Allers et retours vers la Science

Dossier : Gestion de carrièreMagazine N°659 Novembre 2010
Par Hervé ARRIBART (72)

REPÈRES

REPÈRES
Poly­tech­ni­cien (72), doc­teur en physique des solides, Hervé Arrib­art est l’un des pre­miers thésards des lab­o­ra­toires de Palaiseau. Mul­ti­pli­ant les thès­es, il entre au CNRS en 1978. Qua­tre ans plus tard, il rejoint l’in­dus­trie, chez Elf, puis Saint-Gob­ain. Il retourne au CNRS en 1980, avant de repar­tir pour l’in­dus­trie en 1998, puis de retourn­er finale­ment vers l’en­seigne­ment et la recherche fon­da­men­tale en 2009. Père de deux enfants, il est mem­bre de la Société française de physique et de l’A­cadémie des technologies.

« Certes, ce n’est pas la meilleure façon de gag­n­er sa vie en début de car­rière, surtout dans le secteur pub­lic, con­fesse Hervé Arrib­art, chercheur et heureux de l’être. Mais la recherche est un méti­er pas­sion­nant qui se présente, dans l’en­tre­prise, comme une porte d’en­trée excep­tion­nelle vers n’im­porte quelle activité. » 

Une vocation précoce

« Dès l’É­cole, au sein de l’a­vant-dernière pro­mo­tion de la rue Descartes, les cours de physique m’ont beau­coup plu. J’ai sen­ti que je tenais ma voca­tion. Artilleur à Melun pen­dant mon ser­vice mil­i­taire, je me suis inscrit par­al­lèle­ment à la Fac. J’ai ensuite rejoint à Palaiseau le lab­o­ra­toire de physique de la matière con­den­sée. Mon objec­tif était d’en­tr­er au CNRS, ce qui n’é­tait pas facile à l’époque. Il fal­lait patienter. » 

Une introduction à la recherche industrielle 

Si l’on ne fait pas de recherche en début de car­rière, on n’en fera jamais

« La recherche offre une large gamme de débouchés, estime Hervé Arrib­art, et si l’on ne fait pas de recherche en début de car­rière, on n’en fera jamais. »

Son pre­mier voy­age vers l’in­dus­trie l’emmène chez Elf Aquitaine, au Lab­o­ra­toire de recherche de Lacq, à une époque où la « diver­si­fi­ca­tion » est à la mode. Mode sans suite, mais « l’oc­ca­sion d’habiter une région agréable, avec de jeunes enfants ». 

Un réseau en France et à l’étranger 


Saint-Gob­ain Recherche à Aubervilliers

De retour en région parisi­enne, il trou­ve chez Saint-Gob­ain un nou­veau sujet de recherche, l’ad­hé­sion des polymères, « très com­plexe, pluridis­ci­plinaire et val­orisant ». « J’ai de nou­veau fréquen­té les chercheurs académiques, recon­sti­tué mon réseau en France et à l’é­tranger, avant de retourn­er vers la sci­ence en créant un lab­o­ra­toire mixte entre Saint-Gob­ain et le CNRS. J’ai décou­vert là un pas­sion­nant exer­ci­ce de com­mu­ni­ca­tion : expli­quer deux fois la même chose à des organ­ismes dif­férents qui n’emploient pas le même langage. »

En l’an 2000, les choses changent à Saint- Gob­ain. Il faut mod­i­fi­er la poli­tique d’in­no­va­tion pour obtenir un meilleur retour sur investissement.

« La ges­tion ne m’in­téres­sant pas, je suis devenu directeur sci­en­tifique. Ce fut une péri­ode intense estime Hervé Arrib­art. Le verre ne représente guère que 15 % des activ­ités de Saint-Gob­ain, à côté des plas­tiques, de la céramique, des matéri­aux abrasifs, etc.

« Pour la recherche, nous avons créé qua­tre cen­tres trans­ver­saux de com­pé­tence, dont deux en France, à Aubervil­liers et Cavail­lon, un aux États-Unis et un à Shang­hai. Dix autres cen­tres de recherche sont dédiés à des métiers spécifiques. »

Éval­uer la recherche
La qual­ité de la recherche est éval­uée par des Comités indépen­dants. En recherche fon­da­men­tale, l’é­val­u­a­tion d’un lab­o­ra­toire est pra­tiquée tous les qua­tre ans. Les comités se réu­nis­sent, vis­i­tent les lab­o­ra­toires, suiv­ent une série de présen­ta­tions de résul­tats. Leur rap­port encour­age ou non à pour­suiv­re les pro­grammes de recherche.
Enseign­er à l’École
Pen­dant une douzaine d’an­nées, Hervé Arrib­art a enseigné à l’É­cole comme maître de con­férences, puis pro­fesseur chargé de cours en physique. « J’y ai retrou­vé mes anciens col­lègues. Je m’y sens chez moi. L’at­mo­sphère générale est excellente. »

Une révolution industrielle

Une véri­ta­ble révo­lu­tion indus­trielle en moins de vingt-cinq ans

« En une trentaine d’an­nées, résume Hervé Arrib­art, j’ai vécu une véri­ta­ble révo­lu­tion indus­trielle. Le client est passé du stade de « quelqu’un à qui l’on veut bien ven­dre » à celui de véri­ta­ble parte­naire de codéveloppement.


L’École supérieure de physique et de chimie indus­trielles de la ville de Paris (ESPCI ParisTech).

Il m’a fal­lu détecter des syn­er­gies, pré­par­er des pro­grammes de recherche exploratoire, dévelop­per des rela­tions avec des uni­ver­sités étrangères, recruter et beau­coup voyager. » 

Retour aux sources

L’an dernier, il effectue un dernier retour vers le monde académique en devenant pro­fesseur de physique à l’École supérieure de physique et de chimie indus­trielles (ESPCI Paris­Tech). « C’est une des meilleures for­ma­tions à la recherche. Les trois quarts des élèves (ils sont 85 dans chaque pro­mo­tion) font une thèse en sor­tant de l’École.

« Cela me change et me plaît beau­coup, con­clut Hervé Arrib­art, tou­jours épris de liber­té et per­suadé d’avoir pu faire les choix qui lui convenaient. »

Propos recueillis par Jean-Marc Chabanas (58)

L’His­toire des sciences
Hervé Arrib­art a tra­vail­lé pen­dant plusieurs années à « garder la mémoire de la sci­ence ». De nom­breuses inter­views de sci­en­tifiques sont ain­si réu­nies sur un site Internet
http://authors.library.caltech.edu/5456/1/hrst.mit.edu/hrs/materials/public/index.html
ini­tiale­ment abrité au MIT, qui devrait être prochaine­ment instal­lé sur le site de l’E­SP­CI ParisTech.

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