Un investisseur à la croisée du monde de la biotech et du venture capital

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°793 Mars 2024
Par Jean-Marc LE DOUSSAL (X82)

Remo­ra Bio­tech est un Ven­ture Buil­der qui déve­loppe et finance des inno­va­tions thé­ra­peu­tiques au stade ear­ly-stage grâce à une approche inté­grée et entre­pre­neu­riale. Jean-Marc Le Dous­sal (X82), PhD, Fon­da­teur et CEO de Remo­ra Bio­tech, nous en dit plus.

Pouvez-vous nous présenter Remora Biotech ? 

Remo­ra Bio­tech est une socié­té d’investissement gérée par des entre­pre­neurs expé­ri­men­tés dans la bio­tech que j’ai lan­cée en 2011 à Lau­sanne (Suisse) et en 2023 en France avec mon asso­cié David Bechard. Aujourd’hui, Remo­ra se posi­tionne comme un Ven­ture Buil­der qui s’intéresse essen­tiel­le­ment à des inno­va­tions thé­ra­peu­tiques dans le domaine de l’immunothérapie. 

Au cours des der­nières années, le monde de la san­té s’est signi­fi­ca­ti­ve­ment seg­men­té et spé­cia­li­sé, ce qui demande une exper­tise scien­ti­fique poin­tue dont les fonds d’investissement géné­ra­listes ne dis­posent pas. En Europe, il existe bien sûr des fonds d’investissement spé­cia­li­sés en bio­tech, mais trop peu en ear­ly stage qui néces­site une orga­ni­sa­tion particulière. 

Pourquoi avez-vous choisi de vous positionner sur la phase de conception ou early stage ?

Si ces étapes ini­tiales de concep­tion d’un can­di­dat médi­ca­ment sont les plus créa­trices de valeur, elles sont aus­si plus dif­fi­ciles à maî­tri­ser par des acteurs pure­ment finan­ciers, car elles sont peu planifiables. 

Géné­ra­le­ment les centres de recherche aca­dé­mique déve­loppent des idées d’innovations thé­ra­peu­tiques qui sont ensuite reprises et déve­lop­pées par des entre­pre­neurs, finan­cés par des Ven­ture Capi­tal afin d’en faire la démons­tra­tion chez l’Homme.

Dans cette démarche, l’entrepreneur est très sou­vent iso­lé. Il doit mener de front plu­sieurs chan­tiers : construire et struc­tu­rer une équipe, trou­ver des finan­ce­ments, pour­suivre la recherche et le déve­lop­pe­ment indus­triel du pro­duit… Avec mon asso­cié, nous sommes nous-mêmes des serial entre­pre­neurs dans le domaine de la bio­tech et avons été confron­tés à cette com­plexi­té. Si le suc­cès est par­fois au ren­dez-vous, ce pro­ces­sus d’innovation « de novo » n’est satis­fai­sant ni pour les entre­pre­neurs ni pour les investisseurs.

“Nous avons conçu Remora Biotech comme une plateforme d’innovation dont la vocation est de professionnaliser ces étapes critiques. Notre modèle s’appuie ainsi sur une mutualisation des moyens et des compétences.”

À par­tir de ce constat, nous avons conçu Remo­ra Bio­tech comme une pla­te­forme d’innovation dont la voca­tion est de pro­fes­sion­na­li­ser ces étapes cri­tiques. Notre modèle s’appuie ain­si sur une mutua­li­sa­tion des moyens et des com­pé­tences qui s’articule autour de trois élé­ments clés : des équipes expertes (déve­lop­pe­ment phar­ma­ceu­tique, indus­tria­li­sa­tion, règle­men­ta­tion, pro­prié­té intel­lec­tuelle…) et struc­tu­rées ; des moyens avec deux labo­ra­toires basés à Nantes et à Mar­seille spé­cia­li­sés dans la recherche et déve­lop­pe­ment de can­di­dats-médi­ca­ments d’immunothérapie, et bien sûr le finan­ce­ment que nous assu­rons en fonds propres avec nos co-inves­tis­seurs et aide à l’innovation. Dans notre modèle, la dimen­sion humaine est clé. Si l’actif reste bien évi­dem­ment l’élément cri­tique, nous accor­dons beau­coup d’importance aux per­sonnes et aux com­pé­tences avec qui nous tra­vaillons et nouons des par­te­na­riats. Nous nous ins­cri­vons véri­ta­ble­ment dans une approche de co-desi­gn des thé­ra­pies avec les uni­ver­si­tés et les hôpitaux.

Depuis la créa­tion de la socié­té en 2011, nous avons créé et déve­lop­pé un por­te­feuille de 10 bio­techs (Remo­ra Ven­tures) en Suisse et en France.

Comment ce positionnement se traduit-il ?

Nous nous posi­tion­nons véri­ta­ble­ment comme des Ven­ture Buil­ders, qui conçoivent des nou­velles thé­ra­pies avec des scien­ti­fiques et des méde­cins cham­pions dans leur domaine, et créent les entre­prises (Remo­ra Ven­tures) dédiées à leur déve­lop­pe­ments. C’est un posi­tion­ne­ment à la croi­sée de la bio­tech et du Ven­ture Capital.

Pour réus­sir, nous inté­grons tous les maillons de la chaîne de valeur ear­ly stage. Nous finan­çons ain­si 100 % des pro­jets (entre 4 à 6 mil­lions d’euros par pro­jet en moyenne) jusqu’à leur preuve de concept pré­cli­nique„ étape à laquelle nous pou­vons ouvrir le capi­tal à des Ven­ture Capi­ta­lists ou à des indus­triels. Nous pri­vi­lé­gions d’ailleurs de nouer des par­te­na­riats avec les indus­triels avant même d’aller en essai cli­nique en nous se foca­li­sant sur des can­di­dats médi­ca­ments par­ti­cu­liè­re­ment attrac­tifs et per­ti­nents pour l’industrie pharma. 

À date, nous avons ven­du deux ven­tures ; nous en avons une autre qui est pro­fi­table ; et nous sommes en dis­cus­sions avan­cées de par­te­na­riats sur d’autres actifs. Nous ali­men­tons en per­ma­nence notre pipe­line avec d’autres pro­jets pour faire croître et renou­ve­ler notre por­te­feuille, dis­tri­buer des pro­duits de ces­sions à nos action­naires, et nous auto-finan­cer en partie. 

En quoi votre approche est-elle différenciante ?

En Europe, nous sommes par­mi les pion­niers de ce modèle émergent de Ven­ture Buil­der inté­gré. De plus, nous avons fait le choix de capi­ta­li­ser sur notre expé­rience du domaine de l’immunothérapie, qui connaît un momen­tum unique, depuis quelques années, et se pro­file comme une thé­ra­pie poten­tiel­le­ment défi­ni­tive du can­cer et de cer­taines mala­dies immu­no­lo­giques, notam­ment avec des tech­no­lo­gies comme l’ARN et les thé­ra­pies cel­lu­laires. C’est aus­si un des seg­ments les plus lucra­tifs pour les bio­tech ear­ly stage. À plus long terme, nous nous inté­res­sons aus­si à la thé­ra­pie du vieillissement.

“Notre business modèle limite aussi le risque pour l’investisseur en capitalisant sur des savoir-faire existants, dans une démarche plutôt incrémentale, et en proposant un portefeuille d’actifs diversifié à différents stades de développement. Notre objectif est de donner à l’investissement en biotech early stage un profil de risque typique des entreprises en croissance.”

Ce posi­tion­ne­ment nous per­met de pro­fes­sion­na­li­ser et de dé-ris­quer les inno­va­tions thé­ra­peu­tiques ear­ly stage afin de faci­li­ter leur acqui­si­tion par des indus­triels ou leur finan­ce­ment par des inves­tis­seurs plus généralistes. 

Notre busi­ness modèle limite aus­si le risque pour l’investisseur en capi­ta­li­sant sur des savoir-faire exis­tants, dans une démarche plu­tôt incré­men­tale, et en pro­po­sant un por­te­feuille d’actifs diver­si­fié à dif­fé­rents stades de déve­lop­pe­ment. Notre objec­tif est de don­ner à l’investissement en bio­tech ear­ly stage un pro­fil de risque typique des entre­prises en croissance. 

Et pour conclure ? 

Nous gérons aujourd’hui près de 100 mil­lions d’actifs. Nous ouvri­rons dans les pro­chains mois notre capi­tal à hau­teur de 25 mil­lions d’euros pour inves­tir dans la crois­sance de notre por­te­feuille de thé­ra­pies inno­vantes et atteindre ain­si une taille cri­tique qui nous per­met­tra, si les condi­tions sont favo­rables, de faire notre entrée en Bourse. 

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