SFIL : une carrière, des défis et du sens !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°777 Septembre 2022
Par Nathalie DERUE (X80)

Pour Natha­lie Derue (X80), Direc­trice des risques et membre du Comi­té Exé­cu­tif chez SFIL, tra­vailler dans une banque publique de déve­lop­pe­ment au ser­vice des ter­ri­toires et des expor­ta­tions est por­teur de sens. Cela per­met aus­si d’appréhender les enjeux de demain pour pré­pa­rer l’avenir des géné­ra­tions futures au sein d’une banque créa­tive, inno­vante et enga­gée. Rencontre.

Vous avez évolué dans le monde de la finance, au sein de plusieurs organismes et entreprises avant de rejoindre SFIL. Quels sont selon vous les moments forts de votre carrière ?

Ma car­rière a été ponc­tuée par trois temps forts.La pre­mière étape mar­quante a été mon expa­tria­tion. J’ai tra­vaillé pen­dant cinq ans à Londres, puis quatre ans à Sin­ga­pour dans le domaine des finan­ce­ments de pro­jets à la Banque Indo­suez, aujourd’hui CA CIB. 

Mon séjour à Sin­ga­pour a été une étape pas­sion­nante d’abord sur le plan per­son­nel puisque j’ai pu visi­ter une par­tie de l’Asie, être confron­tée à des cultures dif­fé­rentes et à de nou­veaux modes de vie, mais aus­si sur le plan pro­fes­sion­nel puisque j’ai pris mes nou­velles fonc­tions pré­ci­sé­ment au début de la crise asia­tique de 1997.

Dès mon arri­vée à Sin­ga­pour, j’ai tra­vaillé sur la restruc­tu­ra­tion de deux cen­trales élec­triques en Indo­né­sie et deux pro­jets de télé­com­mu­ni­ca­tions en Thaï­lande. Le mon­tant de chaque pro­jet était de plu­sieurs mil­liards de USD. Mon rôle était de défendre la posi­tion de la Banque Indo­suez dans des stee­ring com­mit­tees qui com­por­taient une cin­quan­taine d’intervenants de natio­na­li­tés diverses, repré­sen­tant des banques ou des four­nis­seurs, qui avaient des inté­rêts par­fois diver­gents dans la restructuration.

Et pour la deuxième moi­tié de mon séjour à Sin­ga­pour, alors que la crise com­men­çait à s’estomper et que de nou­veaux pro­jets voyaient le jour, j’ai pilo­té, pour le compte de la Banque Indo­suez, un groupe de cinq banques qui sou­mis­sion­naient en tant que lead-arran­ger pour le finan­ce­ment d’une cen­trale élec­trique de cogé­né­ra­tion en construc­tion à Sin­ga­pour. Il s’agissait du pre­mier finan­ce­ment en Asie d’une cen­trale mar­chande, c’est-à-dire d’un pro­jet où les prix de l’électricité n’étaient pas garan­tis, ce qui fai­sait que la struc­tu­ra­tion et le par­tage des risques du pro­jet étaient d’autant plus impor­tants. J’ai éprou­vé une grande fier­té puisque ce groupe a été man­da­té pour le finan­ce­ment. Ces quatre années à Sin­ga­pour ont donc été extrê­me­ment intenses, à tous les niveaux !

En 2002, je suis reve­nue en France pour rejoindre Dexia, tou­jours dans le domaine du finan­ce­ment de pro­jets. J’ai d’abord été secré­taire géné­rale du dépar­te­ment finan­ce­ments de pro­jet et j’ai créé et enca­dré une équipe de juniors dont le rôle était de modé­li­ser les flux finan­ciers géné­rés par les pro­jets. J’ai ensuite été nom­mée direc­trice adjointe du même dépar­te­ment. Après le sau­ve­tage de Dexia par les États fran­çais, belge et luxem­bour­geois en 2009, j’ai chan­gé de métier et ai rejoint la direc­tion des risques. La mise en run-off de Dexia en 2011 consé­cu­tive à la crise des sou­ve­rains m’a beau­coup mar­quée mais m’a aus­si beau­coup appris. 

Et la troi­sième étape mar­quante dans ma car­rière a été la créa­tion de SFIL en 2013. En tant que Direc­trice des risques et membre du Comi­té Exé­cu­tif, j’ai été ame­née à décou­vrir le fonc­tion­ne­ment d’un Comex et à y faire entendre mon point de vue risques, mais aus­si et sur­tout, à par­ti­ci­per à la créa­tion d’une banque publique de déve­lop­pe­ment assu­rant deux mis­sions de ser­vice public : le finan­ce­ment des col­lec­ti­vi­tés locales et des hôpi­taux publics d’une part, et le refi­nan­ce­ment des cré­dits exports pour amé­lio­rer la com­pé­ti­ti­vi­té des offres des expor­ta­teurs français.

Pourriez-vous nous en dire plus sur vos missions actuelles chez SFIL ?

Ma mis­sion prin­ci­pale consiste à véri­fier que le pro­fil de risque de SFIL reste très faible et à pro­po­ser des mesures pour le main­te­nir à ce niveau. Ceci est indis­pen­sable pour que SFIL puisse conti­nuer à béné­fi­cier de coûts de refi­nan­ce­ment très faibles, ce qui per­met ensuite de pou­voir pro­po­ser des condi­tions de finan­ce­ment attrac­tives à nos emprun­teurs. Cette mis­sion a quatre composantes :

  • une com­po­sante tech­nique néces­saire pour pilo­ter des équipes risques sur des sujets aus­si dif­fé­rents que le risque cré­dit qui implique aus­si le déve­lop­pe­ment de modèles per­met­tant de quan­ti­fier ce risque pour cha­cune de nos contre­par­ties, le risque de taux, le risque de liqui­di­té et le risque opérationnel ;
  • une com­po­sante mana­ge­ment pour une équipe de plus de 80 col­la­bo­ra­teurs et des enjeux de recru­te­ment et de pro­mo­tion des talents…
  • un rôle de coor­di­na­teur des dis­cus­sions avec le régulateur
  • un rôle d’interlocuteur pri­vi­lé­gié des membres du Conseil d’Administration pour tous les sujets risques.

Quels sont les principaux défis et challenges qui mobilisent votre direction aujourd’hui ?

Le monde des risques évo­lue for­te­ment depuis plu­sieurs années. Nous sommes super­vi­sés par la BCE dont les gui­de­lines évo­luent constam­ment et deviennent de plus en plus exi­geantes. Face à ces évo­lu­tions et compte tenu de notre objec­tif de maî­trise du ratio d’exploitation de la banque, nous devons être créa­tifs et inno­ver constamment. 

Nous avons par exemple déve­lop­pé en col­la­bo­ra­tion avec une start-up, un outil d’intelligence arti­fi­cielle qui nous per­met de concen­trer nos efforts d’analyse cré­dit sur les dos­siers les plus ris­qués. Nous sommes très fiers de cet outil qui s’est vu décer­ner le prix spé­cial du jury pour son carac­tère par­ti­cu­liè­re­ment inno­vant lors des Tro­phées Inno­va­tion Makers en 2020.

“Personnellement, j’ai retrouvé chez SFIL toutes les problématiques des banques de plus grande taille, ce qui m’a permis d’évoluer dans un environnement positif, innovant et challengeant tout en partageant les valeurs du service public.”

Le deuxième sujet est rela­tif aux enjeux cli­ma­tiques qui sont l’un des grands axes du plan stra­té­gique de SFIL, dont la rai­son d’être, en tant que banque publique de déve­lop­pe­ment, est de « finan­cer un ave­nir durable en sou­te­nant de manière pérenne et res­pon­sable le déve­lop­pe­ment des ter­ri­toires et l’activité inter­na­tio­nale des grandes entre­prises basées en France ». En ce qui concerne la direc­tion des risques, il s’agit d’évaluer les impacts des risques cli­ma­tiques et envi­ron­ne­men­taux sur nos por­te­feuilles, pour le risque de tran­si­tion mais aus­si pour le risque phy­sique. Face au manque de don­nées dis­po­nibles pour les col­lec­ti­vi­tés locales, SFIL a adap­té le modèle cli­mate adap­ta­tion (CLIMADA), déve­lop­pé par l’Institut Poly­tech­nique de Zurich, qui per­met de don­ner en fonc­tion de la posi­tion géo­gra­phique, le mon­tant de dom­mage que pour­raient subir les actifs situés dans une zone don­née, même de faible sur­face. Nous nous sommes aus­si appuyés sur un modèle déve­lop­pé par la NASA qui per­met en fonc­tion de l’intensité lumi­neuse cap­tée par ses satel­lites la nuit, de quan­ti­fier les actifs d’une zone géo­gra­phique quelle que soit sa sur­face. Ces modèles nous ont per­mis de déter­mi­ner pour la France métro­po­li­taine et les ter­ri­toires d’outre-mer des mon­tants de dom­mage poten­tiels et de les rap­por­ter à l’épargne brute déga­gée par ces col­lec­ti­vi­tés locales en fai­sant res­sor­tir les impacts potentiels.

Bien que le secteur de la finance commence à se féminiser, il reste encore des efforts à déployer. Quel regard portez-vous sur cela ? 

Il est vrai que sous l’effet de la régle­men­ta­tion et du déve­lop­pe­ment des nota­tions extra-finan­cières les choses bougent. Néan­moins, je pense que plu­sieurs métiers dont l’IT, l’IA et pour reve­nir aux métiers risques, les métiers d’analyste quan­ti­ta­tif (« quant ») ou la ges­tion de bilan… peinent encore à atti­rer les femmes. 

Il me semble que cette pro­blé­ma­tique est aus­si liée au fait que les jeunes filles res­tent peu atti­rées par les pré­pas scien­ti­fiques et les études d’ingénieurs. Quand j’étais en Pré­pa, nous n’étions que 10 % de femmes. Le pour­cen­tage a certes aug­men­té mais n’est tou­jours que de 30 %…

Et qu’en est-il concrètement chez SFIL ?

Chez SFIL, il y a une vraie volon­té d’agir et de consti­tuer des viviers de femmes de façon à accom­pa­gner leur évo­lu­tion vers des postes seniors via des pro­grammes de for­ma­tion spécifique.

Nous ambi­tion­nons aus­si d’avoir deux tiers de femmes dans les mou­ve­ments d’effectifs concer­nant les enca­drants (recru­te­ments externes, pro­mo­tions ou mobi­li­tés) et avons comme objec­tif pour tous les postes ouverts d’avoir en short­list une femme et un homme. Nous avons aus­si en cible d’avoir un comi­té exé­cu­tif com­po­sé à 40 % de femmes (contre 30 % actuellement).

Nous sui­vons d’ailleurs notre index d’égalité hommes femmes (93÷100) et avons défi­ni un plan de suc­ces­sion 100 % fémi­nin pour les postes seniors.

Nous allons à la ren­contre des jeunes filles, dans les écoles, pour faire connaître nos métiers, leur don­ner envie de nous rejoindre et les recruter.

En paral­lèle, je pré­side l’association « Avec L » qui œuvre depuis cinq ans à pro­mou­voir la mixi­té chez SFIL au tra­vers d’actions concrètes telles que la mise en place d’ateliers inter­ac­tifs pour la décons­truc­tion des sté­réo­types de genre, l’organisation de ren­contres avec des femmes ins­pi­rantes, et le déve­lop­pe­ment, en coor­di­na­tion avec la RH, du men­to­rat. Nous sommes aus­si en train de mettre en place un par­te­na­riat pour sou­te­nir l’association Force Femmes, qui aide les femmes ayant arrê­té de tra­vailler pen­dant quelques années, à réin­té­grer le mar­ché du travail. 

Quels conseils donneriez-vous aux femmes dans ce contexte ?

Aux lycéennes qui s’interrogent sur leur orien­ta­tion, je conseille­rais de ne pas se lais­ser influen­cer par des normes sociales encore très fortes, selon les­quelles des métiers seraient plus mas­cu­lins que fémi­nins. À toutes les autres, je sou­hai­te­rais dire que tra­vailler dans une banque publique de déve­lop­pe­ment leur per­met­trait de mettre leurs com­pé­tences tech­niques et leurs soft skills au ser­vice de l’intérêt com­mun et de prendre part aux enjeux de demain pour pré­pa­rer l’avenir des géné­ra­tions futures. Chez SFIL, elles béné­fi­cie­ront d’un cadre bien­veillant qui leur don­ne­ra les moyens d’évoluer !

Per­son­nel­le­ment, j’ai retrou­vé chez SFIL toutes les pro­blé­ma­tiques des banques de plus grande taille, ce qui m’a per­mis d’évoluer dans un envi­ron­ne­ment posi­tif, inno­vant et chal­len­geant tout en par­ta­geant les valeurs du ser­vice public.

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