Un avion à l'atterissage

Assurer la fiabilité des logiciels

Dossier : TrajectoiresMagazine N°722 Février 2017
Par Fabrice DEREPAS (93)
Par Hervé KABLA (84)

En élar­gis­sant à d’autres sec­teurs les méthodes de tests obli­ga­toires dans l’aé­ro­nau­tique ou le nucléaire, et avec l’ap­pui de maîtres d’oeuvre de pre­mier plan, on peut créer une start-up qui dame le pion aux Amé­ri­cains et Israé­liens et est nom­mée par­mi les dix socié­tés les plus inno­vantes au monde 

Tu crées ta première société après plus de vingt ans d’expérience professionnelle, quel processus t’y a mené ?

J’étais cher­cheur au Com­mis­sa­riat à l’énergie ato­mique. On y fait de la recherche appli­quée. Une par­tie du bud­get est assu­rée par des contrats industriels. 

Créer une entre­prise est donc le che­min logique si une tech­no­lo­gie com­mence à per­cer sur le marché. 

Pourquoi choisir la sécurité des logiciels ?


Dans le sec­teur aéro­nau­tique, les tests logi­ciels sont très pous­sés. © MIKLYXA / FOTOLIA.COM

La sécu­ri­té des logi­ciels est aujourd’hui assu­rée de manière empi­rique. Les logi­ciels sont tes­tés, mais il est qua­si impos­sible d’avoir une garan­tie sur leur fonctionnement. 

Seuls des sec­teurs très poin­tus comme l’aéronautique ou le nucléaire dis­posent de règle­ments qui poussent à faire des tests pous­sés, pour être cer­tain que tous les com­por­te­ments ont été prévus. 

Notre approche est simple : nous élar­gis­sons ces méthodes de test et de vali­da­tion à d’autres secteurs. 

Quels sont les enjeux dans ton domaine ?

Les enjeux sont nom­breux, en cyber­sé­cu­ri­té. Celui dont traite Trus­tIn­Soft, c’est de pou­voir dis­po­ser de cer­ti­tudes sur la manière dont fonc­tionne un logi­ciel, ou être cer­tain que le logi­ciel ne com­porte pas un cer­tain type de faille. 

Et comment TrustInSoft y répond-elle ?

Trus­tIn­Soft est capable de pré­sen­ter des élé­ments mathé­ma­tiques qui per­mettent d’évaluer le niveau de qua­li­té d’un logi­ciel, même si celui-ci n’a pas ini­tia­le­ment été pré­vu pour être véri­fié de la sorte. Ce peut être le cas, par exemple, d’une biblio­thèque cryp­to­gra­phique pour faire du HTTPS. 

La capa­ci­té à appor­ter de tels élé­ments s’appuie sur une tech­no­lo­gie appe­lée Trus­tIn­Soft Ana­ly­zer. Ce pro­duit inno­vant, ven­du sous forme de licence ou en ligne, per­met de fédé­rer dif­fé­rentes méthodes for­melles per­met­tant d’analyser du code. 

Comment se positionne TrustInSoft par rapport à ses concurrents américains ou israéliens ?

La France pos­sède de bons mathé­ma­ti­ciens et de bons infor­ma­ti­ciens théo­riques. La tech­no­lo­gie com­mer­cia­li­sée par Trus­tIn­Soft, déve­lop­pée par l’INRIA et le CEA, résulte de la col­la­bo­ra­tion entre ces cher­cheurs de pre­mier plan, et des indus­triels vision­naires comme Air­bus, EDF ou Areva. 

“ TrustInSoft a été nommé parmi les dix sociétés les plus innovantes au monde à San Francisco lors de la RSA Conference ”

À ce jour ni les Israé­liens ni les Amé­ri­cains n’ont mis au point une tech­no­lo­gie équi­va­lente. Cela a été mis en avant par l’organisme fédé­ral amé­ri­cain de cer­ti­fi­ca­tion NIST qui a recon­nu l’unicité de la tech­no­lo­gie uti­li­sée par TrustInSoft. 

C’est aus­si pour cette rai­son que, l’année der­nière, Trus­tIn­Soft a été nom­mé par­mi les dix socié­tés les plus inno­vantes au monde à San Fran­cis­co lors de la RSA Conference. 

Quels sont les atouts des start-ups françaises ?

Les start-ups fran­çaises béné­fi­cient de deux atouts majeurs. Le pre­mier réside dans le fait de dis­po­ser d’une main‑d’œuvre très qua­li­fiée. C’est le résul­tat du déve­lop­pe­ment de nos filières de for­ma­tion de qualité. 

Programmeurs au travail
La France peut comp­ter sur une main‑d’œuvre très qualifiée.

Le cœur de la start-up réside dans le fait d’avoir un noyau de départ extrê­me­ment per­for­mant. Les for­ma­tions fran­çaises poussent plu­tôt à avoir des per­sonnes poly­va­lentes, cela per­met d’avoir de l’agilité. C’est impor­tant car la start-up doit être capable de se recon­fi­gu­rer vite en fonc­tion des oppor­tu­ni­tés offertes par le marché. 

Le deuxième atout, c’est l’importance des aides publiques. L’une des prin­ci­pales est le cré­dit d’impôt recherche (CIR). Cela fait de la France un para­dis fis­cal pour l’innovation tech­no­lo­gique, il faut bien le reconnaître. 

Une autre aide impor­tante, qui néces­site un inves­tis­se­ment pour déve­lop­per un bon réseau, est la par­ti­ci­pa­tion à des pro­jets aidés qui couvrent 50 % des dépenses de R & D. De plus, de nom­breuses struc­tures d’accompagnement existent : Bpi­France, des incu­ba­teurs, des accé­lé­ra­teurs, des asso­cia­tions régionales. 

Bref dès que l’on a une idée, il faut foncer. 

Et quelles sont leurs faiblesses ?

On reproche géné­ra­le­ment aux start-ups fran­çaises d’être trop ciblées sur la tech­no­lo­gie et pas assez sur le mar­ché, d’une cer­taine manière, de faire beau­coup de tech­no­lo­gie et pas assez de marketing. 

Les struc­tures que je men­tion­nais comme les accé­lé­ra­teurs ou les incu­ba­teurs sont jus­te­ment là pour pal­lier ces manques qui peuvent être présents. 

Comment y fais-tu face, de ton côté ?

Étant nous-mêmes très foca­li­sés sur la tech­no­lo­gie, nous nous sommes beau­coup entou­rés. Nous avons sui­vi la for­ma­tion HEC Chal­lenge Plus, et nous avons can­di­da­té pour l’incubateur géné­ra­liste Incu­bAl­liance. Nous nous sommes fait aider par l’association régio­nale Scien­ti­pôle Ini­tia­tive. Notre déve­lop­pe­ment aux États-Unis a été sou­te­nu par le pro­gramme Net­va du minis­tère des Affaires étrangères. 

Enfin nous nous sommes entou­rés d’un conseil d’administration très com­plé­men­taire aux pro­fils des four­nis­seurs, nous avons même un ancien patron du CAC 40 qui y a siégé. 

L’avenir d’une start-up comme celle que tu diriges est-il forcément le rachat par un plus gros ?

C’est sans doute l’hypothèse la plus pro­bable mais ce n’est pas une fata­li­té. Ain­si par exemple la socié­té Wal­lix (code ALLIX) a fait une très belle intro­duc­tion en Bourse en 2015 sur le mar­ché Alter­next à Paris. 

Cette approche est inté­res­sante en par­ti­cu­lier si on recherche une cer­taine indé­pen­dance pour gar­der un rôle neutre et objec­tif, qui peut être un atout impor­tant dans le domaine de la sécurité. 

Que te faudrait-il pour devenir le Symantec français ?

Nous avons toutes les cartes en main pour le moment : nous sommes déjà posi­tion­nés à moi­tié sur le mar­ché US et sur le mar­ché fran­çais. Nous avons su recru­ter des ingé­nieurs de pre­mier plan. Nous pré­pa­rons actuel­le­ment une levée de fonds avec un acteur majeur en Europe. 

“ La France est un paradis fiscal pour l’innovation technologique, il faut bien le reconnaître ”

Cepen­dant, effec­ti­ve­ment, le mar­ché amé­ri­cain est un espace uni­fié en termes com­mer­ciaux et cultu­rels, ce qui peut favo­ri­ser l’émergence d’acteurs locaux. En Europe, le mar­ché est plus seg­men­té, en par­ti­cu­lier sur le sec­teur de la cybersécurité. 

C’est pour­quoi nous pro­gres­sons actuel­le­ment de manière iden­tique sur les États-Unis et sur l’Europe, pour maxi­mi­ser nos chances de croître de manière signi­fi­ca­tive sur au moins ces deux zones géographiques.

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