But alors, you are French ?!?

Dossier : EditorialMagazine N°746 Juin 2019
Par Robert RANQUET (72)

Autant me rav­it tou­jours cette réplique culte échangée par le duo Bourvil-de Funès à la recherche de « Big mous­tache » dans les vapeurs d’un bain turc, autant m’irrite l’invasion chaque jour plus vis­i­ble de ter­mes anglais dans notre vocab­u­laire et, hor­resco ref­er­ens, jusque dans nos colonnes. Certes, ce n’est pas d’hier que les liv­ing room, press­ing et autres angli­cismes (ou plutôt glo­bish-ismes) ont pénétré nos con­ver­sa­tions. Le grand Proust lui-même n’avait-il pas mar­qué sa dilec­tion pour les grooms, le spleen, et même le « smok­ing », avec des guillemets toute­fois, non sans remar­quer que, « en France, on donne à toute chose bri­tan­nique le nom qu’elle ne porte pas en Angleterre ». Mais il sem­ble que, comme pour l’accumulation des gaz à effet de serre, ces dernières années voient une évo­lu­tion expo­nen­tielle de ces ter­mes d’importation et sou­vent… de con­tre­façon ! Jusqu’à l’ineptissime « French Days » apparu sur nos écrans pub­lic­i­taires ces dernières semaines, sans doute pour faire pièce aux Black Fri­days et autres Feel-Good Days. Tous n’en mour­raient pas de ridicule, mais tous étaient frap­pés, et surtout cer­taines pro­fes­sions large­ment représen­tées dans notre com­mu­nauté, j’ai nom­mé : les spé­cial­istes des ressources humaines, du com­merce ou de la communication.

“Auriez-vous ouvert avec autant d’impatience un numéro consacré à la mercatique numérique ?”

Alors, pourquoi con­sacr­er un numéro de La Jaune et la Rouge au « mar­ket­ing dig­i­tal » ? Bon nom­bre d’entre nos lecteurs en fris­son­neront d’horreur, sans doute. Mais avouez-le : auriez-vous ouvert avec autant d’impatience un numéro con­sacré à la « mer­ca­tique numérique », strict syn­onyme bien français celui-ci, que l’Académie eût plus volon­tiers cau­tion­né (voir dans ces pages l’excellent Éty­mologiX de Pierre Ave­nas sur le sujet) ? Et puis, nous dira-t-on non sans quelque rai­son, c’est par­ler la langue des affaires, avoir l’assurance d’être immé­di­ate­ment com­pris en tout point du globe, emprunter ses pro­pres armes lin­guis­tiques à l’adversaire pour mieux l’affronter : qu’importe le fla­con, pourvu qu’on vende ce qu’il con­tient ! Les plus cha­grins fer­ont observ­er que l’argument porterait davan­tage si la bal­ance com­mer­ciale française ne restait pas obstiné­ment dans le rouge. Mais ce sont seule­ment les plus cha­grins… Les autres fer­ont l’expérience d’un très hap­py day, sous le men­tor­ing des very best con­nais­seurs du top­ic, en décou­vrant les best prac­tices les plus dis­rup­tives du domaine.

Mais, oups : voici que, edi­tor-in-chief nég­li­gent, en suiv­ant mon lead, j’en oubli­ais la dead­line !

J’arrête donc là – done ! – Full stop.

Le marketing vu par Gabs
Le mar­ket­ing vu par Gabs

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