L’Amour des Trois Oranges

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°629 Novembre 2007Par : François Le Roux, Sandrine Piau, Sir Willard White, Orchestre Philharmonique de Rotterdam, Stéphane Denève,Rédacteur : Marc DARMON (83)

Coffret du DVD L'amour des trois orangesLes opé­ras de Serge Pro­ko­fiev ne sont pas la par­tie la plus célèbre de son œuvre. Natu­rel­le­ment, la décou­verte de ce com­po­si­teur, réel­le­ment pas­sion­nant, doit débu­ter par quelques bal­lets (Roméo et Juliette, Cen­drillon), Sym­pho­nies (les n°1, 3, 5 et 7) et concertos.

Par­mi ses nom­breux opé­ras, sortent du lot et sont abso­lu­ment à conseiller l’Ange de Feu (entiè­re­ment construit sur le maté­riel musi­cal de la troi­sième sym­pho­nie) et l’Amour des Trois Oranges (dans un style musi­cal plus « simple »). Ils figurent assu­ré­ment, avec les grands opé­ras de Strauss, Jana­cek, Brit­ten et Puc­ci­ni (bien sûr), par­mi les opé­ras du XXe siècle qui sur­vi­vront au temps. Il existe une ver­sion fran­çaise, tra­duc­tion de Pro­ko­fiev lui-même, de l’Amour des Trois Oranges. Cette ver­sion a le grand mérite pour le spec­ta­teur fran­co­phone de per­mettre une bonne com­pré­hen­sion des dia­logues, sinon de l’histoire elle-même abso­lu­ment irra­con­table et sans queue ni tête. En effet, basé sur un conte de Car­lo Goz­zi (1720−1806), le livret réa­li­sé par Pro­ko­fiev, pour une com­mande de l’Opéra de Chi­ca­go de 1919, entre­mêle plu­sieurs intrigues, intro­duit des per­son­nages fée­riques et de la Com­me­dia dell’arte, pour atteindre un niveau de lou­fo­que­rie rare­ment vu à l’Opéra.

À cela s’ajoute, dans cette pro­duc­tion en fran­çais, la mise en scène et les cos­tumes de Laurent Pel­ly et les décors de Chan­tal Tho­mas. Comme tou­jours (citons en DVD Pla­tée de Rameau et trois grands opé­ras-comiques d’Offenbach), les mises en scène de Laurent Pel­ly sont pleines de trou­vailles, humo­ris­tiques ou dra­ma­tiques, qui se suc­cèdent avec un rythme effré­né, tout en gar­dant une pers­pec­tives cohé­rente. Ici, dans un uni­vers de cartes à jouer, la cocas­se­rie de la mise en scène sur­en­ché­rit sur l’invraisemblance du livret.

Musi­ca­le­ment, c’est par­fait. L’orchestre est brillant et aérien, très impres­sion­nant dans les pas­sages sans chants (dont la célèbre Marche). Les chan­teurs, sou­vent fran­çais, sont abso­lu­ment dans le style et s’intègrent remar­qua­ble­ment dans l’univers de Goz­zi, la musique ima­gi­na­tive de Pro­ko­fiev et la direc­tion d’acteur « déjan­tée » de Pelly.

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