Centenaire de la disparition d’Henri POINCARÉ

Dossier : ExpressionsMagazine N°673 Mars 2012Par : Jean-Pierre Bourguignon (66), avec la collaboration de Claire Voisin et Jean-Michel Coron

Hen­ri Poin­caré est un sci­en­tifique qui, par de nom­breux textes écrits des­tinés à un large pub­lic, a fait avancer une réflex­ion assez glob­ale sur la nature de la sci­ence et des répons­es qu‘elle peut apporter en rela­tion avec d‘autres activ­ités humaines. Voici quelques cita­tions qui con­tin­u­ent d‘appeler notre curiosité.

La pensée

Poincarré par Claude GONDARD (65)
© CLAUDE GONDARD (65)

« L‘histoire géologique nous mon­tre que la vie n’est qu‘un court instant entre deux éter­nités de mort, et que, dans cet épisode même, la pen­sée con­sciente n‘a duré et ne dur­era qu‘un moment. La pen­sée n‘est qu‘un éclair au milieu d‘une longue nuit. Mais c‘est cet éclair qui est tout. »
La Valeur de la sci­ence, Flam­mar­i­on, Paris, 1911, préface.

La vérité entre science et morale

« Quand je par­le ici de la vérité, sans doute je veux par­ler d‘abord de la vérité sci­en­tifique ; mais je veux par­ler aus­si de la vérité morale, dont ce qu‘on appelle la jus­tice n‘est qu‘un des aspects. Il sem­ble que j‘abuse des mots, que je réu­nis ain­si sous un même nom deux objets qui n‘ont rien de com­mun ; que la vérité sci­en­tifique qui se démon­tre ne peut, à aucun titre, se rap­procher de la vérité morale qui se sent.

« Et pour­tant je ne peux les sépar­er, et ceux qui aiment l‘une ne peu­vent pas ne pas aimer l‘autre. Pour trou­ver l‘une, comme pour trou­ver l‘autre, il faut s‘efforcer d‘affranchir com­plète­ment son âme du préjugé et de la pas­sion, il faut attein­dre à l‘absolue sincérité. […]

« La morale et la sci­ence ont leurs domaines pro­pres qui se touchent mais ne se pénètrent pas. L‘une nous mon­tre à quel but nous devons vis­er, l‘autre, le but étant don­né, nous fait con­naître les moyens de l‘atteindre. »
La Valeur de la sci­ence, p. 2–4.

« Il ne peut pas y avoir de morale sci­en­tifique ; mais il ne peut pas non plus y avoir de sci­ence immorale. »
Dernières Pen­sées, Flam­mar­i­on, Paris, 1913, p. 93.

Preuve et invention

« Mais avant de démon­tr­er, il a fal­lu inven­ter. On n‘invente pas par déduc­tion pure ; si toute la con­clu­sion était déjà dans les prémiss­es con­nues, ce ne serait plus de l‘invention, de la créa­tion, ce ne serait que de la mise en oeu­vre, de la transformation. »
Les Sci­ences et les Human­ités, Paris, Fayard, 1911, p. 27.

Idée et certitude

« À ce moment, je quit­tai Caen, que j‘habitais alors, pour pren­dre part à une course géologique entre­prise par l‘École des Mines. Les péripéties du voy­age me firent oubli­er mes travaux math­é­ma­tiques ; arrivés à Coutances, nous mon­tâmes dans un omnibus pour je ne sais quelle prom­e­nade ; au moment où je met­tais le pied sur le marchep­ied, l‘idée me vint, sans que rien dans mes pen­sées antérieures parût m‘y avoir pré­paré, que les trans­for­ma­tions dont j‘avais fait usage pour définir les fonc­tions fuch­si­ennes étaient iden­tiques à celles de la géométrie non eucli­di­enne. Je ne fis pas la véri­fi­ca­tion ; je n‘en aurais pas eu le temps puisque, à peine assis dans l‘omnibus, je repris la con­ver­sa­tion com­mencée, mais j‘eus tout de suite une entière cer­ti­tude. De retour à Caen, je véri­fi­ai le résul­tat à tête reposée pour l‘acquit de ma conscience. »
L‘Invention math­é­ma­tique, p. 8, con­férence faite à l‘Institut général psy­chologique, Paris. Extrait du Bul­letin 3, 8e année, 1908.

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