Carte d'Afrique, la France au loin dans le flou.

Afrique, France, des pages qui se tournent

Dossier : Mot du PrésidentMagazine N°794 Avril 2024
Par Loïc ROCARD (X91)

Il y a tout juste trente ans l’avion du pré­sident rwan­dais était abat­tu par un tir de roquette, évé­ne­ment qui allait déclen­cher le troi­sième géno­cide du XXe siècle. Plu­sieurs mil­liers de sol­dats fran­çais ont été sur place dans cette période. Dans la lutte entre le pou­voir de la majo­ri­té Hutu et les troupes du Front patrio­tique rwan­dais, Tut­si, la France du tour­nant des années 1990 sou­te­nait le chef de l’État ins­ti­tu­tion­nel. Trois décen­nies après, Paul Kaga­mé est tou­jours au pou­voir et les traces lais­sées par le rôle ambi­gu de la France res­tent vives.

Vingt ans plus tard lorsque la France, appe­lée en ren­fort par le pou­voir malien pour arrê­ter des colonnes de rebelles toua­reg et sala­fistes, a pu conduire une cam­pagne vic­to­rieuse, le pré­sident Hol­lande a par­lé de « plus beau jour de [sa] car­rière poli­tique ». Moins de dix ans après, Ibra­him Bou­ba­car Keï­ta était ren­ver­sé et les Fran­çais deve­nus indésirables.

Le coup d’État au Niger en 2022 s’est tra­duit par le départ de nos mili­taires et de la repré­sen­ta­tion fran­çaise. Au Bur­ki­na Faso la situa­tion n’est guère plus flat­teuse pour le dra­peau tri­co­lore. Au Séné­gal et en Côte d’Ivoire, la rela­tion à l’ancien colo­ni­sa­teur revient de proche en proche comme enjeu électoral.

“Il faut se faire à l’idée que le rôle de la France soit modeste.”

En 2015, alors conseiller au cabi­net du Pre­mier ministre, je me sou­viens qu’avec mon col­lègue diplo­mate nous avions été char­gés d’accompagner, autant que faire se pou­vait, la mobi­li­sa­tion d’un ancien ministre de l’Énergie qui s’était don­né la mis­sion d’« élec­tri­fier l’Afrique ». Mani­fes­te­ment trop ambi­tieuse, elle fit long feu.

Il y a quelques semaines, une ministre du pré­cé­dent quin­quen­nat, qui s’emploie au déve­lop­pe­ment d’entre­prises en Afrique, disait : « Il est temps de s’occuper du conti­nent afri­cain. » Certes sa qua­li­té de métisse afri­caine lui per­met­tait une for­mule qui sinon paraît, et faut-il le regret­ter ? ana­chro­nique voire légè­re­ment déplacée.

L’Afrique noire est mal par­tie, disait René Dumont en 1962 avec un regard de déco­lo­ni­sa­teur enga­gé. Au point d’arrivée six décen­nies plus loin, quoi qu’il en soit de la pres­cience de ce regard poli­ti­que­ment incor­rect, la part de nos échanges com­mer­ciaux avec l’Afrique sub­saharienne fran­co­phone est deve­nue négli­geable ; Nige­ria, Ango­la, Afrique du Sud sont net­te­ment devant. Il faut se faire à l’idée que le rôle de la France soit modeste au regard des enjeux éco­no­miques, démo­gra­phiques et envi­ron­ne­men­taux du déve­lop­pe­ment du conti­nent afri­cain, en dépit ou en par­tie à cause d’un pas­sé com­mun qui est ce qu’il est.

Ce numé­ro de La Jaune et la Rouge pro­pose un tableau synop­tique du conti­nent incom­men­su­rable et pas­sionnant, ame­né à peser de plus en plus dans les décen­nies à venir. L’affaire du siècle ?


Lire aus­si : L’Afrique en trans­for­ma­tion : défis géo­po­li­tiques multifactoriels


Commentaire

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olivier.herz.1979répondre
5 avril 2024 à 7 h 12 min

Je suis sur­pris de la teneur poli­tique des trois pre­miers para­graphes. Est-ce le rôle de l’AX que d’é­crire « le rôle ambi­gu de la France » ou « la situa­tion n’est guère plus flat­teuse pour le dra­peau tricolore » ?

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