Elisabeth Dupont Kerlan Polytechnicienne administration publique

Polytechnicienne dans l’administration publique, pionnière et espèce menacée

Dossier : 50 ans de féminisation de l'XMagazine N°777 Septembre 2022
Par Elisabeth DUPONT-KERLAN (X72)

Poly­tech­ni­cienne ingé­nieure des Ponts de la pre­mière pro­mo­tion fémi­ni­sée, Eli­sa­beth Dupont-Ker­lan a fait sa car­rière dans l’ad­mi­nis­tra­tion publique où elle témoigne que les femmes ont sou­vent un rôle de pionnières.

Après les études, j’ai débu­té dans des postes assez clas­siques pour les­quels je dois remer­cier les pre­miers patrons qui m’ont fait confiance, même si j’ai connu plus d’épreuves ini­tia­tiques (comme les visites de chan­tier) et ai tou­jours dû en faire un peu plus pour avoir la même chose que les hommes. L’encadrement d’équipes ne m’a pas posé de dif­fi­cul­tés par­ti­cu­lières, même si l’on manage dif­fé­rem­ment cher­cheurs ensei­gnants, agents d’exploitation ou poli­ciers de l’environnement. Face aux évo­lu­tions ins­ti­tu­tion­nelles, décen­tra­li­sa­tions, pri­va­ti­sa­tions, dis­pa­ri­tion pro­gres­sive du minis­tère de l’Équipement… ma car­rière s’est dérou­lée chez divers acteurs publics : dif­fé­rents minis­tères, DDE avec des réor­ga­ni­sa­tions, col­lec­ti­vi­tés locales, éta­blis­se­ments publics. Il s’agit tou­jours de contri­buer à l’intérêt géné­ral et aux ques­tions fon­da­men­tales : se dépla­cer, se loger, pré­ser­ver l’environnement… Les pré­oc­cu­pa­tions envi­ron­ne­men­tales s’affirment len­te­ment depuis le som­met de Rio et le chan­ge­ment cli­ma­tique est pro­gres­si­ve­ment pris en considération.

“Les femmes sont souvent en avance.”

Quelques difficultés pour les femmes

Les femmes sont sou­vent en avance et pas tou­jours assez écou­tées : on leur confie plus sou­vent des sujets « à risque » (ex. : le tram­way dans les années 1980). Quand j’ai intro­duit des sujets déve­lop­pe­ment durable et éner­gie à l’École des ponts, ou créé un mas­ter fer­ro­viaire et un ins­ti­tut de recherche, cela a sou­vent été cri­ti­qué alors que la for­ma­tion doit pré­pa­rer aux enjeux du futur. La com­pa­ti­bi­li­té entre vie pro­fes­sion­nelle et vie fami­liale est celle de beau­coup de femmes cadres à res­pon­sa­bi­li­té ; mener plu­sieurs jour­nées dans une seule sup­pose d’être hyper­or­ga­ni­sée mais n’empêche pas les obs­tacles : le poste que l’on ne retrouve pas en ren­trant de congé de mater­ni­té, le poste qui est refu­sé parce qu’on est « une femme, même plus com­pé­tente », les pro­mo­tions sur des postes à problèmes…

Quelques inquiétudes communes

Face à la com­plexi­té crois­sante du monde, j’éprouve une inquié­tude pour le futur : désaf­fec­tion pour les sujets scien­ti­fiques, manque de sou­tien à la recherche fon­da­men­tale, res­pon­sables poli­tiques ayant de moins en moins de culture scien­ti­fique, déve­lop­pe­ment à outrance des outils numé­riques. J’ai aus­si une inquié­tude pour le sec­teur public : manque de moyens en géné­ral, mul­ti­pli­ca­tion des pro­cé­dures trop lourdes, dés­in­té­rêt pour la recherche, méca­nos ins­ti­tu­tion­nels, décro­chage des salaires entre public et pri­vé… L’État et les struc­tures publiques auraient pour­tant besoin de com­pé­tences variées pour rele­ver les défis. N’oublions pas que les catas­trophes peuvent se pro­duire aus­si en France et que l’État a per­du beau­coup de ses com­pé­tences tech­niques ! Depuis le XVIIIe siècle, les ingé­nieurs du corps des Ponts, avec leur for­ma­tion scien­ti­fique solide et leur capa­ci­té à gérer la com­plexi­té, ont prou­vé leur apti­tude à rele­ver les défis de leur siècle. Puisse l’État conti­nuer à leur offrir des par­cours intéressants !

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