Un apprentissage de l’interculturalité

Dossier : Fondations et AssociationsMagazine N°636 Juin/Juillet 2008
Par Robert JEANTEUR (51)

Les dirigeants d’en­tre­pris­es multi­na­tionales ont cer­taine­ment pu con­stater que, si les jeunes diplômés ont en général une for­ma­tion pro­fes­sion­nelle de qual­ité, ils ne sont en revanche pas bien pré­parés à tra­vailler dans un univers mul­ti­cul­turel auquel le développe­ment de la mon­di­al­i­sa­tion les con­fron­tera de plus en plus. Un exem­ple, emprun­té à l’As­so­ci­a­tion Inter­cor­dia, mon­tre une pos­si­bil­ité d’ac­quérir une for­ma­tion complémentaire.

REPÈRES
L’Association Inter­cor­dia a été créée en 2000 à l’initiative de Jean Vanier, fon­da­teur des Com­mu­nautés de l’Arche, et Gilles Le Car­di­nal, pro­fesseur à l’Université de tech­nolo­gie de Com­piègne, pour offrir aux jeunes la pos­si­bil­ité d’acquérir une for­ma­tion com­plé­men­taire qui leur per­me­tte de vivre et de tra­vailler har­monieuse­ment avec des per­son­nes d’origine et de cul­ture différentes.

Une étape avant la vie professionnelle

Les par­tic­i­pants se recru­tent en général par­mi des jeunes de 20 à 28 ans, de niveau bac + 2 ou plus et d’o­rig­ine et de for­ma­tion très divers­es, désir­ant faire une année de césure au cours de leurs études ou en con­sacr­er une avant d’en­tr­er dans la vie pro­fes­sion­nelle afin de se ” con­stru­ire ” cette dimen­sion d’ou­ver­ture aux autres.

Une expéri­ence cul­turelle débouchant sur un diplôme universitaire

Cette for­ma­tion, qui s’ap­puie sur une expéri­ence inter­cul­turelle et débouche sur un diplôme uni­ver­si­taire, s’é­tend sur une année et se décom­pose en cinq phas­es : la con­struc­tion, avec l’aide d’un accom­pa­g­na­teur, d’un pro­jet per­son­nel com­por­tant notam­ment la recherche d’une asso­ci­a­tion d’ac­cueil et son finance­ment ; une pré­pa­ra­tion inten­sive de deux semaines, à l’U­ni­ver­sité de tech­nolo­gie de Com­piègne, com­por­tant des ren­con­tres avec des témoins comme Jean Vanier et des philosophes, une approche géopoli­tique du monde, une ouver­ture à toutes les reli­gions à l’oc­ca­sion d’une table ronde inter­re­ligieuse, l’ac­qui­si­tion d’outils méthodologiques per­me­t­tant d’aller à la ren­con­tre de l’Autre et de gér­er d’éventuels con­flits, etc. ; une immer­sion d’au moins six mois dans un con­texte cul­turel dif­férent, en général dans une asso­ci­a­tion au ser­vice de per­son­nes en dif­fi­culté ; une ses­sion de deux jours au retour au cours de laque­lle des uni­ver­si­taires aident les étu­di­ants à retra­vailler sur leur expéri­ence et à struc­tur­er leur mémoire ; la rédac­tion de ce mémoire et sa sou­te­nance qui per­me­t­tent aux étu­di­ants de cap­i­talis­er leur expéri­ence et de la ren­dre transmissible.

Un élément essentiel : le tutorat

Appel aux bénévoles
Le développe­ment d’In­ter­cor­dia repose large­ment sur une équipe de bénév­oles qui assu­ment en par­ti­c­uli­er l’ac­com­pa­g­ne­ment des can­di­dats au cours de la phase pré­para­toire pen­dant laque­lle ils con­stru­isent leur pro­jet et ensuite leur tutorat tout au long de leur parcours.
C’est une tâche exigeante, car les tuteurs doivent se sen­tir respon­s­ables aux côtés des jeunes de la bonne fin de leur pro­jet, mais com­bi­en elle est pas­sion­nante, comme tous se plaisent à le recon­naître, par les con­tacts priv­ilégiés qu’elle leur apporte avec des jeunes de grande qual­ité et de tous hori­zons ain­si que par l’ex­péri­ence inter­cul­turelle qu’ils peu­vent faire ain­si à leurs côtés.
robert.jeanteur@wanadoo.fr

Les par­tic­i­pants béné­fi­cient tout au long de leur par­cours du sou­tien d’un tuteur qui les aide à éla­bor­er leur pro­jet, notam­ment à pré­cis­er leurs objec­tifs per­son­nels, à rechercher une asso­ci­a­tion d’ac­cueil s’in­scrivant bien dans leur démarche, à con­stru­ire un bud­get et à chercher les ressources finan­cières néces­saires. Pen­dant leur mis­sion, il les accom­pa­gne par Inter­net sur le plan humain, psy­chologique et matériel ; il les aide en par­ti­c­uli­er à pré­cis­er le sujet et la prob­lé­ma­tique de leur mémoire et à recueil­lir sur place les infor­ma­tions dont ils auront besoin. Il con­tin­ue en out­re de les suiv­re à leur retour dans la phase de rédac­tion de leur mémoire et de pré­pa­ra­tion de sa sou­te­nance. Le rôle des tuteurs est déter­mi­nant, notam­ment lorsque les par­tic­i­pants tra­versent une péri­ode dif­fi­cile comme cela se pro­duit tou­jours à un moment ou un autre. L’ex­péri­ence mon­tre que les liens très étroits qui se sont noués entre eux et leurs tuteurs se main­ti­en­nent par la suite.

Se former ensemble

La ren­con­tre de deux per­son­nes dont tout sem­ble les sépar­er con­duit sou­vent à un con­flit d’in­flu­ence, cha­cune ou l’une d’en­tre elles cher­chant à impos­er son mod­èle à l’autre, alors que la dif­férence est une richesse qu’il con­vient de partager. Le verbe ” appren­dre ” prend ain­si con­stam­ment son dou­ble sens, cha­cun apprenant de l’autre et apprenant à l’autre. ” Se for­mer ensem­ble ” se décline d’ailleurs de mul­ti­ples façons, notam­ment entre les par­tic­i­pants et les pop­u­la­tions au sein desquelles ils sont amenés à vivre dans le cadre de leur mis­sion, entre les par­tic­i­pants et leurs tuteurs ain­si qu’en­tre les par­tic­i­pants entre eux.

Associer les entreprises

Ces parte­nar­i­ats per­me­t­tent à ceux de leurs col­lab­o­ra­teurs qui souhait­ent dévelop­per cette capac­ité à tra­vailler dans l’in­ter­cul­tur­al­ité dont ils ont de plus en plus besoin, de suiv­re la démarche en y con­sacrant un temps lim­ité et com­pat­i­ble avec leurs con­traintes professionnelles.

Associ­er dans une démarche com­mune, jeunes, pro­fes­sion­nels en activ­ité et tuteurs bénévoles

Ils par­ticipent dans la mesure de leurs pos­si­bil­ités aux ses­sions de for­ma­tion et à des réu­nions-débats et parta­gent la richesse de l’ex­péri­ence des par­tic­i­pants en les suiv­ant tout au long de leur par­cours aux côtés de leurs tuteurs. ” Se for­mer ensem­ble ” prend alors une nou­velle dimen­sion en asso­ciant dans une démarche com­mune jeunes par­tic­i­pants, pro­fes­sion­nels en activ­ité et tuteurs bénév­oles qui sont en général plus chevronnés. 

Plusieurs partenariats internationaux

Inter­cor­dia a dévelop­pé en France un parte­nar­i­at avec l’u­ni­ver­sité Marc Bloch de Stras­bourg qui per­met d’at­tribuer un DU (Diplôme uni­ver­si­taire) à l’is­sue de la sou­te­nance de leur mémoire et d’autres sont en train d’être mis en place. Une cen­taine de par­tic­i­pants ont déjà suivi la for­ma­tion. L’As­so­ci­a­tion est égale­ment implan­tée au Cana­da où une asso­ci­a­tion a été créée et a noué des parte­nar­i­ats avec cinq uni­ver­sités. Un pro­jet est par ailleurs en train de se met­tre en place au Chili avec des uni­ver­si­taires et en parte­nar­i­at avec une Fon­da­tion pour l’érad­i­ca­tion de la pau­vreté afin de pro­pos­er aux jeunes diplômés par­tic­i­pant à ses pro­grammes de développe­ment d’en­richir leur expéri­ence en l’in­té­grant dans la démarche Intercordia.

” Dans notre monde exis­tent tant de divi­sions et de con­flits, entre per­son­nes et entre groupes de per­son­nes.
Chaque per­son­ne ou groupe se cache der­rière des murs de peur et par­fois d’élitisme. Cha­cun est con­va­in­cu qu’il a rai­son, qu’il est le meilleur.
Com­ment faire tomber les murs ? Com­ment des per­son­nes peu­vent-elles ten­dre la main vers d’autres ?
Cha­cun de nous fait par­tie d’une cul­ture, d’une reli­gion ou d’une vision du monde. Ne faut-il pas décou­vrir égale­ment que nous faisons par­tie d’une human­ité com­mune ? Nous sommes tous des êtres humains.
Voilà le but d’In­ter­cor­dia : per­me­t­tre à des jeunes de con­naître d’autres cul­tures, d’autres reli­gions, d’autres per­son­nes, de se lier d’ami­tié avec elles, de créer des ponts, de faire tomber des murs, de décou­vrir que la dif­férence n’est pas une men­ace mais un tré­sor. Ain­si cha­cun œuvre pour la paix. ”
Jean Vanier, fon­da­teur d’In­ter­cor­dia.

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