InjectPower conçoit des implants médicaux

Ultra-compacts, ultra-fiables et ultra-performants : une révolution pour les implants médicaux

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°793 Mars 2024
Par Philippe ANDREUCCI

Inject­Po­wer a conçu et déve­loppe aujourd’hui des micro-bat­te­ries qui offrent de nou­velles pers­pec­tives pour le mar­ché des dis­po­si­tifs implan­tables. Plus petites, ultra-com­pactes et rechar­geables, elles sont aus­si plus fiables et plus per­for­mantes que les bat­te­ries actuel­le­ment dis­po­nibles sur le mar­ché. Phi­lippe Andreuc­ci, cofon­da­teur et CEO d’Inject­Po­wer, nous en dit plus.

Aujourd’hui, l’un des enjeux majeurs pour les dispositifs électroniques implantables est de réussir à réduire au maximum la taille de la batterie. Dites-nous en plus. 

Dès qu’il s’agit d’améliorer l’efficacité thé­ra­peu­tique des trai­te­ments, il y a prin­ci­pa­le­ment deux actions qui peuvent être enga­gées. Pre­miè­re­ment, col­lec­ter plus de don­nées repré­sen­ta­tives et cli­ni­que­ment exploi­tables afin d’optimiser le trai­te­ment. Et deuxiè­me­ment, agir loca­le­ment. Quelle que soit l’action envi­sa­gée, cela implique le recours à des com­po­sants, des sys­tèmes qui vont être implan­tés dans le corps pour récu­pé­rer cette don­née ou avoir une action locale. Pour ce faire, il faut éga­le­ment avoir accès à une source d’énergie pour que ces dis­po­si­tifs puissent fonc­tion­ner de manière continue. 

Aujourd’hui, l’espace occu­pé par les bat­te­ries dans un dis­po­si­tif médi­cal repré­sente plus de 80% du volume total. Par exemple, 90 % du volume d’un pace­ma­ker est occu­pé par la pile. Pour accé­lé­rer le déploie­ment de ces dis­po­si­tifs implan­tables qui ont voca­tion à chan­ger la vie des patients, l’enjeu stra­té­gique est donc de réduire consi­dé­ra­ble­ment leur taille tout en garan­tis­sant un apport suf­fi­sant en éner­gie pour assu­rer leur bon fonctionnement. 

Il s’agit donc de faire émer­ger une nou­velle classe de bat­te­ries rechar­geables, ultra-minia­tu­ri­sées cou­plée à une nou­velle géné­ra­tion de dis­po­si­tifs médi­caux pour mieux gué­rir les patients et appor­ter des solu­tions très concrètes à des pro­blé­ma­tiques aujourd’hui incurables.

Au cœur de votre positionnement, on retrouve donc cet enjeu de santé publique auquel vous apportez une réponse grâce à vos micro-batteries. Qu’en est-il ? 

Inject­Po­wer conçoit et déve­loppe des micro-bat­te­ries ultra-minia­tu­ri­sées à très haute den­si­té éner­gé­tique. Nous avons, en effet, créé les plus petites bat­te­ries du monde avec les plus fortes den­si­tés d’énergie au regard de la taille consi­dé­rée. Ce sont aus­si des micro-bat­te­ries ultra-com­pactes, rechar­geables et qui ont une très longue durée de vie grâce à un choix de com­po­sants très robustes, fiables et performants. 

Avec ces micro-bat­te­ries, il est pos­sible d’alimenter de minus­cules cap­teurs qui vont moni­to­rer un cer­tain nombre de para­mètres phy­sio­lo­giques dans le corps humain, comme la pres­sion, pour laquelle nous avons déve­lop­pé deux appli­ca­tions : une micro-bat­te­rie pour ali­men­ter un cap­teur de pres­sion des­ti­née à mesu­rer en conti­nu la pres­sion intrao­cu­laire et intracrânienne. 

Nos micro-bat­te­ries vont per­mettre d’alimenter un cap­teur qui va mesu­rer et suivre de manière très pré­cise la pres­sion intrao­cu­laire, qui est un cri­tère clé pour suivre l’évolution du glau­come et endi­guer sa pro­gres­sion. En effet, aujourd’hui, le glau­come touche près de 80 mil­lions de per­sonnes dans le monde, dont plus d’un tiers ne sont pas sta­bi­li­sés et ont un glau­come évo­lu­tif. La dif­fi­cul­té pour obte­nir des mesures pré­cises et repré­sen­ta­tive de la pres­sion au plus près du nerf optique rend dif­fi­cile la capa­ci­té à endi­guer la pro­gres­sion de la mala­die. En effet, cette pres­sion non maî­tri­sée, au fil du temps, détruit les cel­lules du nerf optique ce qui finit par rendre aveugle le patient. Notre solu­tion a la capa­ci­té de chan­ger la vie de ces patients afin de trai­ter au moment adé­quat et avec le trai­te­ment le plus adap­té leur glaucome. 

En paral­lèle, un cap­teur équi­valent avec nos bat­te­ries a été déve­lop­pé pour la mesure de la pres­sion dans le cer­veau afin de trai­ter l’hydrocéphalie, qui se mani­feste par un excès de liquide cépha­lo-rachi­dien qui, in fine, écrase le cer­veau et l’endommage. Cette mala­die touche un enfant sur 600 à la nais­sance. Les adultes y sont aus­si expo­sés, notam­ment suite à un acci­dent du type AVC ou d’un trau­ma­tisme crâ­nien. Actuel­le­ment, ce sur­plus de liquide est drai­né, mais sans réel­le­ment en mesu­rer l’impact quan­ta­ti­ve­ment. Grâce à un cap­teur de pres­sion ali­men­té par notre micro-bat­te­rie, il va être pos­sible de moni­to­rer l’évolution de la mala­die, de faire de la main­te­nance pré­ven­tive au niveau des sys­tèmes de drai­nage, mais aus­si de pré­ve­nir les bou­chons et réagir très vite, le cas échéant. 

Avec ces cap­teurs ali­men­tés par nos micro-bat­te­ries, nous appor­tons un confort de vie cer­tain aux patients, un ajus­te­ment effi­cace et réac­tif de leur trai­te­ment et une véri­table sécu­ri­té grâce au sui­vi conti­nu de la pression. 

En plus de ces deux pre­mières appli­ca­tions, nous minia­tu­ri­sons aus­si des bat­te­ries des­ti­nées demain au sui­vi du rythme car­diaque et à la neu­ro­sti­mu­la­tion. Nous aurons aus­si des solu­tions des­ti­nées à ali­men­ter des sys­tèmes d’injection loca­li­sée de médicaments. 

Sur ce marché très spécifique, quelles sont les spécificités techniques de vos micro-batteries ?

Dans le monde de la bat­te­rie pour des appli­ca­tions médi­cales, on retrouve essen­tiel­le­ment des tech­no­lo­gies à élec­tro­lytes dits liquides. Cette tech­no­lo­gie a deux écueils majeurs : la fuite poten­tielle du liquide dans le corps humain qui est dra­ma­tique, car il s’agit d’un pro­duit hau­te­ment toxique. Au-delà, en pré­sence d’eau ou d’oxygène, ces bat­te­ries peuvent s’auto-échauffer, s’enflammer et exploser. 

Chez Inject­Po­wer, nous avons opté pour des bat­te­ries tout solide ce qui per­met d’avoir des sys­tèmes plus inté­grés, plus com­pacts et, in fine, plus sécu­ri­sés. Par exemple, si notre bat­te­rie est en contact avec de l’eau, elle ne va plus fonc­tion­ner, mais ne s’enflammera pas et n’explosera pas ! 

Les maté­riaux solides apportent éga­le­ment un gain plus impor­tant en termes de fia­bi­li­té. Une de nos prin­ci­pales inno­va­tions réside dans le fait que nous sommes en mesure de com­bi­ner une haute qua­li­té et per­for­mance, ain­si qu’une den­si­té d’énergie très importante.

Visuel­le­ment, nos bat­te­ries font, en effet, moins d’un quart de la taille d’un grain de riz et sont aus­si fines qu’un che­veu avec des den­si­tés d’énergie 5 à 10 fois supé­rieures à la moyenne. Au-delà, nos micro-bat­te­ries sont aus­si rechar­geables (plu­sieurs mil­liers de cycles de charges et de décharges) et peuvent durer jusqu’à une décen­nie, voire plus. Pour la recharge, nous pro­po­sons une solu­tion de recharge par induc­tion et donc sans fil. 

L’innovation et la R&D sont plus que jamais au cœur de votre ADN. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

Inject­Po­wer a vu le jour en 2020. Elle capi­ta­lise sur plus de 20 ans de déve­lop­pe­ment au CEA-Leti de Gre­noble. Nous avons accès à plus d’une qua­ran­taine de familles de bre­vets et des savoir-faire secrets que nous exploi­tons de manière exclu­sive à une échelle mon­diale pour déve­lop­per des appli­ca­tions médicales. 

Nous tra­vaillons tou­jours avec le CEA-Leti sur notre feuille de route R&D et le trans­fert indus­triel de ces tra­vaux de recherche. En paral­lèle, nous béné­fi­cions de l’accompagnement et du conseil d’une équipe d’experts, dont cer­tains ont contri­bué aux déve­lop­pe­ments qui ont per­mis à Inject­Po­wer de voir le jour ! 

Quels sont vos axes de développement ? 

Notre tech­no­lo­gie a un niveau de matu­ri­té de niveau TRL 6. Nous maî­tri­sons ain­si le pro­ces­sus de fabri­ca­tion de nos bat­te­ries et nous sommes en mesure de tes­ter leur effi­ca­ci­té et leur per­for­mance, mais aus­si de les carac­té­ri­ser. La pro­chaine étape est de mon­ter en cadence, de sor­tir de la phase de R&D et d’industrialiser la production.

Les solu­tions de mesure de pres­sion intrao­cu­laire et intra­crâ­nienne de notre client amé­ri­cain Inject­sense qui uti­lisent nos bat­te­ries sont sou­te­nues par des lea­ders de la Med­Tech aux Etats-Unis. Nous met­tons à leur dis­po­si­tion les micro-bat­te­ries pour équi­per leurs cap­teurs et garan­tir leur ali­men­ta­tion en énergie. 

Dans cette démarche, nous devons pro­duire nous-mêmes nos micro-bat­te­ries et ne pas sous-trai­ter le volet indus­triel. Ce choix fort vise à garan­tir notre sou­ve­rai­ne­té et notre indé­pen­dance. À par­tir de là, nous devons donc nous doter de notre propre outil indus­triel, essen­tiel­le­ment des salles blanches de la micro-élec­tro­nique, ce qui nous per­met­tra de cou­vrir et de sécu­ri­ser tous les maillons de la chaîne de pro­duc­tion. D’ailleurs, nous avons d’ores et déjà iden­ti­fié un ter­rain dans la région gre­no­bloise pour implan­ter notre uni­té de production. 

Nous avons aus­si un par­te­na­riat avec le groupe IDEC Haute Tech­no­lo­gie qui va construire l’usine et por­ter une par­tie du finan­ce­ment néces­saire. Nous visons un dépôt de per­mis de construc­tion cou­rant du pre­mier tri­mestre 2024 pour débu­ter les tra­vaux à l’automne pro­chain avec pour objec­tif final de démar­rer la pro­duc­tion d’ici la mi-2026. 

Le pro­jet néces­site un finan­ce­ment glo­bal d’une cin­quan­taine de mil­lions d’euros. Nous venons ain­si de lan­cer une levée de fonds de 15 à 20 mil­lions d’euros et comp­tons éga­le­ment sur les aides publiques fran­çaises et euro­péennes. En paral­lèle, nous avons éga­le­ment signé un cer­tain nombre de pre­miers contrats pour accom­pa­gner la phase d’industrialisation des micro-bat­te­ries jusqu’à la production. 

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