DVD : BRAHMS : Sérénade n° 2, Symphonie n° 2 par l'orchestre du festival de Lucerne

BRAHMS : Sérénade n° 2, Symphonie n° 2

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°713 Mars 2016Par : l'orchestre du festival de Lucerne, Andris NelsonsRédacteur : Marc DARMON (83)Editeur : Un DVD ou un Blu-Ray Accentus ACC20325 (DVD), ACC10325 (Blu-Ray)

Le jeune chef d’orchestre let­ton Andris Nel­sons est un des futurs grands chefs de ce siè­cle. Dès 2014, à 36 ans, il était désigné à la tête de trois des plus beaux orchestres au monde : le Sym­phonique de Boston (un des big five, avec Philadel­phie, Chica­go, New York et Cleve­land, les plus grands orchestres des États-Unis), le célèbre orchestre du Gewand­haus de Leipzig et l’orchestre du fes­ti­val de Lucerne, l’orchestre de solistes inter­na­tionaux recréé par Abba­do après l’initiative de Toscani­ni en 1937, pour qua­tre représen­ta­tions par an, toutes dirigées par Abba­do pen­dant dix ans.

Être choisi pour suc­céder à James Levine à Boston, Ric­car­do Chail­ly à Leipzig et Clau­dio Abba­do à Lucerne mon­tre l’impact que Nel­sons a sur les orchestres, le pub­lic et les organ­isa­teurs de con­cert. Ceux qui l’ont vu dernière­ment au théâtre des Champs-Élysées ou à la Phil­har­monie com­pren­dront aisé­ment : il arrive à con­juguer mag­nifique­ment la lec­ture ver­ti­cale et le mou­ve­ment hor­i­zon­tal de la musique.

C’est-à-dire à la fois un son plein, présent, bril­lam­ment équili­bré, et des phrasés dynamiques et pas­sion­nants. Impres­sion­nant naturelle­ment dans Mahler, Strauss, Chostakovitch, Tchaïkovs­ki, Andris Nel­sons réus­sit aus­si par­faite­ment ses Brahms.

Ce pro­gramme Brahms encore conçu par Abba­do avant son décès, pour la pre­mière année de l’après-Abbado, réu­nit la Sec­onde Séré­nade de 1858, où le jeune com­pos­i­teur de vingt-cinq ans hésite à se lancer dans la com­po­si­tion d’une sym­phonie, et la Sec­onde Sym­phonie, com­posée vingt ans plus tard.

Entre les deux, Nel­sons inter­cale la Rhap­sodie pour alto et chœur, com­posée en cadeau de mariage pour la fille de Schu­mann, dont Brahms aurait volon­tiers été lui-même l’époux. À une époque où les com­pos­i­teurs sym­phoniques alle­mands (Bruck­n­er puis Mahler) étaient influ­encés par Wag­n­er, Brahms restait fidèle au roman­tisme clas­sique hérité de la pre­mière moitié du XIXe siè­cle, Schu­bert, Mendelssohn et surtout Schu­mann. Brahms est un des rares auteurs dont le style n’a pas vrai­ment évolué entre ses débuts et ses dernières œuvres.

Impres­sion­né par son mod­èle Beethoven, il n’ose pas com­pos­er de sym­phonie avant la quar­an­taine passée, et sa pre­mière sym­phonie est du reste un hom­mage con­stant à Beethoven, jusqu’à un cer­tain mimétisme sur­prenant. La Séré­nade n° 2 de 1859, dédiée à Clara Schu­mann, ne demande ni vio­lons ni trompettes. Les altos sont placés à gauche de l’orchestre, à l’emplacement habituel des pre­miers violons.

Cela donne l’occasion de voir le grand Wol­fram Christ, vétéran du Phil­har­monique de Berlin et chef du pupitre des altos à Lucerne depuis le début en 2003, à la place du Konz­ert­meis­ter, le pre­mier vio­lon. Et de voir Clemens Hagen, le vio­lon­cel­liste du quatuor Hagen, lui aus­si fidèle depuis le début, comme chef de pupitre des vio­lon­celles. Du reste, cette con­fig­u­ra­tion pour petit orchestre per­met de voir encore mieux que d’habitude les stars réu­nies au sein de la for­ma­tion, sou­vent les mêmes depuis dix ans.

Dans la Rhap­sodie pour alto, l’association de l’orchestre, du chœur et de la chanteuse alto rap­pelle les grandes heures vécues à Lucerne sous le règne d’Abbado, notam­ment les mou­ve­ments des sec­onde et troisième sym­phonies de Mahler com­posés pour cette configuration.

La Sec­onde Sym­phonie, de 1877, est une œuvre « facile » de Brahms, un peu comme la Sym­phonie pas­torale de Beethoven. Après un pre­mier mou­ve­ment extrême­ment con­tem­platif par moments, avec des tem­pos très retenus, le chef let­ton fait explos­er l’orchestre et nous pas­sionne con­stam­ment avec des phrasés qui tien­nent en haleine.

Cela a été un superbe con­cert, et filmé ain­si une très belle expéri­ence de musique dans son salon. Alors qu’il n’y avait pas plus dif­férents sur scène récem­ment qu’Abbado, âgé, frêle, économe de gestes, et Nel­sons, grand et épais, expres­sif de tout son corps, il est clair que Clau­dio Abba­do a désor­mais à Lucerne un suc­cesseur qui a le respect des musi­ciens et des spectateurs.

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