Agent des sûretés & fiduciaire : le duo gagnant qui sécurise le refinancement des entreprises en difficulté

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°792 Février 2024Par Aymeric MAHEPar Benjamin RAILLARD

Ayme­ric Mahe, direc­teur de Glas pour les bureaux fran­çais, alle­mand et d’Europe Conti­nen­tale, et Ben­ja­min Raillard, cofon­da­teur et direc­teur géné­ral de Pris­tine, reviennent sur le rap­pro­che­ment entre leurs deux entre­prises* et nous en disent plus sur les ser­vices à forte valeur ajou­tée que ce nou­vel acteur fran­çais peut offrir à l’écosystème du restrucuring.

Qui est Glas et quel est son cœur de métier ?

Ayme­ric Mahe : L’activité exclu­sive du groupe GLAS est le métier d’agent finan­cier. Concrè­te­ment, nous pro­po­sons uni­que­ment aux entre­prises des pres­ta­tions de ser­vices de ges­tion des flux de paie­ment et de tâches admi­nis­tra­tives (comme les obli­ga­tions d’information et de ges­tion des sûre­tés) dans le cadre d’un finan­ce­ment contrac­té auprès de banques ou de prê­teurs alter­na­tifs (fonds de dette…). Il s’agit d’une dés­in­ter­mé­dia­tion des ser­vices d’agents qui étaient tra­di­tion­nel­le­ment offerts, d’une part, par les banques, qui pour cer­taines aujourd’hui sou­haitent exter­na­li­ser ce volet afin de se concen­trer sur des tâches plus ren­tables ou à plus forte valeur ajou­tée, et, d’autre part, par les prê­teurs alter­na­tifs qui ne dis­po­saient pas for­cé­ment de ser­vice « middle » et « back office ».
GLAS est donc posi­tion­né sur un mar­ché de niche et a voca­tion à offrir la plus large palette de ser­vices sur ce seg­ment : agent du cré­dit, des sûre­tés, des flux, d’information, admi­nis­tra­tif… Au cœur même de notre inter­ven­tion, on retrouve tou­jours cette notion de ges­tion des flux de paie­ment et des tâches admi­nis­tra­tives liés à des ins­tru­ments de dette. Aujourd’hui, nous tra­vaillons avec les prin­ci­paux acteurs de la place aus­si bien côté banque (BNPP, Socié­té Géné­rale, Deutsche Bank…) que fonds de dette (Bla­ckRock, Barings, Brid­ge­point, Tike­hau, Eurazeo…).
En paral­lèle, en notre qua­li­té d’agent indé­pen­dant, nous sommes régu­liè­re­ment ame­nés à inter­ve­nir dans des opé­ra­tions de restruc­tu­ring impli­quant des entre­prises en dif­fi­cul­té. Ce sont, en effet, des dos­siers qui néces­sitent un fort rôle de coor­di­na­tion de l’agent avec d’importants flux d’informations, de don­nées et de cal­culs à gérer dans des délais sou­vent très courts. L’agent se posi­tionne donc comme un acteur cen­tral qui col­lecte l’ensemble de ces élé­ments pour le compte des dif­fé­rentes par­ties prenantes.
Plus par­ti­cu­liè­re­ment, sur des opé­ra­tions de restruc­tu­ra­tion plus dures, l’agent peut être ame­né à réa­li­ser des sûre­tés en sa qua­li­té d’agent des sûre­tés. Sur ce seg­ment, GLAS inter­vient sur d’importantes restruc­tu­ra­tions de la place publique comme Orpéa, Pierre et Vacances, Comex­po­sium, SMPC…
Le groupe GLAS emploie aujourd’hui près de 300 per­sonnes dont une tren­taine à Paris. Nos autres équipes sont basées à Londres, à Franc­fort, à New York ou encore en Aus­tra­lie. Depuis Paris, nous inter­ve­nons sur des opé­ra­tions au Bene­lux, en Espagne, et dans les pays fron­ta­liers de l’Europe de l’Ouest. Nous opé­rons via notre pas­se­port d’agrément de pres­ta­taire de ser­vice de paie­ment obte­nu auprès de l’ACPR en 2019.

Qu’en est-il de Pristine ? Quels sont ses expertises et son périmètre d’action ?

Ben­ja­min Raillard : Pris­tine est une socié­té de ges­tion agréée par l’AMF qui a deux acti­vi­tés. La pre­mière consiste à struc­tu­rer et à gérer des fonds d’investissement alter­na­tifs dans le cadre d’opérations de finan­ce­ment assez com­plexes. À titre d’illustration, nous venons de lan­cer, sous l’égide d’une banque d’investissement amé­ri­caine, un FCT (Fonds Com­mun de Titri­sa­tion) visant à orga­ni­ser le refi­nan­ce­ment de l’Olympique Lyon­nais pour 320 mil­lions d’euros sur 20 ans. Notre seconde acti­vi­té est celle de fidu­ciaire. Bien connue des pra­ti­ciens du retour­ne­ment, la fidu­cie per­met de créer des patri­moines d’affectation dits « ban­krup­ty remote » ou « imper­méable aux défauts », ayant pour but de sanc­tua­ri­ser des actifs et par cela même d’encadrer et de réduire les risques atta­chés à une opé­ra­tion de finan­ce­ment ou de M&A.
Pre­nons un exemple de fidu­cie dite « sûre­té ». Quand des créan­ciers étu­dient la pos­si­bi­li­té de finan­cer une entre­prise fai­sant état d’une sol­va­bi­li­té dégra­dée ou de dif­fi­cul­tés finan­cières avé­rées, ceux-ci peuvent se pro­té­ger en s’accordant avec le débi­teur pour que celui-ci trans­fére en fidu­cie des actifs (titres de socié­té, actifs immo­bi­liers, créances, pro­prié­té intel­lec­tuelle, liqui­di­tés…) dont le fidu­ciaire va deve­nir le pro­prié­taire juri­dique. Le fidu­ciaire aura alors pour mis­sion de déte­nir et le cas échéant de gérer ces actifs, selon les moda­li­tés du contrat de fidu­cie, et avec pour mis­sion ultime en cas de défaillance du débi­teur, de les réa­li­ser afin de dés­in­té­res­ser les créanciers.
Par le biais de la fidu­cie, l’idée est donc de créer une sûre­té très forte qui se maté­ria­lise au tra­vers d’un trans­fert de pro­prié­té juri­dique afin de rendre pos­sible le finan­ce­ment des entre­prises et, plus par­ti­cu­liè­re­ment, celui des entre­prises en difficulté.
D’autres fidu­cies dites « ges­tion » ne visent pas la sécu­ri­sa­tion d’une dette, mais chargent le fidu­ciaire, tiers de confiance dont la pré­sence et l’action sont valo­ri­sées par l’ensemble des par­ties, d’effectuer un cer­tain nombre d’actions struc­tu­rantes dans le cadre d’une transaction.

Vos actualités respectives sont marquées par le récent rapprochement entre GLAS et Pristine*. Pouvez-vous nous en dire plus ?

B.R : Il existe des syner­gies très fortes entre nos métiers. GLAS, dans son rôle d’agent, gère les enga­ge­ments et les flux entre un emprun­teur et ses créan­ciers. Ceux-ci peuvent, par exemple, devoir être sécu­ri­sés, notam­ment par une fidu­cie. Ain­si, les agents et les fidu­ciaires pro­posent des ser­vices qui s’imbriquent natu­rel­le­ment, leurs actions se ren­for­çant mutuellement.
En fait, nous nous posi­tion­nons comme une « boîte à outils » abso­lu­ment incon­tour­nable pour des entre­prises en dif­fi­cul­té qui doivent négo­cier et refi­nan­cer leur dette. Nous met­tons en place et exé­cu­tons les sché­mas opé­ra­tion­nels qui rendent fai­sables ces refinancements.
GLAS, avec sa posi­tion de lea­der sur son mar­ché avec près de 320 mil­liards sous super­vi­sion, et Pris­tine, connue pour des solu­tions struc­tu­rées à la croi­sée du droit et de la finance, offrent ensemble un panel de ser­vices à très forte valeur ajou­tée. En effet, ce rap­pro­che­ment nous per­met de créer un acteur avec une pla­te­forme fran­çaise de plus de 40 per­sonnes opé­rant sous la double égide de l’ACPR et de l’AMF, ce qui, sur le mar­ché natio­nal et euro­péen, est une pro­po­si­tion assez unique, voire inédite.

Dans le monde du restructuring, quels sont les besoins et les attentes de vos différents interlocuteurs ?

A.M : Tout d’abord, une très haute qua­li­té de l’exécution et une très grande réac­ti­vi­té qui nous per­mettent, aus­si bien à GLAS que Pris­tine, de rendre le ser­vice et la pres­ta­tion attendus.
Plus par­ti­cu­liè­re­ment, du côté de GLAS, nous offrons donc des ser­vices de « middle » et « back office » qui aujourd’hui sont délais­sés et auto­ma­ti­sés par les grandes struc­tures ban­caires de la place. Pour des opé­ra­tions com­plexes, telles que celles sur les­quelles nous nous posi­tion­nons, nos clients recherchent des experts et des com­pé­tences capables de com­prendre et d’appréhender toute la sub­ti­li­té et la com­plexi­té de leurs tran­sac­tions, d’être à leur écoute et de leur répondre très vite et dans des délais très serrés.

Et vous travaillez également avec l’État. Pouvez-vous nous en dire plus ?

B.R : En effet ! Nous tra­vaillons avec tous les acteurs, notam­ment l’État qui a direc­te­ment ou indi­rec­te­ment régu­liè­re­ment recours à la fidu­cie pour aider les entre­prises en dif­fi­cul­té à se refi­nan­cer, mais aus­si pour sécu­ri­ser ses propres expo­si­tions. Par­mi les exemples que l’on peut citer, le dos­sier Pierre & Vacances, dans lequel une conver­sion de la dette incluant 210 mil­lions de PGE, a don­né lieu au trans­fert en fidu­cie des titres de capi­tal issus de la conver­sion. Pris­tine détient ain­si une par­ti­ci­pa­tion dans cette socié­té avec pour mis­sion d’organiser le retour à meilleur for­tune de l’État dans le temps long.

Quel regard portez-vous sur la situation actuelle ? À quoi faut-il être plus particulièrement vigilant ?

B.R : Depuis près d’un an, il y a une réap­pré­cia­tion assez consé­quente du risque cor­ré­lée à la remon­tée des taux d’intérêt qui entraîne une hausse du coût du capi­tal et une dépré­cia­tion du prix des actifs. Dans ce contexte, les entre­prises ont de plus en plus de dif­fi­cul­tés à se refi­nan­cer. On observe une hausse du nombre d’entreprises en dif­fi­cul­té, d’opérations visant à ratio­na­li­ser les bilans (carve-out…) et d’extensions for­cées des matu­ri­tés de finan­ce­ment. Le sec­teur de l’immobilier en est évi­dem­ment la par­tie la plus visible, mais le chan­ge­ment de para­digme touche de très nom­breuses indus­tries. Plus que jamais dans ce contexte, l’enjeu prin­ci­pal est de pou­voir exé­cu­ter de manière sécu­ri­sée ces opérations.

Aujourd’hui, comment vous projetez-vous sur le marché ? Quelles sont vos ambitions ?

B.R : Nous avons une posi­tion de lea­der­ship sur nos métiers res­pec­tifs : agent et fidu­cie. Dans le contexte actuel, nos ser­vices ont voca­tion à deve­nir incon­tour­nables ce qui nous ouvre de très belles pers­pec­tives de déve­lop­pe­ment. Notre but de tous les jours est de s’adapter aux contraintes de nos clients et de les aider à exé­cu­ter leurs tran­sac­tions, vitales pour la pour­suite de leur exploi­ta­tion ou leur ges­tion de risque. Quant à la par­tie fonds, nous dis­po­sons de quelques outils très inté­res­sants. Plus lourds à mettre en place, ils sont réser­vés aux appli­ca­tions ad hoc, mais les pos­si­bi­li­tés en finan­ce­ment, sécu­ri­sa­tion et trans­fert de risque sont multiples.
A.M : Si nous nous posi­tion­nons comme un acteur fran­çais, un de nos grands avan­tages com­pé­ti­tifs est la capa­ci­té de trai­ter des dos­siers com­plexes à l’international (socié­té étran­gère en France ou fran­çaise à l’étranger), alors que cer­taines affaires de restruc­tu­ring néces­sitent des ouver­tures de pro­cé­dures col­lec­tives dans plu­sieurs juri­dic­tions. Sur cette typo­lo­gie de dos­siers extrê­me­ment com­plexe où il y a des élé­ments d’extraterritorialité, la qua­li­té de l’exécution et la capa­ci­té à mettre en place des sûre­tés sont critiques.

* L’acquisition est encore sujette à l’approbation finale de l’AMF.

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