Alimentation durable, sortir des injonctions paradoxales. Nourrir la population ou préserver la planète ?

Nourrir la population, préserver la planète

Dossier : Alimentation durableMagazine N°790 Décembre 2023
Par David CHAUVIN (X94)

Depuis plus de trois ans main­te­nant et le pre­mier confi­ne­ment à la suite de la Covid-19, nous nous sommes habi­tués à voir des rayons vides dans les grandes et moyennes sur­faces ali­men­taires. Et ce phé­no­mène a tou­ché toute l’Europe. Nous n’avions pas connu cela depuis l’essor de la dis­tri­bu­tion et le déve­lop­pe­ment de l’agriculture à la sor­tie de la Seconde Guerre mon­diale. Jusqu’alors, dans les groupes coopé­ra­tifs agri­coles et plus géné­ra­le­ment chez les agri­cul­teurs, les objec­tifs étaient le déve­lop­pe­ment et la diver­si­fi­ca­tion de la pro­duc­tion, ain­si que la recherche de « débou­chés valorisés ».

Mais une suc­ces­sion de phé­no­mènes d’origines appa­rem­ment dif­fé­rentes (fièvre por­cine afri­caine, prix d’achat du lait en baisse au regard des charges de pro­duc­tion, séche­resse, dif­fi­cul­tés à mettre en place des outils de sto­ckage ou d’irrigation en eau, recherche d’une meilleure qua­li­té de vie des agri­cul­teurs, guerre en Ukraine, influen­za aviaire, plus grande dif­fi­cul­té à recru­ter, infla­tion ver­ti­gi­neuse des matières pre­mières agri­coles et des prix de l’énergie…) nous a conduits à nous poser la ques­tion de la dis­po­ni­bi­li­té des ali­ments et dans cer­tains cas à pla­ni­fier des « ration­nements ». Ces crises suc­ces­sives ont aus­si mis en évi­dence la ques­tion de l’accessibilité du plus grand nombre à une ali­men­ta­tion de qua­li­té. Cela a aus­si fra­gi­li­sé la filière de l’agriculture bio­lo­gique, que l’on voyait se déve­lop­per d’année en année.

“L’agriculture est à la fois contributrice, victime et partie de la solution dans la décarbonation.”

Ce bou­le­ver­se­ment de la chaîne de valeur « de la fourche à la four­chette » est pro­fond et on doit l’analyser en consi­dé­rant aus­si les enjeux de décar­bo­na­tion et plus lar­ge­ment de dura­bi­li­té. On dit que l’agriculture est à la fois contri­bu­trice, vic­time et par­tie de la solu­tion dans la décar­bo­na­tion. Elle est sur­tout, comme beau­coup de sec­teurs, en dif­fi­cul­té aujourd’hui vis-à-vis de ces objec­tifs de trans­for­ma­tion envi­ron­ne­men­tale, ne sachant pas bien com­ment mesu­rer la situa­tion actuelle, défi­nir une cible, et encore moins tra­cer le che­min pour y par­ve­nir. Enfin, les banques qui contri­buent for­te­ment au finan­ce­ment de l’agriculture et de l’agroalimentaire vont ren­for­cer dans les pro­chaines années leurs exi­gences en termes de mesure d’impact envi­ron­ne­men­tal envers les pro­jets et socié­tés qu’elles financent.

Ain­si, avec la réémer­gence d’une réflexion sur la sou­ve­rai­ne­té ali­men­taire, de nom­breuses ques­tions se posent, en par­ti­cu­lier : com­ment garan­tir un meilleur reve­nu aux agri­cul­teurs ? Com­ment maî­tri­ser les prix de vente aux consom­ma­teurs ? Tout en réus­sis­sant la bas­cule de l’ensemble de la chaîne de valeur vers la neu­tra­li­té car­bone et plus lar­ge­ment la trans­for­ma­tion envi­ron­ne­men­tale ? Dans cette période d’incertitude, il est inté­res­sant à la fois d’explorer des ini­tia­tives micro et de se poser les ques­tions macro. Le pré­sent dos­sier vise à don­ner, par la contri­bu­tion de res­pon­sables impli­qués aux deux niveaux, un aper­çu des défis à affron­ter et de la matu­ri­té des démarches engagées.

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