Brésil : mépris ou passion ?

Dossier : Le BrésilMagazine N°626 Juin/Juillet 2007
Par Jean LARCHER (55)

Brésil, terre de contrastes


La beauté exo­tique de la faune et de la flore

Quelle image la majorité des étrangers a‑t-elle du Brésil ? Cor­rup­tion ? Vio­lence ? Fave­las ? Traf­ic de drogues ? La per­cep­tion erronée du pays, renom­mé pour son trio car­naval-sam­ba-Rio de Janeiro, est le por­trait trop sou­vent dénaturé, aux couleurs cri­ardes, que la presse inter­na­tionale dif­fuse dans les pages des jour­naux et les infor­ma­tions à la télévi­sion. Ce qu’on oublie de révéler au monde est l’im­age d’un pays con­ti­nen­tal qui va bien au-delà de ses aspects négat­ifs — un lieu aux décors éblouis­sants, aux paysages, aux cul­tures et aux cou­tumes diver­si­fiés, où l’ac­cueil réservé aux vis­i­teurs est empreint de gen­til­lesse, de bonne humeur et du sens de l’hospitalité.


São Luis du Maran­hão, ville fondée par les Français en 1612

Creuset d’in­flu­ences de dif­férents peu­ples, la diver­sité des habi­tudes et des tra­di­tions du peu­ple brésilien a, curieuse­ment, prou­vé, qu’en dépit des con­trastes, il est pos­si­ble qu’un pays garde sa per­son­nal­ité pro­pre. Fait qui, au Brésil, repose le plus fréquem­ment sur la capac­ité des indi­vidus à affron­ter les iné­gal­ités sociales, cul­turelles et économiques avec dig­nité et force créativité.

Cette car­ac­téris­tique sin­gulière a trou­vé un écho inter­na­tion­al, qui définit les Brésiliens comme « orig­in­aux, hos­pi­tal­iers et cap­ti­vants ». Des enquêtes menées par Embratur (respon­s­able de la pro­mo­tion du tourisme), auprès de touristes étrangers, ren­for­cent cette don­née. Dès leur arrivée sur le sol brésilien, les vis­i­teurs sont, d’emblée et dans cet ordre, intéressés par les plages, le cli­mat trop­i­cal et les beautés naturelles. Dans les répons­es à la même ques­tion, posée cette fois au moment du départ, ces critères cèdent la place au Brésilien joyeux et charismatique.

Si nous essayions de retrou­ver l’o­rig­ine de cette déf­i­ni­tion, prob­a­ble­ment la retrou­ve­ri­ons-nous dans les événe­ments his­toriques, et plus spé­ci­fique­ment, à l’époque de la décou­verte de la Ter­ra Brazilis par les Por­tu­gais, en 1500. Dès lors, le Brésil a adop­té une atti­tude « accueil­lante », atti­rant la venue de mil­liers d’im­mi­grants rich­es d’une vaste expéri­ence cul­turelle et de cou­tumes. Par­mi les exem­ples, il est qua­si impos­si­ble de ne pas citer la forte influ­ence de la France, présente dans l’ar­chi­tec­ture, la gas­tronomie, le droit, les man­i­fes­ta­tions cul­turelles, voire même dans le vocab­u­laire national.

Une part vis­i­ble de cet héritage se trou­ve à São Luís, la cap­i­tale de l’É­tat du Maran­hão, unique ville du Brésil fondée par les Français.

Dotée d’un des plus grands ensem­bles archi­tec­turaux d’o­rig­ine européenne du monde, com­posé de 3 500 bâti­ments, le lieu con­serve, égale­ment, son nom orig­inel — Saint-Louis — un hom­mage de l’ex­pédi­tion com­mandée par le nav­i­ga­teur Daniel La Touche, seigneur de La Ravardière, au roi Louis XIII, en 1612. Classée Pat­ri­moine cul­turel de l’hu­man­ité, par l’Unesco, en 1997, São Luís abrite, dans deux points touris­tiques, deux grands mon­u­ments témoignant de la présence française — le Palais des Lions et le Palais de La Ravardière, ce dernier datant de 1689.

Tout comme la cap­i­tale du Maran­hão, le Brésil réserve, à celui qui se pro­pose de s’aven­tur­er par-delà l’axe São Paulo-Rio de Janeiro, une grande diver­sité de sites — qui va du cli­mat européen du Rio Grande du Sud à l’ex­ubérance de l’A­ma­zonie — et de tra­di­tions pop­u­laires. Ses 8 511 965 km² vont, sans nul doute, bien au-delà des dimen­sions qu’en don­nent les médias, en le bor­nant à un envi­ron­nement de vio­lence, de drogues et autres prob­lèmes sociaux.

En con­tre­point de ce scé­nario réduc­teur, le pays affiche, aus­si, des résul­tats sur­prenants en matière de développe­ment et d’ap­pli­ca­tion de nou­velles tech­nolo­gies. Le Brésil de la moder­nité s’il­lus­tre par la mise en place à titre pio­nnier du vote élec­tron­ique, ses récents investisse­ments dans les bio­car­bu­rants, sa posi­tion de tout pre­mier plan dans les secteurs agri­cole, financier et aéro­nau­tique (4e avion­neur mon­di­al) et la présence inter­na­tionale de ses entre­pris­es, telles Vale do Rio Doce (mines), Ger­dau (aci­er) et Votoran­tim (ciment et cellulose).

Il est intéres­sant, à cet égard, de men­tion­ner les don­nées d’une autre enquête réal­isée par Embratur auprès de vis­i­teurs étrangers, abor­dant, cette fois, le classe­ment des points négat­ifs du pays. Con­traire­ment à ce que beau­coup peu­vent imag­in­er, la vio­lence ne fig­ure pas en tête de liste. L’ab­sence de sig­nal­i­sa­tion dans les villes et sur les routes, les déchets urbains, les ser­vices de télé­phonie et d’In­ter­net jugés insuff­isants sont aux pre­miers rangs des fac­teurs les plus dérangeants.

Je vous fais donc, ici, une invi­ta­tion formelle — venez au Brésil, tirez vos pro­pres con­clu­sions et sachez exacte­ment ce que le pays est capa­ble d’of­frir à ses visiteurs.

Faire des affaires au Brésil ? Pourquoi pas !


Le théâtre de Man­aus, cap­i­tale de l’Amazonie, où a joué Sarah Bern­hardt à la Grande époque du caoutchouc.

Venez et regardez vivre ses 180 mil­lions d’habi­tants avec un PNB/habitant de US$ 9 100 à par­ité de pou­voir d’achat : un immense marché interne avec un grand poten­tiel de crois­sance et une pos­si­ble plate-forme d’ex­por­ta­tion, notam­ment sur l’Amérique latine et aus­si l’Asie pour les min­erais et l’agriculture.

À ceux qui vous diront que créer une société au Brésil est un par­cours du com­bat­tant face à une lég­is­la­tion suran­née et une bureau­cratie toute puis­sante, je répondrai qu’en­tre 1975 et 1978, j’ai créé plus de 10 sociétés anonymes sans devoir faire usage de canaux tortueux, faisant preuve sim­ple­ment de beau­coup de patience pour vain­cre les obsta­cles avec con­vic­tion et bonne humeur. Aujour­d’hui, trente ans plus tard, les pro­grès sont immenses, il n’y a plus aucune dis­tinc­tion entre cap­i­tal nation­al et étranger (sauf quelques secteurs stratégiques) et beau­coup de for­mal­ités se font par voie électronique.

En ce qui con­cerne le secteur touris­tique pro­pre­ment dit, aucune restric­tion aux activ­ités d’hôtel­leries, agences de voy­ages, opéra­teurs de tourisme ; seule­ment pour les com­pag­nies d’avi­a­tion brésili­ennes, la par­tic­i­pa­tion du cap­i­tal étranger est lim­itée à 20 %. Toute­fois, le Brésil a souf­fert jusqu’à un passé récent de lacunes dans ses infra­struc­tures et d’une insuff­i­sance de pro­mo­tion qui, asso­ciée à une cer­taine image néga­tive dans les médias, a lim­ité les flux de tourisme inter­na­tion­al. Le nom­bre de touristes entrants est passé d’un point bas de 1 mil­lion en 1990 à 6 mil­lions en 2006. C’est encore insuff­isant et un plan nation­al est en marche depuis 2002 pour faire du tourisme une activ­ité essentielle.

De l’autre côté, les Brésiliens ont l’habi­tude par tra­di­tion cul­turelle de vis­iter l’Eu­rope et main­tenant les États-Unis de par la fas­ci­na­tion exer­cée sur leur mode de vie. C’est d’ailleurs pour con­tre­bal­ancer cette fas­ci­na­tion que l’opéra­tion « Brésil, Brésils », nom don­né à l’an­née du Brésil en France en 2005 a trou­vé toute sa valeur en divul­guant le Brésil et sa diver­sité (les Brésils !) auprès des Français, mais aus­si la France auprès des Brésiliens. La réciproque, l’an­née de la France au Brésil, aura lieu en 2009 et toutes les bonnes volon­tés sont d’ores et déjà mobil­isées pour en faire un suc­cès sem­blable à 2005.

Enfin et en con­clu­ant, lais­sez-moi vous dire com­bi­en la créa­tion d’une entre­prise au Brésil est un défi pas­sion­nant, car les embûch­es sont sans pro­por­tion avec les besoins du marché et la qual­ité des ressources humaines tou­jours disponibles, prêtes à appren­dre si l’on veut bien leur apporter ce qui leur manque.Je suis sans doute un témoin par­tial, mais pour moi lorsqu’on par­le du Brésil, il ne saurait y avoir de mépris ou con­de­scen­dance, seule­ment attrait et passion.

PHOTOS : © CHAMBRE DE COMMERCE FRANCE-BRÉSIL, DIVULGATION.

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