Totem

Totem : Créer un leader de la cafétéria d’entreprise

Dossier : TrajectoiresMagazine N°761 Janvier 2021
Par Hervé KABLA (84)

En jan­vi­er 2017, Rafaël et Sté­fan de Lavergne (2013 tous deux) et Pierre Gal­let (Cen­trale Paris et Essec) ont lancé Totem, une start-up de con­fec­tion et de livrai­son de repas et de snack­ing en entre­prise. Son suc­cès lui per­met d’ambitionner, mal­gré la crise, de devenir le leader de la cafétéria d’entreprise à Paris.

Rafaël et Stéfan de Lavergne, fondateurs de Totem
Rafaël et Sté­fan de Lavergne (2013 tous deux) et Pierre Gal­let (Cen­trale Paris et Essec) ont lancé Totem

Que permet Totem ? 

Totem per­met aux entre­pris­es de créer de nou­veaux espaces de pause. Ce sont des mag­a­sins physiques et dig­i­taux, gra­tu­its ou payants pour les employés selon les pro­duits et selon le choix de l’entreprise. Totem installe du mobili­er mod­u­laire (meubles snack­ing, meubles micro-ondes, meubles mag­a­sin) et des réfrigéra­teurs estampil­lés, et livre ensuite tous les jours jusqu’à 1 500 pro­duits (ali­men­taires et non ali­men­taires, frais ou non). Du côté des employés, ces derniers ont alors le choix entre : une sélec­tion lim­itée que l’entreprise met à dis­po­si­tion et une sélec­tion élargie, disponible via l’application mobile Totem, ce qui per­met à tous les employés de se faire livr­er au bureau sans min­i­mum de com­mande, sans frais de livrai­son et dans l’heure.

Comment t’est venue l’idée ?

À la suite de notre dernière année d’études à Berke­ley aux États-Unis, nous avons été impres­sion­nés par des pro­grammes comme Google Food, qui crée des cafétérias con­viviales gra­tu­ites à moins de 50 mètres de tout poste de tra­vail. Nous avons donc eu l’idée de créer un mod­èle retail, à coût fixe bas, afin de per­me­t­tre à chaque entre­prise, quel que soit son bud­get, de pro­pos­er un espace de restau­ra­tion et de pause adap­té à son entre­prise. Enfin, nous améliorons la sélec­tion via les retours des util­isa­teurs à chaque usage et pour chaque entre­prise. Voire à chaque étage ! 

Quel est le parcours des fondateurs ? 

Nous sommes trois amis : l’un est mon meilleur ami, l’autre mon cousin. Avec un par­cours sim­i­laire en classe pré­para­toire, nous sommes deux à avoir fait l’École poly­tech­nique et UC Berke­ley, le troisième est passé par Cen­trale Paris et l’Essec.

Qui sont les concurrents ? 

Nous essayons d’apporter le retail en entre­prise et de créer ain­si une nou­velle caté­gorie. On retrou­ve sur ce créneau des ser­vices comme Ama­zon Busi­ness ou Juste à Temps, mais eux ne pro­posent ni emplace­ments physiques ni ser­vice sur place. Par ailleurs, nous sommes en con­cur­rence indi­recte avec les grands du Busi­ness Ser­vices comme Com­pass, Sodexo ou Elior. Sur le créneau du snack­ing, nous sommes en con­cur­rence avec Delicorner ou Brâam.

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ? 

Tout débute en sep­tem­bre 2016, à UC Berke­ley. Nous déci­dons de lancer un pro­jet pour rassem­bler les équipes autour de Totem. Notre proof of con­cept nous a per­mis de génér­er 5 000 euros en six semaines sur 2 entre­pris­es de San Fran­cis­co. Nous fai­sions nous-mêmes les cours­es et la livrai­son en Uber. Le véri­ta­ble lance­ment a lieu en jan­vi­er 2017. Nous avons déposé les statuts avec un investisse­ment ini­tial de 3 000 euros. Nous nous sommes alors aut­o­fi­nancés grâce à un BFR négatif pen­dant quinze mois jusqu’à 40 k€ par mois. Il s’agissait d’une phase très « ter­rain » : nous avons passé plus de six mois à aller chaque lun­di à Rungis acheter les pro­duits à qua­tre heures du matin, à pré­par­er les com­man­des, puis à livr­er nous-mêmes nos clients avant de recruter les pre­miers salariés. Le finance­ment est arrivé en avril 2018.

Nous avons jusqu’à aujourd’hui levé près de 7 M€, prin­ci­pale­ment auprès de fonds de cap­i­tal-risque, et égale­ment de la dette auprès de BPI. Notre revenu est mon­té à presque 300 k€ par mois (avant la Covid-19) sur 140 mag­a­sins d’entreprise et près de 10 000 employés clients. Il nous est arrivé de livr­er plus d’une tonne de bananes par semaine, au faîte de notre activ­ité. Pen­dant la crise du coro­n­avirus, nous avons lancé un ser­vice de livrai­son à domi­cile avec Jow pen­dant trois mois pour plus de 1 000 livraisons en mode B2C. Nous avons égale­ment livré des hôpi­taux. Aujourd’hui Totem est con­sti­tué d’une trentaine de col­lab­o­ra­teurs, dont des anciens cadres exé­cu­tifs d’Elior ou de Buf­fa­lo Grill, mais aus­si des opéra­teurs de scale-up comme Deliv­eroo. Deux anciens entre­pre­neurs nous ont aus­si rejoints.

Comment arrive-t-on à émerger dans l’univers de la restauration en entreprise ? 

Notre par­ti pris n’est juste­ment pas d’entrer dans cet univers, mais de nous y sub­stituer. Nous sommes con­va­in­cus que les mag­a­sins sont plus flex­i­bles et répon­dent mieux à la demande de diver­sité des col­lab­o­ra­teurs, tout en per­me­t­tant de créer des espaces de pause à chaque étage de 8 h du matin à 22 h le soir ! Ain­si, nous appor­tons le haut de gamme du com­merce, avec de bons plats pack­agés, du snack­ing, des fruits bio… plutôt que le bas de gamme d’une pro­duc­tion de repas sur place.

La demande pour des produits sains, le développement de Yuka, tout cela favorise-t-il les nouveaux acteurs ? 

Bien sûr, on voit vrai­ment une recherche de la nou­velle généra­tion vers de la trans­parence. Celle-ci est poussée par des start-up comme Yuka, mais aus­si par les indus­triels, avec l’apparition de Nutri-Score. L’initiative de trans­parence exis­tait déjà avant Yuka et est fondée sur une base de don­nées publique et col­lab­o­ra­tive : Open Food Facts. Nos clients sont engagés autour de la livrai­son élec­trique, le zéro déchet, le recy­clage ou encore le com­post. La ten­dance Made in France et local est aus­si impor­tante. Par exem­ple, 100 % de nos meubles sont Made in France et pro­duits à Montreuil.

Y a‑t-il d’autres services appelés à se développer sur le lieu de travail ? 

Nous ne sommes qu’au tout début de l’aventure. Notre vision retail est large et per­met d’englober ali­men­taire et non ali­men­taire. Nous voulons devenir le seul inter­locu­teur de l’entreprise et des employés pour tous les achats matériels ou ali­men­taires récur­rents. Notre ambi­tion est sim­ple : pou­voir acheter n’importe quel pro­duit en un clic au bureau avec une trans­parence com­plète de la prove­nance, en pas­sant par des nota­tions ou encore la nutri­tion ; rassem­bler les employés autour de Totem ; devenir l’interlocuteur unique, de con­fi­ance, pour tous les besoins matériels du bureau.

Nous voulons être d’une cer­taine façon l’Amazon de l’entreprise, à des­ti­na­tion des employés, avec une dimen­sion de ser­vice et d’espace physique con­vivial. Demain, le com­merce de prox­im­ité fera par­tie inté­grante du monde de l’entreprise. Cer­tains grands groupes inter­na­tionaux ont déjà créé leurs pro­pres mag­a­sins d’entreprise. Nous per­me­t­tons de démoc­ra­tis­er cette démarche et de la ren­dre acces­si­ble à toutes les entre­pris­es de plus de 15 salariés.

Qu’est-ce que la crise de la Covid-19 et l’explosion du télétravail va changer ? 

Nous avons dû nous adapter. Nos employés clients étant désor­mais à domi­cile, il était évi­dent pour nous de lancer un ser­vice B2C de livrai­son de cours­es à domi­cile, afin de per­me­t­tre à tous de tra­vailler dans de bonnes con­di­tions chez eux. C’était un chal­lenge énorme que nous avons relevé en huit jours et qui a abouti à plus de 1 000 livraisons. Aujourd’hui, le télé­tra­vail s’implante de plus en plus. Cer­tains se posent la ques­tion : faut-il garder des bureaux ? À cela, j’ai ten­dance à répon­dre : n’envoyons-nous nos enfants à l’école que pour les cours ? Non, pas unique­ment pour les cours, mais aus­si pour le lien social. La bonne ques­tion est donc : com­ment peut-on ren­dre les bureaux plus attrac­t­ifs, plus effi­caces, afin que les employés aient envie de venir au tra­vail. C’est toute la mis­sion de Totem. Rassembler.

Comment une jeune entreprise très exposée survit-elle en période de crise ? 

Elle se bat. Nous avons la chance d’avoir des struc­tures flex­i­bles et des aides de l’État. Pour être hon­nête, les aides ne sont tou­jours pas descen­dues jusqu’à nous (banque ou État) et nous avons dû, mal­gré une tra­jec­toire pré-Covid où nous étions à qua­tre mois de la rentabil­ité, faire le choix d’une nou­velle lev­ée de fonds, qu’on a su boucler en trois mois en pleine crise, par Zoom, sans con­tact physique ! C’était dur, dur de créer de la con­fi­ance, mais c’est incroy­able ce qu’internet et les nou­veaux out­ils comme la sig­na­ture élec­tron­ique avec DocuSign per­me­t­tent aujourd’hui. Nous avons désor­mais plus de vingt-qua­tre mois de vis­i­bil­ité finan­cière. Nous avons pu con­serv­er 100 % de nos col­lab­o­ra­teurs et ça, c’est la vraie fierté !

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