À la recherche de la croissance perdue…

Dossier : Entreprise et managementMagazine N°628 Octobre 2007
Par Arnaud SIRAUDIN (87)

Com­ment attein­dre de façon pérenne et fiable ses objec­tifs de rentabil­ité ? La plu­part des entre­pris­es met­tent en œuvre des pro­grammes cohérents et sys­té­ma­tiques de réduc­tion des coûts, en action­nant et en coor­don­nant tous les leviers pos­si­bles — achat, réduc­tion d’ef­fec­tifs, réduc­tion des stocks… Ain­si, lors d’un pro­gramme de réduc­tion des coûts, ce n’est pas une action mais un ensem­ble d’ac­tions qui per­met d’at­tein­dre les objec­tifs. Par exem­ple, ce n’est pas un SMED1 qui per­met de met­tre en place le « juste à temps », mais une com­bi­nai­son d’ac­tions sur tous les leviers clés afin de réduire les coûts et les stocks, tout en sat­is­faisant les clients : plan­i­fi­ca­tion de la pro­duc­tion, autonomie de l’opéra­teur, maîtrise des procédés… De même, les autres méthodolo­gies ori­en­tées coûts — Lean, Six Sig­ma, Kaizen — visent toutes à coor­don­ner des actions pour réduire la non-valeur ajoutée et attein­dre rapi­de­ment un résul­tat concret.

Approches actuelles de la croissance

Or, para­doxale­ment, la crois­sance qui con­stitue l’autre levi­er pour attein­dre ses objec­tifs de rentabil­ité ne fait pas l’ob­jet d’une approche aus­si sys­té­ma­tique. Sur ce volet, l’en­tre­prise est générale­ment beau­coup plus dému­nie et son action est désor­don­née. Les leviers asso­ciés sont générale­ment exploités, mais sou­vent de façon non opti­misée, et surtout de façon non coor­don­née. En effet, trois grandes approches sont com­muné­ment employées pour attein­dre ses objec­tifs de crois­sance : la crois­sance du surfer, la crois­sance par boulim­ie et l’Ave Maria.

La croissance « du surfer »

Si le secteur de l’en­tre­prise est en forte crois­sance, le dirigeant — et surtout ses action­naires — peut se sat­is­faire de la crois­sance du secteur. Même si l’en­tre­prise ne surper­forme pas dans ce cas-là et perd des parts de marché, la rentabil­ité asso­ciée à un chiffre d’af­faires en pro­gres­sion « naturelle » peut suf­fire. La plu­part des secteurs indus­triels con­nais­sent cepen­dant un con­texte ren­dant une crois­sance « naturelle » plus dif­fi­cile : soit le secteur con­cerné con­naît un ralen­tisse­ment de son taux de crois­sance marché, par exem­ple télé­phonie, auto­mo­bile…, soit le secteur con­naît une inten­si­fi­ca­tion de la pres­sion con­cur­ren­tielle, notam­ment via l’émer­gence de nou­veaux entrants « low cost » ou « low price ». Dès lors, l’en­tre­prise ne peut plus se lim­iter à la crois­sance de son secteur et doit faire mieux que le marché pour sat­is­faire ses actionnaires.

La croissance « par boulimie »

L’en­tre­prise croît par acqui­si­tion d’en­tités sur son marché géo­graphique ou à l’in­ter­na­tion­al. Via une crois­sance externe, elle reporte sou­vent la prob­lé­ma­tique de crois­sance sur les syn­er­gies de coût qu’il est pos­si­ble de réalis­er après la fusion, en min­imisant la perte de chiffre d’af­faires con­solidé. Ce n’est donc plus un prob­lème de crois­sance qu’il faut gér­er mais un pro­gramme de réduc­tion de coûts… Il n’est qu’à voir les com­mu­ni­ca­tions à la suite des annonces de fusion, axées beau­coup plus sur les syn­er­gies de coûts que sur celles de chiffre d’af­faires. Le prob­lème est que les entre­pris­es sont à présent en con­cur­rence avec des fonds de pri­vate equi­ty qui font grimper les mul­ti­ples de val­ori­sa­tion. Dès lors, la rentabil­ité d’une acqui­si­tion devient plus dif­fi­cile à obtenir sur le plan financier. En out­re, une étude récente mon­trait qu’une crois­sance exces­sive provenant des acqui­si­tions était la rai­son fon­da­men­tale de l’in­solv­abil­ité des entre­pris­es. Ain­si, le chiffre d’af­faires du courtier en énergie Enron a enreg­istré une hausse ver­tig­ineuse de 2 000 % entre 1997 et 2001 et le con­glomérat Tyco a englouti plus de 200 sociétés par an au som­met de sa péri­ode d’hyperactivité.

La croissance « Ave Maria »

L’en­tre­prise met tout son espoir dans un nou­veau pro­duit ou une nou­velle offre. Cela peut réus­sir — cf. Apple avec iPod, Peu­geot avec la 205, Renault et l’E­space — ou échouer — cf. tou­jours Apple avec New­ton, Viven­di et Viz­za­vi… Via un nou­veau pro­duit, toute la pres­sion revient au chef de pro­duit qui devient tout-puis­sant… s’il réus­sit. Mi 1993, Apple com­mer­cialise le New­ton, sur une idée de son PDG, John Scul­ley, qui désire un ordi­na­teur où l’on puisse « not­er des idées ». L’or­di­na­teur est minus­cule — le pre­mier assis­tant de poche grand pub­lic — car inspiré du calepin en spi­rale, ce qui explique le stylet inté­gré. Une fois com­mer­cial­isé à grande échelle, le New­ton est vite cri­tiqué par sa recon­nais­sance d’écri­t­ure très mau­vaise. Les ventes se tassent vite. Les adap­ta­tions et périphériques tar­dent et les acheteurs de la pre­mière heure, ayant acheté le New­ton en les atten­dant, s’im­pa­tien­tent et don­nent un mau­vais écho à cette machine. Steve Jobs, revenu entre-temps, arrête finale­ment New­ton en févri­er 1998.

Le Temple de la Croissance ®

C’est une erreur : la crois­sance doit être gérée avec autant de rigueur que la réduc­tion des coûts. De notre expéri­ence, deux principes clés sont à retenir pour assur­er une crois­sance rapi­de et durable : d’une part gér­er les oppor­tu­nités de crois­sance dans le cadre de pro­grammes trans­ver­saux, d’autre part met­tre en place une « machine de guerre » apte à trans­former la cul­ture de l’en­tre­prise en une cul­ture ori­en­tée croissance.

Ain­si, le « Tem­ple de la Crois­sance ® » (cf. fig­ure 1), que nous avons conçu, per­met d’at­tein­dre des résul­tats sig­ni­fi­cat­ifs : + 30 % de marge opéra­tionnelle sur cer­taines lignes de pro­duits d’un papeti­er, + 2 à 5 points d’EBIT sup­plé­men­taires pour un con­struc­teur auto­mo­bile, + 25 % d’EBIT par an pour un dis­trib­u­teur spécialisé.

Cha­cun des thèmes cou­vrant la crois­sance organique2 peut être traité comme l’op­ti­mi­sa­tion d’un ou plusieurs proces­sus, notam­ment en lui asso­ciant un indi­ca­teur mesurable (cf. fig­ure 2), à par­tir duquel on peut con­stru­ire une logique de pro­grès (Plan-Do-Check-Act). On dis­tingue les proces­sus opéra­tionnels, liés à un busi­ness ou à un pro­duit, sym­bol­isés sur le graphe par les piliers, et les proces­sus sup­ports, applic­a­bles à toute l’entreprise.


Fig­ure 2
Indi­ca­teur de mesure de la per­for­mance sur chaque levi­er clé

Trois leviers con­cer­nent le pro­duit. Le pre­mier porte sur les proces­sus d’inno­va­tion : inno­va­tion amont — veille marché et tech­nolo­gie, généra­tion et struc­tura­tion des idées, sélec­tion et pri­or­i­sa­tion pro­jet — et inno­va­tion aval — développe­ment pro­duit, mise sur le marché et suivi. Même sur des pro­duits de com­mod­ités, il existe des pos­si­bil­ités d’in­no­va­tion per­me­t­tant de répon­dre à un besoin exprimé ou latent des clients. Dans tous les cas, la per­for­mance de l’in­no­va­tion pro­duits et ser­vices dépend forte­ment de la qual­ité de l’in­ter­face entre tech­nique et marketing.

Le deux­ième levi­er con­cerne la gamme pro­duit : en effet, il faut définir une archi­tec­ture de la gamme, qui assure un opti­mum entre la réponse aux besoins clients et le coût de la com­plex­ité : trop sim­ple, elle ne cou­vre pas tout le marché mais per­met de réduire les coûts de ges­tion. Trop com­plexe, elle risque de ne pas être lis­i­ble et d’en­traîn­er des sur­coûts de fab­ri­ca­tion et de com­mer­cial­i­sa­tion. La com­plex­ité de la gamme pro­duit tue la rentabil­ité mais il existe des leviers pour approcher l’op­ti­mum Part de marché vs. Rentabilité.

Le troisième levi­er porte sur la poli­tique de prix des pro­duits, sou­vent appelée « pric­ing ». Il est impor­tant d’une part qu’elle soit la plus cor­rélée à la valeur perçue par le client et d’autre part de répar­tir les respon­s­abil­ités dans cette poli­tique : qui est respon­s­able du prix dans l’or­gan­i­sa­tion ? Quelques exem­ples de pra­tiques sont détail­lés à la fin de cet article.

En com­plé­ment de ces leviers « pro­duit », il faut égale­ment opti­miser la façon de ven­dre : les routes de marché sont des trinômes seg­ment client-pro­duit-canal allant de la généra­tion de la demande jusqu’au sup­port client. L’en­jeu de ces routes est d’op­ti­miser le ratio coût de la route-CA, en s’as­sur­ant que ce coût est amor­ti par les marges réal­isées et définies dans le levi­er « pric­ing ».

En out­re, il con­vient égale­ment d’animer et de pilot­er la per­for­mance des canaux de vente. Les objec­tifs mar­ket­ing sont à déclin­er en objec­tifs com­mer­ci­aux en y asso­ciant les actions et en prenant en compte les con­traintes de ressources. Après cette déf­i­ni­tion, il s’ag­it de met­tre en place les modal­ités de suivi de ces objec­tifs en étant réac­t­if en cas de dérive.

Enfin, trois leviers trans­vers­es à l’en­tre­prise sont cru­ci­aux pour toute volon­té de crois­sance : l’ori­en­ta­tion client regroupe les proces­sus de ges­tion des inter­faces client, opti­misant la sat­is­fac­tion client au moin­dre coût. Qui sont les clients, com­ment les seg­menter selon leurs attentes, com­ment les servir au mieux en fonc­tion de leurs besoins sont les points traités dans ce volet. Le deux­ième levi­er porte sur l’in­ter­na­tion­al­i­sa­tion et l’har­mon­i­sa­tion des pra­tiques. En effet, il con­vient de répli­quer le busi­ness mod­el per­for­mant dans d’autres pays en s’as­sur­ant de la bonne mise en œuvre des pra­tiques man­agéri­ales et com­mer­ciales. Enfin, le sys­tème de man­age­ment est le fonde­ment de tout pro­grès dans l’en­tre­prise. La per­for­mance de ce levi­er se mesure à la vitesse d’évo­lu­tions des indi­ca­teurs des autres « briques » du tem­ple exposées dans la fig­ure 2. Quelques vérités sont tou­jours bonnes à rap­pel­er et à met­tre en œuvre : votre sys­tème de rémunéra­tion n’est que le reflet de vos ambi­tions ; « allez‑y » est lâche, « en avant » est insuff­isant mais « suiv­ez-moi » est exemplaire… !

Mener des programmes transversaux

La crois­sance sera lim­itée par le levi­er le moins per­for­mant — le mail­lon faible — et par l’ab­sence de coor­di­na­tion entre les briques du tem­ple : une seule brique défail­lante peut tout remet­tre en cause même si les autres sont au point. Dès lors, il con­vient d’analyser les pra­tiques sur cha­cun des leviers, à l’aide de grilles de matu­rité per­me­t­tant un diag­nos­tic rapi­de. À chaque fois, la logique con­siste à être le plus prag­ma­tique et le moins dog­ma­tique pos­si­ble : en effet, il est rare de trou­ver un levi­er unique pour attein­dre les objec­tifs. Au con­traire, il s’ag­it au moins dans un pre­mier temps d’un ratis­sage fin et sys­té­ma­tique des « briques » afin de con­stru­ire un plan d’amélio­ra­tion qui agrège l’im­pact de toutes les propo­si­tions en s’as­sur­ant de leur cohérence. En effet, quel est l’im­pact d’une belle stratégie mar­ket­ing non déclinée sur le plan com­mer­cial ? Quel intérêt à dévelop­per un nou­veau pro­duit non soutenu par les cir­cuits com­mer­ci­aux ? Quelle logique dans le lance­ment d’une offre simul­tané­ment à un plan de pro­duc­tiv­ité des forces de vente ?

Faire dia­loguer les ventes, le mar­ket­ing, la logis­tique sur un sujet com­mun relève trop sou­vent d’un tour de force. Cha­cun a sa pro­pre approche du prob­lème face à une crois­sance atone : faut-il aug­menter le bud­get con­sacré à la pub­lic­ité ou aug­menter les effec­tifs du mar­ket­ing direct ? Est-ce un prob­lème de moti­va­tion des parte­naires com­mer­ci­aux ? Faut-il lancer une nou­velle pro­mo­tion ? Est-ce l’of­fre qui est jugée trop chère comme s’en plaig­nent de façon récur­rente les com­mer­ci­aux ? Est-ce l’of­fre qui est inadap­tée au marché ?

Afin de pro­téger son activ­ité prin­ci­pale de pel­licules pho­tos, le groupe East­man Kodak a ain­si com­plète­ment ignoré la ten­dance de la tech­nolo­gie numérique. Les pel­licules pho­tos représen­taient en 2004 tou­jours 80 % de son chiffre d’af­faires bien que le marché soit en recul. Ses con­cur­rents, au con­traire, ont tiré prof­it de la crois­sance du marché du numérique. Dans ce cas, les com­mer­ci­aux peu­vent faire tous les efforts pos­si­bles et être les meilleurs, ils ne parvien­dront pas à per­former sur le marché car ils n’au­ront pas l’of­fre adap­tée à la demande du marché.

Mais il existe des cas où des entre­pris­es ont con­nu des prob­lèmes mal­gré un bon pro­duit. L’ex­em­ple désor­mais célèbre de Sega et de ses con­soles de jeux Sat­urn puis Dream­cast dans les années qua­tre-vingt-dix mon­tre que, mal­gré des pro­duits per­for­mants par rap­port à la con­cur­rence, il est pos­si­ble de per­dre sa place de leader en quelques années face à Sony et sa PlaySta­tion. Plusieurs raisons à cela : Sony a attiré les plus gros stu­dios de développe­ment par des roy­al­ties plus impor­tantes sur la vente de jeux, ren­dant la ludothèque de Sega beau­coup plus mai­gre que la sienne ; en out­re, Sony a ouvert le jeu au grand pub­lic alors que Sega a con­tin­ué à cibler un pub­lic de joueurs « aver­tis ». Sat­urn parvint ain­si à 6 % de parts de marché au lieu des 70 % plan­i­fiées ! Tous ces fac­teurs ont ain­si per­mis de créer un nou­veau stan­dard, lié à la taille du parc Sony, que la Dream­cast ne parvien­dra pas à cass­er face à la PS23.

Ain­si, c’est bien dans une coor­di­na­tion de tous les leviers qu’il est pos­si­ble de surper­former et d’avoir une crois­sance forte.

Installer une machine de guerre

Une fois le « Tem­ple de la Crois­sance » mis en place sur un pro­duit ou une Busi­ness Unit, l’en­tre­prise doit ancr­er cette cul­ture de crois­sance à tous les niveaux de la hiérar­chie. L’é­con­o­miste Edith Pen­rose a mon­tré dans son ouvrage The The­o­ry of the Growth of the Firm (1959) que la crois­sance est essen­tielle pour toute entre­prise, mais qu’elle ne doit pas être trop forte trop longtemps au risque de per­dre le con­trôle (cf. crois­sance par boulim­ie ci-dessus). La théorie veut que le taux de crois­sance d’une entre­prise ne dépasse pas une valeur appelée Sus­tain­able Growth Rate (SGR)4, afin de con­serv­er les effets posi­tifs sur la rentabil­ité et la valeur de l’en­tre­prise. Siemens a par exem­ple mené ce type d’ap­proche au cours des années qua­tre-vingt-dix. Son chiffre d’af­faires a aug­men­té au cours des dix années de 6,2 % par an, cor­re­spon­dant qua­si­ment à son SGR. Cette crois­sance a été obtenue en action­nant tous les leviers, y com­pris via des petites acqui­si­tions ciblées, financées par la vente de secteurs moins attrayants, par exem­ple Infi­neon, et un pro­gramme de réduc­tion des coûts.

De même, Gen­er­al Elec­tric a mis en œuvre une démarche sys­té­ma­tique de crois­sance. Con­nu dans le monde entier pour ses per­for­mances excep­tion­nelles et son ex-CEO charis­ma­tique Jack Welch, GE a appliqué durant plusieurs années une mécanique implaca­ble de réduc­tion des coûts. Toute une bat­terie d’outils fut conçue et déployée pour don­ner un cadre com­mun à toutes les entités du groupe afin d’at­tein­dre les objec­tifs de rentabil­ité : Six Sig­ma, Cro­tonville Cus­tomer Pro­grams, Work-out, Process Map­ping… Le nou­veau dirigeant de GE, Jef­frey Immelt, nom­mé en sep­tem­bre 2001, s’est appuyé sur cette cul­ture per­for­mante, fondée sur l’ori­en­ta­tion proces­sus et la capac­ité à déploy­er des out­ils de man­age­ment, en l’ap­pli­quant au développe­ment du chiffre d’af­faires. Il a fixé pour objec­tif d’avoir un taux de crois­sance deux fois supérieur à la moyenne de chaque secteur, soit 8 % par an. Il a déployé pour cela un ensem­ble d’outils — « Exe­cute for Growth » — sup­por­t­ant un process de traite­ment sys­té­ma­tique de leviers de crois­sance, avec des out­ils adap­tés, comme CECOR, Lean Show­cas­es, Acqui­si­tion Inte­gra­tion Frame­work. Leur pro­gramme est struc­turé autour de six thèmes clés : les tech­nolo­gies, l’ex­cel­lence com­mer­ciale, la glob­al­i­sa­tion, le développe­ment de lead­ers, la sat­is­fac­tion client et l’innovation.

Un exemple : la guerre des prix n’est pas perdue

Le prix du marché fait-il sys­té­ma­tique­ment la loi ? Faut-il renon­cer à être habile sur ce sujet ? Pour illus­tr­er une démarche pos­si­ble sur la brique « pric­ing » du « Tem­ple de la Crois­sance ® », les dif­férents proces­sus à opti­miser sont illus­trés dans la fig­ure 3 ci-dessous. Trop d’en­tre­pris­es con­sid­èrent qu’elles ont un pou­voir faible voire nul sur la fix­a­tion des prix et qu’elles sont poussées inex­orable­ment à la baisse sous l’ef­fet de paramètres externes incon­trôlables et bien con­nus. La « fonc­tion » pric­ing est tra­di­tion­nelle­ment nég­ligée : bien sou­vent, les déci­sions, les com­pé­tences, les infor­ma­tions sont morcelées entre les dif­férentes fonc­tions (mar­ket­ing ? finance ? com­mer­cial ?), régions et busi­ness units. La dis­per­sion des prix par client révèle fréquem­ment des aber­ra­tions : ain­si, on observe une faible cor­réla­tion entre le prix net payé et la taille ou la valeur du client…

Voici quelques illus­tra­tions de marges de manœu­vre mis­es en œuvre pour quelques-uns de nos clients.

Idée n° 1 : fixer les prix en fonction de la valeur apportée aux clients

Un fab­ri­cant de pièces métalliques a pris con­science qu’un même pro­duit peut être tar­ifé de façon dif­férente selon son util­i­sa­tion finale par le client. Cer­tains clients intè­grent les pièces métalliques dans des pro­duits tech­niques requérant des tolérances très lim­itées. Pour ce type de clients, le fab­ri­cant développe des pro­duits très légère­ment mod­i­fiés, avec une garantie sur les spé­ci­fi­ca­tions. Cela lui per­met d’aug­menter sig­ni­fica­tive­ment ses prix, sans baisse de vol­ume, et de réalis­er une marge trois fois plus élevée.

Idée n° 2 : optimiser le mix produit

Pour un fab­ri­cant de papi­er, les pro­duits sur stock déga­gent une marge de 30 à 50 % plus élevée que les pro­duits sur com­mande ven­dus au tra­vers d’ap­pels d’of­fres très con­cur­ren­tiels ; les deux types de papi­er sont pro­duits sur une même machine mais les déci­sions de pric­ing sont pris­es de façon indépen­dante par deux busi­ness units… De plus afin de con­serv­er sa capac­ité de livrai­son rapi­de et gag­n­er un appel d’of­fres pour les pro­duits sur com­mande, le fab­ri­cant doit stop­per fréquem­ment sa pro­duc­tion de pro­duits sur stock… La solu­tion ? Un out­il per­me­t­tant de définir le pric­ing des répons­es aux appels d’of­fres en fonc­tion du pro­gramme de pro­duc­tion prévu et de la disponi­bil­ité des machines ; une mod­i­fi­ca­tion des rabais pour les clients achetant des pro­duits en stock afin d’at­tein­dre plus aisé­ment leur objec­tif de vol­ume. Le mix pro­duit a con­sid­érable­ment évolué sans hausse de prix, l’aug­men­ta­tion de marge glob­ale est de 15 % avec un gain d’EBIT de cinq points.

Idée n° 3 : vendre des services

Une entre­prise indus­trielle sur un marché de com­mod­ités béné­fi­cie d’un « price pre­mi­um » par rap­port à ses con­cur­rents sans en con­naître les raisons véri­ta­bles. Elle cap­i­talise cet avan­tage et développe pour ses clients dif­férentes options de ser­vices : fac­tura­tion pro­gres­sive d’un pre­mi­um pour les ser­vices que les clients val­ori­saient et étaient prêts à pay­er (petite com­mande, pack­ag­ings spé­ci­aux, garantie de délais de livrai­son), baisse des prix pour les clients non intéressés par ces ser­vices, sup­pres­sion de quelques ser­vices comme l’as­sis­tance tech­nique sur site val­orisée unique­ment par quelques clients à faible enjeu… Les résul­tats ? Aug­men­ta­tion du prix moyen, réduc­tion des coûts, développe­ment de la part de marché.

Idée n° 4 : soigner le pricing de l’après-vente

Un fab­ri­cant auto­mo­bile revoit sa poli­tique tar­i­faire pour les pièces de rechange. Chaque famille de pièces est réé­val­uée en fonc­tion du niveau de con­cur­rence dans la famille et de l’im­pact sur le coût du panier SRA5. La marge EBIT des pièces détachées aug­mente de deux points.

Et vous ?

Que la logique de vente de l’of­fre soit celle d’une vente par affaire — con­trats longs, com­plex­es, tech­niques avec du ser­vice et de mul­ti­ples inter­venants — ou celle d’une offre plus proche des com­mod­ités — pro­duits ou ser­vices sim­ples, vente répéti­tive ven­due sur stock ou sur fab­ri­ca­tion, avec des délais courts -, il existe de réels leviers de crois­sance et d’amélio­ra­tion de marge. Croître devenant plus com­plexe, il est néces­saire de struc­tur­er et pro­fes­sion­nalis­er les démarch­es de crois­sance. De même qu’on lance des pro­grammes de réduc­tion de coûts, l’en­tre­prise doit opti­miser ses leviers clés de façon trans­ver­sale. Plutôt que d’avoir une approche « hara-kiri » de pro­duc­tiv­ité trop sys­té­ma­tique, instau­r­er cette cul­ture de la crois­sance déclinée à tous les niveaux dans la struc­ture per­met d’avoir un impact sig­ni­fi­catif sur son activ­ité. Alors, Messieurs les dirigeants, quel est le poten­tiel caché de votre entre­prise et quand comptez-vous le réaliser ?

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1. Sin­gle Minute Exchange Die : change­ment rapi­de d’outil sur une machine per­me­t­tant de min­imiser le temps non pro­duc­tif et de ren­dre la machine plus flex­i­ble à la demande client.
2. Pour la crois­sance externe, il faut ajouter deux autres piliers, la ges­tion d’ac­qui­si­tion d’en­tités (screen­ing, deal mak­ing…) d’une part, et l’in­té­gra­tion d’autre part.
3. En 2001, Sega annonça le retrait de la Dream­cast, l’ar­rêt de son activ­ité Con­soles et son repo­si­tion­nement sur l’édi­tion de jeux.
4. Pour infor­ma­tion, ce taux se cal­cule de la façon suiv­ante : SGR = ROE x (1 — Div­i­dend Pay­out Ratio), soit le ratio résul­tat net sur mon­tant des fonds pro­pres, mul­ti­plié par la pro­por­tion du résul­tat net non ver­sé sous forme de div­i­den­des. Il cor­re­spond au taux lim­ite au-delà duquel l’aug­men­ta­tion des fonds est néces­saire (par aug­men­ta­tion du cap­i­tal ou par dette).
5. SRA : échan­til­lon de pièces pris en compte par les com­pag­nies d’as­sur­ances pour fix­er le mon­tant des primes par véhicule.

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