Paris Campus

PariSanté Campus imagine et construit aujourd’hui les systèmes de santé de demain

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°793 Mars 2024
Par Antoine TESNIÈRE

Le Pro­fes­seur Antoine Tes­nière, Direc­teur géné­ral de Pari­San­té Cam­pus, revient pour nous sur la créa­tion de Pari­San­té Cam­pus dont l’ambition pre­mière est de fédé­rer l’ensemble des acteurs du numé­rique en san­té afin d’accélérer son déve­lop­pe­ment en France et de posi­tion­ner le pays comme un acteur incon­tour­nable de ces sujets aus­si bien en Europe que dans le monde. Entretien.

PariSanté Campus est une initiative fédératrice autour du numérique en santé. Pouvez-vous nous rappeler le contexte autour de sa création et ses principales missions ? 

La mis­sion et l’ambition de Pari­San­té Cam­pus sont de contri­buer à l’accélération de l’innovation en san­té, et en par­ti­cu­lier du numé­rique, en ras­sem­blant sur un même site les acteurs qui ont besoin et qui ont inté­rêt à tra­vailler ensemble. Dans la conti­nui­té de la crise Covid, Pari­San­té Cam­pus per­met éga­le­ment de répondre à la volon­té de cas­ser des silos et de décloi­son­ner un cer­tain nombre de sys­tèmes dans le monde de la san­té afin de faci­li­ter les syner­gies, les inter­ac­tions et les col­la­bo­ra­tions entre la sphère publique et pri­vée, qui jusque-là tra­vaillaient essen­tiel­le­ment cha­cune de leur côté. 

En paral­lèle, il s’agit aujourd’hui de se don­ner les moyens de nous posi­tion­ner comme un lea­der du numé­rique en san­té, un domaine for­te­ment régu­lé où l’État a un rôle clé à jouer pour accom­pa­gner cette dyna­mique et démon­trer que le numé­rique est une réponse concrète, pra­tique et per­ti­nente pour rele­ver les défis actuels du sys­tème de santé. 

Au-delà, on retrouve aus­si la volon­té des cinq membres fon­da­teurs (l’Inserm pour la recherche en san­té, INRIA pour la recherche en numé­rique, l’université PSL qui pro­pose de nom­breux pro­grammes de for­ma­tion sur le numé­rique en san­té, ain­si que le Heal­th­Da­ta Hub et l’Agence du Numé­rique en San­té) de mettre en com­muns leurs exper­tises com­plé­men­taires au ser­vice d’un éco­sys­tème com­po­sé d’une part, des acteurs publics de la recherche et de la for­ma­tion, avec notam­ment les plus grandes ins­ti­tu­tions en la matière, et, d’autre part, des start-up et des grandes entre­prises. L’objectif est de déve­lop­per le numé­rique en san­té avec un focus sur quatre grands axes stratégiques : 

  • la don­née, sans laquelle il ne sera pas pos­sible de déve­lop­per le numé­rique en san­té : l’enjeu est de sécu­ri­ser son sto­ckage, son par­tage, sa pro­duc­tion et son exploi­ta­tion dans le res­pect des règles éthiques et au ser­vice du déploie­ment du numé­rique en santé ;
  • les com­pé­tences : favo­ri­ser l’émergence de for­ma­tions d’excellence autour des métiers du numé­rique en san­té pour créer des viviers d’expertises et de talents, struc­tu­rer et coor­don­ner une filière sur le plan national ; 
  • la créa­tion de valeur scien­ti­fique, éco­no­mique et indus­trielle aus­si bien au niveau des ins­ti­tu­tions de recherche que des entre­prises sans perdre de vue l’objectif final visant à favo­ri­ser l’émergence de cham­pions français ; 
  • l’accompagnement de l’impact du numé­rique en san­té sur la socié­té en s’assurant que les patients en sont bien le pre­mier bénéficiaire. 

Notre éco­sys­tème, au cours des deux der­nières années, s’est for­te­ment diver­si­fié. Une cen­taine de start-up ont inté­gré Pari­San­té Cam­pus. Notre dyna­mique est accom­pa­gnée et sou­te­nue par quatre grandes entre­prises : Doc­to­lib, la MGEN, qui fait par­tie du groupe d’assurance VYV, les labo­ra­toires Ser­vier et Jans­sen. On retrouve aus­si quatre ins­ti­tuts de recherche et un labo­ra­toire com­mun entre l’Inserm et INRIA. De nom­breuses ins­ti­tu­tions de san­té sont aus­si repré­sen­tées : la CNIL, la CNAM, la HAS, l’ANSM… Au glo­bal, ce sont plus de 1600 acteurs de 150 entre­prises et orga­ni­sa­tions qui inter­agissent au quo­ti­dien au sein de Pari­San­té Campus. 

Enfin, le pro­gramme Pari­San­té Cam­pus avait été annon­cé par le Pré­sident le 4 décembre 2020. Le pre­mier site a été inau­gu­ré le 14 décembre 2021, un an seule­ment après l’annonce du pro­gramme. En paral­lèle, le pro­gramme de réha­bi­li­ta­tion de l’ancien l’Hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce, un bâti­ment emblé­ma­tique de l’héritage médi­cal fran­çais per­met­tra d’y ins­tal­ler toutes les acti­vi­tés sur une sur­face 3 fois plus grande et au cœur de Paris.

Alors que le secteur de la santé a lancé sa digitalisation depuis déjà plusieurs années, où en sommes-nous concrètement ? 

Le constat est très encou­ra­geant. Il y a eu des grandes avan­cées qui ont été gui­dées par la volon­té d’amener à matu­ri­té les grands acteurs du numé­rique. On peut notam­ment citer toutes les actions por­tées par « Ma san­té 2022 », avec notam­ment la mise en place de la délé­ga­tion du numé­rique en san­té, la créa­tion du Heal­th­Da­ta Hub et de l’Agence du Numé­rique en San­té… Cela s’est aus­si tra­duit par des pro­grammes de finan­ce­ment, des pro­grammes stra­té­giques, de struc­tu­ra­tion des acteurs du numé­rique en santé… 

Avec la pan­dé­mie, il y a aus­si eu un effet d’accélération de cette dyna­mique. S’il n’y a pas eu une rela­tive matu­ri­té à ce moment-là, avec notam­ment des acteurs publics et pri­vés en plein déve­lop­pe­ment sur des sujets comme la télé­mé­de­cine, nous aurions pu être confron­tés à de plus grandes difficultés. 

Aujourd’hui, il est néces­saire de pour­suivre cette trans­for­ma­tion alors que nou­veaux enjeux émergent : l’interopérabilité des sys­tèmes, la cyber­sé­cu­ri­té, les ques­tions d’ordre éthique et rela­tives à la confiance des patients et des citoyens… Il est néces­saire de sou­te­nir cette crois­sance et de mon­trer que le numé­rique en san­té est une solu­tion concrète, effi­ciente et per­ti­nente pour répondre aux enjeux quo­ti­diens du sys­tème de san­té, et non pas une fina­li­té visant à accom­pa­gner la trans­for­ma­tion de notre san­té. En effet, les solu­tions de ges­tion des ser­vices des hôpi­taux sont aus­si des outils qui per­mettent de gagner du temps et d’améliorer l’organisation notam­ment quand il y a un manque de per­son­nel. Quant aux solu­tions de diag­nos­tic, elles per­mettent non seule­ment d’améliorer le diag­nos­tic, mais aus­si d’optimiser le par­tage d’information dans le par­cours de soins et de faire gagner du temps au patient, notam­ment au niveau de sa prise en charge. Tous ces outils, qui per­mettent d’optimiser l’accès à l’information ou à des pro­fes­sion­nels de san­té, apportent une solu­tion concrète à des pro­blé­ma­tiques majeures d’accès aux soins ou à la lutte contre des déserts médi­caux. Ces briques indis­pen­sables qui ont voca­tion à cou­vrir tous les maillons de la chaîne de valeur du sys­tème de san­té faci­litent le tra­vail des pro­fes­sion­nels de san­té, l’accès et le par­tage d’informations aux pro­fes­sion­nels et aux patients ; sim­pli­fient cer­taines pro­cé­dures ; fia­bi­lisent des diag­nos­tics ; per­son­na­lisent des prises en charge… Au-delà, l’arrivée de l’IA et des algo­rithmes va rendre ces solu­tions numé­riques encore plus effi­cientes et per­for­mantes, tou­jours au ser­vice du sys­tème de san­té, des pro­fes­sion­nels et des patients.

Quels sont les freins qui persistent ? Qu’en est-il des efforts qu’il faut encore fournir ? 

Alors qu’il y a tou­jours plus d’outils et de solu­tions numé­riques qui émergent, il est essen­tiel de les appré­hen­der et de les déployer sans perdre de vue les sujets d’interopérabilité, de sécu­ri­té, d’éthique et de confiance. La décli­nai­son des usages, leur éva­lua­tion et la régle­men­ta­tion doivent être en mesure de suivre cette effer­ves­cence et ce rythme sou­te­nu d’innovation. L’enjeu est d’intégrer toutes ces inno­va­tions au bon endroit afin de capi­ta­li­ser sur leur poten­tiel et les réponses qu’elles doivent appor­ter. Côté labo­ra­toires de recherche, cela doit per­mettre d’accélérer l’obtention de résul­tats et, côté entre­prise, il s’agit plu­tôt d’accélérer l’évaluation des outils et leur mise sur le marché.

En paral­lèle, il per­siste un frein régle­men­taire, alors qu’en France, les pro­ces­sus d’évaluation, de com­mer­cia­li­sa­tion, d’accès au mar­ché ou de rem­bour­se­ment res­tent rela­ti­ve­ment longs. Il est aus­si impé­ra­tif de faire émer­ger des modèles éco­no­miques sta­bi­li­sés dans le déve­lop­pe­ment du numé­rique en san­té et de ces nou­veaux pro­duits. Il nous faut accom­pa­gner les entre­pre­neurs dans une logique de mar­ché fran­çais et euro­péen ce qui néces­site une cer­taine coor­di­na­tion entre les États membres de l’Union euro­péenne. Cela implique aus­si de réflé­chir à un cadre de déve­lop­pe­ment attrac­tif pour les entre­prises fran­çaises, euro­péennes, mais aus­si visant à inci­ter tous les por­teurs de pro­jets à consi­dé­rer la France comme une alter­na­tive pour déve­lop­per leur innovation.

Quel est l’état d’avancement de ce projet fédérateur ? Quelles sont les prochaines étapes ?

À ma prise de fonc­tion, je m’étais fixé trois grands jalons. Pre­miè­re­ment, faire exis­ter cet éco­sys­tème. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde pour dire que cela est chose faite. Notre cible ini­tiale était de 14 000 m2. À date, nous avons dépas­sé 20 000 m2. Sur la pre­mière année, nous avons orga­ni­sé plus de 200 évé­ne­ments. La seconde année, nous en avons eu 230 seule­ment sur les six pre­miers mois.

Mon deuxième objec­tif est de faire gran­dir cette ini­tia­tive. Il est évident que Pari­San­té Cam­pus s’est enga­gé dans une dyna­mique de crois­sance très forte. À terme, à l’Hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce, nous aurons plus de 70 000 m². Mais l’idée n’est pas seule­ment de faire gran­dir Pari­San­té Cam­pus, mais aus­si et sur­tout de faire gran­dir ses acteurs : accom­pa­gner les labo­ra­toires dans leurs décou­vertes et le finan­ce­ment de leurs tra­vaux de recherche, boos­ter la crois­sance des entre­prises et les aider à lever des fonds, les aider à lan­cer leurs nou­veaux pro­duits… Si la période est assez com­plexe sur un plan éco­no­mique, les résul­tats sont plu­tôt satis­fai­sants. Plu­sieurs de nos start-up ont levé des fonds, ont été rache­tées par des indus­triels ou ont signé des contrats avec des acteurs du sys­tème de san­té. Cette réa­li­té apporte, d’ailleurs, du cré­dit et de la légi­ti­mi­té à l’écosystème de Paris San­té Campus.

Enfin, mon troi­sième enjeu est de faire rayon­ner cet éco­sys­tème à l’international et de pro­mou­voir sa capa­ci­té à créer de la valeur aus­si bien pour le monde de la recherche et de l’innovation, qu’en matière d’entrepreneuriat. Nous nous sommes dotés d’une stra­té­gie qui nous per­met aujourd’hui d’être plus visibles en Europe, mais aus­si en Amé­rique du Nord, en Asie et Afrique.

Au-delà, nous fai­sons éga­le­ment le lien avec tous les grands pro­grammes d’innovation dans la san­té : France 2030, la feuille de route du numé­rique en san­té qui a été mise en place par la délé­ga­tion inter­mi­nis­té­rielle du numé­rique en san­té, les PEPR (Pro­gramme et Équi­pe­ment Prio­ri­taire de Recherche) du Minis­tère de l’Enseignement Supé­rieur et de la Recherche… Nous évo­luons dans un uni­vers très dyna­mique et inté­res­sant et avons la volon­té forte de contri­buer à ani­mer cet éco­sys­tème qui dépasse les murs de Pari­San­té Cam­pus et qui s’étend à une échelle nationale.

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Quels sont les projets qui vont vous mobiliser en 2024 ?

Nous en avons de très nom­breux ! Dans le domaine de la recherche, plu­sieurs pro­grammes majeurs ont été lan­cés, avec le PEPR San­té Numé­rique, pilo­té par INSERM et INRIA, ou le pro­gramme Medit­win, por­té par Das­sault Sys­temes et INRIA. Coté entre­pre­neu­riat, nous avons lan­cé un pro­gramme d’accélération de star­tups avec BPI­France autour de la pré­ven­tion en san­té. Nous avons évi­dem­ment de tres nom­breux pro­grammes autour du déve­lop­pe­ment de l’IA, cen­trale dans notre éco­sys­teme. Le numé­rique est pour nous un outil de trans­for­ma­tion, au ser­vice des évo­lu­tions de notre sys­tème de santé.

En paral­lèle, nous conti­nuons bien sur à accom­pa­gner les grands sujets du numé­rique en san­té : le déve­lop­pe­ment des outils, les entre­pôts de don­nées, les algo­rithmes… tou­jours au regard des enjeux asso­ciés à cette démarche : l’interopérabilité, la sécu­ri­té, l’éthique, la confiance et la concer­ta­tion citoyenne.

Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs ?

Plu­sieurs réflexions qui me semblent impor­tantes. Tout d’abord, le numé­rique nous donne accès à une accé­lé­ra­tion inédite de l’innovation. C’est a la fois pas­sion­nant, et nous per­met d’envisager la mise a dis­po­si­tion de nou­velles solu­tions pour la san­té et pour nos patients, mais cela met aus­si une pres­sion sur les chaines d’innovation, d’evaluation et de regle­men­ta­tion. Cela néces­site d’agréger des com­pé­tences com­plé­men­taires, et de pen­ser des flux de trans­for­ma­tion d’innovation en usgae pour garan­tir que nos patients en soient in fine bene­fi­ciaires. Ensuite, l’apparition du numé­rique en san­té ouvre un domaine en pleine effer­ves­cence et extrê­me­ment pas­sion­nant, car il a cette capa­ci­té inédite à faire inter­agir des acteurs qui tra­di­tion­nel­le­ment ne tra­vaillaient pas ensemble. Aujourd’hui, les cher­cheurs, les méde­cins et les soi­gnants col­la­borent au quo­ti­dien avec les entre­pre­neurs et les indus­triels, mais aus­si les ingé­nieurs ou encore les data scien­tists. Ce domaine a aus­si voca­tion à répondre à des attentes socié­tales fortes en matière de sys­tème de san­té. Il est aujourd’hui évident que le numé­rique est une par­tie de la solu­tion à de nom­breux enjeux et un vec­teur signi­fi­ca­tif d’amélioration de plu­sieurs paramètres.

Au-delà, c’est aus­si un sec­teur qui est por­teur de nom­breuses oppor­tu­ni­tés notam­ment pour des entre­pre­neurs et des cher­cheurs qui s’intéressent au monde de la san­té et à ses pro­blé­ma­tiques : tran­si­tion vers un sys­tème de pré­ven­tion, finan­ce­ment, qua­li­té, fia­bi­li­té, réglementation…

C’est tout l’enjeu aujourd’hui des éco­sys­temes d’innovation comme Pari­San­té Cam­pus : Ras­sem­bler les acteurs, croi­ser les com­pé­tences, accé­le­rer les syner­gies, et faci­li­ter le deve­lop­pe­ment d’innovations pour trans­for­mer de facon sys­te­mique la san­té. Dans cet objec­tif, nous avons besoin de tous, pour ima­gi­ner et créer la san­té de demain. 

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