Bernard SCHRUMPF (51), 1930–2004

Dossier : ExpressionsMagazine N°595 Mai 2004Par : André COMOLET-TIRMAN (49)

C’est avec stu­peur que les mem­bres de la sec­tion de géodésie du Comité nation­al français de géodésie et géo­physique (CNFGG) ont appris, quelques jours à peine après l’Assem­blée générale annuelle qui leur avait don­né l’oc­ca­sion de le voir en pleine forme, le décès de Bernard Schrumpf. Et tous ses amis du Ser­vice hydro­graphique et océanographique de la marine, passé le pre­mier moment d’in­cré­dulité, en ont ressen­ti une peine immense.

Sor­ti de l’X en 1953 dans le corps des ingénieurs hydro­graphes de la marine, fusion­né dix-sept ans plus tard avec celui des ingénieurs de l’arme­ment, Bernard Schrumpf y a fait une car­rière exem­plaire, dans une péri­ode mar­quée par une évo­lu­tion rapi­de des techniques.

À l’is­sue de l’É­cole d’ap­pli­ca­tion, il par­ticipe à des mis­sions de levé sur les côtes du Maroc, puis de Mada­gas­car. Lors de son sec­ond séjour dans la grande île, il est directeur tech­nique des travaux, à bord du Lapérouse, lorsque la mis­sion est envoyée dans le Paci­fique pour effectuer le levé d’un atoll qui fera beau­coup par­ler de lui : Mururoa, dont les divers­es zones con­serveront jusqu’à la fin des essais nucléaires les noms attribués par la mis­sion aux points de son réseau géodésique.

Son affec­ta­tion embar­quée suiv­ante l’amèn­era à s’ini­ti­er aux mesures grav­imétriques en mer et à fréquenter notam­ment la mer de Norvège à bord du Paul Gof­fe­ny. Dans les inter­valles entre les mis­sions, il est affec­té au Ser­vice cen­tral où il entre dans les secrets du pas­sage des lev­és à la carte, dirige la for­ma­tion des per­son­nels d’exé­cu­tion, par­ticipe à celle des ingénieurs et con­duit des études ; il acquiert égale­ment une for­ma­tion com­plé­men­taire à Supélec.

En 1970, lorsque le gros des élé­ments séden­taires du Ser­vice est trans­féré à Brest, il crée la sec­tion “géodésie-géo­physique” du nou­v­el étab­lisse­ment, l’EPSHOM, puis dirige le groupe “études”. Il s’in­téresse par­ti­c­ulière­ment au développe­ment des moyens radioélec­triques et acous­tiques de local­i­sa­tion, ain­si qu’à l’u­til­i­sa­tion des moyens infor­ma­tiques pour la pré­pa­ra­tion des travaux à la mer et leur exploitation.

En 1972, il est chef de mis­sion à bord du jeune d’Entre­casteaux, retrou­ve les mesures grav­imétriques, sys­té­ma­tise les mesures mag­né­tométriques pour la détec­tion des épaves ain­si que l’usage des satel­lites Tran­sit pour rec­ti­fi­er des posi­tions géo­graphiques, et réalise dans le cadre de l’opéra­tion Famous, sur la dor­sale médio-atlan­tique, un remar­quable levé de détail au son­deur à pinceau étroit avec local­i­sa­tion sur réseau de balis­es posées sur le fond.

Son affec­ta­tion suiv­ante parachève sa con­nais­sance de tous les aspects du Ser­vice, car il dirige le groupe “pro­duc­tion” de l’EPSHOM, respon­s­able de l’im­pres­sion et de la dif­fu­sion des doc­u­ments nau­tiques, notam­ment par la voie com­mer­ciale, ain­si que de tout ce qui con­cerne les matériels des missions.

Il est enfin aspiré par l’or­gane de direc­tion parisien où il est chargé des instruc­tions aux mis­sions et du con­trôle de leur activ­ité, avant de devenir directeur adjoint, au moment où il reçoit les étoiles d’ingénieur général. Cette péri­ode lui per­met de faire béné­fici­er de ses com­pé­tences une mul­ti­tude de comités ou d’or­gan­ismes. Il par­ticipe aux travaux du groupe de recherch­es en océanogra­phie spa­tiale, il pré­side le groupe de tra­vail sur la local­i­sa­tion en mer du CNFGG, il accepte la charge de secré­taire de la sec­tion des sci­ences physiques de l’océan du même CNFGG.

Antic­i­pant quelque peu sur la lim­ite d’âge, il quitte le ser­vice act­if en 1990, tout en con­ser­vant plusieurs années encore cer­taines des fonc­tions qui vien­nent d’être évo­quées. Et il ne laisse pas tomber pour autant le Ser­vice auquel il a con­sacré toute sa car­rière, puisque durant deux années il s’at­taque bénév­ole­ment, avec trois autres mous­que­taires de statut com­pa­ra­ble, à la révi­sion de la ver­sion française du Dic­tio­n­naire hydro­graphique international.

Tout au long de ces années, j’ai eu de nom­breuses occa­sions d’ap­préci­er son calme, la net­teté de ses idées — dont son écri­t­ure cal­ligraphique don­nait une bonne image — et son opiniâtreté. D’autres, embar­qués en même temps que lui, ont été frap­pés par le car­ac­tère pais­i­ble de son mode de com­man­de­ment et par l’in­térêt qu’il por­tait à son personnel.

À l’oc­ca­sion de son pot de départ, je lui avais exprimé toute la recon­nais­sance du Ser­vice, la mienne pro­pre et celle de tous ceux qui l’avaient côtoyé, non seule­ment pour ce qu’il avait fait et pour les mul­ti­ples qual­ités tech­niques dont il avait fait preuve, mais aus­si pour ce qu’il avait été.

Mais si ses qual­ités humaines se man­i­fes­taient dans sa pro­fes­sion, on savait bien qu’elles ne se déploy­aient pas moins dans sa vie privée. Avec sim­plic­ité et dis­cré­tion, son épouse Yvette et lui ils fai­saient preuve d’une ouver­ture et d’une générosité sans faille, tant vis-à-vis de leurs amis qu’à l’é­gard d’œu­vres mul­ti­ples pour lesquelles ils ne ménageaient pas leur peine. Le tout ani­mé par une vie spir­ituelle et accom­pa­g­né par une vie de famille dont les émou­vants témoignages enten­dus lors du ser­vice célébré au Tem­ple du Lux­em­bourg, le 28 jan­vi­er dernier, don­nent une idée éloquente.

Qu’Yvette et toute sa famille soient assurées de la fidél­ité dans l’ami­tié qui ne cessera de les accompagner.

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