Safran Data Systems

Safran Data Systems, Aéronautique, défense et spatial : des enjeux et des opportunités

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°759 Novembre 2020
Par Jean-Marie BETERMIER (81)

Il n’y a jamais eu un tel foi­son­ne­ment d’idées et de pro­jets que récem­ment dans les domaines de l’aviation, de la défense et du spa­tial. Le point avec Jean-Marie Béter­mier, Pré­sident de Safran Data Sys­tems, une filiale de Safran. Il ana­lyse pour nous la situa­tion actuelle et revient sur l’impact de la crise sur ces dif­fé­rents secteurs.

Safran Data Systems est une filiale de Safran. Pouvez-vous nous rappeler son positionnement et ses métiers ? 

Safran Data Sys­tems pro­ve­nant his­to­ri­que­ment du groupe Zodiac Aeros­pace, a été rache­té par Safran en 2018. Safran,
3e équi­pe­men­tier mon­dial dans le domaine de l’aéronautique, de l’espace et de la défense, est coté au CAC40 et réa­li­sait en 2019 un chiffre d’affaires de plus de
24 mil­liards d’euros.

Plus par­ti­cu­liè­re­ment, Safran Data Sys­tems opère dans deux domaines d’excellence :

  • L’instrumentation et les moyens de tests uti­li­sés par les avion­neurs, les mis­si­liers, les fabri­cants de drones, de lan­ceurs spa­tiaux… Nous col­la­bo­rons ain­si avec les lea­ders de ces sec­teurs dans la conduite de leurs essais en vol : Air­bus, Boeing, Das­sault Avia­tion, MBDA, Ariane Group, ain­si que tous les grands inté­gra­teurs mon­diaux. Nous met­tons à leur dis­po­si­tion les outils et moyens de mesures pour les essais en vol ain­si que les équi­pe­ments au sol des­ti­nés aux centres d’essais pour la vali­da­tion et la cer­ti­fi­ca­tion des projets ;
  • Les équi­pe­ments au sol uti­li­sés par les salles de contrôle et de récep­tion pour l’exploitation des satel­lites et de leurs charges utiles. 

Nous sommes lea­der mon­dial sur ces deux segments. 

Nous opé­rons ain­si dans des domaines et sur des métiers de haute tech­no­lo­gie et haute per­for­mance qui néces­sitent des inves­tis­se­ments signi­fi­ca­tifs. Notre acti­vi­té à l’export repré­sente plus de 70% de nos ventes.

L’industrie aéronautique et spatiale a connu de nombreuses évolutions au cours des dernières années. Quelles ont été les plus marquantes ? 

De par notre posi­tion­ne­ment, nous avons la chance d’être aux pre­mières loges pour obser­ver les évo­lu­tions et les déve­lop­pe­ments de nou­veaux pro­jets. Avant la pan­dé­mie, nous avons assis­té à une crois­sance très forte des besoins en avia­tion com­mer­ciale avec une course au volume entre les deux prin­ci­paux acteurs de ce mar­ché, Air­bus et Boeing, por­tée par la hausse des voyages pro­fes­sion­nels et loi­sirs. La crise de la Covid-19 et la situa­tion actuelle rebattent néan­moins les cartes dans ce sec­teur, alors que per­sonne ne peut réel­le­ment pré­dire la date du retour à des niveaux d’avant-crise. En paral­lèle, les men­ta­li­tés changent avec notam­ment le déploie­ment du télé­tra­vail et la digi­ta­li­sa­tion qui viennent se sub­sti­tuer aux voyages d’affaires, et la prise de conscience par­ta­gée de l’impact sur le bilan CO2.

« Le télétravail et la digitalisation viennent se substituer aux voyages d’affaires. »

D’autre part, dans le sec­teur aéro­spa­tial, nous avons assis­té à l’émergence du New Space et l’arrivée de nou­veaux acteurs et inves­tis­seurs comme Elon Musk ou Jeff Bezos qui lancent des pro­jets dis­rup­tifs comme un lan­ceur à des­ti­na­tion de Mars. Il y a actuel­le­ment près de 130 pro­jets de lan­ceurs, dont ceux d’Ariane 6 et Vega sur les­quels nous intervenons. 

À cela s’ajoutent des pro­jets de constel­la­tions de satel­lites comme le pro­jet O3B ou « Other 3 Bil­lion » qui est né en 2007 du constat que sur les 7 mil­liards d’humains sur Terre, 3 mil­liards n’avaient pas de connexion inter­net. L’idée est donc de leur don­ner accès à une connexion au tra­vers de cette infra­struc­ture spa­tiale. On peut citer plus récem­ment la constel­la­tion Star­link qui vise à terme 40 000 satel­lites ou encore One­Web qui pré­voit près d’un mil­lier de satel­lites. Ces pro­jets s’appuient sur des rup­tures tech­no­lo­giques tant pour les équi­pe­ments embar­qués que pour les équi­pe­ments au sol. C’est sur ce der­nier plan que nous inter­ve­nons essen­tiel­le­ment. Notre prin­ci­pal enjeu est donc de pou­voir accom­pa­gner ces évo­lu­tions et d’adapter nos technologies.

Qu’en est-il dans le monde de la défense ? 

C’est un sec­teur sur lequel nous sommes très mobi­li­sés. Les ten­sions res­tent très impor­tantes entre les états qui inves­tissent mas­si­ve­ment dans des pro­grammes mili­taires visant à créer les avions
de 4e et 5e géné­ra­tion. Contrai­re­ment à l’aviation com­mer­ciale, le sec­teur de la défense n’a pas accu­sé un réel ralen­tis­se­ment suite à la crise. à l’inverse, nous avons de nom­breux états qui uti­lisent leurs bud­gets de défense dans le cadre de leur plan de relance.

En paral­lèle émergent de nou­veaux enjeux de défense liés à l’espace et par­ti­cu­liè­re­ment à la sur­veillance de l’espace. En effet, il est aujourd’hui évident qu’un des défis futurs des nations sera d’être en capa­ci­té de pou­voir pro­té­ger leur acti­vi­té dans l’espace. Cela va de la pro­tec­tion de satel­lites d’observation mili­taire four­nis­sant les don­nées de ren­sei­gne­ment, à la sécu­ri­sa­tion des moyens de télé­com­mu­ni­ca­tions ou de navi­ga­tion au ser­vice des forces en opé­ra­tion extérieure.

« Un des défis futurs des nations sera d’être en capacité de pouvoir protéger leur activité dans l’espace. »

Cette sécu­ri­sa­tion des infra­struc­tures spa­tiales, qui font doré­na­vant par­tie des dis­po­si­tifs mili­taires, est une ten­dance de fond qui concerne tous les états. Cela s’est tra­duit en 2020 par la créa­tion du Uni­ted States Space Com­mand (USSPACECOM) aux États-Unis et du Com­man­de­ment de l’Espace (CDE) en France. On peut aus­si noter que l’Armée de l’Air vient d’être rebap­ti­sée l’Armée de l’Air et de l’Espace.

Lorsque j’ai démar­ré ma car­rière dans les années 80, l’espace, mal­gré la guerre froide, était un nou­veau domaine hos­tile et dif­fi­cile d’accès qui avait pous­sé les grandes nations à col­la­bo­rer et à dépas­ser les cli­vages et ten­sions géo­po­li­tiques. Aujourd’hui, l’espace est un volet impor­tant dans la stra­té­gie mili­taire et les états ont pris conscience de la néces­si­té de sécu­ri­ser leurs infra­struc­tures et leurs acti­vi­tés dans ce sec­teur. Dans ce cadre, Safran Data Sys­tems pro­pose le sys­tème WeTrack qui per­met de sur­veiller l’activité spa­tiale ain­si que les mou­ve­ments des satel­lites qui sur­volent nos ter­ri­toires et ceux de nos partenaires. 

L’arrivée de nouveaux acteurs internationaux et les évolutions du paysage aérospatial et aéronautique soulèvent de nouveaux enjeux pour la France et l’Europe. Qu’en est-il ? 

La France a tou­jours été un pays très dyna­mique dans ces domaines. Ain­si, sur le mar­ché tra­di­tion­nel des satel­lites de télé­com­mu­ni­ca­tions, en 2019, sur 15 pro­jets inter­na­tio­naux, les maîtres d’œuvre fran­çais en ont rem­por­té la très grande majorité.

“La France a toujours été un pays très dynamique dans ces domaines.
Ainsi, sur le marché traditionnel des satellites de télécommunications,
en 2019, sur 15 projets internationaux, les maîtres d’œuvre français en ont remporté la très grande majorité.”

Néan­moins, les États-Unis res­tent la nation qui inves­tit le plus dans la défense et le spa­tial. Vient ensuite la Chine. Si aujourd’hui, les pro­jets de constel­la­tions sont essen­tiel­le­ment nord-amé­ri­cains, il y a fort à parier que d’ici 2035 les plus larges constel­la­tions opé­rées dans l’espace seront chi­noises. D’autres pays, comme l’Inde et la Rus­sie, talonnent de près ces deux puis­sances. Face à cette com­pé­ti­tion, les acteurs euro­péens sen­si­bi­lisent la Com­mis­sion euro­péenne sur la néces­si­té d’avoir un pro­jet de constel­la­tion euro­péen. Ce sont aujourd’hui des sujets qui sont dis­cu­tés à la Com­mis­sion avec le com­mis­saire Thier­ry Bre­ton. Il est impor­tant que l’Europe se mette en ordre de marche sur ce sujet alors que les États-Unis et la Chine ont déjà une bonne lon­gueur d’avance.

Cette année reste marquée par la crise. Comment vous êtes-vous adaptés ?

Safran a été impac­té par la crise notam­ment sur son acti­vi­té des­ti­née à l’aviation com­mer­ciale qui connaît une baisse signi­fi­ca­tive. Notre filiale, qui opère prin­ci­pa­le­ment sur les domaines défense et espace a été moins tou­chée. En paral­lèle, le carac­tère séquen­tiel de la crise nous a per­mis à date de main­te­nir notre acti­vi­té : alors qu’il y avait un ralen­tis­se­ment début jan­vier 2020 avec le confi­ne­ment en Chine, les états-Unis étaient très actifs, puis quand l’Europe s’est confi­née, les com­mandes repre­naient en Asie. L’avenir court-terme de la reprise reste néan­moins peu clair. 

Poster un commentaire