« Prédire les risques pour anticiper au mieux »

Dossier : Health techMagazine N°773 Mars 2022
Par Stéphane RAGUSA (89)

Stéphane Ragusa (89), PDG de Predil­ife, nous racon­te la genèse de son entre­prise dont la voca­tion est de prédire le risque de can­cer. Il nous explique notam­ment sa démarche, le posi­tion­nement de cette entre­prise française et ses ambitions.

Pourquoi avez-vous créé Predilife ? 

J’ai créé cette société, car je ne voulais pas avoir de can­cer plus tard ! Enseignant les math­é­ma­tiques appliquées à la médecine et tra­vail­lant dans le cen­tre anti-can­céreux Gus­tave Roussy à Ville­juif, je voy­ais des malades dans le hall de l’hôpital. Je me demandais alors com­ment leur état avait pu autant se dégrad­er et s’il n’aurait pas été pos­si­ble de réa­gir plus tôt. C’est à par­tir de là qu’est née l’idée de Predil­ife : prédire les risques pour anticiper au mieux. 

Con­crète­ment, nous pro­posons des bilans pré­dic­tifs qui, à par­tir de quelques ques­tions, des analy­ses biologiques et un test géné­tique sali­vaire, per­me­t­tent de prédire les risques avec un pro­to­cole de préven­tion pro­posé par un médecin en visioconférence.

Comment arrive-t-on à prédire ce futur ? 

Nous com­parons un indi­vidu à ses voisins com­porte­men­taux grâce à l’accès à des bases de don­nées ayant suivi des mil­liers de per­son­nes sur de nom­breuses années. 

À par­tir de ces bases d’expériences, que l’on appelle des « cohort­es prospec­tives » enreg­is­trant le mode de vie, les médica­ments pris et col­lec­tant plus tard les patholo­gies déclarées, nous arrivons à prédire le devenir d’un nou­v­el indi­vidu de manière fiable avec des méth­odes d’intelligence artificielle.

Est-ce que la prédiction est juste ?

La pré­dic­tion de l’infarctus est bien con­nue. Aujourd’hui, cha­cun com­prend qu’avec le cholestérol, la ten­sion artérielle, l’âge et le tabac, nous sommes face à des paramètres qui per­me­t­tent de prédire le risque de cette mal­adie. En matière de can­cers, les fac­teurs de risque sont dif­férents. Mais dès lors que l’on intè­gre la géné­tique, le niveau de pré­dic­tion est le même. 

La part entre l’inné — la géné­tique — et l’acquis est vari­able selon les can­cers. Par exem­ple, pour le can­cer du poumon, le tabac compte beau­coup alors que la géné­tique peu. Pour le can­cer de la prostate, c’est l’inverse avec la géné­tique qui compte beau­coup. Toute­fois, nous arrivons à bien à prédire les risques pour ces deux pathologies. 

Quelles sont la valeur ajoutée et la pertinence de votre démarche ? 

L’enjeu est de : 

  • anticiper ou dimin­uer le risque comme on le pra­tique avec les traite­ments du cholestérol ; 
  • diag­nos­ti­quer plus tôt la mal­adie, c’est-à-dire tous les can­cers. 

Nous avons com­mencé avec le can­cer du sein, où une éval­u­a­tion de risque per­met aux femmes iden­ti­fiées à risque de com­mencer les mam­mo­gra­phies à 40 ans au lieu de 50 ans, par exemple. 

Détecter un can­cer au stade local per­met de l’enlever au plus vite, alors qu’une fois que les métas­tases sont là, la survie est en dan­ger. Iden­ti­fi­er plus tôt les can­cers est pos­si­ble pour tous les organes (poumon, colon, pan­créas…), encore faut-il savoir si on est à risque et réalis­er ensuite l’examen de radi­olo­gie appro­prié : mam­mo­gra­phie, échogra­phie, IRM.

Ne craignez-vous pas la concurrence de Google ?

Pas encore ! Nous avons eu accès à des bases de don­nées académiques, en France, en Europe et aux États-Unis qui sont très pro­tégées. J’ai pu avoir accès à ces bases lorsque j’étais maître de con­férences à l’université et cet accès a été main­tenu après la créa­tion de l’entreprise avec toutes les autori­sa­tions néces­saires, et bien évidem­ment les garanties d’anonymat. Nous avons plusieurs années d’avance sur Google et sommes les seuls à pro­pos­er ce ser­vice au plan mondial. 

Nous nous sommes intro­duits à la bourse de Paris pour financer notre développe­ment. Je suis con­va­in­cu que nous pou­vons con­stru­ire un acteur français d’envergue mon­di­ale de la médecine prédictive !

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