Bertrand Herz

Bertrand Herz (51) de l’enfer de Buchenwald à l’œuvre de mémoire

Dossier : TrajectoiresMagazine N°767 Septembre 2021
Par Vianney BOLLIER (64)

Décédé le 20 mai 2021, Bertrand Herz, après avoir subi l’enfer des camps de la mort et accom­pli une belle car­rière, a choisi de con­sacr­er sa retraite à une œuvre de mémoire de la dépor­ta­tion et de la Shoah, tout en tra­vail­lant au rap­proche­ment franco-allemand.

Alors que plus de cent poly­tech­ni­ciens ont été déportés entre 1942 et 1944, la pre­mière sin­gu­lar­ité de Bertrand Herz est d’être l’un des seuls à avoir été déporté avant et non après son admis­sion à l’École.

Bertrand est né à Paris le 24 avril 1930 dans une famille à la fois juive et très française. Il a vécu son enfance dans un cadre aisé et heureux où ses par­ents l’ont pro­tégé des inquié­tudes provo­quées par la mon­tée de l’idéologie nazie, puis par la défaite de 1940 et les vex­a­tions des deux pre­mières années de l’occupation.

Son sort bas­cule en juin 1942 quand, con­traint de porter l’étoile jaune, il réalise directe­ment que la France est l’auxiliaire des nazis pour le mal­heur des Juifs. L’accalmie qui suit le départ de sa famille pour Toulouse ne dur­era pas, car la zone libre est occupée peu après son arrivée.

Après presque deux années d’une vie dif­fi­cile, Bertrand Herz, ses par­ents, sa sœur et le fiancé de celle-ci (en fait, toute sa famille sauf son frère) sont arrêtés le 5 juil­let 1944. Suit alors un par­cours ter­ri­ble qui amèn­era les hommes à Buchen­wald et les femmes à Ravensbrück.

Nous n’ignorons plus main­tenant l’horreur de la vie des camps, les coups, la faim, le froid et l’obligation d’un tra­vail exténu­ant. Bertrand Herz subit. Il n’a que qua­torze ans et son père, qui en a plus de soix­ante, le pro­tège jusqu’à son décès en jan­vi­er 1945. D’autres, heureuse­ment, y com­pris des Alle­mands, l’aideront à survivre.

Retour en France

À son retour en avril 1945, il ne retrou­ve que sa sœur mais, fort de l’affection de ses oncle et tante, il reprend de bril­lantes études. L’X en 1951, le com­mis­sari­at de la Marine nationale de 1953 à 1960, puis un poste de direc­tion à la com­pag­nie d’assurance La Paix de 1960 à 1965 le con­duisent à démar­rer l’informatique de ges­tion au sein du groupe Thom­son, puis à y diriger un grand ser­vice. En 1985, Bertrand Herz change d’orientation et devient pro­fesseur d’informatique à l’université de Paris‑V.

Il par­le très peu de sa dépor­ta­tion pen­dant ses longues années d’une vie pro­fes­sion­nelle et famil­iale active et sere­ine, mais les réflex­ions dont sa retraite lui donne le temps vont chang­er sa perception.

La deux­ième sin­gu­lar­ité de Bertrand Herz est qu’il décide alors de se con­sacr­er à une œuvre de mémoire qui veut surtout con­tribuer à ce que les atroc­ités de la Shoah ne se repro­duisent plus. Il le fait avec patience et énergie et son beau livre Le pull-over de Buchen­wald 1 s’inscrit dans cette démarche.

Un retraité engagé

Ayant rejoint l’association française Buchen­wald, Dora et Kom­man­dos, dont il sera vice-prési­dent, il tra­vaille au rap­proche­ment fran­co-alle­mand, notam­ment auprès des jeunes qui, pour lui, sont inno­cents des crimes des généra­tions précé­dentes. Il sera égale­ment prési­dent du comité inter­na­tion­al Buchen­wald-Dora et accom­pa­g­n­era le prési­dent Oba­ma et la chancelière Angela Merkel lors de leur vis­ite du camp de Buchen­wald en juin 2009 .

J’ai bien con­nu Bertrand Herz qui était admin­is­tra­teur de l’association X‑Résistance. Il y déploy­ait une effi­cac­ité réelle et dis­crète et, comme tous ses nom­breux amis, j’ai beau­coup appré­cié sa grande bienveillance.

Bertrand Herz a per­du sa femme en novem­bre 2018, peu avant leurs noces d’or. Elle était la fille d’André Gougen­heim, 1920N, et la sœur de Jacques-Hen­ri, 1952. Ils ont eu trois enfants (dont Olivi­er, X1979) et cinq petits-enfants. Il était depuis peu arrière-grand-père.

Bertrand Herz, plusieurs fois décoré en France, était citoyen d’honneur de la ville de Weimar et a reçu l’ordre du Mérite du Land de Thuringe.


Tal­landi­er, jan­vi­er 2015 – voir J&R n° 705 p. 57 et n° 713 p. 38–39.

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