RISK Artificial Intelligence Research de BNP Paribas

Les data et l’intelligence artificielle au service de la détection des risques

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°770 Décembre 2021
Par Léa DELERIS (96)

Léa Deleris (96), head of RISK Arti­fi­cial Intel­li­gence Research de BNP Paribas nous fait décou­vrir le périmètre de sa divi­sion, ses chal­lenges au quo­ti­di­en, sa vision du monde de demain et les per­spec­tives qui s’offrent aux jeunes dans le monde des data et de l’intelligence artificielle.

Quelles sont les étapes les plus marquantes de votre parcours professionnel ? 

Après Poly­tech­nique, j’ai fait l’école des Ponts avant de rejoin­dre Stan­ford Uni­ver­si­ty pour un mas­ter. C’est d’ailleurs là que j’ai décou­vert le monde de la recherche et que j’ai décidé de rester aux États-Unis pour y faire ma thèse en ges­tion des risques d’ingénierie.

Après ma thèse, je me suis ori­en­tée vers le monde de la recherche privée, dans les lab­o­ra­toires d’IBM, au Wat­son Research Cen­ter près de New York. En 2010, je suis ensuite par­tie en Irlande pour par­ticiper à la créa­tion d’un lab­o­ra­toire IBM à Dublin. Cette expéri­ence m’a per­mis de décou­vrir de nou­velles thé­ma­tiques, mais aus­si d’avoir des respon­s­abil­ités man­agéri­ales plus importantes.

En 2018, j’ai décidé de revenir vivre en France et là, j’ai rejoint BNP Paribas dans la fonc­tion RISK où j’ai été amenée à mon­ter une équipe d’intelligence arti­fi­cielle. Trois ans après, l’équipe a atteint son rythme de croisière, elle est établie, elle fonc­tionne et plusieurs pro­jets sont déjà en pro­duc­tion avec de nom­breux autres sur le chemin de l’industrialisation.

Vous êtes à la tête de la division RISK Artificial Intelligence Research de BNP Paribas. En quoi consiste justement votre métier et quel est le périmètre de cette division ?

Notre divi­sion a plusieurs man­dats et un périmètre large.

La pre­mière mis­sion con­siste à faire du con­sult­ing interne dans le développe­ment des mod­èles d’intelligence arti­fi­cielle pour la ges­tion des risques, et par­fois au-delà. Con­crète­ment, nous inter­venons sur toute la par­tie détec­tion des événe­ments rares notam­ment les fraudes, les erreurs, les prob­lèmes de fuites de don­nées. Nous util­isons les forces du machine learn­ing pour con­cevoir des mod­èles qui détectent mieux (moins de faux posi­tifs) et plus tôt ce genre d’événements. Nous util­isons aus­si les don­nées sous for­mat texte, notam­ment pour anticiper les risques, com­pren­dre com­ment l’environnement des risques évolue, ou com­ment cer­tains clients se posi­tion­nent de manière plus qual­i­ta­tive. L’utilisation du Nat­ur­al Lan­guage Pro­cess­ing (NLP) nous per­met de le faire à plus grande échelle, sur un porte­feuille clients plus large et de manière plus fréquente. 

La deux­ième mis­sion con­siste à tra­vailler plus sur des sujets trans­vers­es. Notre équipe compte aujourd’hui 20 per­son­nes mais nous avons égale­ment au sein de BNP Paribas plus de 300 data sci­en­tists, et plus de 1 000 per­son­nes qui tra­vail­lent dans les métiers liés à l’intelligence arti­fi­cielle. C’est un sujet qui prend de plus en plus d’ampleur et qu’il faut savoir encadr­er pour faire de l’IA de manière respon­s­able, notam­ment en définis­sant com­ment les mod­èles doivent être validés, com­ment les expli­quer au mieux selon l’auditoire ciblé, et com­ment iden­ti­fi­er les sit­u­a­tions dans lesquelles les prob­lèmes d’amplification des biais sont prob­a­bles tout en pro­posant des pistes pour les adresser. 

C’est un tra­vail qui est mené en col­lab­o­ra­tion avec le Group Data Office de BNP Paribas, en charge de la data. Nous appor­tons plus par­ti­c­ulière­ment un point de vue d’expert (prati­cien et chercheur). Cela nous a per­mis de déploy­er dés 2019 des guide­lines au niveau du groupe sur le développe­ment de mod­èles d’intelligence arti­fi­cielle. Nous menons de nom­breuses ses­sions de sen­si­bil­i­sa­tion sur ces sujets, en interne naturelle­ment mais aus­si en externe. J’ai récem­ment eu l’occasion de dis­cuter du sujet « IA, Data et algo­rithmes : quelle réal­ité face aux enjeux d’éthique et d’égalité ? » lors d’un échange dans le cadre d’Xploration BivwAk ! (https://bivwak.bnpparibas/fr/podcasts) avec Paul Duan, cofon­da­teur et prési­dent de Bayes Impact. 

Les data et l’intelligence artificielle révolutionnent le monde. Selon vous comment sera le monde de demain ? Quels seront les défis à relever ?

Le monde de demain sera sans nul doute plus con­nec­té et plus numérique mais aus­si plus fru­gal et plus local. En effet, la crise san­i­taire nous a poussés à réfléchir sur nos façons de tra­vailler, de nous déplac­er et de com­mu­ni­quer et d’interagir ensem­ble. La toute récente COP 26 a souligné l’ampleur de la prise de con­science de la société par rap­port aux chal­lenges cli­ma­tiques. Au niveau de l’économie, entre­pris­es et con­som­ma­teurs vont évoluer vers plus de respon­s­abil­ité envers la planète, avec un mode de con­som­ma­tion dif­férent, et des acteurs qui vont revoir leurs pro­duits, la qual­ité de ce qu’ils offrent, la fréquence mais aus­si les chaînes d’approvisionnement. Donc d’ici 2030, la grande ques­tion est de savoir si cette tran­si­tion va s’opérer dans la douleur et de manière désor­don­née ou bien de con­cert de manière à lim­iter les impacts soci­aux de ces changements.

Pour accom­pa­g­n­er cette vague d’évolutions, le rôle de l’information, du numérique et de l’intelligence arti­fi­cielle va être majeur. Nous aurons de moins en moins la capac­ité de tout-avoir et pour pou­voir faire face à des choix dif­fi­ciles, il nous fau­dra mieux com­pren­dre et mieux mod­élis­er leurs con­séquences. En revanche, l’intelligence arti­fi­cielle et les don­nées néces­si­tent des serveurs et une infra­struc­ture sous-jacente qui con­som­ment beau­coup d’énergie et qui con­stituent une source de gaz à effet de serre non nég­lige­able. Un des chal­lenges majeurs sera d’utiliser l’information pour être plus effi­cace dans la façon dont on utilise ces don­nées et qu’on en réduise l’impact.

D’un point de vue plus personnel, quels sont vos challenges au quotidien au sein de votre direction ?

Le grand chal­lenge pour un man­ag­er est de savoir pilot­er son équipe, tout en gérant la dual­ité importance/urgence, qui s’est exac­er­bée dans le con­texte de crise san­i­taire, où il fal­lait être dynamique, réac­t­if, tout en ayant le recul néces­saire pour réfléchir.

Quel message adresseriez-vous aux jeunes diplômés qui voudraient s’orienter vers vos métiers ?

Je pense qu’il est impor­tant de savoir com­pren­dre l’information et manip­uler la don­née, com­pren­dre les mod­èles et les tech­nolo­gies, avoir des con­nais­sances en pro­gram­ma­tion. Mais il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. Il est pri­mor­dial égale­ment de com­pren­dre le méti­er, de s’intéresser à la réal­ité sans nég­liger la par­tie humaine, la créa­tiv­ité et la curiosité. La tech­nolo­gie est un domaine qui joue un rôle essen­tiel dans notre société et influ­ence notre avenir, on se doit donc de bien faire le lien entre l’abstraction des mod­èles et la réal­ité dans laque­lle ils sont util­isés. Ce n’est pas vrai­ment nou­veau. Dans l’avenir, cela restera per­ti­nent et per­me­t­tra d’offrir des oppor­tu­nités mul­ti­ples à celles et ceux qui s’y attèlent ! 

Pour con­clure, je voudrais soulign­er une com­pé­tence de base de nos vies pro­fes­sion­nelles et per­son­nelles qui est sou­vent oubliée au prof­it de la capac­ité à prédire : notre capac­ité à savoir pren­dre des déci­sions. Dans un monde de plus en plus con­traint, à l’inverse de la sec­onde par­tie du XXe siè­cle, il fau­dra être capa­ble de choisir. Nous le faisons de manière instinc­tive mais il est utile de réfléchir de manière struc­turée à la prise de déci­sion. Notam­ment, il faut com­pren­dre que la déci­sion, au-delà de la com­préhen­sion des scé­nar­ios pos­si­bles et de leurs vraisem­blances, s’appuie aus­si sur ce que l’on appelle dans le monde académique les préférences. 

Ces préférences déter­mi­nent les com­pro­mis que nous sommes prêts à faire entre les alter­na­tives aux­quelles nous faisons face : que ce soit des com­pro­mis entre des dimen­sions divers­es (comme qual­ité, coût et disponi­bil­ité), entre l’immédiat et le dif­féré ou entre la cer­ti­tude et le risque. Les préférences représen­tent nos valeurs indi­vidu­elles et peu­vent donc dif­fi­cile­ment venir de don­nées externes et de mod­èles. C’est donc à nous de les con­naître et de les construire.


En bref

BNP Paribas est présent dans 68 pays avec plus de 193 000 col­lab­o­ra­teurs dont près de 148 000 en Europe. Le Groupe accom­pa­gne tous ses clients – par­ti­c­uliers, asso­ci­a­tions, entre­pre­neurs, PME-ETI, grandes entre­pris­es et insti­tu­tion­nels – dans la réus­site de leurs pro­jets grâce à ses solu­tions de finance­ment, d’investissement, d’épargne et de protection.

BNP Paribas occupe des posi­tions clés dans ses trois pôles opérationnels :

  • Retail Bank­ing fédère les réseaux des ban­ques de détail du Groupe et plusieurs métiers spécialisés
  • Invest­ment & Pro­tec­tion Ser­vices regroupe des métiers spé­cial­isés offrant un large éven­tail de solu­tions d’épargne, d’investissement et de protection
  • Cor­po­rate & Insti­tu­tion­al Bank­ing pro­pose des solu­tions finan­cières sur mesure pour les clien­tèles entre­pris­es et institutionnels

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