En capitalisant sur l’IA et les algorithmes, notamment de prédiction, Predict4Health ouvre de nouvelles perspectives afin de mieux suivre les patients transplantés tout au long de leur parcours de soin.

La start-up qui prévient le risque de défaillance d’organes grâce à l’IA

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°793 Mars 2024
Par Pierrick ARNAL

En capi­ta­li­sant sur l’IA et les algo­rithmes, notam­ment de pré­dic­tion, Predict4Health ouvre de nou­velles pers­pec­tives afin de mieux suivre les patients trans­plan­tés tout au long de leur par­cours de soin. Pier­rick Arnal, CEO de cette jeune pousse inno­vante créée il y a juste un an, nous en dit plus dans cet entretien.

Comment est née Predict4Health ?

Predict4Health est basé sur des tra­vaux du Paris Trans­plant Group, diri­gé par le pro­fes­seur Alexandre Lou­py, qui, sur une période d’une dizaine d’années, a mis au point une base de don­nées unique, extrê­me­ment bien carac­té­ri­sé et mul­ti­di­men­sion­nelle sur les patients gref­fés. À par­tir de cette base de don­nées, nous avons créé des algo­rithmes pré­dic­tifs, diag­nos­tiques, pro­nos­tics et de vir­tua­li­sa­tion d’examen médi­caux et d’essais cli­niques que nous avons inté­grés dans une suite logi­cielle au ser­vice des méde­cins. Notre pla­te­forme Pre­dict® est cer­ti­fié CE MDR 2A, est aujourd’hui déployée dans les hôpi­taux, et per­met d’optimiser le sui­vi des patients trans­plan­tés tout au long de leur par­cours de soin, grâce à des outils de télé­sur­veillance et d’aide à la déci­sion cli­nique. Les don­nées de vie réelles acquises sont ensuite ano­ny­mi­sées et uti­li­ser en com­plé­ment de notre data­set ini­tial de réfé­rence pour aider les phar­mas à déve­lop­per de nou­veau trai­te­ment immu­no­sup­pres­seurs pour les patients greffés.

Votre ambition est d’améliorer la vie des patients et les systèmes de santé en capitalisant sur la puissance de l’IA pour éviter le risque de défaillance d’organes. Qu’est-ce que ce positionnement implique ?

Predict4Health a vu le jour il y a près d’un an en février 2023. Elle emploie aujourd’hui une ving­taine de per­sonnes, essen­tiel­le­ment des ingé­nieurs, scien­ti­fiques et pro­fe­sion­nels de san­té. Nous met­tons à la dis­po­si­tion des pro­fes­sion­nels de san­té, dans les centres de trans­plan­ta­tion hos­pi­ta­liers, des outils à la pointe de l’innovation et de la tech­no­lo­gie, notam­ment ados­sés à l’IA et aux algo­rithmes, pour opti­mi­ser le sui­vi de patients qui souffrent de patho­lo­gies chro­niques ter­mi­nales, com­plexes et mul­ti­di­men­sion­nelles, avec un impact durable sur leur qua­li­té de vie.

Aujourd’hui, nous sommes pré­sents dans près de 40 centres hos­pi­ta­liers, 20 en Europe et 20 aux États-Unis. En France, nous sui­vons plus de 11 000 patients et nous béné­fi­cions d’ores et déjà du rem­bour­se­ment pour cer­tains des modules de notre pla­te­forme. L’idée est main­te­nant d’accéder au rem­bour­se­ment pour de nou­veaux modules, afin d’augmenter le nombre de fonc­tion­na­li­té pour les méde­cins et les patients et d’en faire béné­fi­cier le plus grand nombre. Aux États-Unis, nous sui­vons plus de 57 000 patients avec nos tech­no­lo­gies au tra­vers d’un par­te­na­riat stra­té­gique. En paral­lèle, nous sommes éga­le­ment pré­sents dans le monde de l’innovation thé­ra­peu­tique en par­te­na­riat avec des acteurs phar­ma­ceu­tiques qui déve­loppent des immu­no­sup­pres­seurs pour les patients greffés.

Quelles sont les principales composantes de votre suite logicielle ?

Dans les centres de trans­plan­ta­tion hos­pi­ta­liers, le corps médi­cal, com­po­sé de méde­cins néphro­logues, de car­dio­logues, ou hépa­to­logues suivent des patients à un stade très avan­cé de leur mala­die chro­nique. Dans le cas du rein, très sou­vent, leur rein ne fonc­tionne plus et ils doivent être trans­plan­tés ou dialysés. 

Pour le sui­vi de ces patients, notre pla­te­forme logi­cielle inté­grée per­met un sui­vi tout au long du par­cours de soin, depuis leur arri­vée dans le sys­tème hos­pi­ta­lier jusqu’au sui­vi post-trans­plan­ta­tion. Concrè­te­ment, nous avons un module de télé­sur­veillance intel­li­gent pilo­té par l’IA (Api­life) qui per­met aux méde­cins de pou­voir suivre leurs patients à distance.

Nous pro­po­sons éga­le­ment le module Pre­di­graft, un outil d’IA d’aide à la déci­sion cli­nique. À par­tir de para­mètres bio­lo­giques, Pre­di­graft va pou­voir pro­je­ter la sur­vie du gref­fon et, in fine, anti­ci­per les éven­tuels risques de rejet. Nous croi­sons les don­nées bio­lo­giques réa­li­sées par le patient en ville avec nos algo­rithmes d’IA afin d’alerter le méde­cin d’un risque de rejet ou de la dimi­nu­tion de la survie. 

En paral­lèle, nous tra­vaillons sur de nou­veaux modules autour du diag­nos­tic de clas­si­fi­ca­tion du rejet à par­tir d’une biop­sie qui a été réa­li­sée, codi­fiée et ana­ly­sée par un patho­lo­giste. Nous avons par ailleurs récem­ment déve­lop­pé une tech­no­lo­gie qui per­met de vir­tua­li­ser les biop­sies. Concrè­te­ment, à par­tir de don­nées cli­niques et sans avoir à réa­li­ser la biop­sie, il est désor­mais pos­sible d’avoir des indi­ca­teurs sur l’état du greffon. 

Toutes les briques de notre solu­tion logi­cielle ont été pen­sées pour être inter­opé­rables avec les sys­tèmes de soins en ville et à l’hôpital. Il est, en effet, essen­tiel que le méde­cin puisse accé­der faci­le­ment à ces infor­ma­tions et don­nées afin de suivre au mieux son patient. 

À l’heure actuelle, en France, nous menons une étude ran­do­mi­sée contrô­lée sur 507 patients répar­tis dans deux groupes. Le pre­mier groupe est com­po­sé de patients trans­plan­tés du rein qui ont été ran­do­mi­sés dans un groupe « stan­dard of care ». Le second groupe est sui­vi par un méde­cin aug­men­té par l’IA dans le cadre de sa prise de déci­sion cli­nique sur des aspects comme la per­ti­nence ou non de réa­li­ser une biop­sie au regard des para­mètres bio­lo­giques à dis­po­si­tion. Les pre­miers résul­tats obte­nus sont très posi­tifs et ont fait l’objet d’une publi­ca­tion lors un congrès euro­péen et américain. 

Vous avez aussi développé un biomarqueur numérique pour les essais cliniques. Qu’en est-il ? 

Nous avons déve­lop­pé un bio­mar­queur digi­tal qui est en fait, notre algo­rithme de réfé­rence, IBOX. Ce bio­mar­queur a été qua­li­fié par l’Agence Euro­péenne du Médi­ca­ment comme un bio­mar­queur de sub­sti­tu­tion. C’est une qua­li­fi­ca­tion extrê­me­ment rare, toute spé­cia­li­té médi­cale confon­due, et encore plus dans le domaine de la transplantation !

Aujourd’hui, les indus­triels peuvent uti­li­ser notre bio­mar­queur dans leurs études pros­pec­tives et rétros­pec­tives. Dans le domaine de la trans­plan­ta­tion, la durée des études varie entre sept et huit ans avec la mesure du décès du patient ou la perte du gref­fon. Grâce à notre bio­mar­queur, un an après la greffe, il est doré­na­vant pos­sible de pro­je­ter la sur­vie du gref­fon jusqu’à 10 ans et d’utiliser les don­nées obte­nues auprès des agences régle­men­taires pour obte­nir une mise sur le mar­ché pré­coce. La qua­li­fi­ca­tion du bio­mar­queur numé­rique est éga­le­ment en cours aux États-Unis auprès de la FDA. 

Pour l’industrie phar­ma­ceu­tique, la pos­si­bi­li­té d’utiliser notre bio­mar­queur repré­sente un gain finan­cier et de temps consi­dé­rable. Cela ouvre aus­si de nou­velles pers­pec­tives de déve­lop­pe­ment dans ce domaine thé­ra­peu­tique, notam­ment la pos­si­bi­li­té d’innover en matière d’immunosuppresseurs.

Pourquoi les algorithmes prédictifs ont-ils vocation à révolutionner le monde de la santé ? Dans ce cadre, comment vous projetez-vous ? 

Chez Predict4Health, nous sommes convain­cus que, dans les pro­chaines années, toutes les déci­sions d’ordre médi­cal seront sup­por­tées et aug­men­tées par des algo­rithmes d’intelligence arti­fi­cielle et de pré­dic­tion, dans un uni­vers médi­cal, où les méde­cins ont, au quo­ti­dien, accès à tou­jours plus de don­nées. Ces tech­no­lo­gies vont per­mettre d’analyser et d’exploiter ces impor­tants volumes afin d’affiner et d’améliorer la prise de déci­sion, qui res­te­ra néan­moins du res­sort du méde­cin. 

Notre ambi­tion est de faci­li­ter l’accès à ces outils dont les prin­ci­paux béné­fi­ciaires sont les patients. Pour ce faire, aujourd’hui, nous accé­lé­rons notre déploie­ment à l’international. Nous pré­pa­rons aus­si une levée de fonds de type série A pour finan­cer et mener de front l’ensemble de ces pro­jets ambi­tieux et à fort impact pour la san­té des patients transplantés. 

Poster un commentaire