ABDUL BARAKAT

La bioingénierie, la biologie et la santé à l’X

Dossier : ExpressionsMagazine N°714 Avril 2016
Par Patrick Le QUÉRÉ (74)

Un tour d’hori­zon de trois labos de l’École : 

• Traiter les mal­adies car­dio­vas­cu­laires avec Abdul Barakat, directeur de recherche au LadHyX. 
• Com­pren­dre la dynamique de la cel­lule avec Cédric Bouzigues (99) chercheur au LOB 
• Diag­nos­ti­quer le can­cer grâce à la lumière avec Ange­lo Pierange­lo, ingénieur de recherche au LPICM

Le cen­tre de recherche de l’École poly­tech­nique rassem­ble 1 600 per­son­nes dans 22 lab­o­ra­toires, dont 21 unités mixtes de recherche avec le CNRS. Il allie l’approfondissement des aspects les plus fon­da­men­taux au développe­ment de domaines plus appliqués qui répon­dront aux enjeux sci­en­tifiques, tech­nologiques et socié­taux de notre siècle.

“ Promouvoir les applications médicales des programmes de recherche ”

Huit thé­ma­tiques impliquent des pro­jets trans­vers­es et mul­ti­dis­ci­plinaires, aux­quels sont asso­ciés les lab­o­ra­toires de l’X : Nanosciences, matéri­aux inno­vants et procédés effi­caces ; Éner­gies, trans­ports et envi­ron­nement ; Bio­ingénierie, biolo­gie et san­té ; Matière et lumière en con­di­tions extrêmes ; Struc­tures et lois uni­verselles ; Con­cepts et méth­odes pour la société numérique ; Mod­éli­sa­tion et opti­mi­sa­tion des sys­tèmes com­plex­es ; Marchés, inno­va­tion et rela­tions entre sci­ence et société.

Chaque « Jeu­di de la recherche » de l’X explore une de ces thématiques.

Un positionnement interdisciplinaire

Au car­refour entre math­é­ma­tiques, physique, mécanique, infor­ma­tique, chimie et biolo­gie, de nom­breux lab­o­ra­toires de l’X trans­posent les con­cepts et méth­odes de leurs dis­ci­plines pour observ­er la dynamique des proces­sus biologiques, les mod­élis­er et les simuler et ain­si amélior­er leur compréhension.

Ils conçoivent de nou­veaux bio­matéri­aux, des diag­nos­tics per­son­nal­isés plus per­ti­nents, ou pro­posent de nou­veaux procédés d’intervention. Ce posi­tion­nement résol­u­ment inter­dis­ci­plinaire s’incarne dans le pro­gramme X‑BIO, visant une aug­men­ta­tion sig­ni­fica­tive de la recherche dans ces domaines.

Dans cette logique, l’École est dev­enue parte­naire avec l’Assistance publique — Hôpi­taux de Paris (AP-HP) afin de pro­mou­voir les appli­ca­tions médi­cales de ses pro­grammes de recherche et de ren­forcer la col­lab­o­ra­tion sci­en­tifique avec les prati­ciens hospitaliers.

Traiter les maladies cardiovasculaires

Abdul Barakat, directeur de recherche au Lad­HyX, pro­fesseur à l’X, tra­vaille sur un pro­gramme de stents intel­li­gents. Il explique : « Petits ressorts métalliques, les stents ser­vent à rétablir la cir­cu­la­tion san­guine dans une artère encom­brée. Le stent intel­li­gent, dévelop­pé par l’équipe du Lad­HyX et sa spin-off, Instent, per­met de con­trôler l’état de l’artère pour détecter les com­pli­ca­tions, comme la resténose ou la thrombose.

« Véri­ta­ble tech­nolo­gie de rup­ture, ce stent intel­li­gent est égale­ment un stent con­nec­té, don­nant au médecin une con­nais­sance en temps réel de l’état de cica­tri­sa­tion de l’artère. Le prati­cien peut alors éval­uer les risques de throm­bose et anticiper d’éventuelles com­pli­ca­tions en ajus­tant le traitement.

Les tests in vivo réal­isés en 2015 ont démon­tré le suc­cès de cette tech­nolo­gie pour laque­lle l’équipe de recherche tra­vaille en étroite col­lab­o­ra­tion avec l’Hôpital européen Georges-Pompidou.

« Le sys­tème com­plet est en cours de mise au point, pour lancer les études clin­iques en 2018 en vue d’une mise sur le marché vers la fin 2019. »

Comprendre la dynamique de la cellule

Cédric Bouzigues (99) est chercheur au LOB et maître de con­férences à l’X.

CÉDRIC BOUZIGUES (99)Il présente une nou­velle méthode d’imagerie. « L’eau oxygénée (H2O2) est un élé­ment courant du fonc­tion­nement de la cel­lule, con­nue pour ses pro­priétés bac­té­ri­cides et pour son impli­ca­tion dans la réponse cel­lu­laire au stress. Elle est aus­si impliquée dans la réac­tion cel­lu­laire induite par des lésions vas­cu­laires, la pro­gres­sion de tumeurs can­céreuses ou de patholo­gies neurodégénératives.

Les méth­odes actuelles d’imagerie per­me­t­tent d’indiquer sa présence dans une cel­lule mais ni sa quan­tité, ni sa local­i­sa­tion, ni son évo­lu­tion dans la cellule.

« Des nanopar­tic­ules lumi­nes­centes ont été mis­es au point pour éla­bor­er une nou­velle méthode d’imagerie : leur degré d’oxydation est directe­ment lié à la con­cen­tra­tion en eau oxygénée de leur envi­ron­nement. Une fois ces par­tic­ules injec­tées, la zone étudiée est éclairée par un laser bleu qui fait ressor­tir leur lumi­nes­cence, per­me­t­tant de col­lecter des infor­ma­tions d’une grande précision.

On peut ain­si car­togra­phi­er et mesur­er en temps réel la pro­duc­tion d’eau oxygénée dans une cel­lule en réponse à un stim­u­lus extérieur.

« Cette méthode d’imagerie per­met de dis­sé­quer les mécan­ismes de for­ma­tion de la réponse cel­lu­laire à cer­tains sig­naux : elle a notam­ment révélé la réponse à un fac­teur de crois­sance, le PDGF, impliqué dans la pro­gres­sion de cer­taines tumeurs.

Une trans­po­si­tion in vivo doit per­me­t­tre à terme de réalis­er des diag­nos­tics pré­cis et de pre­scrire des traite­ments per­son­nal­isés et adap­tés à chaque patient.

Il sera aus­si pos­si­ble de con­trôler quan­ti­ta­tive­ment l’impact de ces traite­ments et de les ajuster de manière très fine, dans le but de dévelop­per des straté­gies de con­trôle plus efficaces. »

Diagnostiquer le cancer grâce à la lumière

Ange­lo Pierange­lo est ingénieur de recherche au LPICM. Il tra­vaille sur le diag­nos­tic pré­coce des can­cers grâce à la lumière polarisée.

ANGELO PIERANGELO« La détec­tion pré­coce d’une lésion can­céreuse et l’ablation chirur­gi­cale com­plète des par­ties pathologiques sont deux points cru­ci­aux pour amélior­er con­sid­érable­ment les chances de guéri­son d’un patient.

Cepen­dant, le diag­nos­tic d’un can­cer en phase ini­tiale reste très dif­fi­cile car lié à une prise aléa­toire de biop­sies alors que les par­ties pathologiques sont dif­fi­cile­ment iden­ti­fi­ables à ce stade de la mal­adie. La biop­sie con­siste à prélever un échan­til­lon de tis­su à l’endroit sup­posé de la lésion : cela implique une con­nais­sance préal­able de sa local­i­sa­tion, ce qui n’est pas tou­jours évident.

Les médecins sont par­fois con­traints de réalis­er un grand nom­bre de prélève­ments, ce qui aug­mente le coût de l’examen ain­si que les délais de traitement.

“ La polarisation de la lumière peut être utilisée pour la détection précoce des lésions cancéreuses ”

« L’imagerie polarimétrique per­met d’obtenir des con­trastes liés à la manière dont le tis­su exploré mod­i­fie la polar­i­sa­tion de la lumière inci­dente. On illu­mine la zone d’intérêt avec une lumière dans un état de polar­i­sa­tion déter­miné, puis on analyse l’état de polar­i­sa­tion de la lumière rétrod­if­fusée par l’échantillon.

Dès ses phas­es ini­tiales, une lésion can­céreuse mod­i­fie les pro­priétés optiques micro­scopiques d’un tis­su en déter­mi­nant un change­ment de sa réponse polarimétrique à une échelle macroscopique.

La polar­i­sa­tion de la lumière peut donc être util­isée pour la détec­tion pré­coce des lésions can­céreuses situées à la sur­face des organes et non vis­i­bles aux tech­niques d’imagerie conventionnelles.

« L’équipe développe actuelle­ment des imageurs polarimétriques de Mueller pour amélior­er la prise en charge des can­cers épithéli­aux, qui représen­tent 80 à 90 % des can­cers, notam­ment (avec trois hôpi­taux parisiens) le car­ci­nome du col utérin, deux­ième can­cer chez la femme. Les pre­miers résul­tats sont très encourageants.

« Une autre étude est en cours sur l’utilisation de cette imagerie pour la détec­tion du can­cer résidu­el après traite­ment des can­cers du col utérin. Un pre­mier pro­to­type de col­po­scope polarimétrique de Mueller est en phase de réal­i­sa­tion pour l’exploration du col utérin in vivo. Sur ce sujet, la start-up ADM­po­lar est en cours de lance­ment (courant 2016).

« Ces études ouvrent la voie à l’exploration d’autres can­cers épithéli­aux dans plusieurs domaines médi­caux (gas­troen­térolo­gie, pneu­molo­gie, urologie). »

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