Claude HELFFER (42)

Claude Helffer (42) (1922−2004)

Dossier : ExpressionsMagazine N°606 Juin/Juillet 2005Par Bertrand MAURY (88)

Claude Helf­fer s’est éteint le 27 octobre 2004 à l’âge de 82 ans. Son père, ancien offi­cier, était indus­triel ; sa mère, bonne vio­lo­niste ama­trice, avait sui­vi les classes d’é­cri­tures au conser­va­toire de Paris. Dès l’âge de cinq ans, il débute le pia­no et son appren­tis­sage est confié à la tante de Robert Casa­de­sus, avec, assez rapi­de­ment, une super­vi­sion men­suelle de ce dernier. 

Il est admis en 1942 à l’É­cole poly­tech­nique. Envoyé en zone libre aux chan­tiers de jeu­nesse, il y tombe malade, se pas­sionne, pen­dant sa conva­les­cence à l’hô­pi­tal, pour les par­ti­tions de Bee­tho­ven et, réta­bli, s’en­gage dans le maquis du Ver­cors. Il reprend le che­min des études à l’É­cole poly­tech­nique en 1944 et c’est vers 1947 qu’il se décide, encou­ra­gé par R. Casa­de­sus, à se lan­cer dans la car­rière de soliste avec un pre­mier réci­tal en 1948. Les débuts de sa car­rière sont mar­qués par le duo qu’il forme avec le vio­lon­cel­liste Roger Albin, mais son par­cours de soliste inter­na­tio­nal s’af­firme à par­tir de 1962. Ami des musi­ciens de son temps, il les a beau­coup joués et on lui doit la créa­tion d’œuvres d’A­my, Bou­cou­re­chliev, Jar­rell, Jolas, Krawc­zyk, Manou­ry, Pablo, Trem­blay, etc. 

Cepen­dant, dans ses pro­grammes de réci­tal, il n’a jamais vou­lu sépa­rer les clas­siques des contem­po­rains, s’ef­for­çant au contraire de mettre en évi­dence la grande uni­té qui les lie, comme, par exemple, celle des trois B : Bee­tho­ven, Bar­tok et Boulez. 

Claude Helf­fer donne, à par­tir des années soixante-dix, une grande place à l’en­sei­gne­ment au sein de mas­ter classes. On men­tion­ne­ra ici son cours d’in­ter­pré­ta­tion au Mozar­teum de Salz­bourg et, bien sûr, le cours d’in­ter­pré­ta­tion et d’a­na­lyse qu’il a don­né pen­dant près de trente ans, un mar­di par mois, à son domi­cile pari­sien, cours sui­vi par des musi­ciens de tous hori­zons et natio­na­li­tés, cap­ti­vés par sa péda­go­gie et sa culture encyclopédique. 

DISCOGRAPHIE INCOMPLÈTE

BÉLA BARTOK
Concer­to n° 2 (Orchestre Natio­nal, dir. E. Bour), Vogue/INA 1987.
En plein air, Sonate, Danses popu­laires rou­maines, Suite opus 14.
Impro­vi­sa­tions opus 20, Har­mo­nia Mun­di, 1982–1993.
Mikro­kos­mos (2e pia­no : H. Austbö), Har­mo­nia Mun­di 1973–1991 (2 CD)
LUDWIG VAN BEETHOVEN
Triple Concer­to (I. Ozim : vio­lon ; A. Nato­la, vio­lon­celle ; Orchestre Natio­nal de Vienne, dir. H. Wall­berg), Guilde Inter­na­tio­nale du Disque, 1968–1989.
ANDRÉ BOUCOURECHLIEV
Archi­pels (I et III), MFA (Musique fran­çaise d’aujourd’hui) 216001.
PIERRE BOULEZ
Sonates 1–3, Astrée Auvi­dis. E7716. CLAUDE DEBUSSY
Douze études, Estampes, GMS, 1989.
Images I et II, Children’s Cor­ner, Suite ber­ga­masque, Petite Suite, Six épi­graphes antiques, Har­mo­nia Mun­di, 1972−1973−1979. BETSY JOLAS
Stances (Orchestre natio­nal, dir. M. Constant), Adès/MFA, 1978–1986.
DARIUS MILHAUD
Le Car­na­val d’Aix, Concer­to n° 1, Cinq études, Concer­to n° 4, Bal­lade (Orchestre natio­nal de France, dir. D. Robert­son), Erato/Radio France, 1993.
LUIS DE PABLO
Concer­to de cama­ra (ensemble 2e2m, dir. P. Méfa­no), ADDA, 1990–1991.
MAURICE RAVEL
Pavane pour une infante défunte, Jeux d’eau, Menuet antique, Valses nobles et sen­ti­men­tales, Menuet sur le nom de Haydn, Pré­lude à la manière de…, Gas­pard de la Nuit, Har­mo­nia Mun­di, 1970–1992.
ARNOLD SCHOENBERG
• Inté­grale de l’oeuvre pour pia­no, Har­mo­nia Mun­di, 1976–1992.
IANNIS XENAKIS
Dikh­tas (I. Ardit­ti, vio­lon), Wer­go, 1986–1990. • Mists, Her­ma, à R. (hom­mage à Ravel), Akea, Dikh­tas, Evrya­li (et oeuvres pour cordes) (avec I. Ardit­ti et le Qua­tuor Ardit­ti), Astrée Auvi­dis (2 CD). 

Doté d’un esprit scien­ti­fique, en ver­tu de sa for­ma­tion ini­tiale, c’é­tait aus­si un pas­sion­né d’his­toire, notam­ment des idées. Dans l’ar­ticle écrit pour Le Figa­ro le len­de­main de sa mort, Jacques Dou­ce­lin lui donne, du reste, à juste titre, le qua­li­fi­ca­tif de » pas­seur de siècles « .
Il peut paraître éton­nant que Claude Helf­fer ne se soit jamais lan­cé dans la com­po­si­tion musi­cale. Sur ce point, il dit, dans un entre­tien publié par la revue Agone, qui donne un éclai­rage inté­res­sant sur sa concep­tion du rôle de l’interprète : 

» Per­son­nel­le­ment, je ne suis pas com­po­si­teur. J’ai fait des études de com­po­si­tion pour essayer de mieux com­prendre ce que je fai­sais, et j’ai tout de suite com­pris que je n’a­vais rien d’un com­po­si­teur ; ce qui m’in­té­res­sait était de voir » com­ment cela fonc­tionne « . Donc, je ne me place pas sur le plan d’un créa­teur. Je suis face au texte d’un com­po­si­teur, j’ai quel­que­fois un contact avec lui, et j’es­saie de faire vivre son texte… Voi­là le rôle d’un inter­prète : être quel­qu’un de vivant, qui rend vivant quelque chose qui est sur le papier. »

Claude Helf­fer a tou­jours gar­dé un atta­che­ment à l’É­cole poly­tech­nique. Il était membre d’hon­neur de la SABIX. Il fut donc sans doute heu­reux que l’un de ses quatre enfants (Ber­nard, 68) y rentre, pour choi­sir ensuite une car­rière de mathématicien. 

Pour ma part, c’est à l’oc­ca­sion du bicen­te­naire de l’É­cole que j’ai eu le plai­sir de côtoyer Claude Helf­fer. Les quelques séances que nous avons pas­sées à tra­vailler ensemble les pièces de Ma Mère l’Oye, de Mau­rice Ravel, comptent par­mi les expé­riences musi­cales les plus pro­fondes et enri­chis­santes qu’il m’ait été don­né de vivre. Le choix même de l’œuvre, qui lui revient, tra­duit l’im­por­tance qu’il accor­dait à la musi­ca­li­té pure, sans recherche de vir­tuo­si­té per se. Ses conseils à la fois exi­geants et bien­veillants étaient dic­tés par un pro­fond res­pect accor­dé à la moindre inten­tion musi­cale du compositeur. 

Il a don­né, à l’oc­ca­sion du concert clô­tu­rant cette célé­bra­tion, la pleine mesure de son talent, notam­ment dans une inter­pré­ta­tion du pré­lude de Debus­sy : Ce qu’a vu le vent d’ouest excep­tion­nel­le­ment habitée. 

La Jaune et la Rouge a publié à plu­sieurs reprises des articles ou des entre­tiens avec Claude Helf­fer (voir ci-des­sous). Le der­nier entre­tien don­né il y a deux ans à Sté­phane Afchain pour la SABIX se conclut par : 

» Ce que je n’ai pas fait, de jeunes pia­nistes le feront et même sont déjà en train de le faire. Et j’ai une entière confiance en la jeune géné­ra­tion pour conti­nuer à faire vivre la musique. » 

Le XXe concours de pia­no ama­teur (1er février 2005) de l’É­cole poly­tech­nique lui a été dédié. 

BIBLIOGRAPHIE

• Claude HELFFER et Cathe­rine MICHAUD-PRADEILLES, 1997, Le Pia­no, Presses Uni­ver­si­taires de France, Que sais-je ? n° 263.
• Phi­lippe ALBÉRA, 1995, Entre­tiens avec Claude Helf­fer, Genève, Édi­tions Contrechamps.
• Claude HELFFER, 2000, Quinze Ana­lyses musi­cales. De Bach à Manou­ry. Édi­tions Contrechamps.
• À paraître en avril 2005 : Bru­no SERROU (Entre­tien avec) Claude Helf­fer. La musique au bout des doigts. Paris, coédi­tion Michel de Maule-Ina. 

QUELQUES ARTICLES POUR MIEUX CONNAÎTRE CLAUDE HELFFER

• Agone 5 et 6 – Inter­pré­ta­tions (Entre­tien avec Claude Helffer).
• Dans La Jaune et la Rouge, men­tion­nons :
 – article de jan­vier 1987 (numé­ro spé­cial “ Les X, les lettres et les arts ”) ;
 – article de jan­vier 1993 (Ren­contre avec Claude Helf­fer par Alain Bonar­di (86)).
• Numé­ro de la SABIX 2002, n° 32 (p. 7–35), Claude Helf­fer, pia­niste de la moder­ni­té, par Sté­phane Afchain (97).

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