Chasseur de têtes : mode d’emploi

Dossier : Gestion de carrièreMagazine N°659 Novembre 2010
Par Bruno SEREY (81)

REPÈRES

REPÈRES
En France, le marché se partage aujour­d’hui entre les grands cab­i­nets inter­na­tionaux (anglo-sax­ons pour la plu­part), les cab­i­nets français et les “bou­tiques” spé­cial­isées par secteur ou fonc­tion. Mal­gré tout, les cab­i­nets ne con­duisent qu’une frac­tion des recrute­ments externes (1500 postes de dirigeants par an). Cer­tains cab­i­nets ont élar­gi leur offre à l’é­val­u­a­tion de dirigeants (man­age­ment assess­ment), par­ti­c­ulière­ment utile lors d’une acqui­si­tion, d’une fusion ou du recrute­ment d’un can­di­dat externe iden­ti­fié par l’en­tre­prise, sur lequel cette dernière souhaite un point de vue indépen­dant. D’autres pra­tiquent aus­si le man­age­ment de tran­si­tion (inter­im man­age­ment). En pro­por­tion, les cab­i­nets tra­vail­lent d’a­van­tage pour les entre­pris­es de taille inter­mé­di­aire (SBF120, groupes privés) ou fil­iales de groupes étrangers que pour les entre­pris­es du CAC40, ces dernières dis­posant de ressources internes importantes.

Le chas­seur de têtes se jus­ti­fie lorsque la pop­u­la­tion de can­di­dats peut être ciblée précisément

Véri­ta­ble­ment né aux États-Unis en 1946 chez Syd­ney Boy­den, le méti­er de chas­seur de têtes arrive en Europe dans les années soix­ante à tra­vers plusieurs cab­i­nets améri­cains (Heidrick&Struggles, Korn Fer­ry, Spencer Stu­art, Boy­den). La pro­fes­sion est donc extrême­ment récente et ce n’est que dans les années soix­ante-dix et qua­tre-vingt que les pre­miers cab­i­nets européens (Egon Zehn­der, Éric Salmon, Neu­mann) voient le jour en Europe continentale.

Les besoins de l’entreprise

Une démarche ciblée
Le client d’un chas­seur de têtes attend une véri­ta­ble démarche sys­té­ma­tique pour iden­ti­fi­er, approcher, qual­i­fi­er et motiv­er les meilleurs can­di­dats du moment sur un poste don­né. Il s’ag­it bien d’une “chas­se” sur une pop­u­la­tion lim­itée de can­di­dats les plus qual­i­fiés pos­si­bles (et par­fois déli­cats à iden­ti­fi­er et approcher) pour un poste don­né et non d’une “pêche” pour trou­ver “des” can­di­dats intéressés.

Pour l’en­tre­prise, le chas­seur de têtes se jus­ti­fie lorsque la pop­u­la­tion de can­di­dats peut être ciblée pré­cisé­ment (par géo­gra­phie, entre­pris­es ou fonc­tions), jus­ti­fi­ant une approche directe. Sou­vent, les mis­sions con­cer­nent des domaines où il n’y pas de can­di­dat interne évi­dent et dont l’en­tre­prise maîtrise mal le “pool de can­di­dats ” externes soit parce qu’ils sont sec­to­rielle­ment (nou­velle activ­ité), fonc­tion­nelle­ment (juridique, achats, infor­ma­tique, ressources humaines) ou géo­graphique­ment (fil­iale étrangère) éloignés.

Le client con­fie alors un man­dat de recherche à un chas­seur de têtes dans le but de recruter un can­di­dat qui s’in­té­gr­era dans l’en­tre­prise et réus­sira dans le poste. L’ob­jec­tif va bien au-delà de l’en­voi de CV et le cab­i­net joue un véri­ta­ble rôle de con­seil auprès de son client qu’il représente auprès des can­di­dats, de façon com­pa­ra­ble à celui d’un ban­quier con­seil. Les man­dats sont donc tou­jours exclusifs avec un niveau d’hono­raires en général nor­més (1/3 du pack­age annuel) dont une par­tie impor­tante (au moins la moitié) est payée d’a­vance et reste acquise quelle que soit l’is­sue de la mission.

Un guidage précis

Ce rôle de con­seil d’un spé­cial­iste est impor­tant à plusieurs étapes clés du proces­sus. Tout d’abord, au niveau de la déf­i­ni­tion du poste, l’i­den­ti­fi­ca­tion des ” argu­ments de vente ” et des ter­rains (entre­pris­es, géo­gra­phies, fonc­tions) où il sera le plus intéres­sant de chas­s­er. Ensuite, dans l’es­ti­ma­tion de la qual­i­fi­ca­tion des can­di­dats, lors d’un entre­tien appro­fon­di. Mais aus­si en se ren­seignant sur eux de façon con­fi­den­tielle (notam­ment auprès de leurs anciens col­lègues). Et encore dans la con­duite des entre­tiens (aux­quels le con­sul­tant pour­ra assis­ter en obser­va­teur) avec les décideurs de l’en­tre­prise et dans la négo­ci­a­tion du con­trat. Enfin, pour assur­er la bonne inté­gra­tion du can­di­dat dans l’entreprise.

Dialoguer avec le candidat

Con­fi­den­tial­ité des missions
Dans cer­tains cas (notam­ment lorsqu’il s’ag­it de rem­plac­er un dirigeant sans qu’il le sache), la mis­sion est stricte­ment con­fi­den­tielle et les can­di­dats n’au­ront les infor­ma­tions sur le poste qu’une fois que le cab­i­net aura validé leur adéqua­tion et leurs moti­va­tions en face à face. Néan­moins, les mis­sions sont rarement con­fi­den­tielles pour le client : le fait que la société ABC engage un cab­i­net recon­nu pour recruter le suc­cesseur du directeur juridique qui part à la retraite est posi­tif pour l’im­age d’ABC.

Tout d’abord, il con­vient de rap­pel­er que la con­fi­den­tial­ité est absolue pour le can­di­dat. Les infor­ma­tions qu’il four­nit (notam­ment sur ses moti­va­tions et ce qui le pousserait à quit­ter son entre­prise) sont à l’usage exclusif des man­dataires de la mis­sion du chas­seur. Comme un DRH, le chas­seur de têtes pos­sède un grand nom­bre d’in­for­ma­tions con­fi­den­tielles qu’il n’u­tilis­era qu’avec ceux ” ayant besoin d’en connaître “.

Le cab­i­net ne peut rem­plir ses mis­sions qu’avec une col­lab­o­ra­tion intel­li­gente des can­di­dats. Le chas­seur de têtes s’in­téressera aux per­son­nes avec qui le can­di­dat a tra­vail­lé, à ses réal­i­sa­tions, moti­va­tions et sa rémunéra­tion. Il ne faut jamais men­tir même si on accepte d’omet­tre cer­taines expéri­ences cour­tes : ne pas par­ler de démis­sion s’il s’ag­it d’un départ négo­cié (ce qui arrive au moins une fois dans une car­rière à la plu­part des dirigeants), mais une mis­sion courte (< six mois) n’est pas for­cé­ment utile à men­tion­ner, surtout si elle est anci­enne. Atten­tion, l’in­for­ma­tion est facile à recouper, donc hon­nêteté et trans­parence avant tout.

Donner des informations

Entre­tien de courtoisie
Un can­di­dat peut être appelé pour un “entre­tien de cour­toisie ” (c’est-à-dire faire con­nais­sance sans poste à la clé) suite à l’en­voi de son CV. Dans ce cas, il faut bien com­pren­dre que la ren­con­tre est au béné­fice poten­tiel des deux par­ties : pour le can­di­dat qui se fera con­naître de façon plus pré­cise et pour le cab­i­net qui aura “recruté une source” sur une entre­prise qui l’intéresse.

En retour, le cab­i­net don­nera au can­di­dat un max­i­mum d’in­for­ma­tions sur le poste ain­si qu’un feed-back com­plet, notam­ment lorsque son client a décidé de ne pas don­ner suite à sa candidature.

Si le can­di­dat est déjà con­nu par le cab­i­net (y com­pris s’il a sim­ple­ment envoyé un CV cinq ans plus tôt), le chas­seur de têtes pour­ra l’ap­pel­er comme source, pour avoir con­fi­den­tielle­ment son avis sur l’adéqua­tion de per­son­nes qu’il pour­ra con­naître (anciens col­lègues) à un poste don­né. Il lui deman­dera sys­té­ma­tique­ment son accord avant d’en­gager une con­ver­sa­tion de ce type.

Réduire la part de hasard

Le cab­i­net ne peut rem­plir ses mis­sions qu’avec une col­lab­o­ra­tion intel­li­gente des candidats

Le chas­seur de têtes doit donc faire preuve de capac­ités d’analyse pour rapi­de­ment com­pren­dre le con­texte du poste (prob­lé­ma­tique busi­ness, cul­ture d’en­tre­prise) mais aus­si d’in­tu­ition pour par­faite­ment saisir les moti­va­tions réelles (par­fois dif­férentes de celles affichées) des can­di­dats. Chaque mis­sion est un pro­jet spé­ci­fique et la con­struc­tion d’une short-list de can­di­dats ne laisse rien au hasard.

Ain­si, deux cab­i­nets tra­vail­lant en par­al­lèle sur la même mis­sion devraient don­ner le même résul­tat, et ce, indépen­dam­ment de l’é­tat de leur base de don­nées et la con­nais­sance préal­able de tel ou tel can­di­dat au démar­rage de la mission.

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