Maîtriser l’énergie dans les pays émergents et en développement

Dossier : Environnement : les relations Nord SudMagazine N°647 Septembre 2009
Par Christian de GROMARD
Par Alexis BONNEL (90)

REPÈRES

REPÈRES
Les PED sont confron­tés à un défi que n’ont plus les pays indus­tria­li­sés : l’équipement d’une grande par­tie de leur popu­la­tion, loca­li­sée dans les zones rurales et péri­ur­baines et qui ne béné­fi­cie pas ou très peu des faci­li­tés éner­gé­tiques modernes. Les consom­ma­tions de cette popu­la­tion « hors réseau » se carac­té­risent par la pré­pon­dé­rance du bois comme com­bus­tible, une uti­li­sa­tion très limi­tée d’hydrocarbures et d’électricité du fait d’un sous-équi­pe­ment chro­nique et l’usage de consom­mables (piles notam­ment) à un coût éle­vé, pour s’éclairer et pour ali­men­ter radios, télé­vi­sions ou télé­phones por­tables. Par ailleurs, le manque d’accès à des ser­vices éner­gé­tiques modernes, éco­no­miques et de qua­li­té et en par­ti­cu­lier liés à la force motrice, affecte éga­le­ment la com­pé­ti­ti­vi­té des entre­prises et la crois­sance économique. 

Dans les PED (pays émer­gents et en déve­lop­pe­ment), la maî­trise de l’éner­gie sup­pose d’a­gir sur deux caté­go­ries d’u­sa­gers : les consom­ma­teurs d’éner­gies modernes et le sec­teur » hors réseau « . Pour les deux, la com­bi­nai­son d’in­ter­ven­tions sur la ges­tion de la demande finale, l’ef­fi­ca­ci­té éner­gé­tique des pro­ces­sus et la pro­mo­tion des éner­gies renou­ve­lables s’ap­plique selon des moda­li­tés qui dif­fèrent. En outre, la forte dis­pa­ri­té de consom­ma­tions entre les mieux nan­tis et les plus dému­nis jus­ti­fie des mesures dif­fé­ren­ciées selon les niveaux de consommation.

La com­bi­nai­son de plu­sieurs leviers d’action s’avère beau­coup plus effi­cace que l’utilisation d’un seul

La maî­trise de l’éner­gie offre un fort poten­tiel de crois­sance pour les pays du Sud. Sa pro­mo­tion peut s’ef­fec­tuer au tra­vers de pro­grammes » éner­gie-cli­mat « , à l’i­mage de celui récem­ment adop­té au niveau euro­péen. Ces pro­grammes, en favo­ri­sant les éco­no­mies d’éner­gie et le recours à des éner­gies renou­ve­lables, créent loca­le­ment de la valeur et de l’emploi, réduisent la dépen­dance aux éner­gies fos­siles et amé­liorent de ce fait la rési­lience des éco­no­mies concer­nées aux chocs éner­gé­tiques à venir, tout en limi­tant les émis­sions de CO2 et plus géné­ra­le­ment des nui­sances envi­ron­ne­men­tales (pol­lu­tions locales, bruit). La maî­trise de l’éner­gie consti­tue ain­si un domaine pri­vi­lé­gié pour des coopé­ra­tions Nord-Sud.

Pour­quoi reste-t-elle embryon­naire et ne se déve­loppe-t-elle pas plus vite dans les PED ? C’est ce que nous nous pro­po­sons d’ap­pro­fon­dir à tra­vers des cas concrets.

Économiser l’énergie dans les secteurs consommateurs

Les gise­ments d’é­co­no­mies d’éner­gie et les modes d’in­ves­tis­se­ment dif­fèrent selon les sec­teurs. L’in­dus­trie, le bâti­ment, le trans­port, la pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té ont une phy­sique et une éco­no­mie, qui néces­sitent des poli­tiques, ain­si que des réponses tech­niques et finan­cières spé­ci­fiques. Dans ces sec­teurs, il faut agir sur le hard, les équi­pe­ments et amé­na­ge­ments, et le soft, les orga­ni­sa­tions et les comportements.

Des pro­grammes pour amé­lio­rer l’habitat
Les pre­miers pro­grammes pilotes ont été lan­cés à la fin des années quatre-vingt-dix, notam­ment en Chine, en Tuni­sie et au Liban avec l’ap­pui du FFEM (Fonds fran­çais pour l’en­vi­ron­ne­ment mon­dial). En tirant par­ti de cette expé­rience, l’AFD (Agence fran­çaise de déve­lop­pe­ment) ins­truit des lignes de cré­dit ciblées sur le loge­ment éco­no­mique effi­cace, les prêts étant accor­dés en contre­par­tie d’a­mé­lio­ra­tions des per­for­mances éner­gé­tiques. Elle exa­mine éga­le­ment des méca­nismes pour finan­cer la réha­bi­li­ta­tion ther­mique du parc exis­tant, avec l’ob­jec­tif de mobi­li­ser les pro­prié­taires et les pro­fes­sion­nels du bâti­ment sur des réa­li­sa­tions à échelle significative.

La com­bi­nai­son de plu­sieurs leviers d’ac­tion s’a­vère beau­coup plus effi­cace que l’u­ti­li­sa­tion d’un seul : outils légis­la­tifs et régle­men­taires coer­ci­tifs comme inci­ta­tifs, ins­tru­ments tari­faires, inci­ta­tions fis­cales, cré­dits boni­fiés, cam­pagnes de com­mu­ni­ca­tion et autres aides à la déci­sion du consom­ma­teur pour lui per­mettre de » pas­ser à l’ac­tion « , consti­tu­tion de réseaux tech­niques. Nombre de ces leviers font défaut dans la majo­ri­té des PED.

Bien iden­ti­fiés, les pro­jets de maî­trise de l’éner­gie sont éco­no­mi­que­ment ren­tables, non seule­ment sur leur durée de vie, mais par­fois dans un délai court. Ils se heurtent cepen­dant à plu­sieurs obs­tacles tels que leur carac­tère sou­vent consi­dé­ré comme non prio­ri­taire, l’i­ner­tie des com­por­te­ments, le mon­tant limi­té des inves­tis­se­ments (de ce fait peu attrayants pour les banques), ou la mul­ti­pli­ci­té des acteurs à convaincre. Sans sou­tien public, au Sud comme au Nord, les inves­tis­se­ments de maî­trise de l’éner­gie se concré­tisent difficilement.

Réduire l’intensité énergétique dans l’industrie

Le sec­teur indus­triel absorbe entre 30 et 50 % de l’éner­gie pri­maire dans les pays émer­gents, mais très peu de ces pays se sont dotés de poli­tiques indus­trielles d’ef­fi­ca­ci­té éner­gé­tique. La sen­si­bi­li­té à l’éner­gie de ce sec­teur évo­lue et les banques de déve­lop­pe­ment sou­tiennent main­te­nant des lignes de cré­dit dédiées à l’ef­fi­ca­ci­té éner­gé­tique, qui mobi­lisent des banques locales. Depuis 2003, une dizaine de finan­ce­ments de ce type a été enga­gée dans des pays comme la Tur­quie, la Tuni­sie ou la Chine. Les pays du Sud gagne­raient cepen­dant à s’en­ga­ger de manière volon­ta­riste sur des stra­té­gies qui ont fait leur preuve au Nord, comme la négo­cia­tion d’ac­cords volon­taires avec les entre­prises grosses consom­ma­trices d’éner­gie ou de plans d’ac­tion défi­nis par branches indus­trielles. La mobi­li­sa­tion d’aides à la déci­sion ciblées sur les PMI donne éga­le­ment de bons résul­tats, comme le montre l’exemple de l’Inde.

Bâtiments économes en énergie

La consom­ma­tion dans les bâti­ments, qui repré­sente sou­vent plus de 30 % des bilans éner­gé­tiques finaux, est en forte crois­sance dans les PED, avec notam­ment la dif­fu­sion d’é­qui­pe­ments élec­tro­mé­na­gers et des cli­ma­ti­seurs bon mar­ché, qui entraînent une aug­men­ta­tion sen­sible des demandes de pointe. Les poten­tiels d’é­co­no­mies d’éner­gie sont signi­fi­ca­tifs mais dif­fus. La com­bi­nai­son d’in­ter­ven­tions sur le bâti et sur les équi­pe­ments per­met d’é­co­no­mi­ser jus­qu’à 30 à 40 % d’éner­gie, pour des sur­coûts à l’in­ves­tis­se­ment sou­vent infé­rieurs à 5 %. Ces opé­ra­tions s’a­vèrent ain­si très ren­tables, même si encore trop rare­ment mises en œuvre.

La ville, le bon éche­lon de l’ef­fi­ca­ci­té énergétique
Les villes, et en par­ti­cu­lier les grandes métro­poles, sont des zones de forte consom­ma­tion d’éner­gie, où des oppor­tu­ni­tés d’é­co­no­mies d’éner­gie peuvent être iden­ti­fiées. Les réa­li­sa­tions res­tent peu nom­breuses, faute de maî­trise d’ou­vrage orga­ni­sée et mobi­li­sée sur le sujet. La réduc­tion des fac­tures éner­gé­tiques des col­lec­ti­vi­tés locales, les amé­na­ge­ments de trans­ports col­lec­tifs, la valo­ri­sa­tion des déchets ména­gers ou des boues d’as­sai­nis­se­ment consti­tuent de bons exemples de solu­tions co-géné­ra­trices de déve­lop­pe­ment et de béné­fices envi­ron­ne­men­taux. La pla­ni­fi­ca­tion et la recherche de formes urbaines moins consom­ma­trices d’éner­gie repré­sentent aus­si un enjeu impor­tant : en matière d’in­ves­tis­se­ments urbains, les déci­sions d’au­jourd’­hui condi­tionnent en effet les consom­ma­tions futures sur plu­sieurs dizaines d’années.

Les moda­li­tés d’ap­pli­ca­tion doivent être diver­si­fiées – en dis­tin­guant le neuf et l’an­cien, le rési­den­tiel et le ter­tiaire, le col­lec­tif et l’in­di­vi­duel. Cha­cun néces­site des finan­ce­ments adap­tés et arti­cu­lés sur une régu­la­tion inci­ta­tive à défi­nir avec les acteurs concer­nés : pro­mo­teurs et entre­prises de la construc­tion, banques de l’ha­bi­tat, cré­dits dédiés à la construc­tion per­for­mante, socié­tés de ser­vices éner­gé­tiques (« ESCO » ou Ener­gy Ser­vices Com­pa­nies en anglais). 

Une mobilité sobre en CO2

Si la part des trans­ports dans le bilan éner­gé­tique des pays émer­gents est moindre que dans les pays de l’OCDE, elle croît exponentiellement.

Les trans­ports dépendent à 95% du pétrole

Au niveau mon­dial, le sec­teur dépend à 95 % du pétrole et en consomme 60 %, géné­rant 14 % des émis­sions de gaz à effet de serre. La maî­trise de l’éner­gie dans les trans­ports consti­tue ain­si un défi consi­dé­rable au cours de ces pro­chaines années, et implique d’ac­tion­ner des leviers tant tech­no­lo­giques que métho­do­lo­giques et orga­ni­sa­tion­nels, ces der­niers visant à limi­ter les acti­vi­tés de transports.

Une électricité renouvelable et efficace

Plu­sieurs filières sont mobi­li­sables pour réduire l’in­ten­si­té car­bone du sec­teur élec­trique, qui aug­mente dans la plu­part des PED, du fait notam­ment de la rapide pro­gres­sion des cen­trales à char­bon. Un cadre régle­men­taire et des condi­tions inci­ta­tives de rachat de l’élec­tri­ci­té renou­ve­lable ou effi­cace sont néces­saires pour que ces filières se déve­loppent. Si ces dis­po­si­tions se mettent en place dans cer­tains pays émer­gents comme l’Inde, la Chine ou plus récem­ment l’A­frique du Sud ou la Tur­quie, elles font défaut dans la plu­part des PED.

L’hy­dro­élec­tri­ci­té connaît un regain d’ap­pli­ca­tion, qu’elle soit » grande « , notam­ment dans des infra­struc­tures régio­nales trans­fron­ta­lières, ou » petite » à tra­vers des mini­cen­trales locales. Les fermes éoliennes se déve­loppent en mobi­li­sant le plus sou­vent des inves­tis­se­ments pri­vés, en par­ti­cu­lier en Chine, en Inde et dans les pays médi­ter­ra­néens (Maroc, Égypte et Tur­quie notamment).

La bio­élec­tri­ci­té et la cogé­né­ra­tion offrent éga­le­ment de nom­breuses oppor­tu­ni­tés. Les pro­jets, plus com­plexes et encore peu nom­breux, souffrent de l’in­suf­fi­sance de cadres ins­ti­tu­tion­nels pour per­mettre leur inté­gra­tion dans les réseaux nationaux. 

Une réa­li­té en marche
Des pro­grammes mas­sifs de pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té solaire en réseau com­mencent à être dis­cu­tés, à l’ins­tar de ceux qui se montent dans les pays de l’OCDE, en mobi­li­sant les grandes banques de déve­lop­pe­ment, seules à même d’ap­por­ter des prêts conces­sion­nels, néces­saires pour bou­cler leurs finan­ce­ments dans leur phase de lan­ce­ment. Le Plan solaire médi­ter­ra­néen et des pro­grammes indiens pré­voient ain­si d’é­qui­per plu­sieurs mil­liers de méga­watts dans les dix pro­chaines années. Des pro­jets de maî­trise de la demande d’élec­tri­ci­té com­mencent à se déve­lop­per dans cer­tains pays (Inde, Afrique du Sud, Séné­gal). Leurs moda­li­tés de finan­ce­ment et de mise en oeuvre à grande échelle sont novatrices.

Des par­te­na­riats public-pri­vé pour l’électrification
Si les risques finan­ciers res­tent du res­sort d’en­ti­tés publiques, les risques com­mer­ciaux et d’ex­ploi­ta­tion doivent être assu­més par les opé­ra­teurs. Des modes de ges­tion de proxi­mi­té et le pré­paie­ment ont été tes­tés avec suc­cès dans plu­sieurs pays. Une expé­rience pro­bante a été conduite par l’Of­fice natio­nal de l’élec­tri­ci­té (ONE) au Maroc avec l’ap­pui de dif­fé­rentes banques de déve­lop­pe­ment, à tra­vers le PERG qui a per­mis de por­ter l’ac­cès à l’élec­tri­ci­té de 18 % en 1995 à 96 % en 2007. Si le réseau inter­con­nec­té reste le prin­ci­pal vec­teur d’élec­tri­fi­ca­tion, il est com­plé­té par une solu­tion décen­tra­li­sée, grâce à laquelle 400 000 per­sonnes béné­fi­cient de sys­tèmes pho­to­vol­taïques (soit 10 % des vil­lages maro­cains) et qui fait l’ob­jet d’une délé­ga­tion à des opé­ra­teurs pri­vés. Cette élec­tri­fi­ca­tion mul­ti­des­serte se déve­loppe main­te­nant dans plu­sieurs pays d’A­frique, au Séné­gal en particulier.

Électrifier les zones rurales et périurbaines

1,6 mil­liard de per­sonnes n’a pas accès à l’élec­tri­ci­té. Ces ménages » hors réseau » dépensent des sommes signi­fi­ca­tives en piles, pétrole lam­pant, ou bat­te­ries pour des ser­vices de piètre qua­li­té. Le recy­clage de ces dépenses sur des solu­tions plus effi­cientes est à la base de sché­mas d’élec­tri­fi­ca­tion ciblés sur ces popu­la­tions de faibles reve­nus. L’ac­cès aux ser­vices éner­gé­tiques d’une mul­ti­tude de petits consom­ma­teurs en situa­tion pré­caire pré­sente cepen­dant un double défi : com­ment rendre ban­cables ces inves­tis­se­ments et com­ment répar­tir les risques, pour que les par­ties contractent des enga­ge­ments mutuels durables ?

La bio­masse tra­di­tion­nelle est l’énergie du pauvre

Le finan­ce­ment néces­site de com­bi­ner plu­sieurs res­sources : une péréqua­tion entre ceux qui béné­fi­cient de l’élec­tri­ci­té et ceux qui veulent y accé­der, une contri­bu­tion ini­tiale signi­fi­ca­tive des ménages ruraux, garan­tis­sant ain­si leur enga­ge­ment et des sub­ven­tions ou idéa­le­ment des prêts conces­sion­nels de long terme octroyés, via le plus sou­vent les États, à des enti­tés assu­rant une ges­tion patri­mo­niale des immo­bi­li­sa­tions. Des tarifs dif­fé­ren­ciés de ceux en milieu urbain et assor­tis de dis­po­si­tifs de recou­vre­ment rigou­reux sont éga­le­ment néces­saires pour col­lec­ter toute la capa­ci­té de paie­ment des usagers.

Biomasse et modernisation

La bio­masse est actuel­le­ment sous-consi­dé­rée et mal valo­ri­sée éner­gé­ti­que­ment. La bio­masse tra­di­tion­nelle est l’éner­gie du pauvre. Son uti­li­sa­tion est de sur­croît à l’o­ri­gine de ‚6 mil­lion de décès par an dans le monde du fait de la pol­lu­tion liée à sa com­bus­tion, ce qui en fait l’une des prin­ci­pales causes de mor­ta­li­té, juste der­rière les mala­dies liées à la qua­li­té de l’eau. Faute d’être trai­tée comme une filière à part entière et de manière durable, son uti­li­sa­tion contri­bue à la défo­res­ta­tion et elle se raré­fie dans les pays du Sud.

Lors­qu’elle est exploi­tée de manière rai­son­née, la bio­masse consti­tue un stock cir­cu­lant et nous savons la concen­trer, la liqué­fier ou la gazéi­fier, pour la trans­for­mer en com­bus­tible, en car­bu­rant ou en élec­tri­ci­té1. Trois kilos de bio­masse sèche (bois ou autre) se sub­sti­tuent à un kilo de pétrole. En outre, contrai­re­ment à une croyance répan­due, il n’y a pas glo­ba­le­ment pénu­rie de biomasse.

Dans les PED, la bio­masse mérite un trai­te­ment à part du fait de son carac­tère stra­té­gique. Elle reste en effet le prin­ci­pal com­bus­tible pour la majo­ri­té des familles. Elle consti­tue un capi­tal unique de » car­bone vert » à déve­lop­per et à valo­ri­ser. Elle offre enfin de nom­breuses oppor­tu­ni­tés de créa­tion de valeur et de pro­duc­tion locale d’éner­gie au béné­fice des popu­la­tions rurales.

La maîtrise de l’énergie domestique

La bio­masse tra­di­tion­nelle repré­sente encore 60 à 90 % des bilans éner­gé­tiques en Afrique sub­sa­ha­rienne, et près de 30 % au Magh­reb. La FAO éva­lue à 2,4 mil­liards le nombre de per­sonnes qui en dépendent. 75 % des ménages l’u­ti­lisent en Inde. La sur­ex­ploi­ta­tion fores­tière dans cer­taines régions atteint des seuils cri­tiques, dans la péri­phé­rie des capi­tales sahé­liennes par exemple.

Avec l’ur­ba­ni­sa­tion, les pra­tiques issues du monde rural tra­di­tion­nel ont subi des muta­tions pro­fondes. La pre­mière fut le pas­sage au char­bon de bois moins encom­brant et plus pra­tique que le bois, mais ses filières tra­di­tion­nelles consomment deux fois plus de matière ligneuse que le bois de feu uti­li­sé directement. 

De nouvelles opportunités pour les bioénergies locales

Avec l’aug­men­ta­tion des prix de l’éner­gie fos­sile, la bio­éner­gie des­ti­née à des usages locaux devient une alter­na­tive éco­no­mi­que­ment inté­res­sante. Elle peut pro­duire des cash­flows régu­liers par la vente d’élec­tri­ci­té ou de car­bu­rant et mérite d’être sou­te­nue dans les zones où la bio­masse est dis­po­nible (sous forme de rési­dus agro-indus­triels par exemple) ou amé­na­geable (zones de friches en par­ti­cu­lier). La bio­éner­gie recouvre un large spectre d’ap­pli­ca­tions et de filières.


© AFD

Ima­gi­na­tion et volontarisme
Une stra­té­gie volon­ta­riste en matière d’éner­gie domes­tique doit por­ter sur tous les maillons de la filière : la pro­duc­tion de bio­masse, sa trans­for­ma­tion et sa dis­tri­bu­tion ain­si que son usage final. Les impacts peuvent être impor­tants : par exemple, un foyer amé­lio­ré dont le coût est esti­mé à 5 USD per­met de réduire de 20 % la consom­ma­tion de bois de chauffe. Ces stra­té­gies ont fait leur preuve dans plu­sieurs pays d’A­frique de l’Ouest (Niger, Mali, Bur­ki­na Faso, Sénégal)


Deux caté­go­ries de pro­jets à forts impacts locaux méritent d’être signa­lées : le bio­car­bu­rant pay­san­nal, à par­tir de plan­ta­tions éner­gé­tiques (telles que le jatro­pha) asso­ciées à des uni­tés locales de pro­duc­tion d’huile ou de bio­die­sel inté­grées dans des sché­mas d’élec­tri­fi­ca­tion vil­la­geoise ; la bio­élec­tri­ci­té agro-indus­trielle de petite taille (<10 MW), pro­duite à par­tir des rési­dus (bois, balles de riz, tiges de coton, fientes de pou­lets), dif­fé­rentes filières pou­vant être uti­li­sées selon les puis­sances (petite cen­trale de com­bus­tion inté­grée, groupes gazo­gènes, tur­bine Ran­kine). La bio­éner­gie per­met alors d’a­li­men­ter les agro-indus­tries et de ren­for­cer l’élec­tri­fi­ca­tion locale autour.

Les bio­éner­gies orien­tées sur le déve­lop­pe­ment local2 génèrent ain­si de l’éner­gie et de la valeur au béné­fice des agri­cul­teurs et des popu­la­tions locales. Elles s’ins­crivent à la croi­sée d’axes prio­ri­taires dans les PED : accès à l’éner­gie, déve­lop­pe­ment des zones rurales3, éco­no­mie d’éner­gie fos­sile et lutte contre le chan­ge­ment climatique.

Pers­pec­tives pour les négo­cia­tions sur le climat
 
La maî­trise de l’énergie s’impose à toutes les éco­no­mies mais selon des moda­li­tés de mise en oeuvre qui dif­fèrent selon les pays. Elle offre un champ d’application sur lequel pays du Nord et du Sud pour­raient trou­ver un ter­rain d’entente, lorsqu’ils négo­cient les mesures à prendre pour stop­per la dété­rio­ra­tion du cli­mat. Si tous les pays arrivent à la table des négo­cia­tions avec des plans concrets de maî­trise de l’énergie à court (2010−2015) et à moyen termes (2015−2020) et si les par­ties acceptent d’échanger sur l’articulation de ces plans en appro­fon­dis­sant cha­cun des sec­teurs concer­nés, les négo­cia­tions sur le cli­mat pren­dront une tout autre tour­nure. On évi­te­ra de nom­breux faux débats et il est pro­bable qu’on fera appa­raître que la mise en oeuvre et le finan­ce­ment de ces plans sont pos­sibles, au béné­fice à court terme des pays du Nord et du Sud et du cli­mat à plus long terme.


© AFD


1. La métha­ni­sa­tion, qui per­met de valo­ri­ser éner­gé­ti­que­ment les déchets humides ou les effluents, est par­ti­cu­liè­re­ment appro­priée dans les pays tro­pi­caux. Lar­ge­ment dif­fu­sée en zones rurales pour des usages domes­tiques en Chine du Sud ou au Viêt­nam, elle est aus­si bien adap­tée pour trai­ter les ordures ména­gères et les boues d’épuration.
2. Les filières indus­trielles de bio­car­bu­rant des­ti­nées à l’export sou­lèvent par contre davan­tage d’interrogations liées aux conflits pos­sibles sur l’usage des sols (agri­cul­ture, forêt) et de l’eau, et néces­sitent d’effectuer un bilan envi­ron­ne­men­tal détaillé.
3. Cf . « La capa­ci­té de la bio­masse éner­gie à satis­faire les besoins en éner­gie de l’agriculture », Jean Lucas, Liai­son Éner­gie Fran­co­pho­nie, n° 33, 1996.

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28 février 2018 à 14 h 18 min

la mai­trise de l’éner­gie est
la mai­trise de l’éner­gie est indis­pen­sable pour tout déve­lop­pe­ment éco­no­mique et social d’un pays

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