Un médecin « expert » pour un avis spécialisé ou un second avis à portée de main !

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°793 Mars 2024
Par Pauline d'ORGEVAL

Alors que depuis plu­sieurs années, on entend régu­liè­re­ment par­ler d’engorgement des hôpi­taux, de délais de plu­sieurs mois pour obte­nir une consul­ta­tion avec un spé­cia­liste et de déserts médi­caux, deuxiemeavis.fr per­met aux patients d’avoir accès faci­le­ment et en un temps record à des méde­cins réfé­rents dans leur domaine en moins de sept jours. Expli­ca­tions de Pau­line d’Orgeval, cofon­da­trice et pré­si­dente de deuxiemeavis.fr.

Pourquoi avez-vous créé deuxiemeavis.fr ?

La genèse de la socié­té s’inscrit dans nos his­toires per­son­nelles avec Cathe­rine Franc, mon asso­ciée. En ce qui me concerne, mon fils Aurian était sui­vi pour une sco­liose depuis plu­sieurs années. Lors d’une visite de contrôle, son méde­cin a alors évo­qué la néces­si­té de pré­voir une inter­ven­tion chi­rur­gi­cale et nous a aus­si conseillé de prendre un second avis, car l’opération était ris­quée et qu’il avait éga­le­ment besoin de s’assurer de notre adhé­sion. Si nous avons par­ti­cu­liè­re­ment appré­cié la démarche et la trans­pa­rence du méde­cin, il a été beau­coup plus com­plexe et fas­ti­dieux d’obtenir ce pré­cieux second avis. Nous avons, en effet, eu beau­coup de mal à iden­ti­fier une autre équipe spé­cia­li­sée dans la sco­liose infan­tile, puis à obte­nir un ren­dez-vous dans un délai rai­son­nable, et ensuite à récu­pé­rer le dos­sier médi­cal… L’avis a fina­le­ment été ren­du 4 mois plus tard et sur dos­sier, car notre fils qui est autiste, a fait une crise d’angoisse le jour J et n’a jamais été en consultation. 

Cette expé­rience a été une révé­la­tion : il est pos­sible d’obtenir un avis médi­cal sérieux sur dos­sier et sans se dépla­cer. Avec Cathe­rine, nous avons donc créé la socié­té pour sim­pli­fier et flui­di­fier l’accès à ces méde­cins très spé­cia­li­sés, car si la méde­cine est aujourd’hui plus poin­tue et plus per­for­mante, ces « pontes » sont inéga­le­ment répar­tis sur le ter­ri­toire. Or, pour des diag­nos­tics com­plexes (endo­mé­triose, épi­lep­sie…) et des déci­sions cri­tiques impli­quant notam­ment une inter­ven­tion chi­rur­gi­cale, il est sou­vent indis­pen­sable de pou­voir sol­li­ci­ter l’avis d’un méde­cin très poin­tu dans son domaine afin de déter­mi­ner la tech­nique chi­rur­gi­cale ou le trai­te­ment le plus adap­té et de maxi­mi­ser ain­si les chances de gué­ri­son du patient. 

Concrètement, que propose deuxiemeavis.fr ?

Nous avons créé deuxiemeavis.fr en 2016 après avoir obte­nu l’autorisation de la CNI et avons été conven­tion­nées avec l’Agence Régio­nale de San­té d’Ile-de-France. Nous étions, en effet, pion­nier dans la télé­mé­de­cine. Aujourd’hui, les démarches sont plus simples et l’autorisation de la CNIL a, par exemple, été rem­pla­cée par une simple déclaration. 

Notre rôle est de flui­di­fier et de sim­pli­fier le par­cours d’accès à la méde­cine spé­cia­li­sée, à une exper­tise poin­tue et, in fine, à un avis médi­cal d’expert sur dos­sier. Depuis le départ, notre sou­hait était d’imaginer un modèle médi­co-éco­no­mique qui per­met­tait de faire per­du­rer le sys­tème social fran­çais d’accès à la san­té pour tous. Pour ce faire, nous avons mis en place un sys­tème de finan­ce­ment et de déve­lop­pe­ment ori­gi­nal avec des par­te­naires du monde mutua­liste et assu­ran­tiel san­té. Mala­koff Huma­nis a été le pre­mier par­te­naire à nous suivre. Depuis, nous avons réus­si ce pari, car nous avons plus de 80 par­te­naires grâce à qui plus de 30 mil­lions de patients ont accès gra­cieu­se­ment et sans avance de frais au ser­vice deuxiemeavis.fr via leur contrat san­té et prévoyance. 

Logi­que­ment, deuxiemeavis.fr est une socié­té à mis­sion et s’est fixé 4 enga­ge­ments forts : per­mettre aux patients d’être asso­ciés aux déci­sions de soins qui les concernent dans le cadre d’une déci­sion par­ta­gée avec leurs méde­cins ; par­ti­ci­per à l’amélioration de la qua­li­té des soins en ren­dant les patients acteurs de leur san­té ; réduire les inéga­li­tés sociales et ter­ri­to­riales d’accès à l’expertise avec un focus sur les popu­la­tions pré­caires ou en situa­tion de han­di­cap ; et fédé­rer l’écosystème des acteurs de la san­té pour co-construire un sys­tème de san­té plus juste et plus efficient.

Combien d’aires thérapeutiques couvrez-vous ?

Aujourd’hui, nous cou­vrons 750 patho­lo­gies et plus de 350 méde­cins experts rendent des avis régu­liè­re­ment. L’usage s’accélère for­te­ment (+ de 70 % de crois­sance en 2023) et plus de 12 000 avis ont été ren­dus sur les deux der­nières années. Le délai moyen des avis ren­dus est de 5 jours alors que les délais pour une consul­ta­tion phy­sique avec ces mêmes méde­cins sont de plu­sieurs mois ! Ce phé­no­mène s’explique sim­ple­ment par le faire que ces avis ren­dus sur la base d’un dos­sier com­plet peuvent être ren­dus en dehors des horaires des consul­ta­tions. Par ailleurs, ces méde­cins experts ont deux exi­gences : ils ne sou­haitent pas de visio (sur des patho­lo­gies com­plexes, c’est l’analyse du dos­sier médi­cal qui est impor­tant) et les dos­siers trans­fé­rés via la pla­te­forme sécu­ri­sée de deuxiemeavis.fr doivent être com­plets alors que 30 % des consul­ta­tions phy­siques sont inef­fi­cientes, car il manque des exa­mens médi­caux indis­pen­sables pour un diag­nos­tic ou une prise en charge sérieuse. 

Pour cha­cune des 350 patho­lo­gies cou­vertes, nous avons réper­to­rié des méde­cins réfé­rents dans leur domaine. Fort de notre image rigou­reuse, sérieuse et enga­gée, les méde­cins que nous sol­li­ci­tons répondent en majo­ri­té posi­ti­ve­ment à notre demande.

Les trois domaines thé­ra­peu­tiques dans les­quels nous avons le plus de demandes d’avis sont l’orthopédie, la gyné­co­lo­gie (endo­mé­triose, infer­ti­li­té, syn­drome des ovaires poly­kys­tiques…) et la can­cé­ro­lo­gie. En ortho­pé­die, les ques­tions se posent sou­vent sur la néces­si­té ou non d’une inter­ven­tion chi­rur­gi­cale et de la tech­nique uti­li­sée. Pour l’endométriose, nous inter­ve­nons à la fois sur le diag­nos­tic grâce à des radio­logues spé­cia­li­sés en endo­mé­triose qui inter­prètent les IRM pel­viennes et per­mettent de faire un diag­nos­tic en moins de 7 jours (alors qu’actuellement l’errance diag­nos­tique est de 7 ans en moyenne), mais aus­si sur la prise en charge par des gyné­co­logues spé­cia­li­sés. Les méde­cins géné­ra­listes, mais aus­si les gyné­co­logues et les sages-femmes recom­mandent de plus en plus deuxiemeavis.fr à leurs patientes. 

Enfin, en can­cé­ro­lo­gie, les avis per­mettent aux patients de s’assurer que la prise en charge pro­po­sée est la plus adap­tée pour eux. Il s’agit là d’apporter une forme de réas­su­rance et des expli­ca­tions per­son­na­li­sées, car l’avis en can­cé­ro­lo­gie est déjà un avis col­lé­gial avec des réunions de concer­ta­tion plu­ri­dis­ci­pli­naire (RCP) mises en place dans le cadre du plan can­cer 2003–2008. Nous avons ouvert les demandes d’avis en psy­chia­trie il y a un an, fai­sant suite à un pilote mon­trant l’utilité du ser­vice pour les patients et les médecins. 

Les avis sont don­nés par écrit et sont trans­mis et par­ta­gés sys­té­ma­ti­que­ment avec l’équipe médi­cale des patients. deuxiemeavis.fr per­met aux patients de prendre part aux déci­sions médi­cales impor­tantes. C’est une approche com­plé­men­taire aux équipes médi­cales ou aux RCP qui réunissent essen­tiel­le­ment les méde­cins et où le patient n’est pas for­cé­ment impliqué. 

Un de nos objec­tifs est de per­mettre aux patients d’être au cœur de la démarche et du pro­ces­sus de décision.

C’est la rai­son pour laquelle, il était pri­mor­dial de per­mettre un recours gra­tuit et sans avance de frais à deuxiemeavis.fr grâce à nos par­te­naires du monde assu­ran­tiel, san­té et prévoyance.

Quel est le profil de vos médecins référencés ?

Notre conseil scien­ti­fique a défi­ni des cri­tères rigou­reux et trans­pa­rents pour le réfé­ren­ce­ment des méde­cins. On retrouve notam­ment l’excellence aca­dé­mique. Ce sont géné­ra­le­ment des méde­cins qui publient dans des revues scien­ti­fiques, qui par­ti­cipent à des socié­tés savantes ou qui enseignent, mais ils ont aus­si des consul­ta­tions dédiées sur leur domaine d’expertise et sont en exer­cice. Enfin, ils font par­tie des centres de réfé­rence ou de com­pé­tence notam­ment défi­nis par les auto­ri­tés scien­ti­fiques, comme ceux exis­tants pour les can­cers rares ou les filières de mala­dies rares. 

Au-delà, vous participez aussi à des projets de recherche. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette dimension ?

Sur de nom­breuses patho­lo­gies, nous dis­po­sons aujourd’hui de data­sets de vie réelle par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sants que nous met­tons, par ailleurs, à la dis­po­si­tion de nos méde­cins. En paral­lèle, nous par­ti­ci­pons à un pro­jet de recherche MiRe Drees sur l’apport des solu­tions numé­riques en matière de réduc­tion des inéga­li­tés sociales et ter­ri­to­riales dans le domaine de la san­té. Notre conseil scien­ti­fique et éthique a, par ailleurs, publié une pre­mière contri­bu­tion scien­ti­fique dans BMC Health, une revue inter­na­tio­nale, sur la cor­ré­la­tion entre les diver­gences d’avis, d’une part, et la géo­gra­phie, l’âge, la caté­go­rie socio-pro­fes­sion­nelle, d’autre part. 

Et aujourd’hui, quelles sont les perspectives de développement de deuxiemeavis.fr ?

Nous lan­çons un nou­veau pilote sur le den­taire où nous avons des demandes crois­santes. Nous explo­rons aus­si dif­fé­rentes pistes afin de pro­po­ser de nou­veaux ser­vices tou­jours en lien avec les pro­blèmes de san­té sérieux et une exper­tise médi­cale poin­tue. Nous sommes en phase de réflexion sur un ser­vice d’orientation autour des mala­dies graves ou inva­li­dantes. De nom­breux patients nous sol­li­citent pour avoir des infor­ma­tions sur les essais cli­niques, sur les centres de réfé­rence à proxi­mi­té de leur domi­cile… Nous tra­vaillons donc sur la mise en place d’un ser­vice dédié aux mala­dies com­plexes et aux par­cours très spé­ci­fiques qui néces­sitent un accom­pa­gne­ment, en plus d’une exper­tise médicale. 

Enfin, nous sommes convain­cus que notre poten­tiel de déve­lop­pe­ment est consi­dé­rable, alors que nous esti­mons que plus de 12 mil­lions de consul­ta­tions phy­siques sont éli­gibles à un avis sur dossier. 

Nous pou­vons, en effet, contri­buer à désen­gor­ger les éta­blis­se­ments de san­té, à appor­ter une prise en charge effi­ciente des pro­blèmes de san­té com­plexes et à lut­ter contre les déserts médicaux. 

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