Au-delà des préjugés

Dossier : Recherche et entrepriseMagazine N°694 Avril 2014
Par Germain SANZ (63)

La R&D n’est pas un objec­tif en soi pour l’entreprise. L’important, c’est bien enten­du l’innovation dans ses nom­breux points d’application : pro­duits, procédés, com­mer­cial, finance, social, sans oubli­er la stratégie (busi­ness mod­el en par­ti­c­uli­er) et l’organisation. Suiv­ant les auteurs, 50% à 80% des inno­va­tions cor­re­spon­dent à des inno­va­tions non tech­nologiques, un des points forts des entre­pris­es les plus innovantes.

L’innovation est bien plus qu’une idée ou une inven­tion, puisqu’elle sup­pose une appli­ca­tion con­crète con­duisant à un accroisse­ment de valeur économique ou socié­tale. Les entre­pris­es jouent donc ain­si un rôle essen­tiel dans l’un des sujets majeurs de la com­péti­tiv­ité : com­ment trans­former des inven­tions (qui peu­vent venir de partout, pub­lic ou privé) en inno­va­tions réussies ?

Cet enjeu con­cerne toutes les entre­pris­es, grandes, moyennes, petites, y com­pris les start-ups.

La R&D des entre­pris­es est mal con­nue et sous-estimée. Si je remets en place quelques idées reçues : en France, il y a plus de chercheurs dans les entre­pris­es que dans le secteur pub­lic, la pro­por­tion (58 % en 2010) étant main­tenant plus forte qu’en Alle­magne. Il n’y a pas de rela­tion claire entre la dépense de R&D d’une entre­prise et sa per­for­mance. Il est démon­tré que les entre­pris­es qui tirent le mieux prof­it de leur R&D se dis­tinguent plus par la qual­ité de leur proces­sus d’innovation que par leur bud­get de R&D. Il n’est pas per­ti­nent de juger de la capac­ité d’innovation d’un pays par le rap­port R&D‑PIB ou le nom­bre de brevets. Tout d’abord parce que ces deux critères mesurent l’intensité de la R&D prin­ci­pale­ment tech­nologique et non pas l’innovation, puis parce que l’économie d’un pays est un mélange de secteurs totale­ment différents.

Si l’on est dans la phar­ma­cie, des bud­gets de l’ordre de 20 % du CA sont indis­pens­ables. Dans la sidérurgie où j’ai tra­vail­lé, être à plus de 1 % du CA nous plaçait dans le Top 3 des entre­pris­es au niveau mon­di­al. Le fait que la France soit éloignée de l’objectif des 3 % visé à Lis­bonne traduit ain­si le fait que son tis­su indus­triel est clas­sique et qu’elle n’a pas assez d’entreprises high-tech.

Secteur d’activité par secteur d’activité, les grandes entre­pris­es français­es se situent générale­ment à des places d’honneur dans le con­texte mon­di­al, mais le plus sou­vent dans des secteurs à faible inten­sité de R&D. Ces entre­pris­es tra­di­tion­nelles (BTP, matéri­aux, chimie) innovent néan­moins beau­coup, ce qui explique leur posi­tion internationale.

La R&D n’est pas la panacée de l’innovation mais, bien inté­grée dans la stratégie glob­ale et avec le droit (et l’obligation) d’être créa­tive, son rôle est essen­tiel. C’est le devoir de tous, dirigeants d’entreprise, poli­tiques, respon­s­ables de la recherche publique, de l’encourager et de la stim­uler pour qu’elle soit pleine­ment efficace.

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