À la recherche de la croissance perdue…

Dossier : Entreprise et managementMagazine N°628 Octobre 2007
Par Arnaud SIRAUDIN (87)

Com­ment atteindre de façon pérenne et fiable ses objec­tifs de ren­ta­bi­li­té ? La plu­part des entre­prises mettent en œuvre des pro­grammes cohé­rents et sys­té­ma­tiques de réduc­tion des coûts, en action­nant et en coor­don­nant tous les leviers pos­sibles – achat, réduc­tion d’ef­fec­tifs, réduc­tion des stocks… Ain­si, lors d’un pro­gramme de réduc­tion des coûts, ce n’est pas une action mais un ensemble d’ac­tions qui per­met d’at­teindre les objec­tifs. Par exemple, ce n’est pas un SMED1 qui per­met de mettre en place le « juste à temps », mais une com­bi­nai­son d’ac­tions sur tous les leviers clés afin de réduire les coûts et les stocks, tout en satis­fai­sant les clients : pla­ni­fi­ca­tion de la pro­duc­tion, auto­no­mie de l’o­pé­ra­teur, maî­trise des pro­cé­dés… De même, les autres métho­do­lo­gies orien­tées coûts – Lean, Six Sig­ma, Kai­zen – visent toutes à coor­don­ner des actions pour réduire la non-valeur ajou­tée et atteindre rapi­de­ment un résul­tat concret.

Approches actuelles de la croissance

Or, para­doxa­le­ment, la crois­sance qui consti­tue l’autre levier pour atteindre ses objec­tifs de ren­ta­bi­li­té ne fait pas l’ob­jet d’une approche aus­si sys­té­ma­tique. Sur ce volet, l’en­tre­prise est géné­ra­le­ment beau­coup plus dému­nie et son action est désor­don­née. Les leviers asso­ciés sont géné­ra­le­ment exploi­tés, mais sou­vent de façon non opti­mi­sée, et sur­tout de façon non coor­don­née. En effet, trois grandes approches sont com­mu­né­ment employées pour atteindre ses objec­tifs de crois­sance : la crois­sance du sur­fer, la crois­sance par bou­li­mie et l’Ave Maria.

La croissance « du surfer »

Si le sec­teur de l’en­tre­prise est en forte crois­sance, le diri­geant – et sur­tout ses action­naires – peut se satis­faire de la crois­sance du sec­teur. Même si l’en­tre­prise ne sur­per­forme pas dans ce cas-là et perd des parts de mar­ché, la ren­ta­bi­li­té asso­ciée à un chiffre d’af­faires en pro­gres­sion « natu­relle » peut suf­fire. La plu­part des sec­teurs indus­triels connaissent cepen­dant un contexte ren­dant une crois­sance « natu­relle » plus dif­fi­cile : soit le sec­teur concer­né connaît un ralen­tis­se­ment de son taux de crois­sance mar­ché, par exemple télé­pho­nie, auto­mo­bile…, soit le sec­teur connaît une inten­si­fi­ca­tion de la pres­sion concur­ren­tielle, notam­ment via l’é­mer­gence de nou­veaux entrants « low cost » ou « low price ». Dès lors, l’en­tre­prise ne peut plus se limi­ter à la crois­sance de son sec­teur et doit faire mieux que le mar­ché pour satis­faire ses actionnaires.

La croissance « par boulimie »

L’en­tre­prise croît par acqui­si­tion d’en­ti­tés sur son mar­ché géo­gra­phique ou à l’in­ter­na­tio­nal. Via une crois­sance externe, elle reporte sou­vent la pro­blé­ma­tique de crois­sance sur les syner­gies de coût qu’il est pos­sible de réa­li­ser après la fusion, en mini­mi­sant la perte de chiffre d’af­faires conso­li­dé. Ce n’est donc plus un pro­blème de crois­sance qu’il faut gérer mais un pro­gramme de réduc­tion de coûts… Il n’est qu’à voir les com­mu­ni­ca­tions à la suite des annonces de fusion, axées beau­coup plus sur les syner­gies de coûts que sur celles de chiffre d’af­faires. Le pro­blème est que les entre­prises sont à pré­sent en concur­rence avec des fonds de pri­vate equi­ty qui font grim­per les mul­tiples de valo­ri­sa­tion. Dès lors, la ren­ta­bi­li­té d’une acqui­si­tion devient plus dif­fi­cile à obte­nir sur le plan finan­cier. En outre, une étude récente mon­trait qu’une crois­sance exces­sive pro­ve­nant des acqui­si­tions était la rai­son fon­da­men­tale de l’in­sol­va­bi­li­té des entre­prises. Ain­si, le chiffre d’af­faires du cour­tier en éner­gie Enron a enre­gis­tré une hausse ver­ti­gi­neuse de 2 000 % entre 1997 et 2001 et le conglo­mé­rat Tyco a englou­ti plus de 200 socié­tés par an au som­met de sa période d’hyperactivité.

La croissance « Ave Maria »

L’en­tre­prise met tout son espoir dans un nou­veau pro­duit ou une nou­velle offre. Cela peut réus­sir – cf. Apple avec iPod, Peu­geot avec la 205, Renault et l’Es­pace – ou échouer – cf. tou­jours Apple avec New­ton, Viven­di et Viz­za­vi… Via un nou­veau pro­duit, toute la pres­sion revient au chef de pro­duit qui devient tout-puis­sant… s’il réus­sit. Mi 1993, Apple com­mer­cia­lise le New­ton, sur une idée de son PDG, John Scul­ley, qui désire un ordi­na­teur où l’on puisse « noter des idées ». L’or­di­na­teur est minus­cule – le pre­mier assis­tant de poche grand public – car ins­pi­ré du cale­pin en spi­rale, ce qui explique le sty­let inté­gré. Une fois com­mer­cia­li­sé à grande échelle, le New­ton est vite cri­ti­qué par sa recon­nais­sance d’é­cri­ture très mau­vaise. Les ventes se tassent vite. Les adap­ta­tions et péri­phé­riques tardent et les ache­teurs de la pre­mière heure, ayant ache­té le New­ton en les atten­dant, s’im­pa­tientent et donnent un mau­vais écho à cette machine. Steve Jobs, reve­nu entre-temps, arrête fina­le­ment New­ton en février 1998.

Le Temple de la Croissance ®

C’est une erreur : la crois­sance doit être gérée avec autant de rigueur que la réduc­tion des coûts. De notre expé­rience, deux prin­cipes clés sont à rete­nir pour assu­rer une crois­sance rapide et durable : d’une part gérer les oppor­tu­ni­tés de crois­sance dans le cadre de pro­grammes trans­ver­saux, d’autre part mettre en place une « machine de guerre » apte à trans­for­mer la culture de l’en­tre­prise en une culture orien­tée croissance.

Ain­si, le « Temple de la Crois­sance ® » (cf. figure 1), que nous avons conçu, per­met d’at­teindre des résul­tats signi­fi­ca­tifs : + 30 % de marge opé­ra­tion­nelle sur cer­taines lignes de pro­duits d’un pape­tier, + 2 à 5 points d’E­BIT sup­plé­men­taires pour un construc­teur auto­mo­bile, + 25 % d’E­BIT par an pour un dis­tri­bu­teur spécialisé.

Cha­cun des thèmes cou­vrant la crois­sance orga­nique2 peut être trai­té comme l’op­ti­mi­sa­tion d’un ou plu­sieurs pro­ces­sus, notam­ment en lui asso­ciant un indi­ca­teur mesu­rable (cf. figure 2), à par­tir duquel on peut construire une logique de pro­grès (Plan-Do-Check-Act). On dis­tingue les pro­ces­sus opé­ra­tion­nels, liés à un busi­ness ou à un pro­duit, sym­bo­li­sés sur le graphe par les piliers, et les pro­ces­sus sup­ports, appli­cables à toute l’entreprise.


Figure 2
Indi­ca­teur de mesure de la per­for­mance sur chaque levier clé

Trois leviers concernent le pro­duit. Le pre­mier porte sur les pro­ces­sus d’inno­va­tion : inno­va­tion amont – veille mar­ché et tech­no­lo­gie, géné­ra­tion et struc­tu­ra­tion des idées, sélec­tion et prio­ri­sa­tion pro­jet – et inno­va­tion aval – déve­lop­pe­ment pro­duit, mise sur le mar­ché et sui­vi. Même sur des pro­duits de com­mo­di­tés, il existe des pos­si­bi­li­tés d’in­no­va­tion per­met­tant de répondre à un besoin expri­mé ou latent des clients. Dans tous les cas, la per­for­mance de l’in­no­va­tion pro­duits et ser­vices dépend for­te­ment de la qua­li­té de l’in­ter­face entre tech­nique et marketing.

Le deuxième levier concerne la gamme pro­duit : en effet, il faut défi­nir une archi­tec­ture de la gamme, qui assure un opti­mum entre la réponse aux besoins clients et le coût de la com­plexi­té : trop simple, elle ne couvre pas tout le mar­ché mais per­met de réduire les coûts de ges­tion. Trop com­plexe, elle risque de ne pas être lisible et d’en­traî­ner des sur­coûts de fabri­ca­tion et de com­mer­cia­li­sa­tion. La com­plexi­té de la gamme pro­duit tue la ren­ta­bi­li­té mais il existe des leviers pour appro­cher l’op­ti­mum Part de mar­ché vs. Rentabilité.

Le troi­sième levier porte sur la poli­tique de prix des pro­duits, sou­vent appe­lée « pri­cing ». Il est impor­tant d’une part qu’elle soit la plus cor­ré­lée à la valeur per­çue par le client et d’autre part de répar­tir les res­pon­sa­bi­li­tés dans cette poli­tique : qui est res­pon­sable du prix dans l’or­ga­ni­sa­tion ? Quelques exemples de pra­tiques sont détaillés à la fin de cet article.

En com­plé­ment de ces leviers « pro­duit », il faut éga­le­ment opti­mi­ser la façon de vendre : les routes de mar­ché sont des tri­nômes seg­ment client-pro­duit-canal allant de la géné­ra­tion de la demande jus­qu’au sup­port client. L’en­jeu de ces routes est d’op­ti­mi­ser le ratio coût de la route-CA, en s’as­su­rant que ce coût est amor­ti par les marges réa­li­sées et défi­nies dans le levier « pri­cing ».

En outre, il convient éga­le­ment d’a­ni­mer et de pilo­ter la per­for­mance des canaux de vente. Les objec­tifs mar­ke­ting sont à décli­ner en objec­tifs com­mer­ciaux en y asso­ciant les actions et en pre­nant en compte les contraintes de res­sources. Après cette défi­ni­tion, il s’a­git de mettre en place les moda­li­tés de sui­vi de ces objec­tifs en étant réac­tif en cas de dérive.

Enfin, trois leviers trans­verses à l’en­tre­prise sont cru­ciaux pour toute volon­té de crois­sance : l’o­rien­ta­tion client regroupe les pro­ces­sus de ges­tion des inter­faces client, opti­mi­sant la satis­fac­tion client au moindre coût. Qui sont les clients, com­ment les seg­men­ter selon leurs attentes, com­ment les ser­vir au mieux en fonc­tion de leurs besoins sont les points trai­tés dans ce volet. Le deuxième levier porte sur l’in­ter­na­tio­na­li­sa­tion et l’har­mo­ni­sa­tion des pra­tiques. En effet, il convient de répli­quer le busi­ness model per­for­mant dans d’autres pays en s’as­su­rant de la bonne mise en œuvre des pra­tiques mana­gé­riales et com­mer­ciales. Enfin, le sys­tème de mana­ge­ment est le fon­de­ment de tout pro­grès dans l’en­tre­prise. La per­for­mance de ce levier se mesure à la vitesse d’é­vo­lu­tions des indi­ca­teurs des autres « briques » du temple expo­sées dans la figure 2. Quelques véri­tés sont tou­jours bonnes à rap­pe­ler et à mettre en œuvre : votre sys­tème de rému­né­ra­tion n’est que le reflet de vos ambi­tions ; « allez‑y » est lâche, « en avant » est insuf­fi­sant mais « sui­vez-moi » est exemplaire… !

Mener des programmes transversaux

La crois­sance sera limi­tée par le levier le moins per­for­mant – le maillon faible – et par l’ab­sence de coor­di­na­tion entre les briques du temple : une seule brique défaillante peut tout remettre en cause même si les autres sont au point. Dès lors, il convient d’a­na­ly­ser les pra­tiques sur cha­cun des leviers, à l’aide de grilles de matu­ri­té per­met­tant un diag­nos­tic rapide. À chaque fois, la logique consiste à être le plus prag­ma­tique et le moins dog­ma­tique pos­sible : en effet, il est rare de trou­ver un levier unique pour atteindre les objec­tifs. Au contraire, il s’a­git au moins dans un pre­mier temps d’un ratis­sage fin et sys­té­ma­tique des « briques » afin de construire un plan d’a­mé­lio­ra­tion qui agrège l’im­pact de toutes les pro­po­si­tions en s’as­su­rant de leur cohé­rence. En effet, quel est l’im­pact d’une belle stra­té­gie mar­ke­ting non décli­née sur le plan com­mer­cial ? Quel inté­rêt à déve­lop­per un nou­veau pro­duit non sou­te­nu par les cir­cuits com­mer­ciaux ? Quelle logique dans le lan­ce­ment d’une offre simul­ta­né­ment à un plan de pro­duc­ti­vi­té des forces de vente ?

Faire dia­lo­guer les ventes, le mar­ke­ting, la logis­tique sur un sujet com­mun relève trop sou­vent d’un tour de force. Cha­cun a sa propre approche du pro­blème face à une crois­sance atone : faut-il aug­men­ter le bud­get consa­cré à la publi­ci­té ou aug­men­ter les effec­tifs du mar­ke­ting direct ? Est-ce un pro­blème de moti­va­tion des par­te­naires com­mer­ciaux ? Faut-il lan­cer une nou­velle pro­mo­tion ? Est-ce l’offre qui est jugée trop chère comme s’en plaignent de façon récur­rente les com­mer­ciaux ? Est-ce l’offre qui est inadap­tée au marché ?

Afin de pro­té­ger son acti­vi­té prin­ci­pale de pel­li­cules pho­tos, le groupe East­man Kodak a ain­si com­plè­te­ment igno­ré la ten­dance de la tech­no­lo­gie numé­rique. Les pel­li­cules pho­tos repré­sen­taient en 2004 tou­jours 80 % de son chiffre d’af­faires bien que le mar­ché soit en recul. Ses concur­rents, au contraire, ont tiré pro­fit de la crois­sance du mar­ché du numé­rique. Dans ce cas, les com­mer­ciaux peuvent faire tous les efforts pos­sibles et être les meilleurs, ils ne par­vien­dront pas à per­for­mer sur le mar­ché car ils n’au­ront pas l’offre adap­tée à la demande du marché.

Mais il existe des cas où des entre­prises ont connu des pro­blèmes mal­gré un bon pro­duit. L’exemple désor­mais célèbre de Sega et de ses consoles de jeux Saturn puis Dream­cast dans les années quatre-vingt-dix montre que, mal­gré des pro­duits per­for­mants par rap­port à la concur­rence, il est pos­sible de perdre sa place de lea­der en quelques années face à Sony et sa PlayS­ta­tion. Plu­sieurs rai­sons à cela : Sony a atti­ré les plus gros stu­dios de déve­lop­pe­ment par des royal­ties plus impor­tantes sur la vente de jeux, ren­dant la ludo­thèque de Sega beau­coup plus maigre que la sienne ; en outre, Sony a ouvert le jeu au grand public alors que Sega a conti­nué à cibler un public de joueurs « aver­tis ». Saturn par­vint ain­si à 6 % de parts de mar­ché au lieu des 70 % pla­ni­fiées ! Tous ces fac­teurs ont ain­si per­mis de créer un nou­veau stan­dard, lié à la taille du parc Sony, que la Dream­cast ne par­vien­dra pas à cas­ser face à la PS23.

Ain­si, c’est bien dans une coor­di­na­tion de tous les leviers qu’il est pos­sible de sur­per­for­mer et d’a­voir une crois­sance forte.

Installer une machine de guerre

Une fois le « Temple de la Crois­sance » mis en place sur un pro­duit ou une Busi­ness Unit, l’en­tre­prise doit ancrer cette culture de crois­sance à tous les niveaux de la hié­rar­chie. L’é­co­no­miste Edith Pen­rose a mon­tré dans son ouvrage The Theo­ry of the Growth of the Firm (1959) que la crois­sance est essen­tielle pour toute entre­prise, mais qu’elle ne doit pas être trop forte trop long­temps au risque de perdre le contrôle (cf. crois­sance par bou­li­mie ci-des­sus). La théo­rie veut que le taux de crois­sance d’une entre­prise ne dépasse pas une valeur appe­lée Sus­tai­nable Growth Rate (SGR)4, afin de conser­ver les effets posi­tifs sur la ren­ta­bi­li­té et la valeur de l’en­tre­prise. Sie­mens a par exemple mené ce type d’ap­proche au cours des années quatre-vingt-dix. Son chiffre d’af­faires a aug­men­té au cours des dix années de 6,2 % par an, cor­res­pon­dant qua­si­ment à son SGR. Cette crois­sance a été obte­nue en action­nant tous les leviers, y com­pris via des petites acqui­si­tions ciblées, finan­cées par la vente de sec­teurs moins attrayants, par exemple Infi­neon, et un pro­gramme de réduc­tion des coûts.

De même, Gene­ral Elec­tric a mis en œuvre une démarche sys­té­ma­tique de crois­sance. Connu dans le monde entier pour ses per­for­mances excep­tion­nelles et son ex-CEO cha­ris­ma­tique Jack Welch, GE a appli­qué durant plu­sieurs années une méca­nique impla­cable de réduc­tion des coûts. Toute une bat­te­rie d’ou­tils fut conçue et déployée pour don­ner un cadre com­mun à toutes les enti­tés du groupe afin d’at­teindre les objec­tifs de ren­ta­bi­li­té : Six Sig­ma, Cro­ton­ville Cus­to­mer Pro­grams, Work-out, Pro­cess Map­ping… Le nou­veau diri­geant de GE, Jef­frey Immelt, nom­mé en sep­tembre 2001, s’est appuyé sur cette culture per­for­mante, fon­dée sur l’o­rien­ta­tion pro­ces­sus et la capa­ci­té à déployer des outils de mana­ge­ment, en l’ap­pli­quant au déve­lop­pe­ment du chiffre d’af­faires. Il a fixé pour objec­tif d’a­voir un taux de crois­sance deux fois supé­rieur à la moyenne de chaque sec­teur, soit 8 % par an. Il a déployé pour cela un ensemble d’ou­tils – « Exe­cute for Growth » – sup­por­tant un pro­cess de trai­te­ment sys­té­ma­tique de leviers de crois­sance, avec des outils adap­tés, comme CECOR, Lean Show­cases, Acqui­si­tion Inte­gra­tion Fra­me­work. Leur pro­gramme est struc­tu­ré autour de six thèmes clés : les tech­no­lo­gies, l’ex­cel­lence com­mer­ciale, la glo­ba­li­sa­tion, le déve­lop­pe­ment de lea­ders, la satis­fac­tion client et l’innovation.

Un exemple : la guerre des prix n’est pas perdue

Le prix du mar­ché fait-il sys­té­ma­ti­que­ment la loi ? Faut-il renon­cer à être habile sur ce sujet ? Pour illus­trer une démarche pos­sible sur la brique « pri­cing » du « Temple de la Crois­sance ® », les dif­fé­rents pro­ces­sus à opti­mi­ser sont illus­trés dans la figure 3 ci-des­sous. Trop d’en­tre­prises consi­dèrent qu’elles ont un pou­voir faible voire nul sur la fixa­tion des prix et qu’elles sont pous­sées inexo­ra­ble­ment à la baisse sous l’ef­fet de para­mètres externes incon­trô­lables et bien connus. La « fonc­tion » pri­cing est tra­di­tion­nel­le­ment négli­gée : bien sou­vent, les déci­sions, les com­pé­tences, les infor­ma­tions sont mor­ce­lées entre les dif­fé­rentes fonc­tions (mar­ke­ting ? finance ? com­mer­cial ?), régions et busi­ness units. La dis­per­sion des prix par client révèle fré­quem­ment des aber­ra­tions : ain­si, on observe une faible cor­ré­la­tion entre le prix net payé et la taille ou la valeur du client…

Voi­ci quelques illus­tra­tions de marges de manœuvre mises en œuvre pour quelques-uns de nos clients.

Idée n° 1 : fixer les prix en fonction de la valeur apportée aux clients

Un fabri­cant de pièces métal­liques a pris conscience qu’un même pro­duit peut être tari­fé de façon dif­fé­rente selon son uti­li­sa­tion finale par le client. Cer­tains clients intègrent les pièces métal­liques dans des pro­duits tech­niques requé­rant des tolé­rances très limi­tées. Pour ce type de clients, le fabri­cant déve­loppe des pro­duits très légè­re­ment modi­fiés, avec une garan­tie sur les spé­ci­fi­ca­tions. Cela lui per­met d’aug­men­ter signi­fi­ca­ti­ve­ment ses prix, sans baisse de volume, et de réa­li­ser une marge trois fois plus élevée.

Idée n° 2 : optimiser le mix produit

Pour un fabri­cant de papier, les pro­duits sur stock dégagent une marge de 30 à 50 % plus éle­vée que les pro­duits sur com­mande ven­dus au tra­vers d’ap­pels d’offres très concur­ren­tiels ; les deux types de papier sont pro­duits sur une même machine mais les déci­sions de pri­cing sont prises de façon indé­pen­dante par deux busi­ness units… De plus afin de conser­ver sa capa­ci­té de livrai­son rapide et gagner un appel d’offres pour les pro­duits sur com­mande, le fabri­cant doit stop­per fré­quem­ment sa pro­duc­tion de pro­duits sur stock… La solu­tion ? Un outil per­met­tant de défi­nir le pri­cing des réponses aux appels d’offres en fonc­tion du pro­gramme de pro­duc­tion pré­vu et de la dis­po­ni­bi­li­té des machines ; une modi­fi­ca­tion des rabais pour les clients ache­tant des pro­duits en stock afin d’at­teindre plus aisé­ment leur objec­tif de volume. Le mix pro­duit a consi­dé­ra­ble­ment évo­lué sans hausse de prix, l’aug­men­ta­tion de marge glo­bale est de 15 % avec un gain d’E­BIT de cinq points.

Idée n° 3 : vendre des services

Une entre­prise indus­trielle sur un mar­ché de com­mo­di­tés béné­fi­cie d’un « price pre­mium » par rap­port à ses concur­rents sans en connaître les rai­sons véri­tables. Elle capi­ta­lise cet avan­tage et déve­loppe pour ses clients dif­fé­rentes options de ser­vices : fac­tu­ra­tion pro­gres­sive d’un pre­mium pour les ser­vices que les clients valo­ri­saient et étaient prêts à payer (petite com­mande, packa­gings spé­ciaux, garan­tie de délais de livrai­son), baisse des prix pour les clients non inté­res­sés par ces ser­vices, sup­pres­sion de quelques ser­vices comme l’as­sis­tance tech­nique sur site valo­ri­sée uni­que­ment par quelques clients à faible enjeu… Les résul­tats ? Aug­men­ta­tion du prix moyen, réduc­tion des coûts, déve­lop­pe­ment de la part de marché.

Idée n° 4 : soigner le pricing de l’après-vente

Un fabri­cant auto­mo­bile revoit sa poli­tique tari­faire pour les pièces de rechange. Chaque famille de pièces est rééva­luée en fonc­tion du niveau de concur­rence dans la famille et de l’im­pact sur le coût du panier SRA5. La marge EBIT des pièces déta­chées aug­mente de deux points.

Et vous ?

Que la logique de vente de l’offre soit celle d’une vente par affaire – contrats longs, com­plexes, tech­niques avec du ser­vice et de mul­tiples inter­ve­nants – ou celle d’une offre plus proche des com­mo­di­tés – pro­duits ou ser­vices simples, vente répé­ti­tive ven­due sur stock ou sur fabri­ca­tion, avec des délais courts -, il existe de réels leviers de crois­sance et d’a­mé­lio­ra­tion de marge. Croître deve­nant plus com­plexe, il est néces­saire de struc­tu­rer et pro­fes­sion­na­li­ser les démarches de crois­sance. De même qu’on lance des pro­grammes de réduc­tion de coûts, l’en­tre­prise doit opti­mi­ser ses leviers clés de façon trans­ver­sale. Plu­tôt que d’a­voir une approche « hara-kiri » de pro­duc­ti­vi­té trop sys­té­ma­tique, ins­tau­rer cette culture de la crois­sance décli­née à tous les niveaux dans la struc­ture per­met d’a­voir un impact signi­fi­ca­tif sur son acti­vi­té. Alors, Mes­sieurs les diri­geants, quel est le poten­tiel caché de votre entre­prise et quand comp­tez-vous le réaliser ?

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1. Single Minute Exchange Die : chan­ge­ment rapide d’ou­til sur une machine per­met­tant de mini­mi­ser le temps non pro­duc­tif et de rendre la machine plus flexible à la demande client.
2. Pour la crois­sance externe, il faut ajou­ter deux autres piliers, la ges­tion d’ac­qui­si­tion d’en­ti­tés (scree­ning, deal making…) d’une part, et l’in­té­gra­tion d’autre part.
3. En 2001, Sega annon­ça le retrait de la Dream­cast, l’ar­rêt de son acti­vi­té Consoles et son repo­si­tion­ne­ment sur l’é­di­tion de jeux.
4. Pour infor­ma­tion, ce taux se cal­cule de la façon sui­vante : SGR = ROE x (1 – Divi­dend Payout Ratio), soit le ratio résul­tat net sur mon­tant des fonds propres, mul­ti­plié par la pro­por­tion du résul­tat net non ver­sé sous forme de divi­dendes. Il cor­res­pond au taux limite au-delà duquel l’aug­men­ta­tion des fonds est néces­saire (par aug­men­ta­tion du capi­tal ou par dette).
5. SRA : échan­tillon de pièces pris en compte par les com­pa­gnies d’as­su­rances pour fixer le mon­tant des primes par véhicule.

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