Valoriser la diversité des élèves

Dossier : ExpressionsMagazine N°680 Décembre 2012Par : Catherine FORESTIER, directrice de l’école de la rue de Tourtille

Accueillant 220 enfants, l’école est située dans un quar­tier où les nou­veaux loge­ments HLM construits dans le cadre des réno­va­tions du quar­tier de Bel­le­ville accueillent de nom­breuses familles immi­grées primo-arrivantes.

Catherine FORESTIER, directrice de l’école de la rue de TourtilleLes enfants sont ori­gi­naires de vingt natio­na­li­tés dif­fé­rentes, 70 % sont issus de familles pro­ve­nant d’Afrique noire, du Magh­reb ou d’Extrême-Orient, et le décompte des tarifs réduits à la can­tine montre la fai­blesse des reve­nus de beau­coup d’entre elles.

Résorber la violence

En 2003 et 2004, l’école a connu une période dif­fi­cile. La mise en place d’une nou­velle direc­tion et le renou­vel­le­ment de l’équipe péda­go­gique ont per­mis la défi­ni­tion d’un pro­jet dont la mise en œuvre a for­te­ment contri­bué à résor­ber la violence.

Un pre­mier défi était de per­sua­der les parents d’origine hexa­go­nale de ne pas reti­rer leurs enfants. L’Association de parents d’élèves a été asso­ciée aux réflexions qui ont débou­ché sur trois orientations.

Mieux vivre dans l’institution

D’abord, il fal­lait per­mettre à chaque enfant de mieux vivre dans l’institution sco­laire et d’y apprendre à deve­nir citoyen à part entière. Cela s’est tra­duit par la mise en place de conseils d’enfants où ils appre­naient à débattre, à écou­ter, à ne pas être d’accord, à construire des règles de vie commune.

Il a aus­si été mis en place une pro­cé­dure de contrat qui per­met­tait de sor­tir tem­po­rai­re­ment de sa classe un élève posant de gros pro­blèmes de comportement.

Se donner les moyens de la réussite

Ensuite, il fal­lait se don­ner les moyens d’assurer la réus­site de chaque élève.

Prendre en compte une popu­la­tion pour laquelle « l’école ne va pas de soi »

L’emploi du per­son­nel sup­plé­men­taire affec­té au titre du clas­se­ment de l’école en ZEP a per­mis d’assouplir la répar­ti­tion des tâches entre les ensei­gnants, avec des fonc­tion­ne­ments en sous-groupes pour mieux prendre en compte l’hétérogénéité des élèves.

Le Réseau d’aide spé­cia­li­sée aux enfants en dif­fi­cul­té (Rased) a pris en charge ceux qui étaient en grande dif­fi­cul­té. Enfin des contacts ont été pris avec les col­lèges du quar­tier de façon à pré­pa­rer les pas­sages en sixième des élèves en fin de CM2.

Améliorer la communication

Enfin, il conve­nait d’amé­lio­rer la com­mu­ni­ca­tion avec les familles, notam­ment celles qui n’avaient aucune fami­lia­ri­té avec l’école. Celle-ci a recou­ru à des inter­prètes pour les contacts avec les parents qui ne maî­tri­saient pas l’usage du fran­çais à l’écrit et par­fois même à l’oral. Elle a aus­si enga­gé des actions (expo­si­tions, semaines thé­ma­tiques, etc.) dans le but de valo­ri­ser la diver­si­té des cultures.

Résister collectivement

Après trois années, en 2009, l’école a revu son diagnostic.

« La qua­li­té des ensei­gnants, la mobi­li­sa­tion de l’équipe, la pro­mo­tion de valeurs telles que le res­pect mutuel, celui des ensei­gnants, du per­son­nel de ser­vice, mais aus­si des élèves, des familles, le temps pris pour le dia­logue, l’accent mis sur des appren­tis­sages qui aient un sens pour les élèves, la réflexion sur les éva­lua­tions et l’orientation des élèves, sur les règles et les sanc­tions, la qua­li­té de vie dans l’établissement, la par­ti­ci­pa­tion de cha­cun à des ini­tia­tives sont autant de moyens pour résis­ter col­lec­ti­ve­ment et don­ner un sens à l’école, là où l’école ne va pas de soi. »

D’où un nou­veau pro­jet qui refor­mu­lait les trois orientations.

Collectif à l’école de la rue de TourtilleLe théâtre comme ins­tru­ment d’intégration

« J’ai décou­vert l’école de la rue de Tour­tille à l’occasion de la fête de fin d’année des classes de CM2. J’avais été convié par une ensei­gnante dont j’accompagnais la sco­la­ri­té d’un élève. Il s’agissait de la repré­sen­ta­tion d’une comé­die musi­cale dont le pro­fes­seur de musique avait écrit le texte et com­po­sé la musique, et que les pro­fes­seurs des deux CM2 avaient mise en scène. S’agissant d’une his­toire dont les pro­ta­go­nistes étaient les dieux de la mytho­lo­gie grecque, le spec­tacle alter­nait le chœur chan­té des enfants avec des scènes par­lées dont ils étaient les acteurs, un orchestre de six ensei­gnants diri­gés par l’auteur assu­rant la musique.

Il en résul­tait une repré­sen­ta­tion très enle­vée d’une heure trente, reçue avec un grand bon­heur par le public des parents.

L’auteur avait mul­ti­plié les per­son­nages de façon à ce que tous les enfants aient un rôle. Les cho­ristes chan­taient avec enthou­siasme des textes simples et drôles. Rien n’était impro­vi­sé, le spec­tacle était l’aboutissement d’un tra­vail col­lec­tif autour duquel les deux pro­fes­seurs des CM2, celui de musique, celui d’arts plas­tiques et leurs col­lègues de l’orchestre avaient réus­si à mobi­li­ser leurs 45 élèves, fai­sant vivre un Olympe com­po­sé comme une assem­blée géné­rale de l’ONU.

Cela se pas­sait dans une école pri­maire située au cœur d’un quar­tier très sen­sible. On connaît la gra­vi­té du pro­blème de l’échec dans l’enseignement pri­maire en France. Il m’a sem­blé que cette école s’était don­né les moyens d’assumer et même de valo­ri­ser la grande diver­si­té eth­nique des élèves. C’est pour mieux la connaître que j’ai pris contact avec sa directrice. »

Jacques Denantes (49)

Donner un sens à l’école

Concer­nant l’appren­tis­sage de la citoyen­ne­té, il fal­lait que tous les élèves trouvent « un sens à l’école ». Ils ont pro­duit des émis­sions pour la radio sco­laire, ils se sont impli­qués dans la pré­pa­ra­tion de semaines à thèmes (semaine de la poé­sie, de la science, du sport, etc.), enfin ils sont deve­nus acteurs de spec­tacles comme la comé­die musi­cale de la fête des CM2.

Le socle commun

Se don­ner les moyens, non seule­ment d’assumer, mais encore de valo­ri­ser la pluralité

Au plan de la réus­site sco­laire, l’école a ins­crit son action dans le cadre du socle com­mun des connais­sances et des com­pé­tences défi­ni par la loi de 2005. Il s’agit de celles que chaque élève doit savoir et maî­tri­ser en fin de sco­la­ri­té obligatoire.

Ayant mis l’accent sur la pra­tique de la lec­ture et sur l’utilisation du cal­cul dans la réso­lu­tion de pro­blèmes, l’école a enga­gé des actions concrètes pour en assu­rer la maî­trise par tous les élèves : rituels d’apprentissage, dégrou­pages des classes, inci­ta­tions à la lec­ture, exer­cices de réso­lu­tion de pro­blèmes, etc.

Aider les familles

Pour la com­mu­ni­ca­tion avec les familles, l’école s’est pré­oc­cu­pée d’apporter une aide à celles qui n’avaient ni les moyens, ni les capa­ci­tés d’organiser le temps des enfants en dehors de l’école. Il s’agissait, là encore, de lut­ter contre l’échec sco­laire par des acti­vi­tés d’aide et d’accompagnement, d’abord dans l’école, mais aus­si hors de l’école en éta­blis­sant des par­te­na­riats avec des asso­cia­tions d’éducation populaire.

En amont de l’école, des contacts ont été éta­blis avec les écoles mater­nelles du quar­tier afin de pré­pa­rer les arri­vées en CP.

Assurer le fonctionnement de l’école

Une diver­si­té maîtrisée

Sans doute cette école ne peut-elle riva­li­ser avec celles des beaux quar­tiers où, dès l’entrée en mater­nelle, les parents ont le sou­ci de la réus­site de leurs enfants, mais dans la mesure où la direc­tion et l’équipe ensei­gnante de la rue de Tour­tille ont réus­si à maî­tri­ser la diver­si­té, on peut se deman­der si, mieux que dans une autre école, les enfants ne sont pas ici pré­pa­rés à vivre dans un monde de plus en plus voué à cette diversité.

Jacques Denantes (49)

Ayant défi­ni ces orien­ta­tions et conso­li­dé une équipe pour les mettre en œuvre, l’école a retrou­vé un mode de fonc­tion­ne­ment qui la met au dia­pa­son de son quar­tier. Seule­ment 17% des élèves sont fran­çais de souche, mais les parents ont retrou­vé confiance.

Au contact de l’école, on sent la cohé­sion d’une équipe ensei­gnante de 14 per­sonnes, cohé­sion entre­te­nue par la forte impli­ca­tion de la direc­trice, par l’habitude ins­tau­rée d’une réunion infor­melle chaque fin de semaine et par l’accent mis sur l’accueil des nou­veaux affectés.

Tous les pro­blèmes ne sont pas réso­lus. Il reste l’absentéisme d’enfants dont les parents décident en cours d’année d’aller faire un tour au pays et qui rendent ensuite l’école res­pon­sable de l’échec en fin d’année.

Tous les matins et tous les soirs, il faut sur­veiller la porte et contrô­ler les entrées et par­fois même inter­ve­nir dans la rue pour pro­té­ger les enfants. À l’intérieur même de l’école, il arrive que sur­gissent des conflits entre élèves dont on a peine à com­prendre les raisons.

Mais une grande vigi­lance et la bonne entente entre les ensei­gnants per­mettent de gar­der ces péri­pé­ties sous contrôle. L’école affiche des résul­tats sco­laires qui la situent au-des­sus de la moyenne de sa circonscription.

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