Yves du manoir (1924)

Yves du Manoir, des mythes au mythe

Dossier : TraditionsMagazine N°Yves du Manoir, des mythes au mythe
Par Alain BRACHON (X63)
Par Serge DELWASSE (X86)
Par Julien RICAUD (05)

Mais aus­si légende de l’X, une des très rares gloires spor­tives que notre École ait accueillies, élève-pilote qui s’est écra­sé à 23 ans, le matin de France-Ecosse 1928

Notre pro­pos n’est pas ici de détailler sa car­rière spor­tive, Wiki­pe­dia le fait net­te­ment mieux que nous. Nous avons cher­ché à creu­ser un peu qui était ce mélange de John­ny Wil­kin­son, Pierre Clos­ter­man et Eva­riste Galois.

Casser les mythes

  • Yves du Manoir ne s’appelait pas Yves du Manoir, son vrai nom : Le Pel­ley Duma­noir. C’est celui qui figure sur l’ensemble des actes de nais­sance de ses ancêtres — et nous sommes remon­tés jusqu’en 1690, plus loin que le vice-ami­ral (1770) — nous n’avons d’ailleurs pas trou­vé de traces d’un chan­ge­ment offi­ciel de nom qui confir­me­rait la décla­ra­tion sous ser­ment de sa mère faite lors du mariage de son frère en 1927. Comme les grands hommes, les grandes dames ont leurs petites fai­blesses. Dans le cas d’espèce, il n’est pas impos­sible que ladite dame, née Compte de Tal­lobre, ait esti­mé que sa famille méri­tait une réelle particule.
     
  • Acces­soi­re­ment, ses quar­tiers de noblesse étaient assez récents. Son arrière-grand-oncle ami­ral et son arrière-grand-père capi­taine de fré­gate ont reçu, qua­si simul­ta­né­ment, les titres res­pec­tifs de comte et vicomte en 1816. Nous sommes donc loin de la noblesse d’épée, la récom­pense reçue l’étant pro­ba­ble­ment plus pour le choix poli­tique d’allégeance à la Res­tau­ra­tion que pour des faits d’armes au combat.
     
  • Il ne s’est pas enga­gé dans l’Armée de l’Air : c’est la plus grande légende urbaine véhi­cu­lée au sujet de notre ami Yves du Manoir : « à la sor­tie de l’X, il s’est enga­gé dans l’armée de l’air comme pilote ». La réa­li­té est, comme sou­vent, beau­coup plus pro­saïque. Démis­sion­naire, il s’est conten­té d’effectuer son année de ser­vice mili­taire — qui n’était pas encore natio­nal — dans l’armée de l’air comme obser­va­teur. Ce choix de ce qui n’était encore que le Ser­vice de l’Aéronautique n’était abso­lu­ment pas une voca­tion. Son inten­tion pre­mière était d’aller dans la Marine Natio­nale. C’est pour rendre ser­vice à un cama­rade bit­té par la magouilleuse, qu’il a accep­té de per­mu­ter avec lui. Au cours de son ser­vice mili­taire, il s’est enga­gé pour un an, tou­jours comme réser­viste, afin de pas­ser son bre­vet de pilote.
     
  • C’est ain­si que l’image du jeune offi­cier patriote à la voca­tion bien affir­mée laisse peu à peu place à celle d’un jeune étu­diant, éloi­gné des contraintes maté­rielles, sans vision à long terme, mais cher­chant à faire des choses qui lui plaisent.
     
  • Finis­sons main­te­nant de décons­truire le mythe du poly­tech­ni­cien brillant élève et du spor­tif excellent à tous les sports. Il inté­gra l’X non en 12 (eh, oui, ça arri­vait par­fois à l’époque !), ni en 32 comme les plus brillants, ni même en 52, comme beau­coup, mais en… 72 ! Ce n’est pas une tare, c’était assez cou­rant à l’époque – envi­ron 10% d’une pro­mo. Mais nous com­men­çons à nous éloi­gner for­te­ment de l’image d’Epinal du fort en thème. Son frère, qui se garde bien de par­ler de son concours de 1922, pré­tend que son échec en 52 est dû à l’anglais. Pour­tant, nous savons tous que, si on rate le concours, c’est sou­vent à cause des maths…
     
  • Quant à son clas­se­ment, il se passe de com­men­taires : 184224 à l’intégration, 223228 au pas­sage en seconde année et 218227 à la sor­tie. Sur ses per­for­mances spor­tives, bien que très hono­rables (cer­tains des auteurs jugent tou­te­fois son 3’18″ aux 1000 m en 52, à peine com­pen­sé par le 3’14″ en 72, un peu médiocre), c’est en zoubre (équi­ta­tion) (0 en 52, 0 en 72) et en escrime (0 en 52, 1 en 72) que les choses se gâtent (Yves Le Pel­ley Du Manoir 1904–1928, René Le Pel­ley Duma­noir, dis­po­nible à la BCX) .
     
  • Une fois de plus, nous sommes loin de l’image de l’aristocrate accompli.

Reconstruire un mythe polytechnicien

  • Yves était-il capi­taine du XV de l’X ? En soi cette ques­tion n’a pas énor­mé­ment d’intérêt, si ce n’est de per­mettre à chaque capi­taine sur le pla­teau de se prendre pour du Manoir… C’est très peu pro­bable. Il n’y avait à l’époque pas de sec­tion spor­tive comme on peut les com­prendre depuis la guerre, et l’équipe de rug­by consti­tuée pour le chal­lenge « Albert Har­dy », l’ancêtre du TSGED, créé en 1921 pour oppo­ser l’ensemble des équipes des écoles mili­taires, a dis­pa­ru en 1922 en même temps que cet éphé­mère chal­lenge. Il était par contre capi­taine de l’équipe de France mili­taire qui a joué contre les Anglais en 1925, ce qui lui a valu les louanges de la presse (His­to­rique de l’École mili­taire de l’infanterie et des chars de com­bat : Avord, 1873–1879 ; Saint-Maixent, 1881–1927). Et ça, c’est assez chic.
     
  • Yves sur­tout avait d’autres qua­li­tés qui en font un Car­va accom­pli : il était beau, bien fait de sa per­sonne, bon cama­rade (nous l’avons vu plus haut), sym­pa, drôle et ne se pre­nait pas au sérieux. Bref, LE cocon sédui­sant, l’X que vous auriez vou­lu être ou épou­ser, au choix !
     
  • Reste la ques­tion que nous atten­dons tous, que vous atten­dez tous : est-il pos­sible qu’un homme aus­si beau, aus­si sym­pa et aus­si mal clas­sé ne soit pas mis­saire ? Cher lec­teur, une fois n’est pas cou­tume, nous te lais­se­rons déci­der : tu trou­ve­ras ci-des­sous une pho­to de la Khô­miss 1924 et, en médaillons, des pro­fils d’Yves. Il res­semble assu­ré­ment à l’élève un peu rêveur assis à droite… est-ce lui ?

La khomiss 1924

Pour aller plus loin

Les auteurs ont vécu pen­dant près de deux mois avec Yves du Manoir, comme beau­coup de Fran­çais en 1926, ils ont déve­lop­pé une réelle affec­tion pour lui. Si sa mort en ser­vice com­man­dé l’a éle­vé à un rang de héros pro­ba­ble­ment usur­pé, il est de ces per­son­na­li­tés qui ont for­gé la légende de l’École. Le chal­lenge Yves du Manoir a dis­pa­ru, le Racing va aban­don­ner le stade de Colombes et même si Mont­pel­lier, dans le stade qui porte son nom, entre­tient la flamme, l’X gagne­rait à faire revivre la légende de ce jeune demi d’ouverture au cro­chet désarmant.

Par­mi nos cama­rades, on comp­te­rait peu de spor­tifs de haut niveau — pro­ba­ble­ment moins que d’ecclésiastiques —, nous nous atta­che­rons à les recen­ser prochainement.

L’article de La Jaune et la Rouge (N° 408 Octobre 1985)

Quelques extraits :

Quand on connut la fin pré­ma­tu­rée de ce cham­pion de 23 ans, l’affliction du pays fut à la mesure de sa ferveur.

Vau­cres­son et Saint-Cast rebap­ti­sèrent « Yves du Manoir » la rue où il était né et, celle où il avait sa mai­son fami­liale ; Paris don­na son nom à une ave­nue du quar­tier des Ternes.

Le Racing Club de France créa, en sa mémoire, le Chal­lenge du Manoir, com­pé­ti­tion entre Clubs de Rug­by de haut niveau, qui conti­nue à se dis­pu­ter annuel­le­ment. Une stèle fut éle­vée à Reuilly là où son avion s’était écra­sé. Le Racing fit éri­ger au Stade Olym­pique de Colombes sa sta­tue par le sculp­teur Pui­for­cat et, hon­neur suprême, ce stade reçut, dès 1928, le nom de « Stade Yves du Manoir ».

Une telle somme d’honneurs, ce modèle de sim­pli­ci­té ne l’avait ni recher­chée ni sou­hai­tée. Peut-être se sent-il mieux à l’aise dans sa der­nière demeure : au Père Lachaise, damier de sépul­tures pom­peuses, il est un petit recoin silen­cieux, inso­lite, si escar­pé que seuls cer­tains empla­ce­ments ont per­mis de creu­ser des caveaux déjà sécu­laires, les inter­valles étant livrés à une végé­ta­tion touf­fue ; une allée étroite et déserte y ser­pente, comme un tron­çon de sen­tier de ran­don­née. Là, sur une sobre dalle fami­liale on peut déchiffrer :

Yves Le Pel­ley du Manoir
Poly­tech­ni­cien Offi­cier Aviateur
1904–1928

Fiches matricule et d’Etat civil

Etat Civil d'yves du ManoirLe Pel­ley du Manoir, Yves Franz Loys Marie (X1924 ; 1904–1928)
Etat civil : Naiss. : 1904 le 11 08 : Vau­cres­son (Seine-et-Oise) ; mort en 1928 le 02 01
PERE : Mathieu Jules Marie René –
MERE Compte de Tal­lobre, Jeanne Gabrielle Mar­gue­rite Marie –
Adresse : 2 bis ave­nue des Syco­mores- : Paris 16 (Seine)
Desc. phys. : Che­veux châ­tains – Front moyen – Nez moyen – Yeux châ­tains – Visage ovale – Taille 170 –
Sco­la­ri­té : EXAMEN : Paris – CLASST : 184 – PASSAGE : 223e en 1925 sur 228 élèves – SORT : 218e en 1926 sur 227 élèves CORPS : D.- en 1926-.
Rens. situa. : Ss-Lt Air – Acci­dent d’aviation –

Remerciements

Les auteurs tiennent à remer­cier, pour leur aide :

Biblio­gra­phique, Oli­vier Azzo­la, de la BCX et Jean-Pierre Hen­ry (X64), web­mestre de La Jaune et la Rouge

His­to­rique, Gré­goire Fan­neau de la Horie (X86)

Logis­tique, Hugo Levy-Heid­mann (X11)

Mar­ke­ting, les équipes de polytechnique.org

Ico­no­gra­phie, Mon­sieur Fré­dé­ric Hum­bert, au blog (rugby-pioneers.blogs.com) duquel ils ont « emprun­té » une photo

A spe­cial Thank You ! to Paul & Marie Fur­long for their gift to the BCX which gave us the idea of this research. Good­will Genealogists

Et, bien enten­du, Her­vé Kabla (X84), leur héber­geur favori

Addendum

Preuve de la construc­tion déli­bé­rée du mythe, cette bande-des­si­née à carac­tère hagio­gra­phique parue dans « l’Equipe Juniors » au cours des années 50. Elle prend mal­heu­reu­se­ment trop de place pour être affi­chée dans le corps de l’article.(le lien a été perdu)

Généalogie

L’arbre généa­lo­gique en ligne

Si son patro­nyme évoque le Coten­tin, la mer et la Royale, avec à Gran­ville en fin du XVIIIe un tri­saïeul sieur Duma­noir, capi­taine et cor­saire, ses racines sont pour­tant en France pro­fonde, le Dau­phi­né du côté pater­nel, le Mas­sif Cen­tral du côté mater­nel, d’une noblesse pro­vin­ciale. A la res­tau­ra­tion, Louis XVIII attri­bue le titre de Vicomte héré­di­taire à son arrière-grand-père par lettres patentes du 5 février 1816.

Par le jeu des alliances, les parents d’Yves ont du bien : le Vicomte, pro­prié­taire ren­tier, est décla­ré sans pro­fes­sion sur tous les actes d’état civil.

En fin du XIXe siècle, ils quittent le Dau­phi­né pour s’installer à Paris. La famille com­prend dix enfants, cinq gar­çons et cinq filles dont trois décèdent avant la nais­sance d’Yves le 11 août 1904 dans la mai­son de vil­lé­gia­ture de la famille à Vau­cres­son au 9 d’un che­min rebap­ti­sé depuis rue Yves du Manoir.

Il fait sa pré­pa au Lycée Saint-Louis à Paris, après être pas­sé, entre autres, par Saint-Louis-de-Gon­zague et Ginette.

Des commentaires sélectionnés

Statue de Yves du Manoir par Puiforcat
Yves du Manoir par Puiforcat

Par Claude NERRAND le 11 décembre 2013

Quatre vingt six ans après son décès, dans quelques jours, il vous semble décou­vrir, Yves Le Pel­ley du Manoir.

Vous racon­tez sa vie comme si vous l’aviez connu, jalou­sé en mélan­geant quelques faits et beau­coup d’inexactitudes.

Moi j’habite Reuilly dans l’Indre, là où le 2 jan­vier 1928, Yves est décé­dé dans un acci­dent d’avion-école.

Ce jour-là, la cham­pagne ber­ri­chonne était enfer­mée dans un épais brouillard. Le jeune avia­teur avait quit­té Avord, près de Bourges, pour effec­tuer dans son Cau­dron, un cir­cuit Avord- Romo­ran­tin-Châ­teau­roux-Avord. Il s’est per­du après Romo­ran­tin dans l’épaisseur du ciel com­plè­te­ment bou­ché et s’est dépor­té de 25 km envi­ron de la ligne Romorantin-Châteauroux.

On peut ima­gi­ner les minutes de frayeur du pilote. A Reuilly, il a sûre­ment cher­ché un repère et a lar­ge­ment bais­sé son avion. Une branche de peu­plier de La Val­te­rie a coin­cé une des roues et il a piqué.

Voi­là sa triste fin. Seul au milieu de la prai­rie, un monu­ment simple rap­pelle ce tra­gique accident.

C’est avec peine que je lis vos rap­pels sur sa vie. Encom­brés d’inexactitudes. Mais c’est sur­tout ce déni­gre­ment que l’on res­sent dans votre texte qui blesse.

Pour­quoi vou­lez-vous mettre de l’ombre sur un grand spor­tif ? Il a brillé dans le rug­by et vous le recon­nais­sez même. Les médias de l’époque ont construits un petit héros. Pour­quoi allez-vous fouiller dans sa généa­lo­gie qui est très belle, énorme même.

Vous avez révé­lé (s’ils sont exactes) les posi­tions dans les clas­se­ments, que même encore, l’Ecole Poly­tech­nique ne veut pas trans­mettre. Avec une force mal­saine vous jugez ses pos­si­bi­li­tés assez faciles de sa vie.Il a béné­fi­cié, bien sûr, comme beau­coup d’autres, d’un bon sou­tien familial.

Vous oubliez de dire que la veille de l’examen d’entrée à Poly­tech­nique son père était décé­dé et pour­tant il a réussi….

Je ne com­prends pas l’esprit qui vous a péné­tré pour écrire votre texte. Vous vou­liez faire du mal à sa famille, ses amis et à ceux, encore, qui le consi­dèrent comme un jeune gar­çon dyna­mique, spor­tif, appor­tant une image sérieuse et très modèle. Mais je ne le crois pas. Regar­dez un ins­tant en vous-même, vous êtes sur­ement meilleur que ce bout de papier.

Je pour­rais être votre grand-père et je suis déso­lé de vous le dire, cela n’est pas bien.

Claude Ner­rand, 81 ans, Pré­sident de l’Office de Tou­risme de Reuilly en Berry.

Réponse d’Alain BRACHON le 12 décembre 2013

Per­met­tez à un autre grand-père dont vous pour­riez être le frère plus vieux de 10 ans de réagir à votre commentaire.

Les cir­cons­tances de la mort d’Yves que vous nous rap­pe­lez fort à pro­pos sont décrites dans l’article de Mau­rice Bru­net (X1928) « Elève à l’Ecole, idole de la foule… » auquel ren­voie notre docu­ment. L’auteur, contem­po­rain d’Yves, avait eu le loi­sir d’interroger les cama­rades de pro­mo­tion d’Yves, par­mi eux l’un de ses cama­rades de casert (cham­brée), Louis Armand – oui l’immense Louis Armand – que j’entends encore racon­ter com­ment il avait accom­pa­gné Yves à un ren­dez-vous de l’équipe de France à Colombes, tous les 2 en grand U sur une moto­cy­clette pilo­tée par Yves et lui juché sur le tansad.

Tout ce qui est écrit dans cet article est pui­sé aux meilleures sources fami­liales ou d’état civil, et par­mi elles bien évi­dem­ment le livre que son frère aîné René Fer­nand Marie a consa­cré à Yves et qu’il pré­face ain­si : « …Yves n’appartient pas qu’à nous ; d’autres ont éga­le­ment droit à son sou­ve­nir : amis d’enfance, cama­rades de tra­vail ou de jeu, spor­tifs dont cer­tains, sui­vant leur tou­chante expres­sion, « allaient à Colombes pour voir jouer du Manoir », tous ceux enfin qui m’ont deman­dé ce livre en sou­ve­nir de lui… ».

Oui, Yves du manoir était un cham­pion excep­tion­nel que nous avons vou­lu réha­bi­li­ter car de nos jours peu de gens savent qui et quel spor­tif il était. Oui, son frère aîné l’avait réveillé dans la nuit du 5 juillet 1924 pour qu’il assiste aux der­niers ins­tants de son père et quelques heures plus tard, affronte la der­nière épreuve du concours de l’X, une com­po­si­tion de Math de 4 heures… Ce que vous pre­nez pour de la suf­fi­sance d’avoir glo­sé sur ses rangs de clas­se­ment n’est qu’une manière de potache de cham­brer un cama­rade comme nous l’aurions fait avec lui à par­tir de ce que l’on disait ou écri­vait déjà de lui et je suis cer­tain qu’il aurait été le pre­mier à par­tir d’un immense éclat de rire !

Peut-on sérieu­se­ment dou­ter que jouant en équipe pre­mière du Racing, 6 fois inter­na­tio­nal comme élève dont 5 fois en pre­mière année, cette acti­vi­té spor­tive débor­dante n’ait pas eu de réper­cus­sions sur son clas­se­ment à l’X ? Oui, nous aurions vou­lu l’avoir comme cama­rade de pro­mo­tion, comme cama­rade de rug­by et sur­tout comme cama­rade mis­saire, puisque cela semble bien être acquis.

Yves du Manoir appar­tient au patri­moine spor­tif fran­çais, mais est-ce lui man­quer de res­pect si nous avons ten­té de le décrire tel que nous avons acquis la convic­tion qu’il était : « trop simple pour affec­ter une gra­vi­té qui n’était ni de son âge, ni de son tem­pé­ra­ment, trop modeste pour tirer vani­té des études qu’il pour­sui­vait brillam­ment ou de sa répu­ta­tion d’athlète, il était aus­si trop franc pour dis­si­mu­ler sa nature : gaie, pri­me­sau­tière, presque enfan­tine » comme nous le pré­sente son frère.

Oui, je recon­nais, nous avons com­mis un crime de lèse-majes­té en met­tant en doute l’orthographe actuelle en deux mots de son patro­nyme de nais­sance Dumanoir !

Pour­tant son père, le Vicomte, a tou­jours signé Duma­noir. A la sépul­ture en 1896 de ses 2 filles jumelles, il a fait gra­ver Duma­noir leur épi­taphe sur la pierre tom­bale du caveau fami­lial où je suis allé me recueillir. Le chan­ge­ment en du Manoir n’est visible qu’à par­tir de 1924, avec la sépul­ture du Vicomte puis celle d’Yves et ensuite d’une par­tie de la famille.

Le 26 février 1927 lors du mariage du frère aîné René Fer­nand Marie, il est men­tion­né en fin d’acte : « Lec­ture faite, les époux et témoins ont signé avec nous et Madame la Vicom­tesse Le Pel­ley du Manoir, mère de l’époux, ont décla­ré sous la foi du ser­ment que le nom du Manoir devait s’écrire en deux mots, et non en un seul comme il a été ortho­gra­phié sur l’acte de nais­sance de son fils et dans l’acte de décès de son mari. »

Faites les 55 km de Reuilly jusqu’à Saint-Pierre-de-Lamps et là vous aurez tout le loi­sir de consul­ter l’acte en mai­rie, si jamais vous doutez !

En dépit de nos recherches, nous n’avons trou­vé trace nulle part d’un quel­conque juge­ment d’un tri­bu­nal de pre­mière ins­tance ou d’une publi­ca­tion au Jour­nal Offi­ciel qui vienne à l’appui de ce ser­ment devant offi­cier public.

Aucune men­tion mar­gi­nale en ce sens ne figure dans aucun des actes de nais­sance des frères d’Yves alors que l’arbre fami­lial est pour­tant riche en men­tions mar­gi­nales cor­rec­tives, à com­men­cer par l’acte de nais­sance de Mme la Vicom­tesse, sa mère, ou encore celui du grand-père pater­nel d’Yves comme on peut le décou­vrir sur l’arbre en ligne (http://gw.geneanet.org/yveslepelleydumanoir_w).

Nous cor­ri­ge­rions bien évi­dem­ment notre docu­ment en publiant tout docu­ment offi­ciel que l’on nous com­mu­ni­que­rait et qui infir­me­rait notre propos.

Pre­nez connais­sance de la nomi­na­tion d’Yves à titre post­hume, le 5 juin 1930, comme Che­va­lier de la Légion d’honneur : elle est au nom d’Yves Le Pel­ley Duma­noir mais le récé­pis­sé daté du 29 octobre 1931 est signé de Mme du Manoir (Mère) 37 rue de la Tour, Paris…

Tout cela n’a fina­le­ment d’importance que pour ceux qui tiennent abso­lu­ment à cette particule.

Germa le 11 décembre 2013

Ces échanges sont très inté­res­sants . Ils montrent la com­plexi­té du cas Yves du Manoir et par­ler de mythe à son sujet est bien fon­dé vu le déca­lage entre la réa­li­té et la place qu’occupe sa mémoire et son nom dans l’espace public : com­ment le triste acci­dent d’un jeune X en uni­forme génère un héros. natio­nal qui échappe à sa famille !

Christophe Faurie le 21 décembre 2013

Je suis fas­ci­né par la capa­ci­té de Serge à sus­ci­ter des réac­tions vigou­reuses. Son effet dépous­sié­rant serait bien­ve­nu pour bien des sujets…

Alexandre Moatti le 23 décembre 2013

Je pense que 85 ans après, on doit pou­voir dis­cu­ter de tout, même si on s’attaque à des mythes.

S. Del­wasse le fait à sa manière, un peu pro­vo­ca­trice, sous le prisme de l’argot et des tra­di­tions de l’X qu’il est dif­fi­cile de com­prendre (et d’apprécier) quand on n’est pas issu de l’X (et même quand on en est issu, cela reste par­fois assez ésotérique).

On peut voir l’aspect posi­tif, aus­si : Del­wasse a per­mis qu’on reparle d’YduManoir et qu’on le fasse connaître à nou­veau, ce qui est une bonne chose. Il a sur­tout per­mis qu’un album de pho­tos d’époque concer­nant YduM, qui avait échoué aux USA ait pu rejoindre via Pri­ce­Mi­nis­ter (!) la biblio­thèque de l’X pour conser­va­tion au dos­sier YdM, et de cela nous remer­cions tout par­ti­cu­liè­re­ment S. Delwasse.

Une pré­ci­sion his­to­rique tou­te­fois sur une phrase qui a pu cho­quer la famille (le reste est plu­tôt une remise en pers­pec­tive inté­res­sante, cf. ce que font les science social stu­dies avec les icônes de la science). En 1816, il y a une large ouver­ture des titres de noblesse par Louis XVIII. L’obtention du titre de comte/vicomte n’était donc pas de cir­cons­tance, spé­ci­fique à cette famille, mais s’inscrivait dans un mou­ve­ment poli­tique plus large. La famille LE PELLEY Du MANOIR est A.N.F. (cata­logue Valette), « Nor­man­die (Gran­ville), vicomte en 1816 », donc de noblesse attes­tée sui­vant les cri­tères recon­nus de nos jours.

Alexandre Moat­ti Ingé­nieur en chef des Mines (X78)
Pré­sident de la SABIX, Socié­té des amis de la Biblio­thèque et de l’Histoire de l’École polytechnique.

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