La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ?

Dossier : ExpressionsMagazine N°670 Décembre 2011

Ani­més par Julien Damon, pro­fesseur asso­cié à Sci­ences-Po, les débats por­taient aus­si sur le thème des Méga­lopoles, avec Bernard Guirkinger, directeur général adjoint de Suez envi­ron­nement, Loïc Fau­chon, prési­dent du Con­seil mon­di­al de l’eau et Jun Han, min­istre con­seiller à l’ambassade de Chine.
« L’eau manque aux grandes villes, con­sta­tent-ils. L’accès recule. Nous avons deux impérat­ifs : nour­rir et soigner. »

Ani­més par Julien Damon, pro­fesseur asso­cié à Sci­ences-Po, les débats por­taient aus­si sur le thème des Méga­lopoles, avec Bernard Guirkinger, directeur général adjoint de Suez envi­ron­nement, Loïc Fau­chon, prési­dent du Con­seil mon­di­al de l’eau et Jun Han, min­istre con­seiller à l’ambassade de Chine.
« L’eau manque aux grandes villes, con­sta­tent-ils. L’accès recule. Nous avons deux impérat­ifs : nour­rir et soigner. »
Ils met­tent l’espoir dans « une prise de con­science politique ».

Pierre-Frédéric Ténière-Buchot, gou­verneur du Con­seil mon­di­al de l’eau, rap­pelle que la Terre compte sept mil­liards de per­son­nes, dont plus de la moitié réside en zone urbaine.

En matière d’eau, il oppose « les villes pau­vres qui pleurent leur eau » aux « villes rich­es qui nagent dans l’abondance ». Pour ces dernières, qui se heur­tent néan­moins aux prob­lèmes de rareté et de pol­lu­tion, Antoine Frérot, prési­dent-directeur général de Veo­lia envi­ron­nement, pré­conise le recy­clage des eaux usées, le décloi­son­nement des domaines tech­niques de fonc­tion­nement des villes et l’implication des consommateurs.

Michel Can­tal-Dupart, archi­tecte et urban­iste, plaide pour la sauve­g­arde du réseau d’eau non potable de la Ville de Paris, qui arrose les jardins depuis cent cinquante ans, tan­dis que Jacques Olivi­er, directeur général du Syn­di­cat inter­dé­parte­men­tal d’assainissement des eaux, rap­pelle que l’assainissement doit aller bien au-delà de la seule eau consommée.

Un consensus historique

« La guerre de l’eau n’aura pas lieu » avait titré Michel Camdessus dans le pro­gramme prélim­i­naire. Il préfère, à la réflex­ion, pro­pos­er une tour­nure interrogative.

« Le mot rival, remar­que-t-il, vient du latin rivalis, qui sig­ni­fie lit­térale­ment riverain. On fran­chit la riv­ière, le Rubi­con par exem­ple, pour pren­dre le pou­voir. En pra­tique, jamais des riverains n’ont été réelle­ment en lutte pour l’eau. »

Le droit à l’eau

« La doc­trine de l’amont, qui don­nait tous les droits à celui placé en amont d’une riv­ière, avait été instau­rée de façon uni­latérale par les États-Unis en 1795, à la fron­tière mex­i­caine. Elle fait place explicite­ment au droit à l’eau pour tous, dans la Con­ven­tion établie par l’ONU en 1997.

« Mais cette con­ven­tion est si belle, remar­que-t-il, que treize ans plus tard elle n’a pas encore recueil­li les trente rat­i­fi­ca­tions nécessaires.

À Berlin, 60 % de l’eau est de l’eau recyclée

« On recense deux cent soix­ante-trois bassins inter­na­tionaux dans le monde, autant de sources de con­flits potentiels.

« On a tacite­ment refusé toute guerre de l’eau au cours des précé­dents mil­lé­naires, mais le passé ne peut être garant de l’avenir.

« On déclare aujourd’hui le droit à l’eau sans pren­dre le moyen de le réalis­er. Deux con­di­tions sont indis­pens­ables : la recom­man­da­tion doit s’accompagner du respect de la parole don­née et il faut faire un effort pour trans­former les ten­sions éventuelles en foy­er de coopération.

« Mais l’existence même du prochain Forum mon­di­al de l’eau est un fac­teur d’optimisme. »

Une chance pour l’humanité

Michel Destot, prési­dent de l’Association des maires de grandes villes de France, estime que l’urbanisation est « une grande chance pour l’humanité : les grandes villes ont existé avant les États et les grandes villes ont déjà agi en matière de ges­tion de l’eau. Elles met­tent en pra­tique qua­tre exi­gences : tous les secteurs sont respon­s­ables de l’eau, il faut inten­si­fi­er l’innovation, trou­ver le prix juste et une régu­la­tion démoc­ra­tique avec les usagers. »

En con­clu­ant les ren­con­tres, Marie-Claire Dav­eu, direc­trice de cab­i­net au min­istère de l’Écologie, du Développe­ment durable, des Trans­ports et du Loge­ment, a insisté sur l’importance du Forum mon­di­al de l’eau qui se déroulera à Mar­seille du 12 au 17 mars 2012, quelques mois avant la nou­velle ren­con­tre de Rio, vingt ans après la pre­mière. Inti­t­ulé « Forum des solu­tions », il devrait con­duire à des engage­ments con­crets impli­quant experts et décideurs de divers­es régions du monde.
Ren­seigne­ments : worldwaterforum6.org

Réflexions recueillies
par Jean-Marc Chabanas (58)

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