Jean-Laurent Granier

Jean-Laurent Granier (85) : « Les assureurs sont la ceinture de sécurité de l’économie réelle »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°757 Septembre 2020
Par Jean-Laurent GRANIER (85)

Alors que la crise de la Covid-19 a bou­le­ver­sé le pay­sage éco­no­mique, social et sani­taire mon­dial, Jean-Laurent Gra­nier (85), PDG de Gene­ra­li France qui est aus­si Pré­sident du groupe Europ Assis­tance et Vice-Pré­sident de la Fédé­ra­tion Fran­çaise de l’Assurance revient sur le rôle fon­da­men­tal d’un métier dont la voca­tion est de pro­té­ger autant que d’investir à long terme, par­ti­ci­pant ain­si à la relance et à la trans­for­ma­tion de l’économie.

Comment la crise de la Covid-19 a‑t-elle impacté le secteur de l’assurance ?

Per­sonne n’était pré­pa­ré à affron­ter une situa­tion aus­si grave que la pan­dé­mie de la Covid-19, aus­si glo­bale et sys­té­mique. La période de confi­ne­ment a mis l’économie à l’arrêt qua­si total pen­dant plus de 2 mois. Nous avons dû recon­fi­gu­rer nos méthodes de tra­vail, pla­cer nos col­la­bo­ra­teurs en tra­vail à dis­tance, fer­mer nos agences tout en conti­nuant à assu­rer la conti­nui­té de ser­vices à nos clients. Beau­coup de métiers ont été mobi­li­sés pour répondre à l’urgence sani­taire ou pour assu­mer les fonc­tions vitales du pays. Nous avons vou­lu sou­te­nir les per­son­nels soi­gnants par diverses mesures, notam­ment en fai­sant un don de 3 mil­lions d’euros à la Fédé­ra­tion hos­pi­ta­lière de France pour par­ti­ci­per aux besoins d’urgence des 38 éta­blis­se­ments publics en pre­mière ligne pour lut­ter contre la Covid-19, pour ache­ter des maté­riels de soins ou de pro­tec­tion des équipes soi­gnantes. Beau­coup d’entreprises et de pro­fes­sion­nels ont dû ces­ser leur acti­vi­té. Sur tous les pans de l’économie, l’assurance a été impac­tée : sur tous nos cœurs de métiers (mul­ti­risques pro­fes­sion­nelles et d’entreprises, com­plé­men­taires san­té, pré­voyance — décès, inva­li­di­té, arrêt de tra­vail —, épargne, mul­ti­risques de par­ti­cu­liers, assu­rances auto…) comme au plan finan­cier en tant qu’investisseur. Mal­gré cela, nous avons été le seul sec­teur pro­fes­sion­nel pri­vé aux côtés des régions à par­ti­ci­per au fonds de soli­da­ri­té gou­ver­ne­men­tal et en mobi­li­sant près de 3,5 mil­liards d’euros dans diverses mesures de sou­tien ou d’investissement. Et pour­tant, notre rôle socié­tal n’est pas recon­nu à sa juste valeur : celui de cein­ture de sécu­ri­té et d’investisseur à long terme de l’économie réelle. Nous sommes les garants de l’épargne et par là même l’instrument clé de pro­tec­tion de l’économie natio­nale ; les seuls à pou­voir prendre des posi­tions qui ne sont pas arbi­tra­gistes à court terme et à appor­ter des fonds propres dura­ble­ment à dis­po­si­tion de l’économie. Mais ne nous y trom­pons pas : les consé­quences de la crise sani­taire ne sont pas der­rière, mais devant nous : pro­blèmes d’emploi, de faillites d’entreprises, de défi­cit bud­gé­taire… Pour garan­tir la relance, l’économie aura besoin des assu­reurs pour jouer leurs rôles de pro­tec­teurs et d’investisseurs.

Jean-Laurent Granier (85) : « Nous avons voulu soutenir les personnels soignants par diverses mesures, notamment en faisant un don de 3 millions d’euros à la Fédération hospitalière de France »

Quels sont les défis auxquels votre secteur va être confronté à l’avenir ?

Cette crise de la Covid-19 s’inscrit en réson­nance avec les dérè­gle­ments cli­ma­tiques et envi­ron­ne­men­taux et exa­cerbe nos enjeux de socié­té. C’est toute une archi­tec­ture de risques qui fait aujourd’hui sys­tème. Les risques aux­quels la socié­té est expo­sée, et que nous devons désor­mais cou­vrir, ont chan­gé d’échelle. C’est pour­quoi la relance de la machine éco­no­mique doit être fon­dée sur des bases dif­fé­rentes, plus res­pec­tueuses de l’environnement et plus éco­no­mi­que­ment sou­te­nables autour de trois grands défis :

— la transition démographique avec l’allongement de l’espérance de vie.

Par­ti­cu­liè­re­ment tou­chés par la crise sani­taire, 92 % des vic­times de la Covid ont 65 ans et plus. Tout un ensemble de nou­veaux ser­vices est à déve­lop­per en matière de e‑santé, de télé­con­sul­ta­tion, de pré­ven­tion, de ser­vices d’assistance per­met­tant notam­ment le main­tien à domi­cile et une lon­gé­vi­té sereine et active. S’ajoutent les enjeux de dépen­dance, la « 5e branche » de la Sécu­ri­té sociale, avec cette réforme tant atten­due à laquelle notre pro­fes­sion participe ;

— la transition climatique.

Le dérè­gle­ment du cli­mat est cer­tai­ne­ment le plus grand risque de ce siècle ! Les phé­no­mènes bru­taux comme les oura­gans, les pluies tor­ren­tielles ou les crues éclairs nous endeuillent à pré­sent régu­liè­re­ment. Nous devons faire évo­luer nos méthodes pour opti­mi­ser la modé­li­sa­tion pros­pec­tive et déve­lop­per les actions de sen­si­bi­li­sa­tion, de péda­go­gie et de pré­ven­tion. Aux côtés de ces outils métier, les enjeux de tran­si­tion cli­ma­tique sont au cœur de nos choix d’investissements ISR (inves­tis­se­ments socia­le­ment res­pon­sables) pour une relance verte et inclusive ;

— la transition sanitaire et sécuritaire. 

Nous serons en mesure de modé­li­ser les impacts des risques pan­dé­miques comme nous avons modé­li­sé ceux liés aux acci­dents cli­ma­tiques. Nous devons aujourd’hui défi­nir un régime qui puisse parer aux grandes catas­trophes exté­rieures : fer­me­ture admi­nis­tra­tive suite à pan­dé­mie, à émeutes ou encore pour pré­ve­nir les effets d’une catas­trophe envi­ron­ne­men­tale, dans un véri­table par­te­na­riat public-pri­vé compte tenu des impacts et des sommes en jeu. Les assu­reurs sont en ordre de marche pour remettre leurs pre­mières conclu­sions d’ici à cet été.

“En tant qu’investisseurs, nous avons un rôle majeur de financement de l’économie et devons flécher l’argent que nous confient nos clients vers les secteurs d’avenir, qui vont participer à la nécessaire transformation de notre économie.”

Quel rôle entend tenir un groupe comme Generali face à ces enjeux ?

En tant que Groupe, nous devons jouer un rôle moteur à l’échelle inter­na­tio­nale comme à l’échelle de chaque pays où nous opé­rons. En France, Gene­ra­li est sur cette voie, en ayant fon­dé des uni­tés d’excellence dont le Gene­ra­li Cli­mate Lab qui désor­mais modé­lise les risques cli­ma­tiques à l’échelle de nos ter­ri­toires en ayant recours au big data et à l’open data, à l’intelligence arti­fi­cielle et en tra­vaillant en archi­tec­ture ouverte avec des uni­tés de recherche et des uni­ver­si­tés. Nous nous appuyons sur les nou­velles tech­no­lo­gies de l’intelligence arti­fi­cielle (IA), de Robot Pro­cess Auto­ma­tion (RPA) et d’optimisation de la data avec nos autres uni­tés d’excellence : les équipes de la Gene­ra­li Cog­ni­tive Fac­to­ry (IA – RPA) et du Data Lab (Big et open data). Enfin une équipe d’actuaires et de data scien­tists basée à Nantes, dénom­mée Risk Mode­ling Fac­to­ry, est en charge d’optimiser la modé­li­sa­tion des risques. Nous devons pla­cer les enjeux de res­pon­sa­bi­li­té sociale et envi­ron­ne­men­tale en colonne ver­té­brale de notre stra­té­gie pour contri­buer à l’émergence de com­por­te­ments qui par­ti­cipent aux 3 tran­si­tions que j’ai décrites. En tant qu’investisseurs, nous avons un rôle majeur de finan­ce­ment de l’économie et devons flé­cher l’argent que nous confient nos clients vers les sec­teurs d’avenir, qui vont per­mettre la néces­saire trans­for­ma­tion de notre éco­no­mie. 81 % de nos actifs finan­ciers (déte­nus en direct et gérés par Gene­ra­li Invest­ments) répondent ain­si à des cri­tères ESG internes, c’est-à-dire res­pec­tueux des équi­libres envi­ron­ne­men­taux, sociaux et ayant une éthique de gou­ver­nance. Plus de 62 % des sur­faces loca­tives de bureaux gérées par Gene­ra­li Real Estate sont cer­ti­fiées ou label­li­sées avec des normes de dura­bi­li­té. L’offre ISR (inves­tis­se­ments socia­le­ment res­pon­sables) en uni­tés de compte se déploie avec le réfé­ren­ce­ment de 48 socié­tés de ges­tion et de 168 sup­ports orien­tés expli­ci­te­ment vers un déve­lop­pe­ment durable.

En tant qu’acteurs enga­gés de notre sec­teur, nous sommes les vigies des grandes tran­si­tions démo­gra­phiques et cli­ma­tiques. Nous par­ti­ci­pons à des réflexions et à des think-tanks comme le Club Lan­doy sur la révo­lu­tion démo­gra­phique et nous déve­lop­pons de nou­veaux ser­vices qui doivent per­mettre une lon­gé­vi­té auto­nome et sereine. Nous devons aus­si nous mettre au tra­vail avec la sphère publique pour bâtir des par­te­na­riats publics-pri­vés (PPP) et des sys­tèmes de pro­tec­tion afin que les risques à venir ne puissent pas para­ly­ser les éco­no­mies. Nous sou­te­nons notam­ment l’idée d’une coor­di­na­tion euro­péenne avec une approche PPP dans laquelle les assu­reurs peuvent appor­ter leur rôle d’expert en pré­ven­tion et rési­lience. L’ambition de Gene­ra­li est d’être le par­te­naire de nos clients et de les accom­pa­gner dans leur vie et leurs pro­jets et aus­si d’être l’un des gar­diens des grands équi­libres de notre civi­li­sa­tion. Nous, assu­reurs, nous devons affir­mer avec force et convic­tion notre rôle éco­no­mique et socié­tal pour garan­tir le déve­lop­pe­ment éco­no­mique à moyen et long terme !


Pour en savoir plus

Site Inter­net de Gene­ra­li France

« Les nou­velles tech­no­lo­gies sont au coeur de notre réflexion », La Jaune et la Rouge n° 743, mars 2019

Poster un commentaire