Un bâtiment à énergie positive

Dossier : ImmobilierMagazine N°643 Mars 2009Par François BERTIÈRE (69)

Les pro­mo­teurs doivent inven­ter aujour­d’hui les immeubles ” vertueux ” de demain, très faible­ment con­som­ma­teurs d’én­ergie, capa­bles de pro­duire leur pro­pre énergie, et proches de la neu­tral­ité en car­bone, sans sac­ri­fi­er pour autant le con­fort de ses util­isa­teurs. Selon le cal­en­dri­er prévu par le Grenelle de l’En­vi­ron­nement, la total­ité des immeubles mis en chantier devra avoir un bilan énergé­tique posi­tif à l’hori­zon 2020. Ce défi tech­nique se dou­ble d’un défi économique car il faut que ces immeubles vertueux aient un coût accept­able pour le marché.

Le secteur du bâti­ment est respon­s­able de 40 % de la con­som­ma­tion des éner­gies non renou­ve­lables en France et de 25 % des émis­sions de gaz à effet de serre.

C’est la démarche dans laque­lle s’est, par exem­ple, engagé Bouygues Immo­bili­er en lançant un con­cept d’im­meu­ble de bureaux à énergie pos­i­tive appelé Green Office (mar­que déposée). La pre­mière ver­sion de ce pro­gramme sera réal­isée à Meudon (92), pour une livrai­son en 2011.

Consommer moins

C’est avant tout un immeu­ble basse con­som­ma­tion (BBC), conçu pour con­som­mer le moins d’én­ergie pos­si­ble. Cette con­cep­tion a pour but de réduire les pertes de chaleur et d’op­ti­miser la lumière naturelle. L’ori­en­ta­tion nord-sud est ain­si priv­ilégiée et les ori­en­ta­tions ouest sont lim­itées au minimum.

Les plateaux favorisent un éclairage naturel, ce qui rend pos­si­ble l’amé­nage­ment des bureaux en pre­mier jour. L’ori­en­ta­tion de l’im­meu­ble et la dimen­sion des vol­umes lim­i­tent ain­si les sur­faces intérieures éclairées en sec­ond jour et évi­tent les éclairages arti­fi­ciels pro­longés. Dans les bureaux, une lampe indi­vidu­elle fonc­tion­nant à la fois pour l’é­clairage d’am­biance et l’é­clairage indi­vidu­el du poste de tra­vail fonc­tionne avec un détecteur de présence et per­met de lim­iter la consommation.

Chaque col­lab­o­ra­teur devient acteur de son con­fort et agit sur son environnement 

Chaque col­lab­o­ra­teur devient acteur de son con­fort et agit sur son envi­ron­nement via son poste de tra­vail : ges­tion de l’é­clairage indi­vidu­el, de la con­signe de chauffage et des brasseurs d’air, des stores d’oc­cul­ta­tion sur les par­ties vitrées…

Les façades jouent un rôle prépondérant dans la régu­la­tion ther­mique. L’iso­la­tion, d’une épais­seur de 20 cm, est réal­isée par l’ex­térieur de façon à assur­er un haut ren­de­ment et à sup­primer les ponts ther­miques. Les sur­faces vit­rées ont été elles aus­si opti­misées et représen­tent 5/12e du bâti­ment. La pro­tec­tion solaire est assurée par des stores extérieurs motorisés.

L’im­meu­ble est conçu sans faux planch­ers et sans faux pla­fonds et fonc­tionne sans cli­ma­ti­sa­tion sur le principe de la ven­ti­la­tion naturelle. Pen­dant la nuit, en péri­ode de fortes chaleurs, les stores motorisés s’ou­vrent automa­tique­ment et lais­sent entr­er la fraîcheur de la nuit. L’in­er­tie du béton per­met de stock­er les frig­ories de l’air ambiant et de les restituer pen­dant la journée. Des brasseurs d’air assurent la ven­ti­la­tion. En hiv­er, la ven­ti­la­tion est assurée par un sys­tème à dou­ble flux.

Produire de l’énergie

La pre­mière source d’én­ergie est le solaire, assuré par 4 200 m² de pan­neaux pho­to­voltaïques inté­grés au bâti sur les façades sud et est et dis­posés sur l’au­vent d’ac­cès au bâti­ment, ain­si que sur les abris des park­ings extérieurs. L’élec­tric­ité pro­duite sera reven­due à EDF à un prix con­tractuel garan­ti de 0,55 euro le kWh. Le sup­plé­ment d’élec­tric­ité néces­saire pour l’ob­ten­tion d’un bilan énergé­tique posi­tif sera réal­isé par une cen­trale à cogénéra­tion bio­masse, c’est-à-dire pro­duisant simul­tané­ment de l’élec­tric­ité et de la chaleur (chauffage et eau chaude san­i­taire), util­isant comme com­bustible du bois ou de l’huile végétale.

L’én­ergie finale con­som­mée sera de 61 kWh/an/m2 (dont 38 kWh/m2 pour l’élec­tric­ité et 23 kWh/an/m2 pour le chauffage), en inclu­ant la bureau­tique, les ascenseurs et les park­ings. Cette faible con­som­ma­tion représente 65 % de moins qu’un bâti­ment conçu selon la régle­men­ta­tion ther­mique 2005.

La qual­ité d’ex­ploita­tion de ce bâti­ment sera un fac­teur-clé de suc­cès pour assur­er un bilan énergé­tique posi­tif. La Ges­tion tech­nique du bâti­ment (GTB) sera par­ti­c­ulière­ment sophis­tiquée puisque le sys­tème d’ex­ploita­tion gér­era automa­tique­ment et en temps réel les ressources et les con­som­ma­tions du bâti­ment grâce à un logi­ciel per­for­mant de ges­tion de l’im­meu­ble. Celui-ci s’ap­puiera notam­ment sur les prévi­sions météo.

À super­fi­cie égale et en com­para­i­son d’un immeu­ble clas­sique, Green Office per­me­t­tra d’éviter le rejet de 400 tonnes de car­bone par an. La pro­duc­tion d’én­ergie élec­trique à par­tir de sources renou­ve­lables évit­era, pour sa part, le rejet de 70 tonnes sup­plé­men­taires de CO2.

Un nouveau modèle

L’investisseur sera pro­prié­taire d’un immeu­ble « pro­pre », antic­i­pant les nou­velles réglementations

L’ob­jec­tif est de faire évoluer le mod­èle économique tra­di­tion­nel de la pro­mo­tion d’im­meubles de bureaux. Le sur­coût de réal­i­sa­tion étant estimé entre 15 et 20 %, il fau­dra donc raison­ner en coût glob­al et réper­cuter ce sur­coût dans le prix de vente à l’in­vestis­seur pour que le pro­jet soit économique­ment viable. Le pro­prié­taire devra donc louer l’im­meu­ble plus cher aux util­isa­teurs qui béné­ficieront pour leur part d’é­conomies de charges, per­me­t­tant de financer le sur­coût de loyer.

L’a­van­tage pour l’in­vestis­seur sera d’être pro­prié­taire d’un immeu­ble ” pro­pre “, antic­i­pant les nou­velles régle­men­ta­tions issues du Grenelle de l’En­vi­ron­nement, dis­posant d’un bon bilan car­bone et donc d’un poten­tiel de plus-val­ue supérieur à la moyenne du marché. Ce nou­veau mod­èle économique aura besoin de s’ap­puy­er sur une cer­ti­fi­ca­tion assur­ant a pri­ori les per­for­mances énergé­tiques du pro­jet et les garan­tis­sant sur plusieurs années. Le pro­mo­teur ne peut en effet ven­dre plus cher un immeu­ble à un investis­seur, en lui promet­tant des économies sub­stantielles de charges pour son util­isa­teur, sans que celles-ci ne fassent l’ob­jet d’une garantie assurée par un organ­isme indépendant.

Le suc­cès des bâti­ments à énergie pos­i­tive reposera sur de véri­ta­bles rup­tures tech­nologiques qu’il fau­dra amélior­er con­stam­ment pour ren­forcer leur per­for­mance et leur attrac­tiv­ité. Le GIE « Enjeu énergie pos­i­tive », créé à l’initiative de Bouygues Immo­bili­er, réu­nit sept indus­triels (Philips, Siemens, Tand­berg, Schnei­der Elec­tric, Steel­Case, Lex­mark et Sodexo). Il a pour but de dévelop­per les syn­er­gies en recherche sur l’optimisation énergé­tique des immeubles de bureaux, notam­ment dans leur phase d’exploitation. Il a voca­tion à s’élargir et à accueil­lir à terme 15 partenaires.

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