Vitrail de Hervé LOILIER (67)

Transmettre une certaine forme d’humanisme

Dossier : L'X et les humanitésMagazine N°701 Janvier 2015
Par Hervé LOILIER (67)

Je suis entré à l’X en 1967, mais je vou­lais deve­nir peintre. Je me sou­viens de mon émer­veille­ment quand j’ai décou­vert qu’il y avait des cours de des­sin, mais aus­si de pein­ture et de gra­vure, dans le cur­sus polytechnicien.

J’ai gar­dé en mémoire les pro­pos de Lucien Fon­ta­na­ro­sa, artiste peintre, membre de l’Institut et pro­fes­seur à l’École de 1958 à 1971 : il affir­mait que l’enseignement des arts devait être le plus pro­fes­sion­nel pos­sible, c’est-à-dire le même à Poly­tech­nique qu’aux Beaux-Arts.

“ Grâce à l’X et aux artistes qui y enseignaient, j’ai pu devenir peintre ”

Il pre­nait évi­dem­ment son rôle d’enseignant très à cœur, mais les conseils qu’il don­nait n’étaient pas seule­ment tech­niques car il avait une ambi­tion plus haute pour la for­ma­tion des élèves : la trans­mis­sion d’une cer­taine forme d’humanisme ; selon lui, la vie et l’art devaient se mêler tota­le­ment et se fécon­der mutuellement.

Quel mes­sage pour de jeunes poly­tech­ni­ciens habi­tués à vivre dans les livres ! C’était une autre voix que celles enten­dues jusque-là dans des études où la vie était plu­tôt sus­pec­tée de voler temps et éner­gie, où la sen­si­bi­li­té s’opposait à la rai­son. À l’écouter, un monde s’entrouvrait qui récon­ci­liait les contraires.

Je me sou­viens aus­si des cours de Pierre Jérôme, maître de l’atelier de pein­ture, pour qui chaque tableau, chaque coup de pin­ceau même, avaient une impor­tance exis­ten­tielle et qui nous incul­quait prin­cipes de com­po­si­tion et har­mo­nie des couleurs.

Je me rap­pelle encore les dis­cus­sions artis­tiques entre les « maîtres de des­sin » et en pré­sence de quelques élèves assi­dus, qui se pro­lon­geaient après les cours, vers 19h30, autour d’un verre « chez la Marie ».

Grâce à l’X et aux artistes qui y ensei­gnaient, j’ai pu deve­nir peintre ; je me suis ensuite effor­cé à mon tour de trans­mettre aux jeunes élèves cette manière d’appréhender le monde et de le trans­crire, de faire de sa propre sen­si­bi­li­té la matière de son travail.


Faire de sa propre sen­si­bi­li­té la matière de son tra­vail. DR / VITRAIL D’HERVÉ LOILIER

Poster un commentaire