FeetMe

Améliorer la vie des diabétiques

Dossier : TrajectoiresMagazine N°710 Décembre 2015
Par Alexis MATHIEU (10)
Par Hervé KABLA (84)

FeetMe développe une solu­tion pour répon­dre aux prob­lèmes du pied dia­bé­tique qui con­duisent chaque année à l’amputation de 1,5 mil­lion de patients à tra­vers le monde. FeetMe a dévelop­pé une semelle à cap­teurs de pres­sion con­nec­tée qui per­met d’alerter le patient en cas de risque d’apparition d’ulcère : ses micro­cap­teurs inté­grés iden­ti­fient les points de pres­sion et détectent les corps étrangers ou les mod­i­fi­ca­tions du sché­ma de marche. La tech­nolo­gie de FeetMe s’applique plus large­ment à toutes les patholo­gies liées à la marche et où l’analyse des sché­mas de marche four­nit une aide au diagnostic.

Comment t’est venue l’idée de FeetMe ?

Étu­di­ant en troisième année à l’École poly­tech­nique, Étu­di­ant en troisième année à l’École poly­tech­nique, dans le cadre d’un cours de val­ori­sa­tion de recherche du mas­ter Entre­pre­neur, j’ai eu la chance d’être mis en rela­tion avec un chef de ser­vice de La Pitié-Salpêtrière qui évo­quait les prob­lèmes de préven­tion dans la prise en charge du pied diabétique.

Je cherche alors avec mon cofon­da­teur de l’époque, Julien Merci­er, à com­pren­dre en pro­fondeur la patholo­gie en pas­sant des après-midi dans les ser­vices avec les patients.

“ Accompagner les complications du pied diabétique grâce à un objet connecté ”

C’est au cours de ces échanges que naît l’idée de FeetMe, accom­pa­g­n­er le patient dia­bé­tique dans ses com­pli­ca­tions du pied grâce à un objet con­nec­té. Parce qu’elle est portée tous les jours par le patient, la semelle se présente alors comme le meilleur fac­teur de forme.

Le patient dia­bé­tique souf­fre d’une perte de sen­si­bil­ité au niveau des extrémités et en par­ti­c­uli­er au niveau des pieds, l’objectif des semelles est donc de sup­pléer ce sens man­quant et d’accompagner le patient dans sa mal­adie au jour le jour.

Quelles ont été les principales étapes pour mettre le projet sur pied ?

La pre­mière étape fon­da­men­tale a été le développe­ment de la tech­nolo­gie de mesure de pres­sion et son adap­ta­tion aux réal­ités d’utilisation du pro­duit. Cette pre­mière étape a aus­si été le moment de rassem­bler les pre­miers finance­ments indis­pens­ables au lance­ment d’un pro­jet hardware.

Ini­tiale­ment, nous souhaitions val­oris­er une tech­nolo­gie de l’IEF, l’Institut d’électronique fon­da­men­tale à Orsay, mais elle ne répondait pas aux con­traintes de coût et de résis­tance mécanique. Il a donc fal­lu recom­mencer le développe­ment de notre pro­pre tech­nolo­gie et la réal­i­sa­tion des pre­miers pro­to­types fonc­tion­nels faisant preuve de con­cept de notre technologie.

Tout au long de ce développe­ment, de nom­breux change­ments nous ont per­mis d’aboutir à la tech­nolo­gie que nous util­isons aujourd’hui.

Nous sommes ensuite ren­trés dans une phase d’intégration pro­duit en inté­grant l’accéléra­teur de start-ups HAX, basé à Shen­zhen . Durant cette phase nous avons itéré sur le pro­duit pour pré­par­er la phase d’industrialisation.

En par­al­lèle nous avons com­mencé les pre­miers tests chez les patients avec un pre­mier essai clin­ique à La Pitié-Salpêtrière. Durant toute cette phase, FeetMe pré­pare l’obtention d’un cer­ti­fi­cat comme dis­posi­tif médi­cal per­me­t­tant la mise sur le marché de notre produit.

La dernière grande étape passée a été la con­clu­sion d’un accord de dis­tri­b­u­tion avec l’ETI française Thuasne au mois de juin 2015 accélérant ain­si la mise sur le marché.

Et les principaux obstacles rencontrés ?

Les développe­ments tech­nologiques et la déf­i­ni­tion de la stratégie d’accès au marché ont été les deux plus grands obsta­cles. En effet sur une tech­nolo­gie de rup­ture, il est dif­fi­cile de cern­er le meilleur moyen d’accéder au marché rapi­de­ment. Le marché visé n’attend pas tou­jours le pro­duit final envisagé.

Ce tra­vail est long et déli­cat car dépen­dant de paramètres ini­ti­aux qu’il est dif­fi­cile de quan­ti­fi­er. La crédi­bil­ité dans le domaine médi­cal est aus­si une bar­rière longue à sur­mon­ter. L’ingénieur-entrepreneur doit en effet gag­n­er en con­nais­sance sur les patholo­gies ren­con­trées afin de pou­voir inter­a­gir effi­cace­ment avec le praticien.

Vous partîtes à deux, tu te retrouves seul aujourd’hui à la tête de FeetMe, qu’est-ce que cela change ?

L’expérience ini­tiale de FeetMe est un pro­jet que nous avons mon­té à deux avec un ami, Julien Merci­er. On partage beau­coup en mon­tant un pro­jet entre­pre­neur­ial sur les pre­mières étapes de sa con­struc­tion. Son départ a mar­qué la tran­si­tion de la réal­i­sa­tion d’un pro­jet d’étude (mas­ter Entre­pre­neur et stage de fin d’études) à un pro­jet d’entreprise.

Cela a mod­i­fié les exi­gences et les ambi­tions du pro­jet pour faire naître une entre­prise viable et ambitieuse. En pra­tique, aujourd’hui les rôles sont plus claire­ment défi­nis dans l’entreprise qu’ils ne pou­vaient l’être lorsque nous tra­vail­lions avec Julien.

FeetMe a aus­si été rejoint par deux asso­ciés de grande qual­ité avec Andrey Mostovov (2006) et Max­im­i­lien Fournier (2009) qui appor­tent une exper­tise et une énergie forte au projet.

Comment s’oriente-t-on vers le médical sans formation spécifique ?

On ne s’improvise pas fab­ri­cant de dis­posi­tifs médi­caux. J’ai eu la chance de décou­vrir la Medtech dans la Sil­i­con Val­ley avec la start-up améri­caine HeartVista qui développe des logi­ciels d’IRM car­diaque. C’est lors de ce stage que j’ai pris goût au domaine médi­cal car il asso­cie l’excellence sci­en­tifique et le prag­ma­tisme lié à la réal­ité du patient et de la patholo­gie qui donne nais­sance à des pro­jets de rupture.

La notion de valeur ajoutée est très impor­tante à mes yeux dans la créa­tion d’entreprise et le domaine médi­cal est une bonne illus­tra­tion. La ques­tion de risque-béné­fice pour le patient est con­stante dans l’évaluation d’un dis­posi­tif médi­cal. FeetMe cherche aujourd’hui à avoir un impact fort en ter­mes de san­té publique.

Quelles sont les prochaines étapes ?

FeetMe pré­pare aujourd’hui la mise sur le marché de sa solu­tion de mesure de pres­sion chez les prati­ciens dans le courant du mois d’octobre grâce au parte­nar­i­at avec Thuasne. Nous avons une ambi­tion forte sur ce marché. En par­al­lèle nous pré­parons une sec­onde étude sur les patients dia­bé­tiques atteints de neu­ropathie afin de pré­par­er la démon­stra­tion de l’efficacité de notre dis­posi­tif dans la réduc­tion du nom­bre de plaies chez les patients dia­bé­tiques atteints de neuropathie.

“ Nous ne prenons pas assez de risques en France à cause de la peur de l’échec ”

FeetMe avance aus­si sur l’application de sa tech­nolo­gie sur de nom­breuses patholo­gies ou appli­ca­tions où elle pour­ra apporter une valeur ajoutée forte à l’utilisateur final. Nous avançons donc sur le développe­ment de nou­veaux pro­duits de rup­ture. FeetMe a dévelop­pé une intel­li­gence dans l’analyse de la marche ou de la course.

Est-il plus facile de créer sa start-up en France ou à l’étranger ?

Mon expéri­ence de créa­tion à l’étranger est lim­itée à l’observation de mes cama­rades de pro­mo­tion qui ont pu par­tir à l’étranger. Mon expéri­ence en France mon­tre qu’il existe un écosys­tème et de nom­breux out­ils en France pour soutenir les pro­jets entre­pre­neuri­aux. Nous sommes large­ment soutenus par la BPI et nous avons démon­tré qu’il est pos­si­ble en France de mon­ter des parte­nar­i­ats avec des entre­pris­es de taille inter­mé­di­aire pour accélér­er le développe­ment d’une start-up.

Cepen­dant l’accès aux cap­i­taux pour des pro­jets d’ambition mon­di­al est, je pense, plus lim­ité en France.

N’y a‑t-il pas une mode de la « mesure de soi » (quantified self en anglais) ? Comment y résister ?

La col­lecte d’une grande quan­tité de don­nées ouvre des poten­tial­ités de ser­vices nou­veaux par l’analyse de ces don­nées provenant du corps, c’est indé­ni­able. Cepen­dant s’il sus­cite un grand intérêt, je reviens sur ce sujet à la notion de valeur ajoutée. Il est indis­pens­able de pondér­er les poten­tial­ités de ces don­nées avec la valeur qu’elles apportent.

FeetMe cherche à apporter des solu­tions à des prob­lèmes iden­ti­fiés, notre démarche se dif­féren­cie aujourd’hui de la volon­té de col­lecter une quan­tité max­i­male de don­nées. Nous limi­tons notre col­lecte aux don­nées néces­saires à la solu­tion que nous souhaitons construire.

Quelles différences entre l’X et Berkeley ?

L’X est une école de l’excellence sci­en­tifique théorique, Berke­ley est une uni­ver­sité tournée vers la mise en place pra­tique des out­ils technologiques.

Voici une illus­tra­tion frap­pante de cette dif­férence : alors qu’à l’X on va chercher l’excellence sci­en­tifique d’une tech­nolo­gie, à Berke­ley nous avons été poussés à véri­fi­er le besoin du marché et la valeur ajoutée de notre solu­tion, dans une logique de com­mer­cial­i­sa­tion d’un pro­duit, approche qui se développe encore douce­ment à l’X au tra­vers du mas­ter Entrepreneuriat.

Que nous manque-t-il pour parvenir à les égaler en création d’entreprise ?

Un goût du risque plus impor­tant et une édu­ca­tion sur l’échec. Nous ne prenons pas assez de risques en France à cause de la peur de l’échec. Les Améri­cains ont réus­si à cass­er le drame de l’échec pour célébr­er la réus­site et acceptent donc de pren­dre plus de risques.

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