Yves du manoir (1924)

Yves du Manoir, des mythes au mythe

Dossier : TraditionsMagazine N°Yves du Manoir, des mythes au mythe
Par Alain BRACHON (X63)
Par Serge DELWASSE (X86)
Par Julien RICAUD (05)

Mais aus­si légende de l’X, une des très rares gloires sportives que notre École ait accueil­lies, élève-pilote qui s’est écrasé à 23 ans, le matin de France-Ecosse 1928

Notre pro­pos n’est pas ici de détailler sa car­rière sportive, Wikipedia le fait net­te­ment mieux que nous. Nous avons cher­ché à creuser un peu qui était ce mélange de John­ny Wilkin­son, Pierre Closter­man et Evariste Galois.

Casser les mythes

  • Yves du Manoir ne s’appelait pas Yves du Manoir, son vrai nom : Le Pel­ley Dumanoir. C’est celui qui fig­ure sur l’ensemble des actes de nais­sance de ses ancêtres — et nous sommes remon­tés jusqu’en 1690, plus loin que le vice-ami­ral (1770) — nous n’avons d’ailleurs pas trou­vé de traces d’un change­ment offi­ciel de nom qui con­firmerait la déc­la­ra­tion sous ser­ment de sa mère faite lors du mariage de son frère en 1927. Comme les grands hommes, les grandes dames ont leurs petites faib­less­es. Dans le cas d’espèce, il n’est pas impos­si­ble que ladite dame, née Compte de Tal­lo­bre, ait estimé que sa famille méri­tait une réelle particule.
     
  • Acces­soire­ment, ses quartiers de noblesse étaient assez récents. Son arrière-grand-oncle ami­ral et son arrière-grand-père cap­i­taine de fré­gate ont reçu, qua­si simul­tané­ment, les titres respec­tifs de comte et vicomte en 1816. Nous sommes donc loin de la noblesse d’épée, la récom­pense reçue l’étant prob­a­ble­ment plus pour le choix poli­tique d’allégeance à la Restau­ra­tion que pour des faits d’armes au combat.
     
  • Il ne s’est pas engagé dans l’Armée de l’Air : c’est la plus grande légende urbaine véhiculée au sujet de notre ami Yves du Manoir : « à la sor­tie de l’X, il s’est engagé dans l’armée de l’air comme pilote ». La réal­ité est, comme sou­vent, beau­coup plus prosaïque. Démis­sion­naire, il s’est con­tenté d’effectuer son année de ser­vice mil­i­taire — qui n’était pas encore nation­al — dans l’armée de l’air comme obser­va­teur. Ce choix de ce qui n’était encore que le Ser­vice de l’Aéronautique n’était absol­u­ment pas une voca­tion. Son inten­tion pre­mière était d’aller dans la Marine Nationale. C’est pour ren­dre ser­vice à un cama­rade bit­té par la magouilleuse, qu’il a accep­té de per­muter avec lui. Au cours de son ser­vice mil­i­taire, il s’est engagé pour un an, tou­jours comme réserviste, afin de pass­er son brevet de pilote.
     
  • C’est ain­si que l’image du jeune offici­er patri­ote à la voca­tion bien affir­mée laisse peu à peu place à celle d’un jeune étu­di­ant, éloigné des con­traintes matérielles, sans vision à long terme, mais cher­chant à faire des choses qui lui plaisent.
     
  • Finis­sons main­tenant de décon­stru­ire le mythe du poly­tech­ni­cien bril­lant élève et du sportif excel­lent à tous les sports. Il inté­gra l’X non en 1/2 (eh, oui, ça arrivait par­fois à l’époque !), ni en 3/2 comme les plus bril­lants, ni même en 5/2, comme beau­coup, mais en… 7/2 ! Ce n’est pas une tare, c’était assez courant à l’époque – env­i­ron 10% d’une pro­mo. Mais nous com­mençons à nous éloign­er forte­ment de l’image d’Epinal du fort en thème. Son frère, qui se garde bien de par­ler de son con­cours de 1922, pré­tend que son échec en 5/2 est dû à l’anglais. Pour­tant, nous savons tous que, si on rate le con­cours, c’est sou­vent à cause des maths…
     
  • Quant à son classe­ment, il se passe de com­men­taires : 184/224 à l’intégration, 223/228 au pas­sage en sec­onde année et 218/227 à la sor­tie. Sur ses per­for­mances sportives, bien que très hon­or­ables (cer­tains des auteurs jugent toute­fois son 3’18″ aux 1000 m en 5/2, à peine com­pen­sé par le 3’14″ en 7/2, un peu médiocre), c’est en zoubre (équi­tation) (0 en 5/2, 0 en 7/2) et en escrime (0 en 5/2, 1 en 7/2) que les choses se gâtent (Yves Le Pel­ley Du Manoir 1904–1928, René Le Pel­ley Dumanoir, disponible à la BCX) .
     
  • Une fois de plus, nous sommes loin de l’image de l’aristocrate accompli.

Reconstruire un mythe polytechnicien

  • Yves était-il cap­i­taine du XV de l’X ? En soi cette ques­tion n’a pas énor­mé­ment d’intérêt, si ce n’est de per­me­t­tre à chaque cap­i­taine sur le plateau de se pren­dre pour du Manoir… C’est très peu prob­a­ble. Il n’y avait à l’époque pas de sec­tion sportive comme on peut les com­pren­dre depuis la guerre, et l’équipe de rug­by con­sti­tuée pour le chal­lenge « Albert Hardy », l’ancêtre du TSGED, créé en 1921 pour oppos­er l’ensemble des équipes des écoles mil­i­taires, a dis­paru en 1922 en même temps que cet éphémère chal­lenge. Il était par con­tre cap­i­taine de l’équipe de France mil­i­taire qui a joué con­tre les Anglais en 1925, ce qui lui a valu les louanges de la presse (His­torique de l’École mil­i­taire de l’infanterie et des chars de com­bat : Avord, 1873–1879 ; Saint-Maix­ent, 1881–1927). Et ça, c’est assez chic.
     
  • Yves surtout avait d’autres qual­ités qui en font un Car­va accom­pli : il était beau, bien fait de sa per­son­ne, bon cama­rade (nous l’avons vu plus haut), sym­pa, drôle et ne se pre­nait pas au sérieux. Bref, LE cocon séduisant, l’X que vous auriez voulu être ou épouser, au choix !
     
  • Reste la ques­tion que nous atten­dons tous, que vous atten­dez tous : est-il pos­si­ble qu’un homme aus­si beau, aus­si sym­pa et aus­si mal classé ne soit pas mis­saire ? Cher lecteur, une fois n’est pas cou­tume, nous te lais­serons décider : tu trou­veras ci-dessous une pho­to de la Khômiss 1924 et, en médail­lons, des pro­fils d’Yves. Il ressem­ble assuré­ment à l’élève un peu rêveur assis à droite… est-ce lui ?

La khomiss 1924

Pour aller plus loin

Les auteurs ont vécu pen­dant près de deux mois avec Yves du Manoir, comme beau­coup de Français en 1926, ils ont dévelop­pé une réelle affec­tion pour lui. Si sa mort en ser­vice com­mandé l’a élevé à un rang de héros prob­a­ble­ment usurpé, il est de ces per­son­nal­ités qui ont forgé la légende de l’École. Le chal­lenge Yves du Manoir a dis­paru, le Rac­ing va aban­don­ner le stade de Colombes et même si Mont­pel­li­er, dans le stade qui porte son nom, entre­tient la flamme, l’X gag­n­erait à faire revivre la légende de ce jeune demi d’ouverture au cro­chet désarmant.

Par­mi nos cama­rades, on compterait peu de sportifs de haut niveau — prob­a­ble­ment moins que d’ecclésiastiques —, nous nous attacherons à les recenser prochainement.

L’article de La Jaune et la Rouge (N° 408 Octobre 1985)

Quelques extraits :

Quand on con­nut la fin pré­maturée de ce cham­pi­on de 23 ans, l’affliction du pays fut à la mesure de sa ferveur.

Vau­cres­son et Saint-Cast rebap­tisèrent « Yves du Manoir » la rue où il était né et, celle où il avait sa mai­son famil­iale ; Paris don­na son nom à une avenue du quarti­er des Ternes.

Le Rac­ing Club de France créa, en sa mémoire, le Chal­lenge du Manoir, com­péti­tion entre Clubs de Rug­by de haut niveau, qui con­tin­ue à se dis­put­er annuelle­ment. Une stèle fut élevée à Reuil­ly là où son avion s’était écrasé. Le Rac­ing fit ériger au Stade Olympique de Colombes sa stat­ue par le sculp­teur Puifor­cat et, hon­neur suprême, ce stade reçut, dès 1928, le nom de « Stade Yves du Manoir ».

Une telle somme d’honneurs, ce mod­èle de sim­plic­ité ne l’avait ni recher­chée ni souhaitée. Peut-être se sent-il mieux à l’aise dans sa dernière demeure : au Père Lachaise, dami­er de sépul­tures pom­peuses, il est un petit recoin silen­cieux, inso­lite, si escarpé que seuls cer­tains emplace­ments ont per­mis de creuser des caveaux déjà sécu­laires, les inter­valles étant livrés à une végé­ta­tion touf­fue ; une allée étroite et déserte y ser­pente, comme un tronçon de sen­tier de ran­don­née. Là, sur une sobre dalle famil­iale on peut déchiffrer :

Yves Le Pel­ley du Manoir
Poly­tech­ni­cien Offici­er Aviateur
1904–1928

Fiches matricule et d’Etat civil

Etat Civil d'yves du ManoirLe Pel­ley du Manoir, Yves Franz Loys Marie (X1924 ; 1904–1928)
Etat civ­il : Naiss. : 1904 le 11 08 : Vau­cres­son (Seine-et-Oise) ; mort en 1928 le 02 01
PERE : Math­ieu Jules Marie René –
MERE Compte de Tal­lo­bre, Jeanne Gabrielle Mar­guerite Marie –
Adresse : 2 bis avenue des Syco­mores- : Paris 16 (Seine)
Desc. phys. : Cheveux châ­tains – Front moyen – Nez moyen – Yeux châ­tains – Vis­age ovale – Taille 170 –
Sco­lar­ité : EXAMEN : Paris – CLASST : 184 – PASSAGE : 223e en 1925 sur 228 élèves – SORT : 218e en 1926 sur 227 élèves CORPS : D.- en 1926-.
Rens. situa. : Ss-Lt Air – Acci­dent d’aviation –

Remerciements

Les auteurs tien­nent à remerci­er, pour leur aide :

Bib­li­ographique, Olivi­er Azzo­la, de la BCX et Jean-Pierre Hen­ry (X64), webmestre de La Jaune et la Rouge

His­torique, Gré­goire Fan­neau de la Horie (X86)

Logis­tique, Hugo Levy-Hei­d­mann (X11)

Mar­ket­ing, les équipes de polytechnique.org

Icono­gra­phie, Mon­sieur Frédéric Hum­bert, au blog (rugby-pioneers.blogs.com) duquel ils ont « emprun­té » une photo

A spe­cial Thank You ! to Paul & Marie Fur­long for their gift to the BCX which gave us the idea of this research. Good­will Genealogists

Et, bien enten­du, Hervé Kabla (X84), leur hébergeur favori

Addendum

Preuve de la con­struc­tion délibérée du mythe, cette bande-dess­inée à car­ac­tère hagiographique parue dans « l’Equipe Juniors » au cours des années 50. Elle prend mal­heureuse­ment trop de place pour être affichée dans le corps de l’article.(le lien a été perdu)

Généalogie

L’ar­bre généalogique en ligne

Si son patronyme évoque le Cotentin, la mer et la Royale, avec à Granville en fin du XVIIIe un trisaïeul sieur Dumanoir, cap­i­taine et cor­saire, ses racines sont pour­tant en France pro­fonde, le Dauphiné du côté pater­nel, le Mas­sif Cen­tral du côté mater­nel, d’une noblesse provin­ciale. A la restau­ra­tion, Louis XVIII attribue le titre de Vicomte hérédi­taire à son arrière-grand-père par let­tres patentes du 5 févri­er 1816.

Par le jeu des alliances, les par­ents d’Yves ont du bien : le Vicomte, pro­prié­taire ren­tier, est déclaré sans pro­fes­sion sur tous les actes d’état civil.

En fin du XIXe siè­cle, ils quit­tent le Dauphiné pour s’installer à Paris. La famille com­prend dix enfants, cinq garçons et cinq filles dont trois décè­dent avant la nais­sance d’Yves le 11 août 1904 dans la mai­son de vil­lé­gia­ture de la famille à Vau­cres­son au 9 d’un chemin rebap­tisé depuis rue Yves du Manoir.

Il fait sa pré­pa au Lycée Saint-Louis à Paris, après être passé, entre autres, par Saint-Louis-de-Gon­zague et Ginette.

Des commentaires sélectionnés

Statue de Yves du Manoir par Puiforcat
Yves du Manoir par Puiforcat

Par Claude NERRAND le 11 décembre 2013

Qua­tre vingt six ans après son décès, dans quelques jours, il vous sem­ble décou­vrir, Yves Le Pel­ley du Manoir.

Vous racon­tez sa vie comme si vous l’aviez con­nu, jalousé en mélangeant quelques faits et beau­coup d’inexactitudes.

Moi j’habite Reuil­ly dans l’Indre, là où le 2 jan­vi­er 1928, Yves est décédé dans un acci­dent d’avion-école.

Ce jour-là, la cham­pagne berri­chonne était enfer­mée dans un épais brouil­lard. Le jeune avi­a­teur avait quit­té Avord, près de Bourges, pour effectuer dans son Cau­dron, un cir­cuit Avord- Romoran­tin-Château­roux-Avord. Il s’est per­du après Romoran­tin dans l’épaisseur du ciel com­plète­ment bouché et s’est déporté de 25 km env­i­ron de la ligne Romorantin-Châteauroux.

On peut imag­in­er les min­utes de frayeur du pilote. A Reuil­ly, il a sûre­ment cher­ché un repère et a large­ment bais­sé son avion. Une branche de peu­pli­er de La Val­terie a coincé une des roues et il a piqué.

Voilà sa triste fin. Seul au milieu de la prairie, un mon­u­ment sim­ple rap­pelle ce trag­ique accident.

C’est avec peine que je lis vos rap­pels sur sa vie. Encom­brés d’inexactitudes. Mais c’est surtout ce dén­i­gre­ment que l’on ressent dans votre texte qui blesse.

Pourquoi voulez-vous met­tre de l’ombre sur un grand sportif ? Il a bril­lé dans le rug­by et vous le recon­nais­sez même. Les médias de l’époque ont con­stru­its un petit héros. Pourquoi allez-vous fouiller dans sa généalo­gie qui est très belle, énorme même.

Vous avez révélé (s’ils sont exactes) les posi­tions dans les classe­ments, que même encore, l’Ecole Poly­tech­nique ne veut pas trans­met­tre. Avec une force mal­saine vous jugez ses pos­si­bil­ités assez faciles de sa vie.Il a béné­fi­cié, bien sûr, comme beau­coup d’autres, d’un bon sou­tien familial.

Vous oubliez de dire que la veille de l’examen d’entrée à Poly­tech­nique son père était décédé et pour­tant il a réussi….

Je ne com­prends pas l’esprit qui vous a pénétré pour écrire votre texte. Vous vouliez faire du mal à sa famille, ses amis et à ceux, encore, qui le con­sid­èrent comme un jeune garçon dynamique, sportif, appor­tant une image sérieuse et très mod­èle. Mais je ne le crois pas. Regardez un instant en vous-même, vous êtes sure­ment meilleur que ce bout de papier.

Je pour­rais être votre grand-père et je suis désolé de vous le dire, cela n’est pas bien.

Claude Nerrand, 81 ans, Prési­dent de l’Office de Tourisme de Reuil­ly en Berry.

Réponse d’Alain BRACHON le 12 décembre 2013

Per­me­t­tez à un autre grand-père dont vous pour­riez être le frère plus vieux de 10 ans de réa­gir à votre commentaire.

Les cir­con­stances de la mort d’Yves que vous nous rap­pelez fort à pro­pos sont décrites dans l’article de Mau­rice Brunet (X1928) « Elève à l’Ecole, idole de la foule… » auquel ren­voie notre doc­u­ment. L’auteur, con­tem­po­rain d’Yves, avait eu le loisir d’interroger les cama­rades de pro­mo­tion d’Yves, par­mi eux l’un de ses cama­rades de casert (cham­brée), Louis Armand – oui l’immense Louis Armand – que j’entends encore racon­ter com­ment il avait accom­pa­g­né Yves à un ren­dez-vous de l’équipe de France à Colombes, tous les 2 en grand U sur une moto­cy­clette pilotée par Yves et lui juché sur le tansad.

Tout ce qui est écrit dans cet arti­cle est puisé aux meilleures sources famil­iales ou d’état civ­il, et par­mi elles bien évidem­ment le livre que son frère aîné René Fer­nand Marie a con­sacré à Yves et qu’il pré­face ain­si : « …Yves n’appartient pas qu’à nous ; d’autres ont égale­ment droit à son sou­venir : amis d’enfance, cama­rades de tra­vail ou de jeu, sportifs dont cer­tains, suiv­ant leur touchante expres­sion, « allaient à Colombes pour voir jouer du Manoir », tous ceux enfin qui m’ont demandé ce livre en sou­venir de lui… ».

Oui, Yves du manoir était un cham­pi­on excep­tion­nel que nous avons voulu réha­biliter car de nos jours peu de gens savent qui et quel sportif il était. Oui, son frère aîné l’avait réveil­lé dans la nuit du 5 juil­let 1924 pour qu’il assiste aux derniers instants de son père et quelques heures plus tard, affronte la dernière épreuve du con­cours de l’X, une com­po­si­tion de Math de 4 heures… Ce que vous prenez pour de la suff­i­sance d’avoir glosé sur ses rangs de classe­ment n’est qu’une manière de potache de cham­br­er un cama­rade comme nous l’aurions fait avec lui à par­tir de ce que l’on dis­ait ou écrivait déjà de lui et je suis cer­tain qu’il aurait été le pre­mier à par­tir d’un immense éclat de rire !

Peut-on sérieuse­ment douter que jouant en équipe pre­mière du Rac­ing, 6 fois inter­na­tion­al comme élève dont 5 fois en pre­mière année, cette activ­ité sportive débor­dante n’ait pas eu de réper­cus­sions sur son classe­ment à l’X ? Oui, nous auri­ons voulu l’avoir comme cama­rade de pro­mo­tion, comme cama­rade de rug­by et surtout comme cama­rade mis­saire, puisque cela sem­ble bien être acquis.

Yves du Manoir appar­tient au pat­ri­moine sportif français, mais est-ce lui man­quer de respect si nous avons ten­té de le décrire tel que nous avons acquis la con­vic­tion qu’il était : « trop sim­ple pour affecter une grav­ité qui n’était ni de son âge, ni de son tem­péra­ment, trop mod­este pour tir­er van­ité des études qu’il pour­suiv­ait bril­lam­ment ou de sa répu­ta­tion d’athlète, il était aus­si trop franc pour dis­simuler sa nature : gaie, prime­sautière, presque enfan­tine » comme nous le présente son frère.

Oui, je recon­nais, nous avons com­mis un crime de lèse-majesté en met­tant en doute l’orthographe actuelle en deux mots de son patronyme de nais­sance Dumanoir !

Pour­tant son père, le Vicomte, a tou­jours signé Dumanoir. A la sépul­ture en 1896 de ses 2 filles jumelles, il a fait graver Dumanoir leur épi­taphe sur la pierre tombale du caveau famil­ial où je suis allé me recueil­lir. Le change­ment en du Manoir n’est vis­i­ble qu’à par­tir de 1924, avec la sépul­ture du Vicomte puis celle d’Yves et ensuite d’une par­tie de la famille.

Le 26 févri­er 1927 lors du mariage du frère aîné René Fer­nand Marie, il est men­tion­né en fin d’acte : « Lec­ture faite, les époux et témoins ont signé avec nous et Madame la Vicomtesse Le Pel­ley du Manoir, mère de l’époux, ont déclaré sous la foi du ser­ment que le nom du Manoir devait s’écrire en deux mots, et non en un seul comme il a été orthographié sur l’acte de nais­sance de son fils et dans l’acte de décès de son mari. »

Faites les 55 km de Reuil­ly jusqu’à Saint-Pierre-de-Lamps et là vous aurez tout le loisir de con­sul­ter l’acte en mairie, si jamais vous doutez !

En dépit de nos recherch­es, nous n’avons trou­vé trace nulle part d’un quel­conque juge­ment d’un tri­bunal de pre­mière instance ou d’une pub­li­ca­tion au Jour­nal Offi­ciel qui vienne à l’appui de ce ser­ment devant offici­er public.

Aucune men­tion mar­ginale en ce sens ne fig­ure dans aucun des actes de nais­sance des frères d’Yves alors que l’arbre famil­ial est pour­tant riche en men­tions mar­ginales cor­rec­tives, à com­mencer par l’acte de nais­sance de Mme la Vicomtesse, sa mère, ou encore celui du grand-père pater­nel d’Yves comme on peut le décou­vrir sur l’arbre en ligne (http://gw.geneanet.org/yveslepelleydumanoir_w).

Nous cor­rige­ri­ons bien évidem­ment notre doc­u­ment en pub­liant tout doc­u­ment offi­ciel que l’on nous com­mu­ni­querait et qui infirmerait notre propos.

Prenez con­nais­sance de la nom­i­na­tion d’Yves à titre posthume, le 5 juin 1930, comme Cheva­lier de la Légion d’honneur : elle est au nom d’Yves Le Pel­ley Dumanoir mais le récépis­sé daté du 29 octo­bre 1931 est signé de Mme du Manoir (Mère) 37 rue de la Tour, Paris…

Tout cela n’a finale­ment d’importance que pour ceux qui tien­nent absol­u­ment à cette particule.

Germa le 11 décembre 2013

Ces échanges sont très intéres­sants . Ils mon­trent la com­plex­ité du cas Yves du Manoir et par­ler de mythe à son sujet est bien fondé vu le décalage entre la réal­ité et la place qu’occupe sa mémoire et son nom dans l’espace pub­lic : com­ment le triste acci­dent d’un jeune X en uni­forme génère un héros. nation­al qui échappe à sa famille !

Christophe Faurie le 21 décembre 2013

Je suis fasciné par la capac­ité de Serge à sus­citer des réac­tions vigoureuses. Son effet dépous­siérant serait bien­venu pour bien des sujets…

Alexandre Moatti le 23 décembre 2013

Je pense que 85 ans après, on doit pou­voir dis­cuter de tout, même si on s’attaque à des mythes.

S. Del­wasse le fait à sa manière, un peu provo­ca­trice, sous le prisme de l’argot et des tra­di­tions de l’X qu’il est dif­fi­cile de com­pren­dre (et d’apprécier) quand on n’est pas issu de l’X (et même quand on en est issu, cela reste par­fois assez ésotérique).

On peut voir l’aspect posi­tif, aus­si : Del­wasse a per­mis qu’on repar­le d’YduManoir et qu’on le fasse con­naître à nou­veau, ce qui est une bonne chose. Il a surtout per­mis qu’un album de pho­tos d’époque con­cer­nant YduM, qui avait échoué aux USA ait pu rejoin­dre via PriceM­i­nis­ter (!) la bib­lio­thèque de l’X pour con­ser­va­tion au dossier YdM, et de cela nous remer­cions tout par­ti­c­ulière­ment S. Delwasse.

Une pré­ci­sion his­torique toute­fois sur une phrase qui a pu cho­quer la famille (le reste est plutôt une remise en per­spec­tive intéres­sante, cf. ce que font les sci­ence social stud­ies avec les icônes de la sci­ence). En 1816, il y a une large ouver­ture des titres de noblesse par Louis XVIII. L’obtention du titre de comte/vicomte n’était donc pas de cir­con­stance, spé­ci­fique à cette famille, mais s’inscrivait dans un mou­ve­ment poli­tique plus large. La famille LE PELLEY Du MANOIR est A.N.F. (cat­a­logue Valette), « Nor­mandie (Granville), vicomte en 1816 », donc de noblesse attestée suiv­ant les critères recon­nus de nos jours.

Alexan­dre Moat­ti Ingénieur en chef des Mines (X78)
Prési­dent de la SABIX, Société des amis de la Bib­lio­thèque et de l’Histoire de l’École polytechnique.

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