Axel GUYON, Dessin : Laurent Simon

Axel Guyon (2010), Stanford, majeure jazz

Dossier : TrajectoiresMagazine N°739 Novembre 2018
Par Pierre LASZLO

Chez Axel Guyon, la for­ma­tion poly­tech­ni­cienne s’accompagne d’une curio­si­té tous azi­muts. D’ores et déjà, il a tâté de l’écriture infor­ma­tique et de la mise au point d’un site sur la Toile, de l’expérimentation du moins mau­vais type de scru­tin élec­to­ral, de celle des revê­te­ments de façades d’immeubles ou encore de la rup­ture en micro­bulles de fines pel­li­cules d’air.

Où tout cela le condui­ra-t-il ? À l’enseignement ? À la direc­tion-ani­ma­tion d’un centre de recherche ?

Prima la musica

Sa mère est issue d’une famille d’agriculteurs de la Mayenne. Elle est psy­cho­logue du tra­vail à Pôle emploi. Son père, ori­gi­naire du Maine-et-Loire, tra­vaille chez EDF, où il fit sa car­rière. Sa sœur, consul­tante à Bea­ring­Point, une socié­té de conseil euro­péenne, est pas­sée par EM Lyon, école de mana­ge­ment et de com­merce. Né à Paris, Axel Guyon gran­dit à Avon, voi­sine de Fon­tai­ne­bleau. Les inté­rêts de son enfance reflètent son ouver­ture d’esprit, sa prin­ci­pale carac­té­ris­tique : il joua du saxo­phone, dans un groupe de jazz ; sa matière pré­fé­rée était l’histoire ; il lisait roman après roman, tout au long de l’année, quand il n’écoutait pas de la musique.

Taupin option jazz

Bache­lier en 2008, avec la men­tion très bien, Axel Guyon entra en pré­pa à Louis-le-Grand ; non sans une grande appré­hen­sion ini­tiale, issue de l’aura des grandes pré­pas pari­siennes. Il y trou­va une majo­ri­té de cama­rades pari­siens et fran­ci­liens, reje­tons des classes moyennes supé­rieures, des gar­çons sur­tout. Néan­moins, il aima beau­coup son pas­sage par la prépa.

Ce fai­sant, il visi­tait régu­liè­re­ment les dis­quaires du Quar­tier latin (notam­ment Cro­co­jazz, rue de la Mon­tagne-Sainte-Gene­viève) et « m’offrais un CD lorsque les choses se pas­saient bien. C’est là que j’ai ache­té A love supreme de John Col­trane, notam­ment. Quand j’ai com­men­cé ma sup, c’étaient les 50 ans de la sor­tie de A kind of blue et FIP pas­sait du Miles Davis tous les soirs quand je tra­vaillais. Ça a don­né le ton pour le reste de la prépa. »

Il inté­gra l’X en 32, fit son pro­fit du stage mili­taire dans l’armée de l’air, et s’inscrivit dans la sec­tion de hand­ball ; hélas, une bles­sure chro­nique à l’épaule l’empêcha d’en pro­fi­ter pleinement.

“Miles Davis a donné le ton
de ma prépa !”

Stanford, à nous deux…

Après l’X, Axel Guyon choi­sit de s’expatrier en Cali­for­nie et de pour­suivre sa for­ma­tion à Stan­ford, de 2013 à 2015, pour y pré­pa­rer un mas­tère sur la pro­duc­tion d’énergie et la pol­lu­tion atmo­sphé­rique. Il lui en coû­ta envi­ron 40 000 dol­lars, pour une for­ma­tion qu’Axel ne juge pas meilleure que celle de l’X. Durant cette période, il pré­si­da l’association des étu­diants fran­çais de Stan­ford. Sa récep­ti­vi­té poli­tique s’y affû­ta : « Je ne pense pas avoir fait l’expérience d’un unique évé­ne­ment mar­quant. J’ai plu­tôt acquis ma sen­si­bi­li­té poli­tique de manière pro­gres­sive, en m’efforçant de res­ter cri­tique envers moi-même lorsque quelque chose ou quelqu’un remet­tait en ques­tion mes opi­nions. Mon expé­rience aux États-Unis notam­ment, où la situa­tion en termes d’inégalités et de racisme est simi­laire (mais en pire, géné­ra­le­ment) a été par­ti­cu­liè­re­ment for­ma­trice sur ces questions. »

Depuis avril 2015, il a un poste d’ingénieur, à San­ta Cla­ra (dans la Bay Area), chez Natron Ener­gy : il y œuvre à la mise au point de piles élec­triques plus performantes.

Quasi una fantasia

Avec un groupe d’amis de Stan­ford, depuis quelques années, il affec­tionne l’improvisation théâ­trale. Elle vient redou­bler son plai­sir à impro­vi­ser au saxophone.

Impro­vi­ser, à y réflé­chir, est le lot de tout pro­fes­sion­nel, per­son­nel médi­cal, avo­cat, ensei­gnant, et j’en passe. Ce talent vous vient autant de la for­ma­tion que d’une apti­tude natu­relle. Tout un acquis y est mis à contri­bu­tion, pour un dia­logue inté­rio­ri­sé entre un moi locu­teur et un moi écou­teur, selon la for­mu­la­tion d’Émile Ben­ve­niste. Il atteste la lar­geur d’esprit qui est le fait d’Alex Guyon.

Vic­tor Hugo (Les Misé­rables) y mit une sour­dine : « Médi­tons si nous vou­lons être éblouis­sants. Trop d’improvisation vide bête­ment l’esprit. Bière qui coule n’amasse point de mousse. Mes­sieurs, pas de hâte. Mêlons la majes­té à la ripaille ; man­geons avec recueille­ment ; fes­ti­nons lentement. »

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