). En out­re, une gamme de pro­duits réduite et des fonc­tion­nal­ités lim­itées ou basiques sont des leviers sup­plé­men­taires de réduc­tion de la struc­ture de coûts. Ain­si, le suc­cès de ces acteurs, qui entrent sur un marché déjà instal­lé, repose aus­si sur leurs capac­ités à met­tre en œuvre dès leur créa­tion la struc­ture la moins coû­teuse sur le long terme à l’op­posé des autres acteurs en place qui doivent amor­tir leurs mod­èles de coûts et qui ont de grandes dif­fi­cultés à faire évoluer leurs struc­tures exis­tantes (c’est-à-dire inca­pac­ité à con­duire un plan social, à mod­i­fi­er les con­trats de travail…).

La com­bi­nai­son de ces deux principes per­met aux acteurs ” low-cost ” de capter une part de marché sig­ni­fica­tive et de rester profitables :

  • au Dane­mark, un opéra­teur virtuel de com­mu­ni­ca­tion mobile Tel­more a acquis en trois ans 10 % de part de marché et a entraîné une baisse des prix de 50 % en dix mois sur le marché avec une offre minimale,
  • le hard dis­count (avec Lead­er­Price et Lidl qui représen­tent 62 % de ce seg­ment) représente 13 % de la dis­tri­b­u­tion française en 2004,
  • dix ans après son lance­ment en 1995, Easy­Jet dessert 60 aéro­ports et trans­porte 24,3 mil­lions de pas­sagers pour un chiffre d’af­faires qui a dépassé 1 mil­liard d’eu­ros en 2004. En Europe, les com­pag­nies low-cost ont acquis 16 % de part de marché face aux com­pag­nies traditionnelles.

Le modèle low-price

Les offres ” low-cost ” sont à dis­tinguer des offres ” low-price “. En effet, ces dernières promet­tent au client la même valeur ajoutée que les offres clas­siques mais à des prix bas. Les sociétés cor­re­spon­dantes gar­dent la logique de réduc­tion des coûts mais sans for­cé­ment lim­iter au max­i­mum la largeur ou la pro­fondeur de gamme pro­duit. Elles se fondent générale­ment sur une inno­va­tion qui leur per­met d’avoir un avan­tage sur les coûts, et sur la sen­si­bil­ité des clients au prix, en comblant une marge plus faible par un vol­ume de vente plus impor­tant : Free a ain­si prof­ité de la général­i­sa­tion du haut débit en France pour com­mer­cialis­er la Voix sur Inter­net (ou VoIP) et bous­culer les opéra­teurs fix­es. De même, Last Minute offre des tar­ifs réduits pour le même ser­vice final grâce à la com­mer­cial­i­sa­tion des ” inven­dus ” de dernière minute des com­pag­nies clas­siques. Zara dans l’ha­bille­ment vend grâce à sa Sup­ply Chain des pro­duits qua­si­ment iden­tiques aux pro­duits de grandes mar­ques et moins chers. Enfin, les logi­ciels libres lead­ers (comme Lin­ux ou MySQL) sont passés pro­gres­sive­ment du ” low-cost ” au ” low-price “, en étof­fant leurs fonc­tion­nal­ités grâce au développe­ment Open Source via des ressources gra­tu­ites répar­ties dans le monde entier.

Opportunités dans le conseil

En rai­son d’un marché du con­seil en décrois­sance ces dernières années et de la pres­sion des direc­tions achats sur la réduc­tion des taux jour­naliers, le con­seil n’est pas épargné par cette ten­dance et il est apparu des cab­i­nets posi­tion­nés à bas prix. Plusieurs points sont à pren­dre en compte pour éval­uer la fais­abil­ité d’un con­seil à bas coûts.

Tout d’abord, le con­seil est une activ­ité en inter­face avec le client (“ front office ”) plutôt que d’ac­tiv­ité sup­port (“ back office ”), et la qual­ité de la presta­tion dépend forte­ment de la qual­ité indi­vidu­elle de chaque con­sul­tant. En réal­ité, même si beau­coup de cab­i­nets promet­tent de superbes méthodolo­gies (la plu­part se lim­i­tant à une para­phrase de diag­nos­tic — plan d’ac­tion — mise en œuvre…), le fac­teur clé pour choisir un cab­i­net porte plutôt sur sa con­nais­sance de la prob­lé­ma­tique et du secteur, sur sa capac­ité à struc­tur­er une réflex­ion et à garan­tir l’ob­ten­tion d’un résul­tat. À l’in­verse, le con­seil ” low-cost ” sup­poserait des solu­tions ciblées — pack­agées, indus­tri­al­isées — pour pou­voir être dupliquées avec un min­i­mum d’in­vestisse­ment com­mer­cial et mis­es en œuvre par des con­sul­tants ” inter­change­ables “. Dans la plu­part des cas, la demande du client reste cepen­dant com­plexe, la réponse implique des solu­tions orig­i­nales (“ chez moi, ce n’est pas pareil… ”), sup­posant des con­sul­tants expéri­men­tés capa­bles de trou­ver ou d’in­ven­ter les solu­tions, et le mod­èle low-cost devient alors peu pertinent.

Par ailleurs, le con­seil est une activ­ité de ser­vice où le résul­tat est générale­ment obtenu grâce à un tra­vail com­mun con­sul­tant-client. Ain­si, la con­fi­ance entre cab­i­net et entre­prise est non seule­ment néces­saire mais est le fonde­ment de la rela­tion qui doit s’établir entre eux. Il n’est pas éton­nant que les mod­èles low-cost aient beau­coup de dif­fi­cultés à percer dans la banque, où une part impor­tante de la valeur ajoutée réside dans la prox­im­ité entre le client et le con­seiller, qui le com­prend au mieux et peut lui pro­pos­er les pro­duits les plus adap­tés. La cherté de la presta­tion vient de l’in­di­vid­u­al­i­sa­tion, principe que les entre­pris­es bat­tent en brèche en déper­son­nal­isant au max­i­mum la rela­tion client-con­sul­tant, en allant jusqu’à la mise en place d’ap­pels d’of­fres, de places de marché voire d’enchères inver­sées. Mal­gré ces nou­veaux sys­tèmes, le choix du client sera encore large­ment lié au ” courant ” qui s’établi­ra lors d’une éventuelle présen­ta­tion orale ou à sa con­nais­sance préal­able du consultant.

Un cab­i­net de con­seil dit clas­sique se trou­ve ain­si dans un con­texte ren­dant un posi­tion­nement low-cost peu ten­able dans la durée : struc­ture de coût fixe impor­tante (salaire des con­sul­tants), activ­ité peu repro­ductible compte tenu du con­texte spé­ci­fique de chaque client, act­ifs stratégiques reposant essen­tielle­ment sur des per­son­nes et non sur des tech­nolo­gies ou des act­ifs matériels. Enfin, le mod­èle de rentabil­ité d’un cab­i­net repose sur deux fac­teurs prin­ci­paux : la marge par ressource par rap­port à son salaire et le taux d’ac­tiv­ité sur pro­jet. Alors que la plu­part des agences d’in­térim appliquent un coef­fi­cient com­pris entre 1,8 et 2 (pour des pro­fils rares) par rap­port au salaire brut, les cab­i­nets de con­seil doivent appli­quer un coef­fi­cient supérieur pour gér­er deux risques inex­is­tants dans l’in­térim : les pro­jets sont (pour la plu­part) fac­turés au for­fait et non en régie, et la struc­ture de coûts est fixe con­traire­ment à l’a­gence d’in­térim qui ne paye aux salariés que les jours fac­turés et dis­pose donc de coûts essen­tielle­ment variables.

Il existe ain­si une place éventuelle pour du con­seil low-cost sur une nature de presta­tions bien par­ti­c­ulières : ser­vices basés sur une méthodolo­gie très stan­dard­is­ée, applic­a­bles sur un nom­bre impor­tant d’en­tre­pris­es, où la prise en compte du con­texte spé­ci­fique du client est faible et où la valeur du ser­vice réside plus dans la méth­ode que dans la valeur intrin­sèque du con­sul­tant (non salarié mais en free-lance) : le con­seil pour une cer­ti­fi­ca­tion qual­ité, l’au­dit, le déploiement d’une même solu­tion générique, cer­tains types de for­ma­tion peu­vent être ain­si des oppor­tu­nités pour un prestataire low-cost. En revanche, le con­seil en stratégie sem­ble peu prop­ice à ce modèle…

Conseil ” value for money ”

Sans aller jusqu’au mod­èle low-cost, il existe des marges de manœu­vre pour un con­seil moins cher et capa­ble de pro­pos­er la même valeur ajoutée que les cab­i­nets de mar­que. Ain­si, Heme­ria n’est pas en tant que tel un cab­i­net low-cost, mais cherche à apporter le max­i­mum de valeur ajoutée en réduisant au min­i­mum les prix et ses coûts. Trois principes struc­turent cette logique :

  • nous ne refac­turerons pas à nos clients une prime de mar­que (qui peut aller jusqu’à 30 % en plus), même si nous dis­posons de chefs de pro­jet et directeurs de pro­jet for­més dans ces cab­i­nets de mar­que et via des expéri­ences opéra­tionnelles. De même, nous dévelop­pons des parte­nar­i­ats avec des cab­i­nets étrangers sans avoir les sur­coûts d’une struc­ture inter­na­tionale sans valeur ajoutée. Enfin, nous avons dimen­sion­né nos fonc­tions sup­port au plus juste pour lim­iter les coûts tout en délestant les con­sul­tants des tâch­es à plus faible valeur ajoutée ;
  • en out­re, dès que pos­si­ble, nous lions une par­tie de nos hon­o­raires à l’at­teinte effec­tive des résul­tats chez nos clients afin de les ras­sur­er sur la valeur que nous appor­tons et sur notre engage­ment à leurs côtés ;
  • enfin, pour les mis­sions de stratégie, nous prenons en compte dès le début la fais­abil­ité opéra­tionnelle pour lim­iter les analy­ses au strict néces­saire et éviter de creuser des points qui aboutis­sent à des beaux trans­par­ents mais n’ap­por­tent pas de valeur ajoutée dans la déci­sion ou la mise en œuvre.


Selon le bon adage en cours dans les achats, il est préférable — en par­ti­c­uli­er dans le méti­er du con­seil — de raison­ner ” coût com­plet et ROI ” plutôt que sim­ple­ment ” prix d’achat et réduction “.

Ain­si, avant de sélec­tion­ner un cab­i­net de con­seil pour un pro­jet de stratégie, d’op­ti­mi­sa­tion des opéra­tions ou d’ori­en­ta­tion vers le client, posez-vous deux ques­tions principales :

  • est-ce que le pro­jet néces­site un accom­pa­g­ne­ment avec un cab­i­net dis­posant d’une forte mar­que : livrable pour des action­naires, pro­jet ali­bi pour jus­ti­fi­er d’une con­clu­sion que vous avez déjà identifiée… ?
  • e pro­jet néces­site-t-il une inter­ven­tion du type rouleau com­presseur ou faut-il plutôt un accom­pa­g­ne­ment per­son­nal­isé fondé sur une prise en compte du fac­teur humain et une mobil­i­sa­tion de com­pé­tences divers­es per­me­t­tant de trou­ver des solu­tions orig­i­nales ? Avez-vous besoin d’at­tein­dre vos objec­tifs quels que soient les moyens, ou bien la démarche pour y par­venir et l’im­pli­ca­tion des ressources internes sont-elles elles-mêmes un des objec­tifs du projet ? 

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