Charpentiers de marine au pays de Saint-Malo

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°586 Juin/Juillet 2003Par : Jacques Morin (47)Rédacteur : Serge BINDEL (47)

Quoi de plus naturel de nos jours que de remon­ter le temps pour aller à la ren­con­tre de ses ancêtres ? C’est à ce retour aux sources que nous con­vie Jacques Morin, mais il ne se con­tente pas de nous nar­rer l’histoire de François, de Charles et des autres, il tente de répon­dre à l’avance aux nom­breuses ques­tions que ne man­queront pas de lui pos­er ses petits-enfants, à l’intention desquels ce livre est d’abord écrit.

Ce nom de Morin par exem­ple ? Pour en com­pren­dre l’origine, ne faut-il pas remon­ter jusqu’aux très anciens “ peu­ples de la mer”, et par­mi eux aux Vénètes qui, dès avant notre ère, quit­tèrent leurs nordiques con­trées pour s’installer en Bretagne ?

Mais le corps du réc­it est con­sacré aux sept généra­tions de Morin, mal­ouins et char­p­en­tiers de marine, qui se sont suc­cédé, de père en fils, pen­dant trois siè­cles, de 1600 à 1875.

C’est donc l’histoire de Saint-Malo, tou­jours jaloux de son indépen­dance, et celle du pays mal­ouin, où l’union de la mer et de la terre a longtemps fait de cha­cun, sur les bor­ds de la Rance, tout à la fois un marin et un paysan. His­toire du temps de paix, mais bien sou­vent de guerre, au gré des rela­tions mou­ve­men­tées de la France avec l’Angleterre.

His­toire surtout d’un méti­er, celui de char­p­en­tier de marine, ce qui n’étonnera pas puisque l’auteur est luimême ingénieur du Génie mar­itime. On décou­vre ain­si – le mot décou­vrir a ici tout son sens puisqu’il n’existe apparem­ment pas d’ouvrage con­sacré à ce vieux et noble méti­er – ce qu’était la vie de ces hommes qui, selon les cir­con­stances, exerçaient leur art à terre, au pays ou au loin, mais aus­si sur mer, embar­qués sur des navires cor­saires, sur les vais­seaux du roi, ou encore sur des terre-neu­vas ou des long-courriers.

His­toire enfin, plus per­son­nelle, de ces quelques aïeux, fondée sur des archives bien nour­ries, qu’il s’agisse des archives famil­iales, de celles du vil­lage où ils ont vécu, des reg­istres matricules de l’Administration de la Marine, ou encore des archives diplomatiques.

Si, grâce à elles, la vie de Louis-Barthélémy est bien con­nue qui, de char­p­en­tier marin, se hissa, à la fin du XIXe siè­cle, jusqu’à la dig­nité de “ grand chef qui com­mande les armées de mer” de Bir­manie, celle de ses prédécesseurs est évidem­ment de plus en plus floue au fur et à mesure qu’on s’éloigne dans le temps. Mais en dehors d’informations à car­ac­tère offi­ciel – nais­sances, mariages, embar­que­ments… – quelques épisodes plus per­son­nels se révè­lent. Et ce n’est pas sans une cer­taine émo­tion qu’on assis­tera, par exem­ple, aux retrou­vailles, en 1814, de Jean Joachim et de son fils Louis-Joseph : ils venaient de pass­er des années hor­ri­bles – deux pour le pre­mier mais sept pour son père – sur un même pon­ton insalu­bre, pris­on­niers des Anglais, tout près l’un de l’autre mais sans le savoir !

L’abondance et la diver­sité des sujets abor­dés pour­raient a pri­ori dis­suad­er un lecteur pressé. Mais l’auteur y a pen­sé : les développe­ments non directe­ment en rela­tion avec la “Chronique”, fruit des travaux qu’il a menés autour de ses per­son­nages prin­ci­paux, sont reportés dans des “ com­plé­ments his­toriques ”, et l’on trou­ve en annexe des clés pour pénétr­er, selon ses goûts et son humeur, dans ce monde attachant, et même un glos­saire qui per­me­t­tra aux non-spé­cial­istes de s’y retrou­ver dans les ter­mes de marine

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