Une petite histoire de la monnaie

Une petite histoire de la monnaie

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°792 Février 2024
Par Gilles BRANSBOURG (X85)

En com­plé­ment de notre dos­sier sur les cryp­to­mon­naies et pour l’éclairer par une vision dans le temps, voi­ci une rapide his­toire de la mon­naie. On y voit que cette his­toire est pleine de rela­ti­vi­té : incer­ti­tude quant aux ori­gines de la mon­naie, varié­té des formes maté­rielles de la mon­naie, dis­so­cia­tion entre la valeur maté­rielle et la valeur faciale de la mon­naie. Les cryp­to­mon­naies sont une mani­fes­ta­tion sup­plé­men­taire de cette rela­ti­vi­té, dont l’histoire reste elle-même à écrire.

Mon­naie : « Ins­tru­ment de mesure et de conser­va­tion de la valeur, moyen légal d’échange des biens » (Le Robert, dic­tion­naire en ligne).

Une origine incertaine

Toute his­toire de la mon­naie doit par­tir d’un constat décou­ra­geant : nous ne pou­vons ni dater ni situer géo­gra­phi­que­ment sa pre­mière appa­ri­tion, et encore moins par­ve­nir à un consen­sus sur sa maté­ria­li­té et les méca­nismes ayant mené à son usage.

His­to­ri­que­ment, deux grandes thèses s’affrontent : celle du troc, où la mon­naie appa­raît comme un maté­riau faci­li­tant les échanges, qui peut être frac­tion­né et conser­vé, per­met­tant de dif­fé­rer dans le temps et de mesu­rer une tran­sac­tion qui sans cela n’aurait pu avoir lieu. Dans le cadre de cette hypo­thèse, la mon­naie s’impose orga­ni­que­ment comme résul­tat d’un consen­sus entre indi­vi­dus, qui se généralise.

La seconde consi­dère que l’État joue un rôle fon­da­teur déter­mi­nant, déci­dant quels seront les médiums par les­quels les indi­vi­dus dépen­dant de son auto­ri­té pour­ront acquit­ter leurs obli­ga­tions, et impo­sant ain­si la mon­naie, uni­té de compte arbi­traire, à tra­vers des méca­nismes fis­caux et des défi­ni­tions légales codi­fiant l’existence de dettes et de cré­dits. Au sein de la pen­sée occi­den­tale moderne, Adam Smith (1723−1790) et Carl Men­ger (1840−1921) ont déve­lop­pé la pre­mière thèse, métal­liste et maté­rielle, pen­dant que l’approche léga­liste ou « char­ta­liste » a été sou­te­nue par Georg Frie­drich Knapp (1842−1926) et Alfred Mit­chell-Innes (1864−1950) notamment.

Trésor d’objets en argent mêlant lingots circulaires et pièces de monnaie, Égypte, collection de l’American Numismatic Society (New York), Ve siècle av. J.-C.
Tré­sor d’objets en argent mêlant lin­gots cir­cu­laires et pièces de mon­naie, Égypte, col­lec­tion de l’American Numis­ma­tic Socie­ty (New York), Ve siècle av. J.-C.

Hérodote, Aristote, Thomas d’Aquin, Oresme… 

Le débat remonte plus loin, et cette ten­sion entre mon­naie char­ta­liste, pou­vant être mul­ti­pliée à volon­té par l’autorité, et mon­naie-maté­riau, tirant sa valeur de son carac­tère phy­sique, s’exprime clai­re­ment par la voix de Nico­las Oresme, évêque de Lisieux au XIVe siècle. Ce der­nier, comme Tho­mas d’Aquin, fait remon­ter la mon­naie au troc, mais affirme sa nature arti­fi­cielle, tout en refu­sant au Prince la pro­prié­té de la mon­naie, car il est témoin des désordres moné­taires de son temps et de leurs consé­quences. Il se situe dans la droite ligne d’Aristote, pour lequel la mon­naie est maté­rielle, ren­due néces­saire par le besoin d’échanger des biens au loin, faite d’un maté­riau dis­po­sant d’une valeur en soi, mais dont l’utilité, défi­nie par des conven­tions humaines, peut dis­pa­raître. Elle est une norme, mais l’échange pré­existe à la monnaie.

“La monnaie est une norme, mais l’échange préexiste à la monnaie.”

Cette ten­sion entre norme et valeur appa­raît plus net­te­ment encore chez Pla­ton, le maître d’Aristote, qui dif­fé­ren­cie la mon­naie-jeton, réser­vée aux échanges inté­rieurs dans la Cité, de la mon­naie inter­na­tio­nale, dont la valeur repose sur le métal pré­cieux. Héro­dote, écri­vant au Ve siècle et donc chro­no­lo­gi­que­ment proche de l’invention de la pièce de mon­naie frap­pée en Lydie (Asie Mineure) à la fin du VIIe siècle, asso­cie lui aus­si l’invention de la mon­naie au com­merce – com­merce de détail dans son cas.

Monnaie-troc ou monnaie-charte ? 

Comme le rap­pelle David Grae­ber (Debt. The First 5,000 years, Mel­ville House Publi­shing, 2011, 2012, 2014), ne sommes-nous pas en face de deux recons­truc­tions mythiques ? Certes, le troc ori­gi­nel d’Adam Smith ne se retrouve dans aucune obser­va­tion eth­no­gra­phique, mais par ailleurs l’État idéal d’où pro­vien­drait le concept de dette et d’unités de compte moné­taires abs­traites et arbi­traires ne se retrouve pas plus dans une quel­conque socié­té humaine passée.

Que dit l’archéologie ?

Les décou­vertes archéo­lo­giques récentes offrent pro­ba­ble­ment une voie de syn­thèse. L’écriture en Méso­po­ta­mie ne pro­vient pas du désir d’imprimer une pen­sée, mais tout sim­ple­ment de la néces­si­té de comp­ter. Des petites formes d’argile, jetons ou tokens en anglais, appa­raissent au VIIIe mil­lé­naire et évo­luent vers des signes numé­riques sur les tablettes du IIIe mil­lé­naire (Denise Schmandt-Bes­se­rat, La Genèse de l’écriture, tra­duc­tion Natha­lie Fer­ron, Les Belles Lettres, 2022. Titre ori­gi­nal : How wri­ting came about, The Uni­ver­si­ty of Texas Press, 1992, 1996).

Les cités et les temples éprouvent donc le besoin de quan­ti­fier les flux de richesses pas­sant entre leurs mains. Mais les uni­tés de compte uti­li­sées reposent sur des objets phy­siques qui sont dési­rés pour et par eux-mêmes : têtes de bétail, céréales, tex­tiles, métaux. L’utilité de l’or et de l’argent peut être dis­cu­tée : contrai­re­ment au cuivre mêlé d’étain ou plus tard au fer, ces métaux ne servent ni à chas­ser, ni à fabri­quer des outils, ni à faire la guerre. Mais, suf­fi­sam­ment répan­dus pour être acces­sibles, pas trop non plus afin de ne pas être gal­vau­dés, peu cor­rup­tibles – l’or ne s’oxyde pas –, ils véhi­culent une valeur esthé­tique que leur rare­té rela­tive distingue.

L’usage déco­ra­tif de métaux pré­cieux en tant que sym­boles de richesse et de pou­voir remonte au moins au Ve mil­lé­naire av. J.-C., ain­si qu’en témoigne l’or de la somp­tueuse tombe de Var­na en Bulgarie.

La révolution néolithique et la naissance des États

Avec la révo­lu­tion agri­cole qui se répand du Proche-Orient vers l’Europe, des socié­tés plus com­plexes et nom­breuses ne peuvent plus se repo­ser sur des normes col­lec­tives consen­suelles et connues de tous afin de pro­duire et répar­tir la richesse. À l’entraide sacra­li­sée du groupe, de la tri­bu ou du clan suc­cèdent des tran­sac­tions quan­ti­fiées et pro­gres­si­ve­ment inter­mé­diées, les pro­duc­teurs finaux de ces dif­fé­rents biens ne se ren­con­trant plus néces­sai­re­ment lors de la tran­sac­tion. Certes, les États jouent un rôle majeur, concen­trant et répar­tis­sant la res­source, mais la comp­ta­bi­li­té des mar­chands assy­riens par exemple met aus­si en lumière l’existence de classes mar­chandes enga­gées dans le com­merce loin­tain. États et com­merce se sou­tiennent mutuellement.

Dans la tra­di­tion proche-orien­tale et médi­ter­ra­néenne, des quan­ti­tés pesées d’or et d’argent finissent par s’imposer. Une uni­té de poids, le she­kel, se géné­ra­lise dans la région et se trans­forme en voya­geant au loin. Des petits lin­gots stan­dar­di­sés d’argent ont été décou­verts dans de nom­breux sites en Israël, et cer­tains étaient réunis dans des sacs de cuir scel­lés. L’apparition du métal frap­pé du sym­bole de la cité, de ses dieux ou d’une auto­ri­té ne repré­sente donc pas un saut concep­tuel majeur.

« L’existence de petits États dépendant du commerce extérieur pour acquérir tout ce qui leur manque a probablement aidé à la création de la pièce frappée. »

La rai­son pour laquelle ce phé­no­mène débute en Lydie, puis se répand en Grèce, alors que d’autres États mar­chands, comme les cités phé­ni­ciennes, s’en passent par­fai­te­ment, demeure obs­cure. Il est pos­sible que la frag­men­ta­tion poli­tique de la Grèce ait joué un rôle : alors que l’Empire perse voit cir­cu­ler l’or et l’argent au poids, l’existence de petits États dépen­dant du com­merce exté­rieur pour acqué­rir tout ce qui leur manque a pro­ba­ble­ment aidé à la créa­tion de la pièce frap­pée. Son avan­tage consiste à sim­pli­fier, stan­dar­di­ser et ren­for­cer la cré­di­bi­li­té des objets moné­taires, dans un cadre poli­tique mor­ce­lé où l’origine des espèces pro­vient d’entités poli­tiques sou­vent hostiles.

1/3 de Stater, Lydie (Asie Mineure), electrum, collection de l’American Numismatic Society (New York), début du vie siècle av. J.-C.
13 de Sta­ter, Lydie (Asie Mineure), elec­trum, col­lec­tion de l’American Numis­ma­tic Socie­ty (New York), début du VIe siècle av. J.-C.

Une Asie aux concepts spécifiques

L’usage d’objets stan­dar­di­sés en métal s’impose aus­si dans les espaces indien et chi­nois, mais sous des moda­li­tés dif­fé­rentes, notam­ment en Chine, où le métal pré­cieux manque. Des pièces de cuivre ou de bronze sont reliées entre elles par une corde afin de repré­sen­ter une valeur de tran­sac­tion suf­fi­sam­ment éle­vée. D’où la domi­na­tion de mon­naies per­cées au centre, carac­té­ris­tiques de l’Asie de l’Est. De la même manière que les lin­gots et autres frag­ments métal­liques pré­cèdent la pièce dans la zone médi­ter­ra­néenne, dif­fé­rentes formes d’objets de bronze cir­culent au Ier mil­lé­naire av. J.-C. en Chine, notam­ment sous la forme sty­li­sée et stan­dar­di­sée de bêches et de couteaux.

Le paral­lé­lisme chro­no­lo­gique entre ces trois grands ensembles cultu­rels est frap­pant, et pour­tant la nature du numé­raire chi­nois, léga­liste et fidu­ciaire, est pro­fon­dé­ment dif­fé­rente de celle des espaces occi­den­taux. Il s’agit ain­si plus d’une simul­ta­néi­té issue de révo­lu­tions agri­coles rela­ti­ve­ment contem­poraines que d’une trans­mis­sion. Au même moment, la pen­sée éco­no­mique se struc­ture, avec Kau­ti­lya, prin­ci­pal ministre de Chan­dra­gup­ta Mau­rya au IVe siècle, le recueil du Guan­zi en Chine et les réflexions qui nous ont été conser­vées de Pla­ton, Aris­tote et Xéno­phon pour le monde grec. Ces pen­seurs exa­minent les ques­tions fis­cales, de classes sociales, le concept de richesses et le rôle de l’État dans sa répar­ti­tion, ain­si que la nature de la mon­naie, thèmes qui se retrouvent dans tout l’espace eurasien.

Cauris, Chine, collection de l’American Numismatic Society (New York), 
IIe et Ier millénaires av. J.-C.
Cau­ris, Chine, col­lec­tion de l’American Numis­ma­tic Socie­ty (New York), IIe et Ier mil­lé­naires av. J.-C.

Des coquillages comme monnaie, voire des fèves de cacao

Mais le métal n’a jamais déte­nu le mono­pole du maté­riau moné­taire par excel­lence. L’usage des coquillages de l’océan Indien, cowries en anglais, cau­ris en fran­çais, a été accep­té sur une zone géo­gra­phique très vaste allant de l’Afrique orien­tale à la Chine, et ce à par­tir du IIe mil­lé­naire. Ces petits coquillages qua­li­fiaient aux mêmes condi­tions que le métal : déco­ra­tifs, résis­tant à l’usure du temps, avec des zones de pêche suf­fi­santes mais pas exces­si­ve­ment larges, per­met­tant des paie­ments frac­tion­nels puisque leur valeur uni­taire était faible.

De manière très signi­fi­ca­tive pour le modèle sug­gé­rant que l’État est indis­pen­sable à l’usage de la mon­naie, les cau­ris ont régné sur une zone très mor­ce­lée poli­ti­que­ment, mais pro­pice au com­merce de long cours. Seule l’arrivée des Euro­péens, culti­vant et récol­tant ces coquillages en trop grand nombre, finit par dévi­ta­li­ser ce médium via une infla­tion exces­sive et le rem­pla­ce­ment impo­sé des mon­naies coloniales.

Dans l’Amérique pré­co­lom­bienne, d’autres médiums coexistent aux côtés de l’or et de l’argent, ain­si les fèves de cacao dans le monde aztèque, alors que l’Empire inca struc­ture la cir­cu­la­tion de ses richesses sans mon­naie et sans écri­ture, avec un impôt repo­sant sur le tra­vail. Du fait du manque de numé­raire dans les colo­nies euro­péennes d’Amérique du Nord aux XVIIe et XVIIIe siècles, de nom­breuses tran­sac­tions reposent sur le tabac, l’indigo et le sucre. Col­bert cher­che­ra à impo­ser l’usage de la mon­naie dans les contrats de la Nou­velle-France en 1672, sans grand succès.

Denarius, Rome, Septime Sévère, alliage paritaire d’argent et de bronze, collection de l’American Numismatic Society (New York), 197 ap. J.-C.
Dena­rius, Rome, Sep­time Sévère, alliage pari­taire d’argent et de bronze, col­lec­tion de l’American Numis­ma­tic Socie­ty (New York), 197 ap. J.-C.

La monnaie fiduciaire

Reve­nons dans le monde médi­ter­ra­néen ! La mon­naie fidu­ciaire (de fides, confiance en latin) y appa­raît au Ve siècle av. J.-C., pro­ve­nant d’Italie du Sud et des régions limi­trophes de la mer Noire, là où le bronze pesé coexis­tait avec la mon­naie d’argent. Rapi­de­ment, les petites frac­tions en métal pré­cieux sont rem­pla­cées par des mon­naies plus lourdes, plus faciles à manier et assu­rant aux auto­ri­tés émet­trices un sei­gneu­riage, dans la mesure où la valeur métal­lique de ces mon­naies est très lar­ge­ment infé­rieure à leur valeur nomi­nale. Cette inno­va­tion découple la valeur intrin­sèque et notion­nelle de l’objet moné­taire, per­met­tant aux auto­ri­tés poli­tiques de tes­ter les limites accep­tables de cette divergence.

Après avoir réduit de plus de 50 % la part de l’argent-métal dans le mon­nayage d’argent, les ate­liers moné­taires de l’Empire romain finissent par pro­duire un mon­nayage abon­dant mais tota­le­ment déva­lo­ri­sé durant la crise du IIIe siècle ap. J. ‑C., entraî­nant le pre­mier épi­sode docu­men­té d’inflation, avec une mul­ti­pli­ca­tion par vingt des prix en uni­tés moné­taires cou­rantes entre le milieu et la fin du siècle. Pour l’essentiel, la pra­tique romaine struc­ture celle de la plu­part des sys­tèmes moné­taires, jusqu’à la fin de l’étalon-or et au retrait des pièces d’or en 1933 aux États-Unis.

« Le papier prenait la place d’une monnaie de cuivre ou de bronze, donc lourde à transporter. »

L’introduction d’une norme déta­chée de la valeur intrin­sèque comme fac­teur déter­mi­nant du pou­voir d’achat notion­nel des moyens de paie­ment mène à l’introduction du papier-mon­naie, dès le IXe siècle en Chine, et plus tard au XVIIe siècle en Europe avec la Suède. Il est signi­fi­ca­tif de noter que, dans ces deux cas, le papier pre­nait la place d’une mon­naie de cuivre ou de bronze, donc lourde à trans­por­ter. De nom­breuses enti­tés pri­vées – des com­pa­gnies minières à toute une gamme de com­mer­çants ou de pro­prié­taires agri­coles – en viennent à émettre leur propre mon­naie, à la conver­ti­bi­li­té sou­vent limi­tée, mais per­met­tant de pal­lier le manque fré­quent de petit numéraire.

Guan, Chine, dynastie Ming, papier-monnaie, collection 
de l’American Numismatic Society (New York), 1368-1399.
Guan, Chine, dynas­tie Ming, papier-mon­naie, col­lec­tion de l’American Numis­ma­tic Socie­ty (New York), 1368–1399.

La fin de la convertibilité du dollar

Les sys­tèmes moné­taires issus de ces inno­va­tions reposent donc sur la confiance, la garan­tie d’acceptabilité pour le règle­ment des dettes fis­cales, ain­si que sur le niveau des réserves métal­liques main­te­nues par le sys­tème ban­caire ou par les émet­teurs. Après 1971 et la fin de la conver­ti­bi­li­té en or du dol­lar, il s’agit d’un contrat impli­cite liant les États à leurs citoyens.

La déma­té­ria­li­sa­tion pro­gres­sive de la mon­naie ne change rien au fond à cette rela­tion : qu’il s’agisse d’imprimer du papier ou de créer des signes moné­taires infor­ma­ti­sés via l’expansion du bilan de la banque cen­trale, l’intention et les effets sont les mêmes. Ce contrat implique que l’émission de mon­naie soit ali­gnée avec la crois­sance de l’économie, afin d’éviter des épi­sodes inflationnistes.

En sous-jacent se trouve l’équation quan­ti­ta­tive de la mon­naie for­mu­lée par Irving Fischer (1867−1947), déjà sug­gé­rée pen­dant la Renais­sance par Coper­nic et Jean Bodin – et bien avant dans la pen­sée éco­no­mique chi­noise com­pi­lée sous l’appellation Guan­zi en 26 av. J.-C. et datant pro­ba­ble­ment des IVe et IIIe siècles. Lorsque cette rela­tion dérape, les prix s’envolent, et les épi­sodes en sont nom­breux, de la Chine des XIIIe et XIVe siècles à l’Allemagne de Wei­mar ou au Zim­babwe des années 2010, en pas­sant par la France révolutionnaire.

3.Fruits Tokens qui servaient à rémunérer les travailleurs agricoles saisonniers dans les États du sud des États-Unis jusqu’au milieu du XXe siècle, émis par des centaines de propriétaires agricoles différents, collection de l’American Numismatic Society (New York), entre 1870 et 1950 généralement.
Fruits Tokens qui ser­vaient à rému­né­rer les tra­vailleurs agri­coles sai­son­niers dans les États du sud des États-Unis jusqu’au milieu du XXe siècle, émis par des cen­taines de pro­prié­taires agri­coles dif­fé­rents, col­lec­tion de l’American Numis­ma­tic Socie­ty (New York), entre 1870 et 1950 généralement.

Enfin vinrent les cryptomonnaies ! 

L’émergence des cryp­to­mon­naies, avec un voca­bu­laire lié aux mon­naies-maté­riaux (ain­si l’emploi de mining, minage), dérive donc direc­te­ment de la ques­tion de confiance posée aux ins­ti­tuts moné­taires du XXIe siècle, dans la ligne du vieux débat léga­liste-maté­ria­liste. Ce n’est pas un hasard si le bit­coin appa­raît en 2008. C’est pré­ci­sé­ment l’année où la qua­si-tota­li­té des banques cen­trales sont enga­gées dans une expan­sion sans pré­cé­dent de leurs bilans, afin de contrer l’immense crise du cré­dit immo­bi­lier et ban­caire sous le poids de laquelle les mar­chés s’effondrent à ce moment. 

Fon­da­men­ta­le­ment, elles tra­duisent une rup­ture poten­tielle de ce contrat de confiance, maté­ria­li­sée par la très forte pous­sée infla­tion­niste des années 2009–2023, qui a d’abord frap­pé le mar­ché des biens de capi­taux, pour ensuite se pro­pa­ger aux biens de consom­ma­tion, le tout ame­nant à une explo­sion de l’écart des richesses. À cela s’est ajou­tée l’érosion de la confi­den­tia­li­té des tran­sac­tions moné­taires, mena­cée à terme par la dis­pa­ri­tion annon­cée de la mon­naie physique. 

L’histoire de la mon­naie n’est donc pas ter­mi­née, loin de là !

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