Association Siel bleu

Siel bleu : l’accompagnement des jeunes malades par le sport et les loisirs

Dossier : ExpressionsMagazine N°789 Novembre 2023
Par Baptiste GONIN (X20)

Pour quelques cen­taines de jeunes par an, la vie bas­cule du jour au lende­main avec la décou­verte d’une tumeur cérébrale non guériss­able. C’est ce qui est arrivé à Théophile, frère de Bap­tiste Gonin (X20). Dans l’orage de leur com­bat con­tre la mal­adie, l’association Siel Bleu per­met à de jeunes malades de vivre des séjours à la mer avec des activ­ités sportives et de loisirs, et de leur pro­pos­er une éclair­cie de joie et de partage véri­ta­ble­ment hors du temps.

Nous sommes le same­di 8 octo­bre 2022. Je retourne chez ma famille tran­quille­ment en RER, et je reçois un petit mes­sage de mon père con­cer­nant mon frère Théophile, qui a alors 18 ans : « Théophile n’était pas bien cette nuit, c’est sûre­ment une intox­i­ca­tion ali­men­taire, il est à l’hôpital. » Je ne m’inquiète pas spé­ciale­ment et je ren­tre. Quelques min­utes plus tard, j’entends ma mère qui arrive à la mai­son. Elle est au télé­phone et par­le d’une toute petite voix, de cette voix que l’on n’entend qu’en état de choc. Je la rejoins, elle rac­croche et me lâche tout de suite l’information : « Ils vien­nent de décou­vrir une tumeur cérébrale, il est trans­féré en urgence à l’hôpital Foch, il va être opéré en urgence. » C’est le pre­mier coup de massue.

Le diagnostic et la lutte contre la maladie

Nous sommes le jeu­di 13 octo­bre 2022. Théophile a été opéré pen­dant plus de 7 heures à crâne ouvert same­di. La tumeur n’a pas pu être enlevée en entier et on sait déjà qu’elle est maligne. Lui est encore dans le brouil­lard et en com­bat pour recou­vr­er ses fac­ultés neu­rologiques. Je vais à l’hôpital le voir et assis­ter au ren­dez-vous de résul­tat de la biop­sie avec mes par­ents. Trois neu­ro-onco­logues et une psy­cho­logue sont présentes. Elles expliquent à mes parents :

« Votre fils a un gliome de la ligne médi­ane. C’est une tumeur can­céreuse dont on ne guérit pas, l’objectif est de stop­per sa pro­gres­sion puis de la faire réduire. Nous aime­ri­ons que Théophile soit traité à l’Institut Gus­tave Roussy pour pou­voir béné­fici­er d’une nou­velle molécule en essai thérapeu­tique en com­plé­ment de la radiothérapie. »

Mon père demande s’il existe des patients qui retrou­vent une vie presque nor­male. Les médecins gar­dent le silence, un silence qui veut dire non. C’est le sec­ond coup de massue.

Alors Théophile s’accroche, il récupère la marche, la vi­vacité d’esprit, la bonne humeur et le sens de l’humour qui le car­ac­térisent. Il com­mence la radio­thérapie et l’essai thérapeu­tique de la molécule ONC201. Mais, très vite, on décou­vre une nou­velle lésion dans le cervelet, provo­quant des vom­isse­ments vio­lents. Son onco­logue est formel : « L’ONC201 a prou­vé son inef­fi­cac­ité sur la tumeur de Théophile. » Il n’y aura pas de mir­a­cle, il est con­damné. C’est encore un coup de mas­sue. Mais Théophile s’accroche encore, il a beau avoir per­du 15 kg à force de vom­ir, il reprend assez de forces pour pou­voir recom­mencer une phase de radio­thérapie qui lui accorde un dernier sur­sis de quelques mois.

La découverte de Siel Bleu et du sport adapté

C’est ici qu’arrive l’association Siel Bleu (Sports Ini­tia­tive Et Loisirs Bleu). Cette asso­ci­a­tion, créée par des STAP­Siens – c’est-à-dire des étu­di­ants en licence STAPS, la for­ma­tion uni­ver­si­taire en sport et sci­ences du sport – cherche à amélior­er le bien-être et la san­té de per­son­nes de tous âges, notam­ment grâce au sport adap­té. L’association pro­pose par exem­ple des cours de sport adap­té auprès de per­son­nes âgées ou en sit­u­a­tion de hand­i­cap. Ils et elles enca­drent égale­ment des séances d’échauffement sur les chantiers, ce qui per­met de réduire de 80 % le risque d’accident pro­fes­sion­nel. Depuis quelques années, l’association pro­pose des séjours « hors du temps » pour des jeunes atteints d’une mal­adie incur­able, au bord de la mer.

Début févri­er, à la suite d’un désis­te­ment, il est pro­posé à Théophile de par­ticiper au séjour d’hiver. Ce voy­age a tout pour lui plaire ; lui qui était en STAPS, il adore le sport et ani­me des colonies de vacances. Quand il me pro­pose de l’accompagner, je n’hésite pas un seul instant. Quelques jours seule­ment plus tard, c’est le départ.

Un séjour plein de joie

Cette semaine sera la plus belle de ma vie, j’en suis cer­tain. Bataille de farine en pré­parant des piz­zas, sport adap­té le matin, activ­ités artis­tiques l’après-midi, jeux de société qui s’enchaînent aus­si vite que Théophile dégaine des vannes, tout cela fait oubli­er ce que vivent ces cinq jeunes adultes atteints de mal­adies insen­sées. On rigole, on prof­ite et on fait même la fête. Le dernier jour, tout le monde fond en larmes en faisant ses adieux. On emporte avec nous des mots doux, du jus de pomme et un bracelet qui sym­bol­ise les liens intem­porels tis­sés pen­dant cette expéri­ence inde­scriptible que nous avons partagée. Nous en sommes cer­tains, les ami­tiés que nous avons tis­sées seront éter­nelles, et même mes par­ents, mon autre frère et ma sœur – qui n’ont pas par­ticipé au séjour – noueront par la suite des liens forts avec les encadrantes.

Finale­ment, j’ai partagé telle­ment avec mon Théophile pen­dant ce séjour que j’ai l’impression de l’avoir décou­vert plus en pro­fondeur. Ces sou­venirs ont une valeur ines­timable, pour lui, pour moi, mais aus­si pour les autres par­tic­i­pants du séjour. Car, si Théophile était très entouré par ses amis, pour cer­tains autres malades du séjour c’était la pre­mière fois depuis des mois qu’ils prof­i­taient de moments avec des jeunes de leur âge.

Les derniers mois de Théophile

Quelques semaines après le séjour, la mal­adie recom­mence à pro­gress­er. Théophile garde sa comba­ti­vité et son pos­i­tivisme, mais les con­séquences neu­rologiques s’accumulent pro­gres­sive­ment. Il perd suc­ces­sive­ment la vue, l’équilibre, la parole et enfin l’éveil. Après ces quelques mois sup­plé­men­taires de com­bat, il est décédé le 12 juin 2023. Il emportera avec lui ces sou­venirs inou­bli­ables forgés en sport adap­té, à la plage, sur un poney ou sim­ple­ment au salon du gîte autour d’un jeu ou d’une veil­lée. La médecine aura accordé à Théophile quelques mois de vie en plus, mais c’est bien Siel Bleu qui aura trans­for­mé l’une de ces semaines en merveille. 


Siel Bleu

Si vous souhaitez con­tribuer ou apporter une aide finan­cière à l’association en général ou spé­ci­fique­ment sur les séjours « hors du temps », vous trou­verez toutes les infor­ma­tions néces­saires sur le site https://www.sielbleu.org

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