Jacques Dondoux (51) (1931–2002)

Dossier : ExpressionsMagazine N°578 Octobre 2002
Par Jean-Jacques DAMLAMIAN (61)
Par Dominique ROUX

Discours de Jean-Jacques Damlamian (61)

Mes­dames, Messieurs,

C’est avec beau­coup de peine et d’é­mo­tion que je m’adresse à vous ce soir. La dis­pari­tion bru­tale de Jacques, per­me­t­tez-moi de l’ap­pel­er ain­si, nous a tous lais­sés aba­sour­dis et boulever­sés : com­ment cela est-il possible ?

Le Jacques, que nous avons con­nu depuis si longtemps, était un homme, tou­jours en mou­ve­ment, à la recherche d’une voie nou­velle et, même dans les pires moments, il trou­vait tou­jours une rai­son de se relancer, de rebondir, d’e­spér­er. Et aujour­d’hui, il nous quitte pour toujours.

Je ne vais pas vous pass­er en revue la car­rière de Jacques, elle vous est bien con­nue. Je par­lerai surtout de ce que j’ai retenu de ma rela­tion per­son­nelle avec lui.

Pour pré­par­er cette inter­ven­tion, j’ai essayé de rassem­bler mes sou­venirs et de remon­ter aus­si loin que pos­si­ble dans le temps. La pre­mière fois que j’ai ren­con­tré Jacques, c’é­tait lorsque j’é­tais élève à l’ENST, Sup Télé­com ou la rue Bar­rault comme nous dis­ons, dans les années 1965–1966, il y a donc plus de trente-six ans. Jacques était maître de con­férences et nous enseignait une matière que l’on nom­merait aujour­d’hui ” l’in­for­ma­tique “, le mot n’é­tait pas encore d’usage courant. Il nom­mait la matière de son cours les ” cal­cu­la­teurs élec­tron­iques “, c’est d’ailleurs une expres­sion que Jacques a con­tin­ué d’u­tilis­er bien longtemps…

Jacques était jeune ingénieur au CNET, même pas encore ingénieur en chef. Il dirigeait déjà le fameux départe­ment RME, Recherche sur machines élec­tron­iques, dont beau­coup d’en­tre nous, ici présents, gar­dons un sou­venir très vif. Comme pro­fesseur, il avait une façon bien peu académique de présen­ter son cours, une façon assez éloignée des formes habituelles, mais il avait le don de nous ent­hou­si­as­mer, de nous laiss­er imag­in­er des poten­tial­ités énormes à venir.

À une époque où un Min­istre traitait, devant notre pro­mo­tion rassem­blée, le télé­phone de gad­get, le départe­ment RME parais­sait être un havre d’e­spoir pour les jeunes diplômés de notre génération.

Jacques avait su éveiller en nous la curiosité pour les tech­niques numériques en général. La loi de Moore n’é­tait pas con­nue encore à l’époque, et le plus gros ordi­na­teur de l’ENST ne per­me­t­tait vrai­ment pas d’imag­in­er l’avenir. C’é­tait plutôt la con­fi­ance que nous avions dans la vision de ce jeune ancien qui déter­min­erait notre con­vic­tion. Déjà une car­ac­téris­tique de Jacques : édu­ca­teur certes, mais bien plutôt entraîneur d’hommes dans la direc­tion de sa vision.

Lorsque j’ai eu à choisir mon affec­ta­tion à la sor­tie de l’ENST, je n’ai pas hésité pour aller du côté de l’in­for­ma­tique et rejoin­dre l’équipe de Jacques à RME. Je ne me suis pas posé trop de ques­tions sur ce que j’al­lais y faire : il me suff­i­sait d’aller vers la moder­nité et le mouvement.

Comme vous le voyez, Jacques fut non seule­ment notre maître de con­férences, et celui qui déter­mi­na mon choix de car­rière, il fut aus­si mon pre­mier patron.

Et le pre­mier patron, c’est celui qui ori­ente ou qui désori­ente, celui qui forme ou qui déforme. C’est une respon­s­abil­ité con­sid­érable, et Jacques l’ex­erçait non seule­ment avec plaisir mais aus­si avec une com­bi­nai­son d’au­torité et de complicité.

Je vous l’ai dit, le télé­phone c’é­tait encore un gad­get pour nos Min­istres. Jacques, comme beau­coup des jeunes dirigeants du FT d’alors, s’im­pa­tien­tait de voir cette activ­ité si essen­tielle ne pas pou­voir démar­rer dans notre pays. Avec ce don d’an­tic­i­pa­tion qui était bien le sien, il me chargea de tra­vailler dans un domaine encore peu exploré : l’ap­pli­ca­tion de l’in­for­ma­tique à la plan­i­fi­ca­tion des réseaux. C’é­tait un sujet qui le pas­sion­nait : sans aucun doute, les crédits allaient être disponibles dans le cadre du Plan, le 5e je crois, pour enfin automa­tis­er et dévelop­per le télé­phone en France, et il faudrait utilis­er ces ressources finan­cières le plus effi­cace­ment pos­si­ble. Nous appe­lions cela l’op­ti­mi­sa­tion technico-économique.

Une autre car­ac­téris­tique de Jacques : voir avant les autres l’ap­pli­ca­tion des tech­nolo­gies et canalis­er les forces vers le but essen­tiel de l’entreprise.En me faisant tra­vailler sur ce thème, la recherche opéra­tionnelle appliquée aux télé­com­mu­ni­ca­tions, Jacques m’a don­né une chance déter­mi­nante pour ma car­rière : chercheur au CNET, j’é­tais aus­si et surtout au con­tact quo­ti­di­en avec la réal­ité de l’en­tre­prise qui allait devenir bien plus tard FT, je n’é­tais pas isolé dans une tour d’ivoire…

En tant que mon ” coach “, comme nous diri­ons aujour­d’hui, Jacques m’inci­tait à créer un réseau de rela­tions au béné­fice col­lec­tif du CNET, et de tous ses mem­bres, à aller au devant des prob­lèmes à résoudre avec le souci de con­tribuer aux solu­tions par des voies orig­i­nales per­mis­es par les tech­nolo­gies nou­velles que nos col­lègues de l’ex­ploita­tion ne con­nais­saient pas encore.

Ce rôle de coach, ou de men­tor, Jacques l’a joué pour tous ceux qui ont eu à tra­vailler avec lui. Il était ambitieux pour ceux en qui il avait con­fi­ance à tous les niveaux et leur appor­tait tou­jours toute l’aide dont il était capa­ble. Beau­coup d’en­tre nous, présents ici ce soir, et aus­si ceux qui n’ont pas pu venir, lui en garderons une vive reconnaissance.

Un autre sou­venir me vient en mémoire. Au cours de ces pre­mières années pro­fes­sion­nelles, un épisode très par­ti­c­uli­er a frap­pé pour tou­jours notre généra­tion : Mai 68.

En Mai 68, comme beau­coup d’autres insti­tu­tions, le CNET était occupé, et nous allions d’assem­blée générale en assem­blée générale.Jacques était adjoint au directeur du CNET, et à ce titre il essayait de main­tenir des rela­tions avec l’ensem­ble du per­son­nel ren­con­trant les uns et les autres, les syn­di­cal­istes comme les cadres, et inci­tant à éviter l’ir­ré­para­ble et à lim­iter autant que pos­si­ble les con­séquences poten­tielle­ment néfastes de ces journées si exceptionnelles.

Jacques avait un don de con­tact avec les per­son­nes de toute orig­ine, de tout niveau social, de toute for­ma­tion. C’est prob­a­ble­ment, entre autres, ce qui le con­duira ensuite à faire une car­rière politique.Je ne décrirai pas ici les étapes de la suite de sa car­rière, mais celle-ci a été mar­quée par des alter­nances de péri­odes ” aux affaires ” comme il dis­ait et de péri­odes plus difficiles.

Par­mi les péri­odes dif­fi­ciles, celle qui le con­duisit à démis­sion­ner de sa fonc­tion de directeur de la Pro­duc­tion en 1975. Il déci­da alors de créer l’In­sti­tut de recherch­es économiques et sociales sur les Télé­com­mu­ni­ca­tions, l’IREST, dont il res­ta prési­dent toute sa vie. En créant l’IREST, Jacques avait une conviction :

  • les télé­coms sont en train de chang­er la vie de l’humanité,
  • les tech­nolo­gies avanceront plus vite que leur bon usage,
  • il faut associ­er le plus pos­si­ble de per­son­nes de tous les hori­zons pour avancer vers un monde meilleur.


Les rela­tions des télé­com­mu­ni­ca­tions avec l’é­conomie et la soci­olo­gie, leur effet sur l’emploi ou leurs aspects socié­taux, tout cela pas­sion­nait Jacques, et l’IREST est vite devenu un lieu de débats et d’échanges, très act­if et très particulier.

Jacques dis­ait tou­jours : ” Je veux une con­fronta­tion cour­toise de tous les points de vue. “Et c’est bien ain­si que l’IREST organ­i­sait ses col­lo­ques. Des gens de tous les hori­zons pos­si­bles à la tri­bune, des points de vue tranchés et une salle ravie d’en­ten­dre autre chose que la pen­sée unique ou des dis­cours de langue de bois.

Un thème lui tenait par­ti­c­ulière­ment à cœur : celui de la pro­tec­tion des lib­ertés indi­vidu­elles. Les télé­com­mu­ni­ca­tions ne devaient pas devenir un moyen de con­trôle de l’in­di­vidu, un Big Broth­er. La fac­tura­tion détail­lée, le risque que le mini­tel puisse révéler les choix per­son­nels de cha­cun… Ces ques­tions seront à l’or­dre du jour lorsqu’il devien­dra lui-même directeur général des Télé­com­mu­ni­ca­tions. Jacques : un homme au franc-par­ler, non-con­formiste, et aux préoc­cu­pa­tions ouvertes sur un monde qui change grâce aux télécommunications.

Devenu directeur général en 1981, il m’ap­pela auprès de lui pour tenir son cab­i­net. C’é­tait une péri­ode où il a dû, sou­vent, défendre les spé­ci­ficités des télé­coms face à la ten­ta­tion de cer­tains de nivel­er les PTT par le bas. Cer­tains dossiers déli­cats néces­si­taient une habileté que Jacques mit en œuvre :

  • les lois de décen­tral­i­sa­tion, la réforme des DRT/DOT, la sup­pres­sion des zones,
  • le lance­ment de cer­tains ser­vices comme le mini­tel ou la fac­tura­tion détaillée,
  • le fameux prélève­ment sur les recettes des télé­com­mu­ni­ca­tions pour financer la fil­ière électronique,
  • le plan câble,
  • le nou­veau dia­logue social au sein des Télé­coms et la Com­mis­sion de modernisation,
  • etc.


De cette péri­ode, j’ai retenu à son contact :

  • son énorme capac­ité de travail,
  • sa capac­ité d’é­coute, mais aus­si de décision,
  • son courage aus­si pour exprimer fer­me­ment ses con­vic­tions vis-à-vis du pou­voir poli­tique lorsqu’il pen­sait devoir le faire.


Quelques autres traits que je voudrais men­tion­ner car ils m’ont par­ti­c­ulière­ment frap­pé et j’en ai retenu la leçon.

La rela­tion avec les jeunes.

Il voulait que ” cha­cun ait sa chance “. Mais com­ment détecter les jeunes tal­ents à tous les niveaux. Étant de dix ans plus jeune que lui, je lui ser­vais d’in­ter­mé­di­aire et de lien avec une généra­tion qu’il ne con­nais­sait pas bien.

Il voulait don­ner aus­si une chance aux femmes et surtout aux femmes cadres au sein de l’en­tre­prise. Je me sou­viens qu’il dut batailler pour faire admet­tre la nom­i­na­tion de la pre­mière femme comme direc­trice opérationnelle.

Une façon de tra­vailler ensem­ble : nous avions une réu­nion rapi­de de brief­ing le lun­di matin, où toutes les idées étaient mis­es en avant sans aucune cen­sure ou restric­tion. J’aimais par­ti­c­ulière­ment ces moments où je pou­vais influer directe­ment sur le cours des choses dans l’entreprise.

Je sais que beau­coup de ceux qui ont eu à tra­vailler avec Jacques ont retenu et appré­cié le mode d’échange qu’il savait créer : tou­jours à l’é­coute des autres, il gar­dait cepen­dant sa posi­tion de patron à qui il revient de pren­dre la déci­sion finale.

Mais au-delà de ses col­lab­o­ra­teurs, Jacques savait écouter tous ses inter­locu­teurs avec le même sérieux quel que soit leur poids hiérar­chique. Il savait, par exem­ple, appréci­er la dif­fi­culté qu’il y avait pour un syn­di­cal­iste issu de la base pour inter­peller un directeur. Par con­tre, il n’hési­tait pas à dire son fait à un respon­s­able dont il n’ap­pré­ci­ait pas la déci­sion, fût-il min­istre, fût-il haut dig­ni­taire étranger.

Mais il m’est aus­si arrivé de ne pas être d’ac­cord avec lui sur des points par­ti­c­uliers. Et alors le débat pou­vait pren­dre un tour pas­sion­nel. Un exem­ple encore récent : il m’en a tou­jours voulu d’avoir changé le nom du CNET en FTR & D il y a main­tenant plus de deux ans. J’avais beau lui expli­quer les raisons, très rationnelles, de ce change­ment, il réagis­sait de façon passionnelle.

Sans doute avait-il la nos­tal­gie du temps de sa belle jeunesse, du temps où, jeune ingénieur, tout était pos­si­ble. Nos­tal­gie aus­si du temps de la cama­raderie des anciens du CNET.

Je ne vous par­lerai pas ici des années comme représen­tant du min­istre des PTT pour les pays de l’Eu­rope cen­trale et ori­en­tale, ni du tour­nant qui lui fit pren­dre le chemin de la poli­tique en devenant un élu de son Ardèche qu’il aimait tant. Tou­jours au ser­vice de ses conci­toyens ardé­chois pour leur apporter des nou­velles formes d’emploi, pour faire vivre une région mon­tag­neuse si belle mais si enclavée aus­si. Le pro­fesseur Dominique Roux vous en par­lera, il vous dira aus­si sa car­rière d’en­seignant et son rôle comme min­istre du Com­merce extérieur.

Ayant redéroulé le fil de ma vie pro­fes­sion­nelle pour pré­par­er ce dis­cours, je me suis ren­du compte que beau­coup de mes com­porte­ments, beau­coup de mes choix et de mes ori­en­ta­tions avaient été influ­encés par ceux de Jacques, et je suis sûr qu’il en est de même pour beau­coup d’en­tre vous qui avez tra­vail­lé sous ses ordres.

Il était de dix ans mon aîné, c’est sans doute un écart d’âge très prop­ice, ni trop ni trop peu, pour qu’il puisse me servir de modèle.

Peut-être avions-nous des car­ac­tères et des for­ma­tions sim­i­laires, ce qui rend le trans­fert de com­porte­ment pos­si­ble de l’un vers l’autre ?

Mais bien au-delà de mon expéri­ence per­son­nelle, je suis sûr d’être l’in­ter­prète de tous ses anciens col­lab­o­ra­teurs de tous âges pour témoign­er de sa grande influ­ence sur nous tous. Car beau­coup dans la vie pro­fes­sion­nelle ne s’ap­prend pas dans les écoles : ce sont des savoir-faire, des savoir-être, des atti­tudes qui se trans­met­tent par l’ex­em­ple. Et nous sommes nom­breux ici à en témoigner.

Mes­dames, Messieurs,

Le grand Jacques, comme nous disions tous, le grand Jacques nous a quit­tés, mais sa trace restera. Sa trace dans les télé­com­mu­ni­ca­tions français­es, sa trace dans son Ardèche natale, sa trace comme hon­nête homme de notre siè­cle, et aus­si sa trace par­mi nous dans notre façon d’être comme référence plus sub­tile de com­porte­ment, de choix, d’au­then­tic­ité, d’engagement.

Je voudrais main­tenant, m’adres­sant à vous, chère Sigrid et à vous Arnaud et Har­ald, au nom de toute notre assem­blée vous trans­met­tre notre chaleureux témoignage d’ami­tié et de solidarité. 

Dis­cours de Dominique Roux

Ma chère Sigrid,

Lorsque vous m’avez demandé de dire quelques mots à l’oc­ca­sion de ce ser­vice en mémoire de Jacques, j’ai accep­té avec empresse­ment l’hon­neur que vous me faisiez en me don­nant l’oc­ca­sion de par­ler d’un ami que j’ai côtoyé pen­dant vingt-cinq ans.

Jacques Don­doux, nous le savons tous, était une per­son­nal­ité avec une intel­li­gence, une clair­voy­ance et une indépen­dance d’e­sprit qui le con­dui­saient à ne pas accepter les idées reçues tout en restant à l’é­coute des autres et en respec­tant leurs différences.

Il y a quelques années alors qu’il remet­tait une déco­ra­tion, il avait com­mencé son pro­pos en expli­quant à l’as­sis­tance que le dimanche il n’al­lait pas dans la même église que le récip­i­endaire, que lorsqu’il y avait une élec­tion, tous deux se rendaient certes dans le même bureau de vote mais ne met­taient pas le même bul­letin dans l’urne, et pour­tant dis­ait-il, nous sommes des amis et je suis enchan­té d’être auprès de lui aujourd’hui.

Ce rap­pel anec­do­tique, je crois, le car­ac­térise par­faite­ment. Il était un véri­ta­ble human­iste, ouvert aux autres, quelles que soient leurs opin­ions et c’est ce qui explique que nous l’aimions tant et qu’il nous manque déjà beaucoup.

Jacques Don­doux a bien sûr comme l’a rap­pelé Jean-Jacques Damlami­an con­sacré une grande par­tie de sa vie au monde des télé­com­mu­ni­ca­tions qu’il a pro­fondé­ment mar­qué. Il a su d’ailleurs com­mu­ni­quer sa pas­sion autour de lui, c’est mon cas ; puisque mon intérêt pour ce secteur date de ma ren­con­tre avec lui.

Si Jacques Don­doux a eu une vie pro­fes­sion­nelle et sociale excep­tion­nelle ; ingénieur, chercheur, chef d’en­tre­prise, élu local et nation­al, min­istre, il n’a cessé cepen­dant, il faut le rap­pel­er, pen­dant près de quar­ante ans de rem­plir des fonc­tions d’en­seignant et c’est cet aspect de son action, que je voudrais soulign­er ce soir car cet engage­ment auprès des jeunes est un élé­ment majeur, me sem­ble-t-il, de toute sa vie et de toute sa carrière.

Très tôt, il a com­pris com­bi­en était impor­tante l’é­d­u­ca­tion, et le rôle essen­tiel du corps enseignant dont d’ailleurs sa mère fai­sait par­tie. Elle restera tou­jours pour lui une fig­ure emblé­ma­tique à laque­lle il ne cessera de faire référence.

Ain­si jusqu’à 65 ans il con­sacr­era une par­tie non nég­lige­able de son temps à enseign­er et donc à aller à la ren­con­tre des nou­velles générations.

Dès l’âge de 26 ans il accepte les fonc­tions de maître de con­férences à l’É­cole nationale supérieure de l’aéro­nau­tique puis à l’É­cole des ponts et chaussées et à l’É­cole nationale supérieure des télé­com­mu­ni­ca­tions. Enfin en 1979 il entre à l’u­ni­ver­sité de Paris-Dauphine où il sera nom­mé pro­fesseur asso­cié. Il assur­era chaque semaine sans dis­con­tin­uer, pen­dant de nom­breuses années, plusieurs cours jusqu’à son élec­tion à la dépu­ta­tion en 1997.

Au cours de cette même péri­ode, il sera nom­mé mem­bre du Cen­tre nation­al de la recherche sci­en­tifique et du Comité nation­al d’é­val­u­a­tion de la recherche où il apportera son expéri­ence d’in­dus­triel au monde universitaire.

Pour lui, l’en­seigne­ment et la recherche ont tou­jours été des domaines à priv­ilégi­er car il voy­ait dans ce type d’ac­tiv­ités les fonde­ments mêmes du pro­grès, de la pro­mo­tion et de la cohé­sion sociale, de la con­nais­sance, enfin en un mot de la liberté.

Naturelle­ment, ma chère Sigrid, il était par­ti­c­ulière­ment fier que vous soyez aus­si pro­fesseur. Com­bi­en de fois ne vous a‑t-il pas citée dans ses cours ?

Ce qu’il a apporté à tous ses étu­di­ants dépasse large­ment le domaine des con­nais­sances tech­niques. Il a voulu leur mon­tr­er aus­si ce qu’é­tait la vie, mais pas n’im­porte quelle vie, la vie mar­quée par le respect de l’autre et par la solidarité.

En retour, ce con­tact avec les jeunes lui a sans doute aus­si beau­coup apporté. Il a pu ain­si tester ses idées, con­fron­ter ses points de vue avec les nou­velles généra­tions pour adapter ses pro­pres idées et rester au con­tact des réal­ités du moment.

Son engage­ment poli­tique était de même nature que son goût pour l’en­seigne­ment. Il voulait être utile aux autres et c’est pourquoi il a com­mencé par être con­seiller général, puis maire, puis député puis enfin min­istre. En gravis­sant ain­si tous les éch­e­lons du monde poli­tique il a aus­si pu détecter puis faire val­oir les réelles attentes de ses concitoyens.

On peut dire que ses qual­ités excep­tion­nelles se sont aus­si man­i­festées dans l’ami­tié et dans la fidél­ité, dans le regard et la main ten­due aux autres, et bien sûr dans son sens de l’in­térêt général.

Je voudrais dire à sa famille et à tous ses amis quelle chance ils ont eue de côtoy­er un être aus­si excep­tion­nel ce qui accentue encore sans doute leur peine de ne plus l’avoir aujour­d’hui près d’eux.

On inter­ro­gea un jour Jean Paul­han sur la mort, il avait alors répon­du : ” J’e­spère vivre jusqu’à la mienne. “, c’est ce qu’a fait Jacques Don­doux, je peux en porter témoignage, on peut vrai­ment dire qu’il a vécu jusqu’à sa mort.

La lumière de son esprit n’a jamais vac­il­lé, elle s’est éteinte d’un coup et ses derniers feux ont été ceux de la lucid­ité, du courage et de la déli­catesse de cœur. 

Poster un commentaire